Voilà des semaines que le jour ne s'était plus levé, des semaines que Lena enquêtait pour trouver la cause de ce déferlement d'horreurs, la cause de la malédiction qui s'était abattue sur eux sans crier gare. Elle était épuisée d'être sollicitée par son entourage constamment. Et bien qu'elle voulait être là pour ses proches, elle avait le sentiment qu'il lui fallait se reposer, prendre des forces pour se préparer à affronter des forces mystérieuses. Voilà pourquoi elle s'était retirée depuis un certain temps, profitant de s'isoler pour refaire le plein d'ingrédients pour ses potions et de matériel pour ses ensorcellements. Alors qu'elle était en train de récolter des baies en essayant de ne pas se faire piquer par les ronces, elle fut interrompue. « Tu es bien difficile à trouver Lena. » La sorcière se relevait, surprise. Elle n'avait pas entendu que quelqu'un arrivait derrière elle et serrait les dents, rageant de ne pas avoir su anticiper cette rencontre. Cette voix était familière mais pas assez pour qu'elle puisse l'identifier avec seulement ces quelques mots. Sans se retourner elle répondait d'un air des plus calmes. « On dit que les personnes difficiles à trouver le sont justement parce qu'elles ne veulent pas être trouvées. » C'était plutôt évident mais puisque la femme qui venait de l'interrompre avait visiblement passé du temps à la chercher, elle s'était sentie obliger de le préciser. En se retournant et en faisant face à celle qui venait de la surprendre, Lena la reconnût sans mal en voyant son visage. Voilà des années qu'elles ne s'étaient pas vues et en réalité on ne pouvait pas dire qu'elles se connaissaient bien, Marley n'avait été qu'une cliente à l'époque. Mais la sorcière avait une excellente mémoire visuelle, assez pour la reconnaître du premier coup d'oeil. « Marley. Je suis ravie de te revoir. » « J'ai besoin de ton aide. » Comme tout le monde. Qu'elle eut envie de répondre. Voilà pourquoi elle se cachait de tous : elle avait aidé plusieurs de ses amies depuis le début de l'éclipse et désormais elle avait besoin de se concentrer sur ses propres objectifs. « Tu te doutes bien qu'avec le chaos qui règne en ce moment j'ai bien assez à faire. » Elle n'avait pas répondu méchamment, elle se contentait d'exposer un fait. « Mais je t'en prie, menace moi donc de l'arme que tu tentes de dissimuler sous ton étoffe. » Qu'elle lançait en désignant du doigt la main cachée de Marley.

Les yeux de la blonde ne quittaient pas le couteau que la brune tenait fermemant dans sa main. Elle s'imaginait devoir se promener avec une telle arme et fut soulagée de ne pas avoir ce besoin, étant largement capable de se défendre sans avoir besoin d'un tel outil. « Ce n'est pas pour toi. Depuis quelques temps je ne m'en sépare plus... » Elle hochait la tête puis levait les yeux pour croiser ceux de l'humaine. « Je vois. » Dans d'autres circonstances l'échange aurait été bien plus cordial, mais la malédiction qui s'abattait sur la ville avait rebattu les cartes et l'équilibre fragile qui subsistait entre les espèces. « Je sais que tu es une experte en onguents... » Le sous entendu dans sa phrase était plutôt évident : Marley devait savoir qui était Lena, ce qui renforçait encore sa méfiance envers elle. Le problème, c'est qu'une partie des chasseurs de la ville considéraient les sorcières comme des monstres au même titre que les vampires ou les loups garous, alors que d'autres les considéraient comme des fidèles alliées. Lena imaginait savoir de quel côté Marley se trouvait, mais elle ne pouvait avoir aucune garantie jusqu'ici. « Est-ce que tu peux m'apprendre à en faire ? » Ses yeux s'écarquillaient, surprise de sa demande. Elle s'attendait à ce que Marley soit venue lui demander des services, mais pas un enseignement. « Disons que je le peux. Pourquoi je le ferais ? » Qu'elle lançait en reprenant sa récolte nonchalamment. « Qu'est-ce que j'y gagnerais ? » Elle n'était pas du genre à rester distante ou froide habituellement, Lena. Mais elle n'avait pas le choix, elle était obligée de douter. Marley faisait partie d'un clan de chasseurs... et Lena ne pouvait pas être sûre qu'elle venait en amie.

« Parce que tu m'as déjà aidée avec mon père et que je sais que tu n'aimes pas laisser les gens souffrir. » Le problème avec ce fait, c'était que la période était mal choisie pour faire preuve d'une bienveillance sans faille. L'Eclipse et l'apparition des créatures de la nuit allait de paire avec la souffrance, le chaos et la mort. Prendre sur soi toutes les douleurs qu'elle pouvait ressentir autour d'elle comme elle l'aurait fait habituellement était trop risqué. Lena ne devait songer plus qu'à sa survie, même si elle détestait devoir mettre une barrière entre elle et le monde. Et c'est parce qu'elle détestait se montrer aussi froide, parce que ce n'était pas de son genre de laisser les autres se débrouiller dans les pires périodes, que Marley était sur le point de la faire craquer et d'obtenir son aide. « Je n'ai rien à t'offrir Lena. Tu le sais parfaitement. » Rien de matériel, en tout cas. « Je vais venger ma sœur. » La blonde fronçait les sourcils et s'arrêtait totalement de cueillir pour se relever vers son interlocutrice, l'air grave. « Tout ce que tu vas réussir à faire, c'est te mettre en danger Marley.  » Qu'elle lançait comme un avertissement. « Si tu m'apprends à faire des onguents... Çà m'évitera de débarquer chez toi à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit pour que tu panses mes plaies. » C'était un argument de taille, elle ne pouvait le nier. « Bien. » Qu'elle lançait, essayant toujours de garder un ton neutre pour ne rien montrer de ce qu'elle ressentait vraiment. « Demande-moi ce que tu veux en échange. » Elle inspirait un bon coup avant de plonger ses yeux dans ceux de la métisse. « Considère que tu as une dette envers moi. Qu'un jour, je reviendrais vers toi pour que tu me rendes un service. Je n'aurais peut-être jamais besoin de ton aide, mais si c'était le cas, tu devras te rendre disponible. » Avoir les talents d'une chasseuse à sa disposition se révèlerait peut-être utile, à l'avenir. « En attendant, on ne peut pas faire ça ici. Suis moi, je connais un endroit où nous serons tranquilles. »