Lunettes sur le bout du nez, chemise rentrée dans le pantalon, petites chaussures cirées et cheveux plaqués par le gel ; Cody est inquiet quant à la soirée qui est sur le point de se dérouler. Bien loin de faire partie des cools du lycée, il n’est toujours pas sûr que se rendre à ce bal est une bonne idée. Après tout, il n’a pas d’amis et finira certainement dans un coin de la salle à regarder le monde défiler et à attendre que le temps passe, simplement pour pouvoir dire
je l’ai fait mais aussi et surtout pour rendre sa mère fière. Il revoit ses larmes au coin des yeux quand il a annoncé - la première fois que le sujet est arrivé sur la table - qu’il n’avait aucune raison d’y aller et qu’il serait bien mieux à rester ici avec ses comics ; elle n’a rien dit, s’est contenté de baisser la tête et a repris le cours de sa préparation de repas.
Quelques mois plus tard, Cody est donc fin prêt à devenir - le temps d’une soirée - le fils qu’elle aurait rêvé d’avoir et le sourire qu’elle affiche en le voyant descendre des escaliers ne fait que renforcer son idée : il a pris la bonne décision.
« Que tu es beau mon fils ! » C’est rare de l’entendre l’appeler ainsi.
« Mets-toi sur la 3ème marche, installe-toi, souris, recoiffe tes cheveux ! » Cody obéit sans piper mot, s’installe de ¾ comme il a tant de fois pu voir sur les photos de ses parents à leur bal de promo à eux - il n’a pu les voir qu’en secret, sa mère bien incapable d’observer ces clichés sans fondre en larmes.
« Cheese ! » qu’elle annonce avant d’appuyer sur l’appareil, un
clic retentissant en même temps que le flash. Elle est heureuse, impossible de le manquer devant le sourire resplendissant qu’elle affiche. Alors si elle est heureuse, Cody l’est aussi. Une dernière embrassade et la voilà qui le regarder partir - il est seul, elle aurait forcément aimé le voir accompagné, mais le voir partir vivre sa soirée de bal est déjà mieux que rien.
La soirée bat son plein et la plupart des jeunes ont l’air de passer un moment qui restera gravé dans leurs mémoires - un bon moment. Des jeunes filles dansent à n’en plus pouvoir, certains couples se bécotent, d’autres garçons enchaînent les verres de soda comme s’ils s’agissaient de verres d’alcool - Cody a goûté, ça ne lui a pas piqué la gorge. Lui reste à l’écart, observe le monde un verre de punch sans alcool à la main, il est là depuis 20 minutes et il s’ennuie déjà terriblement mais il sait que s’il en venait à rentrer à la maison maintenant, sa mère en serait dévastée. Alors il tient et pour ce faire, il se dirige une nouvelle fois vers la table à boisson pour se resservir - il pourrait presque rêver de pouvoir commander un verre d’alcool mais ce n’est évidemment pas autorisé et sûrement qu’il n’oserait pas se lancer dans cette aventure-là.
Il récupère sa boisson et se retourne d’un coup - il n’aurait pas pu prévoir le professeur juste derrière lui en train de regarder partout autour de lui comme pour chercher quelque chose. Ni une ni deux, comme dans les films et de façon presque spectaculaire, le verre vient se renverser intégralement sur la tenue de l’homme qui lui fait face.
« Oh putain ! » Il plaque sa main désormais vide - le gobelet est à terre - sur sa bouche, devant le mot qu’il vient de prononcer.
« Pardon monsieur ! Heu… professeur. Pardon ! » Le rouge lui monte aux joues alors qu’il se baisse pour récupérer le gobelet dont le contenu se trouve désormais sur l’homme. Il se redresse, relève les yeux et observe un peu les dégâts. Il ne reconnaît pas l’homme face à lui mais son âge ne suggère que quelques propositions : professeur ou autre corps de l’enseignement ; dans tous les cas, il vient de faire une sacré boulette.
@Jonah Fletcher