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love is a wet nose and a happy tail

@LOUIS DALTON & ATLAS

the r.s.p.c.a. shelter, redcliffe - mars 2024

« Vous devriez y songer sérieusement, Atlas. » Il dut se retenir de ne pas lever les yeux au ciel face au ton employé par sa psychologue. « Cela ne pourrait vous être que bénéfique. » Tel un bon élève, Atlas hocha la tête. Ce n’est pas qu’il n’était pas persuadé par son argumentaire, elle prêchait un convaincu. Il rêvait d’avoir un chien depuis des années, il s’était souvent posé la question, mais ce n’était jamais le moment idéal. Sa carrière était toujours passée avant tout. Il comblait son désir d’un compagnon canin avec les bergers allemands qui venaient parfois avec eux en mission. Rien n’avait changé en ce point, sa carrière restait sa priorité, qu'importe ce que pouvaient dire les gens autour de lui. Accepter d’envisager l’adoption d’un chien laissait passer un message. Celui qui sous entendrait qu’il ne repartira jamais en mission. Il en a conscience, c’est ce qui lui pend au bout du nez, la sentence finira par tomber, mais tant qu’il se trouvait dans le contrôle, Atlas avait bien du mal à accepter cette conclusion. Il se rendait encore sur la base, pratiquement tous les jours. Il avait interdiction de participer à la moindre mission, mais on lui demandait encore son avis sur certains points. Il restait un gradé à la carrière estimée, personne ne pourrait lui enlever cela, il avait travaillé trop dur pour en arriver là. Mais tout abandonner, accepter la retraite que l’on ne cessait de pousser dans sa direction ? Atlas n’était pas encore prêt à cela.

Les semaines se sont écoulées sans que jamais sa psy ne remette le sujet sur le tapis, mais Atlas ne cessait d’y penser. Il en avait envie, ne serait-ce que pour combler cette solitude qui était devenue la sienne. Le silence prenait trop de place dans son appartement, l’entraînant parfois à ne pas quitter son lit pour la journée entière. Avoir un chien l’obligerait à sortir, ne serait-ce que pour son compagnon à quatre pattes. Il en avait vu l’exemple en Louis. Ce gamin, qui n’en était plus vraiment un depuis longtemps, qu’il avait rencontré lors d’un de ces meetings imposés pour la thérapie. Il faisait tout avec son chien, Campo ne le lâchait jamais, et Atlas trouvait l’idée intéressante. Quelqu’un qui l’accompagne de partout, qui voudra toujours se retrouver à ses côtés. Il laissait l’idée germer dans un coin de sa tête depuis des jours et des jours. Chaque nouvelle impulsion appelait à la prudence. Jusqu’à ce qu’un jour, il se décida à céder à la possibilité. Il avait envoyé un message à Louis, le déclarant expert sur la question canine, lui demandant de l’accompagner à un refuge. Bien sûr que son camarade avait accepté dans la minute.

Appuyé contre sa voiture, Atlas observait les quelques cages alignées de l’autre côté du bâtiment. Les chiens paraissent calmes, vaquant à leur petite activité extérieure. Certains se montraient un peu plus dès qu’un visiteur s’approchait de leur enclos. Il n’avait aucune idée de ce qu’il attendait de cette visite. À savoir qu’il lui paraissait difficile d’adopter un chien âgé. Il allait avoir besoin d’un animal plein de fougue, un peu à l’image de Campo qui venait de lui foncer dans les jambes. « Bonjour toi ! » Il se baissa légèrement pour gratter la tête de l’animal, alors que son maître arrivait à un rythme bien plus mesuré. « Merci d’avoir accepté de m’accompagner. » Il n’avait aucune idée de ce qui allait se passer et doutait franchement que Louis lui soit d’une grande aide, mais c’était toujours plus sympa d’avoir un peu de compagnie. « Je crois que tu m’as convaincu à force de toujours l’amener partout avec toi. » Il était difficile de ne pas craquer face à la tête du chien de son ami, l’animal était si affectueux et toujours prêt à partir en balade. « Ça va toi ? » Qu’il demanda à Louis sans presser les choses, ils avaient toute l’après-midi devant eux après tout et peut-être être qu’Atlas avait besoin d’une minute avant que le plan ne se mette en marche.

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Sous ses yeux, quelques chiens s’amusaient dans l’immense pré alloué au refuge. Un léger sourire vint étirer ses lèvres tandis qu’il s’imaginait repartir avec l’un d’entre eux. Contrairement à ce que son message à Louis pouvait laisser sous-entendre, il ne s’agissait pas d’une décision prise à la légère. Atlas avait longuement réfléchi à l’idée d’adopter un animal de compagnie. Longtemps, l’argument contre avait été le même : impossible de laisser un animal seul lorsque les missions pouvaient durer des mois. Mais ce dernier c’était fait la malle, en même temps que ses perspectives d’avenir et sa mémoire. Il avait dû lâcher prise, s’autoriser à digérer l’idée même que sa vie ne sera plus jamais la même, avant de prendre cette décision. Aujourd'hui, il ne restait plus que les pours. Avoir un compagnon, se forcer à sortir tous les jours et la liste entière que Louis s’était évertué de lui dresser depuis qu’il avait osé mentionner l’idée. « Avec plaisir. Tu sais bien ce que je pense de cette idée. » Oh, il avait vaguement compris, aux alentours du dixième message texte sur le sujet. « Tu as été très clair, c’est sûr. » Il plaisantait, sourire aux lèvres. Leur amitié était née dans des circonstances que chacun aurait préféré ne pas avoir à traverser, mais au final, Louis était devenu quelqu’un d’important dans son quotidien. Le seul qui pouvait réellement comprendre ce qu’Atlas traversait depuis son accident. Il était le plus âgé du duo, mais Louis lui en apprenait beaucoup en retour. Ce jour en était la preuve. « Ravi de voir que notre lobbying est efficace. » Il aurait levé les yeux au ciel si Campo ne s’était pas décidé à donner son avis en retour. Un éclat de rire lui échappa alors que ses doigts vinrent s’enfoncer dans la fourrure de l’animal. « J’ai bien compris, toi aussi, tu veux un copain. » Atlas s’était promis une chose : cette adoption devait être un véritable coup de cœur. Il ne voulait pas précipiter les choses et préférait laisser son feeling entrer en jeu. Il s’agissait avant tout d’une première visite, pour voir.

Et pour ne pas se jeter immédiatement dans la gueule du loup, il avait cherché à détourner la conversation. Rien d’énorme, rien qui ne soit anormal. Juste prendre des nouvelles tout en se disant qu’il allait passer la porte de ce refuge et qu’il n’y aurait plus de retour en arrière. « Plutôt bien, ouais. Je vais sûrement reprendre le rugby bientôt. » Son instinct de grand frère lui amena une remarque sur le bout des lèvres. Un commentaire non pas déplacé, mais d’un homme qui avait toujours voulu protéger les siens. Quelque chose qu’il n’osait pas encore se permettre avec Louis, mais qui lui venait instinctivement malgré tout. « C’est génial ! » Au-delà des inquiétudes que cela avait réveillées chez lui, cela restait une bonne nouvelle, Louis allait de l’avant. « Tu as déjà trouvé une équipe ? » À une époque, il aurait voulu se joindre à l’expérience. Il aurait été le premier à proposer à Louis d’aller s’entraîner ensemble, mais aujourd'hui, il avait parfaitement conscience de son incapacité à faire une telle chose. Et cette simple pensée vint réveiller la douleur sournoise qui s’agitait au creux de sa cuisse. « Et toi ? » Il releva les yeux vers son ami, soudainement moins enclin à la conversation. « J’ai décidé d’adopter un chien sous les conseils insistants de ma psy. » Il eut un rire qui ne s’accordait en rien avec le ton de leur conversation. Il ne voulait pas parler de l’armée, mais il faut croire que tout le ramenait toujours à cela. Tel un raté qui avait consacré sa vie à sa carrière sans jamais rien construire à côté. « J’essaye de ne pas en faire toute une montagne, même si ça veut dire beaucoup. » Ça voulait dire ne plus accepter de mission, préparer sa vie à changer d’une manière ou d’une autre. « Une étape après l’autre, pas vrai ? » C’est ce que l’on s’efforçait de leur enseigner dans le groupe qui leur arrivait encore de fréquenter.