Le jour J approchait à grands pas. Lara et Itziar n'avaient pas encore réellement décidé d'une date. Elles en avaient plusieurs en tête. Cependant, avant de s'arrêter sur une avec certitude, il fallait encore finaliser quelques détails. Les livraisons de boissons étaient programmées et elles auraient donc de quoi abreuver les clients dès l'ouverture sans s'inquiéter de manquer de quoi que ce soit. Toutes les autres marchandises aussi étaient arrivées, de la décoration, aux verres, en passant par le papier toilette, il ne manquait rien. Les systèmes de son et de lumières étaient eux aussi fonctionnels. Lara avait commencé à organiser quelques répétitions avec les danseuses qui avaient été retenues et qui avaient accepté de se lancer dans cette aventure où tout était à construire. Le club, bien qu'il n'était pas encore ouvert au public commençait à se remplir. Les ouvriers de chantier et autres peintres en bâtiment ayant été remplacés par des jeunes femmes dans la fleur de l'âge se déhanchant sur la scène au rythme de la musique, perfectionnant encore et encore les diverses chorégraphies qu'elles pourraient présenter aux clients dans quelques semaines. Elles s'appropriaient l'espace, faisaient de la scène leur piédestal et du Paradise City leur quartier général. Ca faisait plaisir à voir. C'était ça, finalement, la concrétisation de leur projet. Elles ne pouvaient pas dire que c'était terminé, ou même que c'était gagné d'avance. Ce serait mentir. Elles n'avaient pas encore ouverts et elles n'avaient pas encore fait leur marque dans la vie nocturne de Brisbane. Même si le plus gros avait été fait, en théorie, en pratique, elles s'apprêtaient à affronter le plus grand des défis : Celui d'ouvrir et de faire en sorte que le club plaise, que les clients soient présents et pourquoi pas qu'ils se fidélisent afin de s'assurer une certaine réputation. Itziar en rêvait à ce stade. Elle avait investi énormément dans ce projet, avec Lara. Elle prenait conscience petit à petit que c'était bien réel. Qu'elles l'avaient bien fait et qu'il allait falloir se lancer à un moment donné. Car finalement, elle devait bien avouer que tout le processus qui les avait menées jusqu'ici, bien que stressant par moment, avait été relativement sécurisant. Personne ne dépendait d'elles ou d'une quelconque réussite du club. Si elles n'arrivaient pas à mener à bien leur projet avant qu'il ouvre, certes l'espagnole aurait été déçue, mais elle n'aurait pas eu la culpabilité d'entraîner toute une équipe avec elle dans cet échec. L'enjeu était donc d'autant plus grand aujourd'hui.

Les équipes étaient au complet, autant au niveau des danseuses que des barmaids. Elle s'était cependant attelée à la création d'un planning de travail avant de recontacter les dernières. C'était là qu'elle s'était retrouvée face à un dilemme. Là qu'elle s'était rendue compte qu'elle avait oublié un détail important. Quand elle avait reçu un mail avec un CV, elle avait réalisé qu'elle avait omis de supprimer l'annonce pour les recrutements. Elle aurait pu supprimer le mail, sans même le lire ou y prêter particulièrement attention. Elle était certaine que c'était comme cela qu'agissait la plupart des boîtes quand elles recevaient des candidatures pour des postes déjà pourvus. Cependant, elle était curieuse, Itziar. Elle n'avait pas pu s'empêcher de le lire. Il était relativement simple, mettait en avant le CV plus qu'autre chose. Ca changeait des autres mails qu'elle avait reçus jusqu'à présent et qui semblaient quasiment tous commencer par une excuse, qu'elle soit implicite ou pas. Comme si répondre à une annonce dérangeait la personne qui avait justement publié ladite annonce. Il n'y avait pas de gêne dans ce mail. Pas d'excuse non plus. Juste un CV et un intérêt évoqué pour le poste. Simple, mais efficace teinté d'un brin de confiance en soi. C'est le genre de choses qui n'aurait pas dû avoir d'importance. Elle aurait dû le lire et passer à autre chose. Pourtant, son instinct en avait décidé autrement. Elle n'avait pas pu appuyer sur la touche supprimée. A la place, elle avait répondu et avait donné rendez-vous à la jeune femme aujourd'hui. Quand Jo fait son entrée dans le club, Itziar prend le temps de la saluer, mais préfère être claire avec elle, d'entrée de jeu. “Avant qu'on commence, faut que tu saches qu'en théorie le poste est plus à pourvoir, l'annonce aurait dû être supprimée.” Elle lui fait un signe de la main, l'invitant à la suivre. Se dirige vers l'une des tables entourant la scène. "Cela dit, je ne me voyais pas ne pas te rencontrer quand ton profil colle parfaitement à ce qu'on recherche, tu méritais au moins un entretien.” Parce qu'elle se voulait fair play, que même si elles avaient pris leur décision avec Lara, elles n'avaient rien finalisé encore. Tout restait modifiable. Jo avait donc la possibilité de faire pencher la balance en sa faveur, si elle se montrait convaincante. Elle lui fait signe de s'asseoir, lui laisse le temps de s'installer, puis elle reprend la parole. “Du coup, pourquoi je devrai te choisir toi et tirer un trait sur l'une des filles que j'avais sélectionnée ?” Elle rentre dans le vif du sujet, puisque finalement, comme elle lui a dit au départ, le poste n'est plus à pourvoir, elle n'est donc pas là pour s'enquérir des formalités.

Elle avait bien prévu son coup, Jo. Elle devait admettre que ça l’avait fait marrer d’envoyer bouler Mac et son putain de club sitôt que la nouvelle année avait commencé, prétextant rien d’autre que d’en avoir sa claque de bosser avec des connards pour le service d’un bouffon à la main baladeuse. Pour ce qu’elle en avait à carrer de le mettre dans une mauvaise position en la lui faisait à l’envers à la toute dernière minute. Elle avait vidé son casier sans demander son reste et n’avait même pas dit ciao au reste de l’équipe, ne se portant pas plus mal de ne jamais plus voir leurs sales gueules de sa vie. Elle ne s’était pas fait d’amis là-bas, elle ne faisait jamais d’amis, et quand bien même elle y avait passé un sacré bout de temps, faire dans le spleen sous le prétexte que ça représentait une page dans le livre de sa vie, fallait peut-être pas exagérer non plus. A côté de ça, elle savait qu’elle regretterait de ne plus être dans les petits papiers de son boss qui lui offrait la possibilité de chanter de temps à autres pour certains de ses potes de la haute. Mais vu comment elle se faisait traiter quand elle acceptait, elle ne perdrait pas tellement au change. Elle continuerait à chanter pour elle, ressassant son parcours d’étoile de la chanson en secret. Personne dans le font ne méritait qu’elle déverse l’or qu’elle avait dans la voix dans leurs oreilles à l’hygiène douteuse.

Nana ne s’était rendue compte de rien, si ce n’était qu’elle était plus souvent à la maison et qu’elle passait son temps à faire l’aller-retour entre chez elles et chez les Hurley pour occuper ses journées. Elle devait bien avouer que Nicky était d’un grand-secours pour qu’elle évite de s’ennuyer comme un rat crevé, mais n’allez pas lui répéter. Elle avait mis un peu de temps à considérer ça judicieux de se remettre à chercher du taff, et puis ça lui avait pris comme une envie de pisser. Un matin comme les autres, elle s’était mise à éplucher les annonces postées sur le net, plus celles qu’elle avait déniché dans un gratuit de la ville, armée de son Stabilo rose, un bâton de réglisse à la cerise coincé entre ses dents, son regard brun franchissant la barrière d’une monture de fausses lunettes de vue qui lui donnaient des airs de secrétaire à l’innocence perdue il y avait des millions d’années. Ce n’était pas le travail qui manquait, mais elle avait décidé de faire la fine bouche et de se reposer sur son expérience à l’Electric Playground histoire de ne pas se retrouver encore une fois caissière à l’hypermarché du coin. C’est vrai, quand elle était tombée sur celle de Paradise City, elle avait grimacé devant le nom qui ressemblait au titre d’un mauvais porno des années 80, mais le dynamisme de la présentation de l’endroit lui tapa suffisamment dans l’œil pour qu’elle se retrouve à réfléchir à la question. C’était un endroit qui ouvrirait bientôt, et elle n’avait plus grand-chose à apprendre. Elle pourrait apporter une plus-value à l’équipe de par son expérience, et si ça lui permettrait en plus d’évoluer en électron-libre, sans avoir personne derrière son cul pour lui apprendre les rudiments du service dans ce genre d’endroit, elle ne bouderait pas son plaisir. Elle avait avalé sa friandise en se levant de son siège et elle était allée brasser son vieil ordinateur portable qu’elle avait ouvert d’un geste, prête à en découdre, un doigt remontant sur son nez ses lunettes inutiles.

Elle avait rapidement reçu une réponse "Je vois qu’on est déjà très organisé ici." qu’elle fit en posant son regard immuablement mi-clos sur Itziar. Ce n’était pas parce qu’elle postulait à un boulot qu’elle allait se montrer plus agréable. Et il fallait dire ce qui était, quand on tombait sur quelqu’un qui d’emblée rapportait une couille dans le potage, ce n’était pas bon signe. Mais, grande-dame qu’elle était, Jo était prête à laisser le bénéfice du doute à la toute jeune patronne, et accepta de la suivre sans faire davantage dans l’ironie. Elle jeta des regards critiques aux alentours, dénota un certain goût pour l’agencement du club, puis elle s’assit en face de la jeune femme sans plus de cérémonie. Elle abandonna ses petites affaires à côté d’elle, retira son sac de son épaule et se départit de sa veste pour mieux faire glisser sa longue queue de cheval haute entre ses doigts manucurés avec un soin tout particulier quand enfin, elle l’inséra immédiatement dans le vif du sujet.
On ne pouvait que lui reconnaître une efficacité dans sa façon de mener ses entretiens, à la patronne, et c’était galvanisant. Pas assez cependant pour qu’elle s’essaye à sourire quand elle lui répondit, sûre d’elle "Je suis la meilleure dans tout ce que je fais. C’est pas présomptueux, c’est la vérité." Au moins, les bases étaient posées. Jo n’était pas venue pour enfiler des perles "Comme t’as dû le voir sur mon CV, je sors de quelques années de service à l’Electric Playground. C’est le plus grand club de la ville, et j’y étais pas pour faire de la figuration. Ton club, il ouvre bientôt, alors sans vouloir te vexer, je pense que je saurais gérer les premiers pas de ton bébé sans me faire dessus dès le premier service." Elle n'avait pas besoin de prouver de quoi elle était capable, et elle entendait bien le lui faire savoir "Et en plus je crois même pouvoir faire venir du monde." Ça c’était de l’esbroufe. Elle n’avait pas suffisamment fait dans le social pour s’être liée avec des clients, et si elle avait encore quelques numéros de certains d’entre eux qui traînaient dans son répertoire, ils ne répondaient pas vraiment au critères de l’habitué de base des clubs de strip-tease. Elle arqua un sourcil, son regard fiché dans celui de la jeune femme, à guetter ses réactions sans se forcer à en dire davantage. La messe était déjà dite de toute façon.

@Itziar Cortés de Aguilar

Est-ce qu'un souci d'organisation est à déplorer dans la gestion du club et la manière dont Lara et elle faisaient les choses ? Elle n'en avait pas l'impression. Tout était sous contrôle et elle en surprenait elle-même. Il fallait le dire, sur le papier, ce n'était pas gagné. Deux jeunes femmes sans aucune expérience qui se lançaient dans un tel projet en partant de zéro ? Ca n'annonçait pas forcément quoi que ce soit de bon. Il y avait eu les risques qu'on profite d'elles, de leur manque d'expérience et de leur manque de connaissances en matière de business, cependant, elles avaient surmonté chaque obstacle un par un, sans baisser les bras, sans se décourager et sans perdre espoir que de l'autre côté, elles allaient pouvoir enfin voir la lumière au bout du tunnel. Le projet avait porté ses fruits et elles en étaient arrivées là, à régler les derniers détails aussi rapidement que possible pour ne pas repousser plus longtemps l'ouverture du Club. Alors, oui, oublier de supprimer l'annonce pouvait paraitre désorganisé, c'était un oubli idiot, en trois clics et pas plus de secondes Itziar aurait pu effacer toute trace d'un quelconque recrutement en cours. Cependant, sans cet oubli, Jo ne serait pas là aujourd'hui, peut-être aurait-elle trouvé un autre entretien, ailleurs, ou peut-être pas. Itziar, elle, se contente de lever les yeux au ciel, se demandant si finalement elle n'avait pas fait une erreur en proposant à la jeune femme de se présenter aujourd'hui. Elle semblait ne pas avoir sa langue dans sa poche ce qui plaisait à l'espagnole autant que ça pouvait l'agacer. C'est pour cela qu'elle ne répond pas et invite la jeune femme à s'asseoir.

Elle ne perd pas de temps, Itziar. Elle laisse les formalités de côté. Elle n'a pas besoin que Jo lui parle de son expérience professionnelle. Elle avait lu son CV. Il était même posé sur la table, juste devant elle, si jamais elle avait besoin d'y jeter un oeil pour une raison ou une autre. Ce qui l'intéressait réellement c'était de savoir pourquoi elle devrait la choisir elle, plutôt qu'une autre. Pourquoi elle devrait changer d'avis sur l'une des filles qu'elle avait choisi pour l'engager elle à la place. Elle ne veut pas perdre son temps et elle ne veut pas non plus faire perdre de temps à Jo. Parce que Jo non plus elle ne semble pas là pour tourner autour du pot. Elle ne semble pas déstabilisée par la question de l'espagnole. Elle ne prend même pas la peine de réfléchir avant de prendre la parole pour répondre. Elle va droit au but, elle est tout sauf humble. Elle est la meilleure, elle le dit elle-même. Ce n'était pas forcément la réponse qu'Itziar s'attendait à entendre. De toutes les personnes qu'elle avait vues ces dernières semaines avec Lara pour recruter les membres de leur future équipe, personne n'avait été si direct. C'était une première et elle avait l'impression que ce serait peut-être la dernière fois qu'elle tomberait sur quelqu'un comme ça. Il fallait un sacré culot pour affirmer être la meilleure dans tous les domaines en guise d'introduction dans un entretien d'embauche. C'est donc un sourcil interrogateur que la jeune espagnole lui offre en guise de réponse, l'invitant ainsi à continuer et développer le fond de sa pensée. Elle hoche la tête, l'espagnole quand la brune mentionne l'Electric Playground. Elle a lu le CV, elle a vu ce nom qui lui est bien connu. Elle fréquente régulièrement ce club, elle n'a pas besoin de plus de précisions sur l'endroit. Elle sait qu'à l'heure actuelle Paradise City ne ferait pas le poids à côté. “Tu m'as l'air sûre de toi !” déclare-t-elle simplement. Comme si elle soulignait seulement ce qui paraissait si évident. “J'arrive pas à savoir si c'est une façade ou si t'as vraiment confiance en toi à ce point-là.” Ajoute-t-elle. Parce que ça pouvait clairement être autant l'un que l'autre et que la confiance en elle qu'elle dégageait n'était peut-être que du bluff. Si c'était le cas, Itziar n'y voyait que du feu, ce qui ne ferait que confirmer les dires de la jeune femme quant à son excellence dans tous les domaines. Elle lui laisse donc le bénéfice du doute, puisqu'elle n'est pas capable de trancher. Surtout qu'elle marque plusieurs points intéressants qui attirent inévitablement l'attention d'Itziar et piquent sa curiosité. “Pourquoi avoir quitté l'Electric Playground ? J'veux dire, c'est une boite qui existe depuis un bail et qui est clairement un lieu phare de Brisbane, ça parait étonnant de venir postuler dans un club qui n'a même pas encore ouvert.” Demande-t-elle. Ce n'est pas qu'elle ne croit pas au projet qu'elle a monté de toute pièce avec Lara ou qu'elle doute du succès que celui-ci pourrait rencontrer d'ici quelques mois, mais il faut être réaliste. Si elle n'était pas propriétaire et devait choisir là où bosser, elle aurait plutôt tendance à choisir le club populaire ayant déjà une renommée plutôt que le club qui allait devoir se faire sa place dans le monde de la nuit. “On est pas non plus sur le même genre de club. Pourquoi vouloir bosser ici ? Avec toute l'expérience que tu sembles avoir, tu pourrais bosser n'importe où non ?” Continue-t-elle. Elle ne s'attendait pas à une réponse particulièrement détaillée ou à des arguments exceptionnels. La jeune femme avait sans doute besoin d'un nouveau job et ne devait pas être bien regardante. Même si elle ne le dirait peut-être pas. “En revanche, si tu peux faire venir du monde, là ça devient intéressant. Tu penses connaitre du monde intéressé par un strip club ?” Toute publicité était bonne à prendre.

"Si je le suis pas, personne ne va l’être à ma place." Elle avait arrêté de compter sur les autres depuis longtemps. Elle avait appris que la seule qui pouvait la mener vraiment quelque part, c’était elle et personne d’autre. Les autres, justement, ils s’échinaient à la complimenter seulement quand ils avaient besoin de quelque chose, il croyaient en elle que quand ça leur apportaient quelque chose; alors oui, c’était peut-être surprenant à voir, et ça ne plaisait pas beaucoup non plus, d’être témoin de la volonté d’une petite nana dans son genre de garder la tête haute en toutes circonstances en donnant l’impression de porter une couronne sur la tête, mais c’était comme ça, et tant pis si ça heurtait la sensibilité des plus machos.
C’était un défaut comme une qualité, de faire preuve d’assez d’amour-propre pour se pointer à un entretien d’embauche en ne craignant pas de se faire envoyer paître, mais Jo préférait cent fois qu’on le lui reproche, que de jouer à la sainte-nitouche quand on lui demanderait de montrer de quel bois elle se chauffait. Et ça va, ce n’était qu’un club de strip-tease, pas une succursale d’elle ne savait quelle entreprise au capital plus gros que son derche. Elle aussi arqua un sourcil "C’est important de le savoir? J’aurais dû me pointer avec les larmes aux yeux en te suppliant de m’embaucher? Je croyais que c’était un endroit classe, pas le dernier espoir des pauvres filles qui cherchent à se faire du blé." qu’elle lui balança en accentuant l’arc de son sourcil pendant que ses yeux scannèrent le visage de la blonde. Il fallait le lui dire si elle avait plus de chance en se plaignant de sa vie pourrie, elle aurait de quoi la faire chialer si c’était ce qu’elle attendait d’elle. Elle commencerait pas lui parler de sa grand-mère tiens, il fallait bien que sa maladie serve à quelque chose d’autre que de lui gâcher la vie.

Bon, cela dit, elle avait conscience que jouer à la plus belliqueuse de la pièce, ça ne servirait pas ses intérêts. Mais en partant du principe qu’elle était bonne dans tout ce qu’elle faisait, le faire avec le sourire ou pas, à quoi ça la mènerait? Elle avait encore des choses à apprendre sur la relation patron-employé et client-employé, c’était un fait; elle n’avait par exemple jamais adhéré à l’idée qu’il était roi, ce bâtard de client, mais disons que si le salaire en valait la peine, elle s’obstinerait à s’entraîner à sourire avec sincérité. Enfin, au moins une fois sur deux, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’elle distribue des risettes H24 non plus, elle pensait à ses rides d’expressions. Elle se cala dans son siège, joignit ses doigts les uns aux autres en fixant Itziar sans craindre quoi que ce soit, et surtout pas la fonction qu’elle occupait dans ce club. Elle était la patronne, ça ne la rendait pas invincible à ses yeux, tout juste impressionnante dans un monde régenté par le mâle dans toute sa puissance; et elle était super belle, mais si elle était vraiment sensible à ce genre de trucs, ça se saurait. En dehors de ça, elle lui reconnaissait de porter ses ovaires fièrement, et peut-être que si elle s’y attardait un peu, elle pourrait en faire un modèle à suivre. Mais pas maintenant, maintenant elle était trop occupée à la fixer, prête à gagner un duel de regards qu’elle menait toute seule pour admettre qu’elle était épatée.
Elle croisa les chevilles sous la petite table qui les séparait quand elle continua son interrogatoire et qu’elle s’y plia "Je suis partie pour divergence d’opinion." C’était plus correct que de dire que son patron était un connard qui ne pensait qu’avec ce qu’il avait entre les jambes, et qu’au-delà de son éducation faite entourée de gaillards bien vaillants, elle en avait sa claque de supporter les conneries masculines sous couvert que ça les rendaient virils de traiter les femmes de leur entourage comme des morceaux de viande à retourner sur le grill. Peut-être que l’idée que Paradise City était géré par des femmes, c’était ce qui l’avait attirée dans le fond. Loin d’elle de faire dans le féminisme, mais parfois, ça faisait du bien de se retrouver entourée de bienveillance, encore que les femmes entre elles étaient parfois aussi pires qu'un troupeau de hyènes affamées "Je trouve votre projet intéressant. C’est pas commun d’avoir deux femmes gérantes d’un club comme celui-ci." Elle pencha la tête sur le côté, sa voix rocailleuse et nonchalante portant doucement dans l’espace qui les séparait "Souvent, c’est qu’un repère à proxénètes qui foutent sur la gueule de leurs danseuses juste pour leur piquer leur pourboire et qui les forcent à faire des trucs pour lesquels elles ont pas signé à la base. J’ai espoir que vous soyez assez honnêtes pour pas vous servir de vos sœurs dans l’idée de vous faire mousser et que vous savez ce que vous faites pour assurer leur sécurité." Une mise en garde un peu malvenue, mais le culot de Jo était aussi marqué que sa propension à croire qu’elle valait mieux que quiconque à moins d’un kilomètre. Elle cligna des yeux pour marquer son point "Mais si je suis ici, c’est que vous dégagez de la confiance, c’est tout ce que je dirais." Pour le moment en tout cas, puisqu’Itziar rebondit sur son mensonge à propos de son carnet d’adresses, et que sans se démonter une seule seconde, elle lui répondit avec assurance "Qui n’est pas intéressé par un strip-club, c’est ça la vraie question." Elle pourrait toujours se débrouiller pour faire de la lèche à Ray et à Calvin. Si ça se trouve, Edge accepterait de fausser compagnie à sa grognasse pour venir mater des nanas qu’il aurait soulevé sans problème avant de venir le cliché du papa de banlieue, et peut-être même que St-Nicky se laisserait tenter par l’idée de voir danser des femmes sur des chansons qu'il trouverait géniales parce qu’il n’avait aucun standard en la matière; il y avait Meg, il y avait Charlie aussi… elle se débrouillerait pour récolter des points s’il le fallait vraiment, elle ne craignait pas d’être prise en train d’enjoliver ses capacités de rabatteuses.

@Itziar Cortés de Aguilar

“Non, c'est pas si important que ça.” Pour l'instant tout du moins, se garde-t-elle de dire. Parce que si elle venait à l'engager, peut-être qu'elle chercherait à creuser un peu plus de ce côté-là. Juste pour réellement comprendre la personne qu'elle avait en face d'elle. Cependant, elles n'en étaient pas là. Itziar n'avait pas pris de décision et sur le papier, Jo n'avait pas le job. “Venir les larmes aux yeux t'aurais absolument pas assuré un poste ici. Ca marche pas avec moi.” Ce club était bien trop important pour elle et même si elle ne pouvait restait insensible devant certains problèmes, elle n'était pas non plus là pour offrir la charité à toute personne venant la demander. Il fallait faire tourner le club et même si gagner quelques dollars était une motivation comme une autre, il en fallait un peu plus à ses yeux pour pouvoir travailler ici. Elle avait besoin de filles motivées, qui partageaient les valeurs que Lara et elle voulaient mettre en avant avec le Paradise City. Pas des filles en dèche de tunes qui seraient prêtes à accepter n'importe quel travail le temps de trouver mieux ou de se sortir de la galère. Elle cherchait à réunir une équipe qui tiendrait la route et qui ne quitterait pas le navire trois semaines après l'ouverture parce que l'herbe semblait plus verte ailleurs. Alors que Jo ne s'y méprenne pas, venir larmoyante en la suppliant de l'embaucher n'était pas une technique à adopter avec elle. Elle préférait de loin le culot.

Et du culot, elle semblait ne pas en manquer, la jeune assise en face d'elle. Rien ne semble venir ébranler sa confiance en elle. A la voir, on pourrait presque croire qu'elle a déjà le job et qu'elle n'est ici aujourd'hui que pour discuter de quelques détails à peaufiner avant l'ouverture du club. Pourtant, même si ça n'en n'a pas l'air, il s'agit bien d'un entretien d'embauche. Itziar n'est pas là pour simplement l'entendre se vanter d'être la meilleure dans tout ce qu'elle entreprend. Les mots ne sont pas des actes et dans le domaine du travail, elle a très vite compris qu'agir était plus important que parler. Ce qui l'intéresse donc, c'est de savoir ce qui a motivé Jo à envoyer sa candidature. Elle qui n'est en théorie pas une pauvre fille qui cherche à faire du blé si l'espagnole en croyait les paroles précédentes de la jeune femme. Si elle avait d'autres options, pourquoi avoir choisi un club qui n'était même pas ouvert. Ça lui paraissait étrange d'un côté et de l'autre, elle ne pouvait s'empêcher d'être heureuse que quelqu'un avec un minimum d'expérience soit intéressée par un poste ici. “Ah donc c'est toi qui a démissionné ?” demande-t-elle. Si tel était le cas, cela voulait dire que s'il n'y avait pas eu cette divergence d'opinion, elle serait peut-être toujours à l'Electric Playground et le patron n'avait peut-être rien à lui reprocher. Ca pouvait être rassurant dans un sens, mais ça prouvait aussi qu'elle n'avait pas peur de quitter son job au risque de galèrer un peu le temps d'en trouver un nouveau. “T'as pas peur d'avoir les mêmes divergences d'opinion ici ?” demande-t-elle ensuite. Elle ne cherche pas vraiment à savoir quel était l'objet de la discorde. Elle se dit que ça n'a pas vraiment d'importance. Le Paradise City n'est pas l'Electric Playground, si Jo est capable de faire la part des choses, il n'y a pas de raison que la collaboration (s'il y en a une) se passe mal. La Carte rentre cependant dans le vif du sujet. Elle exprime très clairement son opinion et ce qu'elle a à dire est louable. D'ailleurs, Itziar ne l'interrompt pas. Elle se contente de hocher la tête de haut en bas pour acquiescer de manière silencieuse. “Le but c'est vraiment pas d'avoir un repère à proxénète. Ce serait vraiment aller à l'encontre de tout ce en quoi Lara et moi on croit.” Elle ne sait pas réellement ce que Jo sait sur leur projet de club c'est pour cela qu'elle trouve important de réellement expliquer leur démarche. “On a vraiment à coeur de faire de cet endroit un safe space pour les femmes. Les danseuses, dans un premier temps, mais les serveuses tout autant. Ce qui nous importe c'est que les filles puissent faire le métier qu'elles souhaitent en se sentant en sécurité et en ayant de comptes à rendre à personne à la fin de la soirée. Niveau sécurité, il y aura clairement une tolérance zéro pour tout débordement. Le client n'est pas roi. Il a l'impression d'être roi, mais ce n'est pas lui qui tient les commandes.” Explique-t-elle. C'est la vision finale qu'elles ont du club, c'est là qu'elles veulent l'amener. “Il y aura sûrement des loupés au début, mais les éléments perturbateurs n'auront plus leur place ici deux fois.” Conclu-t-elle. Il fallait être honnête aussi. Chacun allait devoir prendre ses marques au début et ça allait être un pli à prendre. Elle était cependant persuadée que tout allait bien se passer. Ce qui expliquait le sourire sur son visage. Ou peut-être était-ce la dernière remarque de Jo. “Je peux malheureusement penser à quelques catégories de personnes qui ne seraient pas intéressées par un club de strip … Ou qui seraient intéressées au fond d'elles, mais pour X ou Y raisons ne voudraient pas y mettre les pieds.” Répond-elle en haussant les épaules. Il y avait ceux qui trouvaient que c'était dégradant pour l'image de la femme. Ceux qui invoqueraient sans doute des traditions ne pouvant être en adéquation avec ce genre de spectacles, ceux qui n'avaient pas le moindre intérêt pour les femmes en petites tenues et sans doute bien d'autres qui ne lui venaient pas à l'esprit. “Mais si ton carnet d'adresse est rempli de gens qui aiment ça, ça peut-être qu'un avantage.” Elle ne précise pas que ce détail ne ferait pas pencher la balance d'un côté plus que de l'autre, pas pour le moment en tout cas. “J'aime pas amener sur la table les choses qui fâchent comme ça, mais ça me semble inévitable. Je sais pas combien tu gagnais à l'Electric, mais je te cache pas qu'on pourra probablement pas s'aligner. Ça te dérange pas ?” Ou tout du moins au début. Après tout, le club n'étant pas encore ouvert, elles n'avaient pas de recette permettant de rémunérer les employés plus que le minimum légal. Jo n'était peut-être pas prête à accepter cela.

Elle ne réagit pas plus à ce qu’Itziar lui assura que si on lui avait annoncé la sortie du prochain album d’Ariana Grande, se contentant de jouer de ses sourcils impeccables pour confirmer que c’était tant mieux si elle n’avait pas besoin de faire son cinéma pour lui tirer un peu de pitié "Ça me rassure, j’aurais pas voulu ruiner mon make-up." qu’elle dit tout de même d’un ton aussi monocorde qu’il était rauque, son sarcasme transpirant par tous les pores de sa peau lissée par le maquillage, parce qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de l’ouvrir même quand elle n’était pas en position de force et qu’elle avait tout à perdre à faire la maline. Mais elle était comme ça, ce n’était pas à elle de changer, c’était aux autres de s’en accommoder. Si Itziar la trouvait intéressante pour bosser avec elle, elle le ferait sans aucun souci, elle le savait sans en douter, encore qu’elle savait aussi que si c’était nécessaire, elle prendrait les remontrances qu’elle lui ferait sans pour autant corriger le tir. C’était un sujet pour un autre jour, là elles étaient occupées à se jauger pour mieux savoir si ça matcherait sur la durée; ce n’était pas toujours évident avec Josephine, elle ne ferait pas semblant pour se faire apprécier.
Elle ne l’avait jamais fait à l’Electric Playground. Elle avait pourtant réussi à se faire sa place jusqu’à ce qu’elle ressente le besoin de se tailler pour aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte parce que Mac portait bien son diminutif et qu’elle n’avait pas envie de finir dans un trafic douteux où le seul pompon aurait été ce qu’elle avait sous sa jupe. Les mains croisées devant elle, ses longs ongles se touchant pendant qu’elle regardait toujours Itziar sans ressentir une seule once de gêne à la dévisager de cette façon, sa tête se penchant tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche, ses traits s’animèrent quand elle rebondit sur sa démission du club.
Sa réponse était toute prête, et elle la prononça en décroisant les mains, vissant son coude côté droit sur la table pour poser son menton sur son poing, l’air aussi sûre d’elle que quelques instants plus tôt "Je sais pas, tu comptes me mettre la main aux fesses plus qu’à ton tour et me faire des avances toutes les deux minutes? Si c’est le cas, on aura un problème de divergences d’opinion en effet." Elle ne rentrerait pas dans d’autres détails, et elle tairait aussi l’éventualité qu’elle avait peut-être trop de caractère pour que son ancien patron consente à la garder sur la durée. A un moment où un autre, elle se serait fait jeter dans tous les cas. Elle avait juste préféré partir avant ça parce qu’elle gérait l’échec comme elle gérait tout le reste, Jo: avec autant d’impulsivité que si le monde lui appartenait "Je sais de quoi je parle quand je parle d’endroit douteux. Je dis pas que l’Electric en était un, c’est un club avec ses qualités, mais à la fin je voyais plus que ses défauts et être traitée comme ça, c’était le pire d’entre tous." qu’elle ajouta avant d’hausser les épaules face à la manière dont la jeune femme vanta les mérites de la ligne de conduite qu’elles voulaient tenir avec sa collaboratrice "Je vous laisse le bénéfice du doute, sinon je serais pas ici." Mais les beaux discours, elle en avait entendu d’autres, alors elle fermait sa gueule pour une fois, ça ne voulait pas pour autant dire que ça ne la faisait pas doucement rigoler d’être confrontée aux illusions faits de licornes et d’arc-en-ciel d’une toute jeune entrepreneuse.

Pour autant, elle n’avait jamais agit en briseuse de rêves, alors elle rongea son frein. Elle demandait à voir, c’était aussi simple que ça; il fallait qu’elle y travaille pour se rendre compte en direct si les belles paroles de la jeune femme prendrait définitivement racine quand le club ouvrirait, et pour ça, elle devait mettre toutes les chances de son côté.
Pour ça, elle se servit de son entourage pour lui faire croire qu’elle pourrait lui assurer une clientèle fidèle; ça la pousserait à devoir faire du sociale dans peu de temps, à contacter Pierre et Paul pour ne pas perdre la face quand on lui demanderait de mettre quelqu’un sur la liste d’invités pour l’ouverture du club. Mais elle se sentait aussi capable de le faire que tout le reste "Heureusement que je suis pas entourée de ces gens-là alors." qu’elle dit en prenant le ton d’Itziar un peu de haut, comme si elle ne savait pas déjà au fond qu’il y avait tout un panel de gens qui ne foutraient jamais les pieds dans un club de ce genre; imperméable à l’humour qu’elle semblait être, c’était un mauvais point qu’elle mit dans sa liste mentale et qu’elle se promit de tester une autre fois, quand elle serait engagée pour de bon "Ça dépend combien de temps ça durera. Et je toucherais le salaire minimum au moins? Si c’est non, je vais être obligée d’aller voir ailleurs." qu’elle n’hésita pas un instant à lui dire, ne se sentant pas gênée d’être aussi franche sur un sujet qui pouvait être tabou pour certain. Jo, elle ne travaillait pas gratuitement. Elle n’était pas du genre matérialiste, elle avait passé l’âge de vouloir de l’argent de poche pour briller auprès des copines. Si elle se donnait autant de mal pour avoir quelque chose dans ses poches, c’était avant tout pour payer les frais de sa grand-mère, pas pour aller faire du shopping ou se la donner dans des soirées mondaines. Alors le salaire lui importait peu tant qu’elle touchait quelque chose dans la limité du raisonnable, pour le reste elle se débrouillerait; mais il fallait quand même que ça couvre ses dépenses les plus vitales à ses yeux "C’est quoi votre politique sur les pourboires? C’est réservé aux danseuses, vous prenez quelque chose dessus?" qu’elle finit par lui demander, réfléchissant rapidement pour se laisser croire qu’elle pourrait toujours combler le déficit niveau salaire avec un peu de tunes en plus pendant son service. Ce serait facile, même si elle devrait mettre sa fierté de côté pour faire des sourires et être sympa avec tout le monde.

@Itziar Cortés de Aguilar

Elle n'attendait pas une réponse aussi franche concernant les divergences d'opinions qu'il y avait pu avoir entre Jo et son précédent patron. Elle ne sait pas si elle dit toute la vérité où si elle lui fait part seulement de la partie qui lui permet d'éveiller un peu de compassion. Elle fait la grimace, Itziar, avant de faire non de la tête avant même d'ouvrir la bouche pour lui répondre. “On n'aura pas de divergence d'opinion, tu peux en être certaine.” C'était aussi simple que cela. Elle abhorrait ce genre de comportement et même si elle n'avait jamais à le vivre de la part d'un employeur, elle ne comptait plus les clients du pub qu'elle avait dû remettre à leur place parce qu'ils avaient jugé bon de poser une main sur elle ou de tenter une approche des lourdes. Elle savait que c'était pesant. Elle savait aussi que c'était compliqué d'avoir les yeux partout et de s'assurer que chaque type passant les portes du club n'allait pas se comporter comme un goujat. Le but étant que ça se produise le moins possible et dans un monde idéal, que ça ne se produise jamais. Que chaque fille bossant pour Paradise City puisse circuler dans le club sans qu'une main ne vienne se poser sur ses fesses où toute autre partie de son corps. Cependant, ce qu'elle pouvait promettre à Jo aujourd'hui, c'était qu'elle n'avait pas à redouter un incident du genre venant d'elle ou de Lara. C'était donc toujours ça de mieux qu'à l'Electric Playground et même si ça ne faisait pas tout, c'était déjà un excellent argument à ses yeux. Peut-être que s'en était un pour la jeune femme. Peut-être que ce n'était qu'un détail. Elle semblait impénétrable, Jo. “On espère réellement que ce ne sera pas le pire défaut du club. On compte tout faire pour, en tout cas.” C'était tout ce qu'elle avait à offrir comme explication aujourd'hui. Parce que Paradise City n'était pas encore ouvert. Que tout était encore à l'heure de la théorie et qu'elle n'avait donc aucune preuve concrète que Lara et elle allaient parvenir à faire de cet endroit un safe space pour les filles qui viendraient y travailler. La suite était clairement au prochain épisode puisqu'elles avaient maintenant le bénéfice du doute de la part de la Carter.

Itziar, elle, laissait à la jeune femme le bénéfice du doute quant aux personnes qu'elle allait pouvoir attirer jusqu'à Paradise City. Clients potentiels et autres curieux qui pointeraient le bout de leur nez ne serait-ce qu'une fois. Elle ne comptait pas seulement sur elle. Elle ne lui proposerait pas non plus de l'embaucher juste pour le carnet d'adresse qu'elle serait susceptible d'avoir. Certes, le bouche à oreille était un atout, il était impossible de le nier, mais ça ne faisait pas tout. Elles ne pouvaient pas se reposer seulement là-dessus. Elles ne pouvaient pas se reposer sur les gens qui promettaient de venir et d'emmener avec eux tous leurs amis qui pourraient se montrer intéressés. Ça marcherait sûrement un temps, mais si lesdites personnes n'étaient pas forcément le public cible, cela ne pouvait pas fonctionner. Elles allaient notamment se baser sur les contacts de Lara et des autres danseuses. Avec l'espérance que leurs clients réguliers les suivent dans ce nouvel établissement. Pour le reste, elles misaient tout sur la publicité qu'elles allaient pouvoir faire du club. Pour rien au monde, Itziar ne mettrait sur les épaules de Jo le poids de faire venir du monde à Paradise City. Elle était là pour un job de serveuse, pas de rabatteuse. “Tant que tu sais servir des verres sans casser trop en casser et sans te tromper, c'est le plus important pour le job. Ton carnet d'adresses est qu'un plus.” Lui répond-elle simplement. Les autres filles qu'elle avait retenues pour le poste n'avaient rien à voir avec le monde du strip tease. Elles étaient déterminées à faire fonctionner le club, mais n'avaient pas dans leurs contacts de gros clients potentiels. Ca ne les avait pourtant pas empêchées d'attirer l'attention de l'espagnole. Elle ne pouvait pas avoir des exigences particulièrement poussées, Itziar. D'autant plus quand elle n'avait pas les moyens financiers de faire valoir ses intérêts. Elle est d'ailleurs obligée d'annoncer d'emblée la couleur à Jo. Avant que toute décision ne soit prise. “Tu serais bien évidemment payée le salaire minimum. Pour les trois premiers mois au moins. Après quoi, en fonction de l'activité du club, on pourra revoir à la hausse.” Elle est honnête. Elle ne lui cache absolument pas les détails qui ont été décidés avec Lara. “Le but c'est clairement pas de payer tout le monde le moins possible et se faire un max de tunes à côté, mais on n'a pas le choix, au moins pour le début.” Les premiers mois allaient sans doute être compliqués, autant avec les crédits à rembourser que les employés à rémunérer. Il n'allait pas rester énormément, autant pour elle que pour Lara. Il n'y avait pas de doute, tout allait reposer sur les pourboires qu'elles réussiraient à gagner. “Pour les pourboires, c'est bien évidemment pas réservé aux danseuses et tu gardes tout ce que tu gagnes. On prendra aucun pourcentage dessus.” Qu'elle répond, marquant une courte pause avant d'ajouter. “Et avant que tu poses la question, ça restera comme ça, même quand on sera en mesure de vous payer plus que le salaire minimum. C'est de l'argent qui vous est donné personnellement, il n'y a pas de raison qu'on le récupère, ni même qu'on le divise.” Elle n'avait jamais connu un tel système et elle ne voulait absolument pas le mettre en place dans son club. Elle avait toujours eu la chance de pouvoir garder ses pourboires, elle pouvait donc témoigner que ça faisait toute la différence. “Avant qu'on continue, est-ce que t'as d'autres questions ?” Lui demande-t-elle. Elle, elle n'en avait pas, elle avait l'impression de s'être fait une idée de la jeune femme. Elle était motivée, elle avait du caractère et n'avait pas l'air du genre à se laisser marcher sur les pieds. Elle avait tout pour être efficace et son CV parlait de lui-même. Son choix était fait. D'ailleurs, si elle était honnête, elle avait fait son choix bien avant qu'elle ne passe la porte du Paradise City aujourd'hui.

Elle voulait bien croire Itziar. Ne serait-ce parce qu’elle était une femme et que sans qu’elle ne soit obligée d’entrer dans les détails, elle savait déjà. Ça se voyait dans ses yeux aussi clairs que l’eau qu’elle n’avait pas besoin qu’elle explicite; c’était le petit secret honteux qui liait toutes les femmes entre elles après tout, l’enfer que c’était de circuler dans un monde qui se revendiquait mâle et viril. C’était une vraie sécurité, d’être employée par des femmes, qu’elle ne reviendrait probablement jamais sur le sujet. Encore qu’avec Jo, on ne savait jamais vraiment à quoi s’attendre. C’était ça aussi qui était intéressant dans l’action même de s’intéresser à ce qu’elle valait, elle était tellement pétrie de fierté qu’elle était prête à soulever des montagnes pour montrer de quel bois elle se chauffait. Itziar n’en prenait pas encore la mesure, et sans doute ne la prendrait-elle jamais vraiment puisqu’en agissant de cette façon, Jo se dérobait presque entièrement derrière une armure faite pour elle. Mais finalement, c’était tout ce qu'il y avait à savoir d’elle: elle était assez arrogante pour vouloir être la meilleure.

Elle n’aurait pas à craindre les verres cassés "Ce sera pas un problème. T’as le résumé de mon expérience sous les yeux, j’ai dépassé le stade de la formation. Je sais ce que je fais, sinon je serais pas là." Les seuls verres qu’elle avait cassé à l’Electric Playground, elle l’avait fait volontairement. Justement quand des clients se montraient un peu trop insistants et qu’au lieu de leur foutre son poing dans la gueule pour les faire reculer, elle attirait leur attention en faisant violemment teinter du verre contre le sol lumineux du club. Avec un peu de chance, elle n’aurait pas à faire ça ici.
Mais était-ce vraiment le plus important sur le moment? Elle ne le pensait pas; ce qui l’était en revanche, c’était le fric qu’elle empocherait après s’être trimballée toute la soirée durant dans un ensemble à paillettes, talons aux pieds, le plateau de verres pleins porté à bout de bras "Tant que ça dure pas, c’est ce qui m’importe. Je m’attends pas à devenir Crésus en bossant ici, mais tu comprendras que j’ai pas non plus l’intention de bosser pour que dalle. J’ai des factures à payer, c’est pas de l’argent de poche que je viens chercher." qu’elle ajouta à la suite d’Itziar, opinant au sujet du besoin qu’avait le club de se rouiller avant de pouvoir aspirer à payer tout le monde selon des critères plus engageant que quelques dollars "Pour un début, le salaire minimum, ça me va. C’est pas le début de la fortune, mais c’est déjà un début." Elle savait rester réaliste, mine de rien; et elle savait se débrouiller, toujours "Je savais plus ou moins à quoi m’attendre en déboulant dans un club qui n’a pas encore ouvert tu sais." Elle disait vrai, un sourcil arqué et le corps se mouvant avec une impulsion légère pour se recaler convenablement dans son siège en prenant sens qu’elle pourrait se faire de la thune en plus sans avoir à le distribuer à la cantonade. Un bon point, un très bon point qu’elle apprécia en laissant un léger sourire remonter le côté gauche de son visage resté presque impassible jusqu’ici.
D’accord, il faudrait qu’elle bosse sur son hypocrisie et qu’elle apprenne à distribuer des risettes aux connards qui viendraient se rincer l’œil aussi régulièrement qu’ils en ressentirait le besoin, mais ce n’était rien de plus compliqué que ce qu’elle avait déjà eu à faire jusqu’ici. Ce ne serait pas la première fois qu’elle se ferait violence, qu’elle prendrait un peu sur elle en mettant sa dignité de côté en faisant un job pour lequel elle se savait surqualifée dans le fond — parce qu’elle était une artiste, qu’elle savait faire plus que servir des verres d’alcool à des types plein comme des barriques. Si seulement ils en avaient conscience, tous, qu’ils côtoyaient une véritable étoile "Ça a le mérite d’être clair, c’est cool." Que les patronnent ne se ferait pas plus de blé sur le dos de leurs employés en ayant la mainmise sur leur pourboire; deuxième bon point "Je sais pas, quand est-ce que je commence?" qu’elle finit par lui demander quand elle l’invita à poser ses questions. De nouveau un sourire lui échappa, presque fière de faire preuve d’autant d’insolence quand elle ajouta, pour la forme, presque en haussant les épaules "Je crois pas avoir vu la date d’ouverture sur l’annonce postée, quand est-ce que vous comptez mettre tout ça en route? C’est quoi les travaux qu’il reste à faire?" Comme si elle pourrait sortir ses petits muscles et mettre elle-même le club sur pied. Elle ne manquait pas de toupet, et elle donnait littéralement l’impression de s’en cogner, d’être assez hautaine pour poser ce genre de questions sans ciller.

@Itziar Cortés de Aguilar

Itziar espérait que la situation précaire dans laquelle allait se trouver Paradise City à son ouverture ne durerait pas. Elle voulait que le projet fonctionne et avant même d'avoir en tête de gagner des milles et des cents grâce aux recettes que le Club pourrait générer, elle souhaitait pouvoir payer les employés avec un salaire digne de ce nom. Un salaire qui soit tout aussi attractif que réaliste pour les revenus du business. Elle ne voulait pas être de ces patrons qui s'enrichissaient sur le dos des employés, les payant au lance pierre en encaissant des gros chèques. Cependant, elle avait beau avoir de grandes et belles idées, elle n'en restait pas moins réaliste et avait assez de recul pour savoir que les premiers mois allaient sans doute être compliqués. Elle ne l'avait caché à aucune des filles qu'elle avait rencontrées pour un poste de barmaid. Elle ne le cachait donc pas à Jo. Elle ne lui vendait pas des mensonges juste pour lui donner envie de travailler ici. “C'est un début. On va faire tout notre possible pour que la situation évolue rapidement à ce niveau-là. Autant Lara que moi on sait ce que c'est d'avoir des factures à payer et une vie à côté du travail.” Lui répond-elle. Même si sur le papier, avec leur manque flagrant d'expérience, ce projet pouvait ressembler à un caprice de filles à papa qui ne savent pas quoi faire pour occuper leur journée. En pratique c'était tout l'inverse et c'était leurs économies qui y étaient passées. Elles aussi avait donc besoin de payer les factures et avait besoin de bien plus qu'un peu d'argent de poche ou d'un moyen de faire passer le temps en faisant quelque chose qui sorte un peu de l'ordinaire. Il n'y avait rien qui n'était pas pris sérieusement. Ca ne semble pas surprendre la Carter ce qui est une bonne chose et les place donc automatiquement sur la même longueur d'onde. “Je préférai quand même le préciser. Histoire qu'il y ait pas de non-dit ou je ne sais quoi.” Pas de malentendu non plus. Elle était libre de refuser de bosser ici si le salaire ne lui convenait pas ou si elle n'avait pas envie de travailler dans un club pas encore ouvert qui pourrait finir par mettre la clé sous la porte plus tôt que prévu. Elle ne veut pas penser à ça, Itziar, mais elle sait que rien n'est gagné et ce serait utopiste de croire qu'elles allaient se faire leur place dans la vie nocturne de Brisbane un claquement de doigt. Il y avait du travail à faire. Elle en était parfaitement consciente.

Ce détail n'avait pas l'air de déranger la brune. Elle semblait s'en accommoder bien qu'Itziar savait pertinemment qu'elle reviendrait sans doute rapidement à la charge concernant son salaire si celui-ci stagnait un peu trop longtemps. Il n'en était pas forcément de même des autres filles qu'elle allait recontacter pour leur proposer le job. Elles étaient plus jeunes, avec bien moins d'expérience que Jo et donc pas forcément du genre à se plaindre de quoi que ce soit. Jo aurait sans doute deux ou trois trucs à leur apprendre à ce niveau-là. Ne serait-ce que pour leur apprendre à faire valoir leurs intérêts ou à prendre les devants comme le fait la jeune femme. Elle ne demande pas si elle a le job, elle demande quand elle commence. Comme si la première question ne valait pas la peine d'être posée. Comme si la réponse était évidente. Ça fait sourire Itziar qui ne peut s'empêcher de remarquer une fois de plus cette confiance qui semblait émaner de la brune. “Si t'es toujours intéressée par le job, tu peux commencer le soir de l'ouverture.” Déclare-t-elle simplement. Ca ne servait à rien de continuer à faire comme si elle n’avait pas encore décidé de la tournure qu’allait prendre cet entretien. C’était une chance d’avoir Jo dans l’équipe au vue de ses expériences passées. C’était l’assurance d’avoir quelqu’un qui ne se retrouverait pas dépassé par les évènements ou par un afflux de clients d’un seul coup. “La date n'avait pas encore été décidée quand on a mis l’annonce en ligne c’est pour ça.” Et elle n’avait même pas pensé à la mettre à jour puisqu’elle était censée la supprimer. Cependant, les choses étaient bien plus concrètes maintenant et elle avait donc de quoi répondre au question de la jeune femme. “On ouvre le 14 février. Il reste pas grand-chose à faire. Les gros travaux sont finis depuis un moment. Il manque juste quelques trucs dans les vestiaires. Sinon on attend principalement le reste des boissons qui devrait être livré la semaine prochaine.” Autant dire que tout était quasiment prêt pour l’ouverture et qu’il ne restait plus que des détails à fignoler. Ca paraissait infime pour Itziar après les mois de travaux et de galère qui étaient maintenant derrière elle. “En soi on aurait presque pu ouvrir début février, mais avec Lara on a trouvé qu’ouvrir le 14 février était une idée plutôt sympa. Ca a beau être la fête des amoureux, il y a forcément tout un tas de mecs célibataires qui seront à la recherche d’un peu de divertissement.” Finit-elle en haussant les épaules. C’était un choix qui leur laissait également le temps de finir de préparer la soirée pour que l’ouverture ne passe pas inaperçu.

Il ne restait plus que des détails à voir, Jo en était aussi persuadée qu’elle n’hésita pas à revêtir la couronne scintillante de celle qui était embauchée. Si Itziar n’aimait pas la façon dont elle gérait son assurance, elle n’en démontra rien et ça la força à continuer sur sa lancée sans s’encombrer de paraître polie, bien élevée, ou modeste. Elle avait confiance en elle, on lui avait rarement donné l’occasion de le regretter, si ce n’était lors de son passage télévisé où elle s’était laissé bouffer par l’alchimie qui régnait avec son concurrent direct. Si elle avait été moins sûre d’elle, justement, elle aurait peut-être eu le temps de voir arriver le train qui lui fonçait dessus à vive allure pour l’envoyer dans le décor. Elle ne le saurait jamais, elle ne voulait pas le savoir de toute façon, ayant tourné la page de ce chapitre de son histoire pour en écrire un autre… moins expansif sur les aventures tumultueuses et palpitantes, c’était une évidence qu’elle ne reléguait pas au rang d’anecdote, mais qui valait tout de même la peine d’être vécue à un certain stade.
Si elle devait trouver des avantages à son échec, ce serait d’avoir pu se rapprocher de sa grand-mère, d’avoir rencontré Megan, d’avoir réussi à prouver à ses parents et à ses frères qu’elle pouvait se débrouiller sans qu’ils ne soient là, à ses côtés. Pour le dernier point, elle se fourvoyait un peu, car sans l’influence de son père, elle n’avait fait qu’enterrer sa carrière de chanteuse, mais plutôt crever l’écume aux lèvres que de l’admettre pour qu’il en retire une quelconque satisfaction en lui crachant à la gueule qu’il lui avait bien dit, que sans lui, elle n’était qu’un réceptacle à flops qui finiraient par la tuer.

Il fallait qu’elle apprenne à se contenter de ce qu’elle était capable d’atteindre, et au plus le temps passait, au plus elle s’apercevait que ce n’était pas grand-chose en réalité. Alors quand elle se sentait trop bonne pour l’opportunité, elle ne lésinait pas sur la confiance, ne cillant pas face à la perplexité de ceux à qui elle s’adressait. Sa place à Paradise City, elle la tiendrait avec un professionnalisme un peu bancal sans doute, trop impulsive pour accepter de n’être qu’une boniche, mais elle resterait néanmoins le meilleur élément sur lequel les patronnes mettraient le grappin, et elle ne leur laisserait pas en douter un seul instant.
"C’est pas comme si ça se bousculait au portillon non plus. Je veux bien commencer le soir de l’ouverture. Y aura une mise en place à faire avant j’imagine, je me porte volontaire sans aucun souci. Ça me donnera l’occasion de me familiariser avec l’endroit et tout." Sous entendant qu’elle pouvait bien faire ça bénévolement pour une fois, elle se plaçait en grand seigneur comme remerciement anticipé à la place que lui offrait la jeune femme. Comme quoi, elle n’était pas qu’une insupportable ingrate "C’est plutôt malin comme stratégie." qu’elle fit avec un léger sourire, son buste tout en décolleté se penchant sur la table qui les séparait pour mieux prendre sens de la ruse sur laquelle elles s’étaient mises d’accord pour ouvrir le club "Des mecs célibataires, ou des nanas célibataires. Ce sera vraiment ouvert qu’aux hommes, vous avez pas peur d’être targuées de misogynie en faisant des femmes un spectacle, mais en leur en refusant l’accès côté spectateurs ?" Le genre de trucs dont elle se fichait comme une guigne au demeurant, mais ça la faisait marrer intérieurement de pointer du doigt les contradictions du discours d’Itziar. Ça ne changeait rien à sa vie, ça la faisait simplement passer pour plus maligne qu’elle ne l’était vraiment. Sur son visage, on pouvait remarquer la goguenardise ; qu’elle ne laissa pas s’installer, se levant déjà en harponnant l’anse de son sac pour se tirer en ayant la satisfaction d’avoir réussi sa mission du jour "T’as mes coordonnées de toute façon." qu’elle lui dit, avant de s’arrêter pour lui demander, la tête doucement penchée sur le côté et le doigt dardant dans sa direction pour la pointer sans vraiment le vouloir "Je suppose que je rencontrerai ton associée plus tard ?" C’était quoi son prénom déjà ? Aucune idée, et elle ne chercha pas à le savoir non plus, ajoutant seulement "J’allais oublier… on aura un uniforme, ou c’est libre niveau dress code ?" Elle imaginait que débarquer en combinaison de ski ne faisait pas partie de la charte vestimentaire du club, mais elle voulait mettre toutes les chances de son côté en cadrant avec l’ensemble tout en se démarquant forcément. Il suffisait de la regarder pour savoir qu’elle était capable de le faire en donnant l’impression que c’était naturel, alors que c’était un rituel sacré, auquel elle se pliait religieusement.

@Itziar Cortés de Aguilar

Même si c'était gagné pour Jo et que son attitude un peu trop sûre d'elle avait joué en sa faveur cette fois-ci, Itziar n'en restait pas moins perplexe quant à ce qui pouvait bien se cacher derrière cette façade. Cependant, elle avait bien compris que ce n'était pas aujourd'hui qu'elle parviendrait à gratter quelques couches en surfaces pour découvrir qui se cachait réellement derrière cette apparence de jeune femme débordant de confiance en elle. Ce n'était pas si grave. Bien que sa curiosité était maintenant piquée, elle était bien plus patiente qu'elle n'avait pu l'être à une époque et savait attendre que les choses se dévoilent à elle, d'elles-mêmes. Elle était donc certaine que la couverture de la Carter finirait par tomber, à un moment où un autre, sans qu'elle n'ait besoin de trop insister. “Qu'est-ce que tu en sais ?” Lui demande-t-elle. Après tout, elle ne la connaissait pas. Elle ne connaissait probablement pas Lara non plus et n'avait donc à première vue pas d'éléments sur lesquels se baser pour affirmer qu'il n'y avait pas particulièrement foule. Exception faite du petit (gros) détail relevant de la nouveauté totale du Club. “Qui te dis qu'on n'a pas une liste de clients longues comme le bras ?” Ajoute-t-elle. Après tout, autant Lara qu'elle avait un pied dans le monde de la nuit. Lara sans doute plus qu'elle, mais elle ne découvrait pas ce milieu aujourd'hui. Elle avait beau ne pas avoir le carnet d'adresses que pouvait posséder sa meilleure amie, elle s'estimait assez persuasive pour faire venir du monde à l'ouverture et espérer que la soirée leur donne envie de revenir pour d'autres occasions. Alors, oui, ça ne se bousculait peut-être pas au portillon, mais Paradise City ne serait pas vide le soir de l'ouverture, ça, elle en avait la certitude. “Cela dit, il y aura effectivement de la mise en place à faire avant. Si t'es dispo, c'est encore mieux, on aura besoin de bras.” Elle a dit la même chose aux autres filles qu'elle avait sélectionnées avant et Lara avait également tenu le même discours auprès des danseuses qui se produiraient pour l'ouverture. Tout cela serait bien évidemment rémunéré, mais elles n'obligeaient personne puisqu'il s'agissait d'organisation plus qu'autre chose.

L'objectif était fixé, depuis quelques semaines déjà et avec Lara, elles faisaient tout pour pouvoir tenir la deadline qu'elles s'imposaient. Un moyen de se mettre devant le fait accompli et de se lancer même si tout n'était pas forcément parfait ou que certains détails nécessitaient encore d'être fignolés. Elle trouvait aussi que la date choisie était une bonne idée. Le samedi de février semblait un peu trop court niveau timing, attendre le premier de mars revenait à repousser l'échéance, le compromis s'avérait parfait à leur yeux en plus d'être une date un peu spéciale. “Je pense que t'es assez intelligente pour savoir qu'on empêchera sûrement pas l'accès aux femmes et toute aussi intelligente pour comprendre ce que je voulais dire.” Lui répond-elle, sans plus élaborer. Parce que ça lui semblait plus qu'évident que leur clientèle serait en grande majorité masculine, quoi qu'elles décident de faire. Il ne fallait pas être devin pour le savoir et encore moins être doté d'une intelligence hors du commun. Elle commençait à cerner la jeune femme et prenait plutôt ça comme un énième moyen de faire la maligne, comme si ça allait l'agaçait ou la faire réagir outre mesure. C'était mal connaître Itziar qui laisse le commentaire lui passer par-dessus la tête. “Je pense qu'on te contactera d'ici la semaine prochaine, autant pour que tu puisses rencontrer Lara et pour qu'on s'organise doucement pour l'ouverture. Si ça te convient toujours.” Qu'elle demande quand même. Elle ne sait pas si elle peut réellement faire confiance à la jeune femme. Elle ne sait pas non plus si elle est susceptible de les lâcher à la moindre opportunité qui lui paraîtrait plus intéressante. Cependant, elle se dit que c'est le jeu et que finalement, c'est sans doute le cas de tout le monde. “Pour le dress code, tu peux t'habiller comme tu veux, tu connais le monde des bars et des clubs donc j'imagine que tu sais comment gagner quelques pourboires.” Loin d'elle l'idée d'imposer quoi que ce soit. Elle la première n'apprécierait pas qu'on lui dise comment s'habiller ni même qu'on la contraigne à porter un quelconque uniforme. Le monde de la nuit avait cependant ses codes et nul n'ignorait que montrer un peu de peau tout en offrant de jolis sourires permettait de s'assurer quelques billets de plus à la fin de la soirée. “Si t'as pas d'autre question, je propose qu'on en reste là pour aujourd'hui. T'as le temps de réfléchir un peu et on formalise tout ça la prochaine fois.” Propose-t-elle, son choix fait bien avant que la jeune femme ne passe le pas de la porte un peu plus tôt.

"Parce que si c’était le cas, tu m’aurais pas demandée de me servir de mon carnet d’adresses pour faire l’ouverture." qu’elle rétorqua sans réfléchir aucunement à ses paroles, aussi sûre d’elle dans ses opinions qu’elle l’était quand il s’agissait de vendre ses compétences en ne démontrant aucune espèce d’hésitation. Elle était jeune, elle n’état pas née de la dernière pluie cependant. Jo avait un père prêt à arnaquer qui l’entendait pour faire connaître son groupe, pour engranger les meilleurs contrats et empocher la liasse qu’il gardait pour sa poire, d’aucun dirait qu’elle avait prit de lui en étant capable de repérer l’entourloupe à des kilomètres à la ronde. On ne la lui faisait pas, et elle n’accepterait pas qu’on essaye de lui faire croire le contraire de la réalité. Elle bosserait ici, elle était en droit de connaître les détails, dont elle ne ferait sans doute rien d’ailleurs, mais savoir où l’on mettait les pieds, ça valait toujours mieux que d’apprendre sur le tard qu’on était tombé dans un traquenard.
Si Itziar comptait sur son aplomb pour lui faire avaler des couleuvres, les choses allaient tout de suite moins bien se passer entre elles. Jo arqua un sourcil en la regardant de plein fouet, ne remettant pas dix cents dans la machine, bien décidée à lui faire entendre qu’elle saisissait les nuances et les subtilités et qu’être prise pour la reine des connes, trop peu pour elle. Un instant, tout passa par son attitude, et elle donna simplement son assentiment par un signe de tête quand elle lui répondit qu’elles allaient avoir besoin de bras pour la mise ne place. Ni plus ni moins, déjà prête à lever le camp parce que s’éterniser sur autre chose que son embauche, ça la gonflait assez pour qu’elle décide soudain qu’elle avait mieux à foutre que de conforter une jeune entrepreneuse dans ses rêves de grandeur et de décadence.

Pas sans parsemer un peu de poussière de provocation avant toute chose. Elle se leva de son siège, mais elle ne prit pas la poudre d’escampette pour autant puisqu’Itziar montra les crocs. Jo frétilla des épaules, faisant se balader sa queue de cheval entre ses omoplates. Elle gardait peut-être bonne composition, elle décela tout de même une pointe d’agacement chez la jeune femme tandis qu’elle commençait à comprendre à quel genre de personne elle avait à faire. Est-ce que ça la chagrinait d’être celle qui faisait vaciller ses certitudes ? Pas du tout, elle aimait endosser ce rôle, Jo : à toujours appuyer là où ça faisait mal pour avoir la satisfaction de ne pas être la seule à se prendre des coups dans la gueule. Elle n’était pas partageuse d’ordinaire, mais dans ces conjoncture, elle se montrait aussi généreuse que possible.
Elle finit par hausser les épaules "Ça me convient toujours." fit-elle seulement, brassant ses affaires pour mieux partir, pas avant d’être mise au parfum du dress-code à respecter néanmoins "Promis, je me pointerai pas habiller en mormone." Elle avait laissé tomber les robes longues et les nattes depuis bien longtemps, et cette réflexion la fit sourire autant que si c’était quelqu’un d’autre qui l’avait prononcé. Elle enfila son sac à main à son bras, releva la tête en baissant son top sur ses hanches quand Itziar fit sonner les derniers accords de la mélodie qui venait de se jouer entre elles "C’est tout réfléchi. On se voit pour la mise en place." Elle savait qu’elle avait la place, et elle n’aimait pas passer par quatre chemins. Si elle adorait se faire désirer d’ordinaire, Jo n’était pas moins tranchante quand il fallait aller vite, et parce qu’elle ne pouvait pas se permettre de rester trop longtemps sans salaire, elle ne ferait pas durer le suspens cette fois-ci. Itziar la recontacterait aussi tôt qu’elle le soupçonnait, et son attitude ne changerait pas quand elle aurait la confirmation qu’elle était engagée. Vivre comme si tout lui était dû, ça ne lui avait certes pas toujours été bénéfique, mais les habitudes avaient la dent dure, et elle n’était pas motivée par le changement. Un dernier regard, et Jo tourna les talons pour laisser la jeune femme à ses occupations, un petit sourire en coin remontant ses pommettes et son pas faisant résonner l’écho de ses talons entre les murs de son nouveau terrain de jeu.

rp terminé.

@Itziar Cortés de Aguilar