and I tried to hold these secrets inside me

@CARL FLANAGAN & MAISIE MORIARTY ☆☆☆ the house was awake, with shadows and monsters. the hallways, they echoed and groaned. i'm bigger than my body, i'm colder than this home. i'm meaner than my demons, i'm bigger than these bones. who is in control? i paced around for hours on empty. i jumped at the slightest of sounds and i couldn't stand the person inside me, i turned all the mirrors around. ☆ harleystuff & kaceyrps.

(SPRING HILL, SHINING STARS AGENCY). C’est un piège. C’est sans doute un piège, dans lequel je me suis précipitée malgré moi. Je n’ai sans doute pas été assez vigilante, probablement que j’aurais dû continuer à maintenir la distance entre mon ami et moi, peut-être que j’aurais dû prendre les devants pour m’assurer d’une rencontre dans un contexte plus familier que celui-ci, il aurait fallu que je trouve une énième excuse de dernière minute, de celles que je maîtrise à nouveau mieux que personne – chassez le naturel, il revient au galop, n’est-ce pas ? J’ai toujours cru à cet adage, quand bien même je voulais le tenir à distance, quand j’espérais que ces quelques mots n’étaient pas les plus adaptés pour décrire l’entier de ma personne. J’ai eu tort de croire à autre chose, je réalise, alors que les dernières semaines n’ont fait que confirmer une crainte que je continue de garder pour moi, au détriment d’Angus, de Carl, de mes frères, de mes colocataires ou de mes collègues ; tous ceux qui gravitent autour de moi d’une façon ou d’une autre et qui ne prennent pas conscience de l’ampleur du problème. Et c’est une satisfaction. Je contrôle les choses, et personne n’est en droit d’émettre un avis contraire, pas alors que tout me prouve que je maîtrise la situation. Elle ne m’échappe pas, pas comme la dernière fois, et celle avant elle, et celle avant elle (…). L’invitation de Carl n’est pas des plus plaisantes, mais elle n’a pas à être un danger, pas alors qu’elle a été formulée par le jeune homme, loin d’être réputé pour sa parfaite maîtrise du mensonge et son goût prononcé pour les pièges tordus. S’il avait remarqué quelque chose, il m’en aurait parlé, de la manière dont il le fait dès qu’un sujet difficile se doit d’être abordé. Il aurait bégayé, il aurait cherché ses mots, j’aurais compris, j’aurais eu le temps de réfléchir à mes arguments, je les lui aurais imposés, autant que j’aurais exigé son silence sur la question, et jamais plus il n’aurait osé revenir là-dessus. Je n’ai rien à craindre ; l’issue de secours est déjà parfaitement dessinée et peu importe la manière dont les choses pourraient tourner, je les contrôle.

Je ne m’inquiète pas. Il n’y a pas de raison de l’être, pas alors que ma vie ressemble en tout point à ce à quoi j’ai toujours aspiré, d’une façon ou d’une autre, à commencer par la tranquillité, gagnée par le silence dont je fais preuve auprès de mes proches. Ce n’est pas une fuite contrairement à ce que certains pourraient dire – oh, ça, non – c’est une affirmation, celle qui veut que je mène ma vie comme je l’entends, désormais moins bousculée par les sempiternels serments de ma mère, pas plus que la culpabilité à l’égard de mon jeune frère. Ma mère est partie, elle n’a pas son mot à dire, elle a perdu le droit d’avoir de l’influence sur moi au moment où elle a cessé de se battre pour respirer, et Llewyn n’a pas plus de droit alors que tant qu’à être déclarée inapte pour m’occuper de lui, autant leur en donner une véritable illustration. J’ai plus grand-chose à perdre, de toute façon ; le destin s’en est assuré. 

Peut-être que Carl s’est dit qu’écouter des femmes inspirantes me donnerait un second souffle. Ou qu’un buffet à volonté préparé par un traiteur réputé serait le remède à tous mes maux, j’en sais rien et je ne veux pas le savoir. Dans un cas comme dans l’autre, ça ne m’intéresse pas ; je doute qu’une seule de ses femmes puisse réellement me faire croire qu’avec un peu de motivation et de sacrifice, on décroche la lune – pas alors que les seuls sacrifices qu’elles ont dû connaître dans leur vie sont sûrement d’avoir dû refuser le dernier chèque de Papa pour prétendre s’être construite toutes seules, ou d’avoir dû choisir une école publique pour leur chérubin plutôt qu’une privée, afin de mieux vendre leur histoire de self-made à qui veut l’entendre. J’ai bien compris et intégré le message ; celui qui veut que seuls quelques chanceux érigés en modèles réussissent à atteindre leurs ambitions, aidés d’une façon ou d’une autre par les bons contacts ou par la soudaine disparition de leurs valeurs, tandis que le reste des mortels est voué à l’échec – ça tombe bien, ils y sont préparés depuis leur naissance. J’appartiens à cette catégorie, la femme derrière l’agence qui organise cette conférence à la première, peu importe si la chaîne hôtelière familiale a fini par faire faillite, toujours est-il qu’elle a le bon nom de famille, elle.

Je ne dois pas laisser mon agressivité prendre le dessus. Pas aujourd’hui, pas avec Carl, et ce n’est pas tant par respect pour notre amitié que par nécessité de garder ce semblant de tranquillité retrouvée en l’imposant aux autres. Un après-midi, quelques heures, et je pourrais à nouveau prétendre être trop occupée pour lui accorder autre chose que des miettes de mon temps. Habillée d’une robe ample que j’ai associée à des collants noirs et un cardigan épais, mon visage couvert d’un maquillage qui se veut presque naturel, mes ongles vernis pour cacher leur fragilité. Mon regard se perd sur les autres femmes présentes, jugeant leurs vêtements autant que leur allure. « J'ai bien fait de mettre un costume je crois, tout le monde est tellement chic. » Sauf qu’ils ont les moyens de l’être, sans doute. Carl compris. « C’est une conférence, pas les Oscars, j’comprends pas le délire. » J’avoue, mauvaise, avant de reporter mon attention sur Carl. L’agressivité, Maisie. « J’ai pas l’habitude de te voir aussi apprêté, mais ça te va bien. » Je lui reconnais en affichant un sourire. « Empêche-moi de sortir mon manuel pour réviser surtout. C’est notre moment à nous. » - « Compte sur moi. » J’ai pas envie qui lui s’y mette aussi, à me faire comprendre que tout le monde semble évoluer autour de moi, alors que je persiste à vouloir régresser. « J’ai l’impression d’avoir constamment la tête dans les cours mais en même temps, j’ai enfin des trucs à raconter quand on me demande ce que je fais de ma vie alors c’est plutôt cool.. non ? » Notre moment à nous, ouais. Nous et cette foutue université. Pourtant, je suis ravie pour lui, vraiment. J’ai envie de le soutenir au mieux, et je m’inquiète pour lui, pour toute la pression que ça représente et qu’il semble déjà verbaliser. « Franchement, bosser dans un hôtel, c’est le bon plan pour toujours avoir des anecdotes à raconter, hein. » C’était donc déjà plutôt cool, et même sans ce détail concernant sa vie professionnelle : « Et s’il y a un truc dont tu ne dois pas douter, c’est que tu as toujours un truc à raconter. » Je lui rappelle, avant de préciser : « sérieux, t’es le seul type qui est capable de mettre dix minutes à raconter la fois où on t’a servi la mauvaise commande au café du coin. » Parce qu’il bégaye, parce qu’il raconte tous les détails, parce qu’il semble se gêner dès que la parole lui est donnée et qu’il perd le cheminement de ses pensées – j’aimerais pas être dans sa tête, mais c’est aussi pour ça que je l’aime. « C’est pas un reproche, moi j’aime bien quand tu prends tous les chemins possibles et imaginables pour raconter une histoire, je sais jamais comment tu vas t’y prendre. » C’est un effet de surprise même des années après le début de notre amitié, voyez. « Bon, je pensais juste pas que le Bachelor comprenait aussi l’option "insomnies", mais c’est sûrement normal au début. » J’en sais rien, Carl, moi j’ai poussé mes études dans le mur, alors qu’est-ce que j’en sais. Il pourra sûrement demander à tous ses nouveaux copains, une fois qu’il aura des gens avec lesquels il a vraiment des points communs et qui sont nettement plus intelligents et faciles à vivre. « Ça l’est sans doute pas, Carl, je comprends que c’est important pour toi, mais fais attention à toi quand même, ok ? Je suis sûre que tu t’en sortiras très bien sans te mettre la pression ou t’empêcher de dormir, faut juste que tu trouves ton rythme. » Et ça ira sans doute mieux après, j’espère pour lui, du moins. Trois longues années l’attendent, après tout. « Mais ça te plaît ? Au-delà des insomnies, j’entends. » Je le questionne, parce que j’ai besoin de m’assurer qu’il trouve du sens à tout ça et qu’il ne le fait pas uniquement parce « qu’il le faut ». « Et toi alors, tout se passe bien au cinéma ? Paraît que vous avez accueilli l’avant-première d’un film et tout, c’est trop la classe. » - « Ah ouais, le film dans lequel deux de mes potes jouent, ahah. » Ahah. « C’est sans doute pour ça qu’ils ont fait l’avant-première au Twelve, ils savent que je leur aurais arraché les yeux si ça n’avait pas été le cas. » Ou ils ont eu pitié, ce qui est sans doute plus probable. « Mais ouais, ça va, c’était cool même si le film n’a pas fait l’unanimité. » On va pas se mentir, c’est partout sur les réseaux sociaux. « Rose était contente, c’est tout ce qui compte. » J’ajoute avec un haussement d’épaules, avant de changer de sujet : « C’est quoi le délire avec cette conférence et ce brunch ? T’as la tête dans les chiffres alors voilà, tu veux déjà investir et miser sur les entrepreneures de demain avant tout le monde ? » Je questionne, véritablement curieuse quant à son raisonnement, ne pouvant déjà pas m’empêcher de penser que, peut-être, c’est un monde dans lequel il se plaît déjà un peu trop bien.