Le masque entre ses doigts fins, Anna observe la foule qui s’amplifie de seconde en seconde. Elle cherche Samuel, espérant le voir rapidement sans avoir eu besoin de trop attendre. Patienter n’est pas son fort et encore moins quand il s’agit de devoir retrouver quelqu’un. D’ordinaire, Anna fait partie de la catégorie des gens qui arrivent en retard, et non l’inverse. Mais là, elle a fait un effort, a pris soin à choisir une tenue rendant hommage aux années célébrées ce soir. Elle se sent jolie et il faut reconnaître une chose : les temps à deux avec Samuel sont bien trop rares. En maman poule qu’elle est, Anna a toujours eu du mal à se défaire de son fils. Elle n’aurait pas pu se résoudre à appeler Malone et le lui confier. Tout comme appeler sa sœur et le lui confier également. En réalité, il y a peu de monde à qui elle confie Oscar.
Mais là, c’est l’exception qui confirme la règle.
Ce soir, Oscar dort chez un ami d’école. Ce qui leur offre une soirée pour Anna et Samuel, un instant rien que pour eux deux. Des instants qui sont rares et qu’elle compte bien savourer ce soir.
Elle a même hâte que Samuel arrive pour qu’il puisse la voir dans sa robe, dans cette coiffure qu’elle a pris soin de faire.
En attendant, elle observe les gens qui arrivent, zieute son téléphone en espérant voir un message de son compagnon. C’est d’ailleurs à ce moment-là que son téléphone se met à vibrer, qu’elle voit un message de Samuel qu’elle s’empresse de lire. Malheureusement, le sms annonce qu’il aura du retard, qu’il a eu un empêchement à la Nothern. Une heure est le temps qu’il mettra pour arriver, laissant le cœur d’Anna faire un bond. Une heure à affronter toute seule, dans cette jolie tenue pendant que tout le monde s’amuse déjà. Dépitée, la pianiste hésite : ne serait-il pas mieux de rentrer ou d’attendre Samuel dans sa voiture? Elle hésite, pensant même à son petit garçon dont le manque se fait déjà ressentir.
Et c’est là qu’elle voit cette femme parmi tant d’autre.
Mais cette fois-ci, ce n’est pas le coup d’œil comme pour le reste des invités. C’est le regard qui s’accroche sur une illusion, une émotion, une impression de déjà vu. C’est cette chair de poule qui traverse sa colonne vertébrale et qui la fait s’attarder sur ce visage. Ce sont les souvenirs qui sortent immédiatement et remet un nom sur ce visage. Et sur les années qui se sont écoulées depuis.
« Autumn ? » Le prénom est presque prononcé de façon hésitante, maladroitement. Elle sait que les années se sont écoulées et Anna ne saurait même pas expliquer pourquoi elles ont arrêté de se voir. « Tu… Tu te souviens de moi ? »

@Autumn Galloway

Le retour des dates Tinder. Honnêtement, tu ne pensais pas que tu te retrouverais dans ce bordel de sitôt. Tu pensais que tu avais développé quelque chose de vrai avec Will. Jamais tu n’aurais pu voir venir ce changement soudain de vie qui l’a poussé à partir aux États-Unis sans une date de retour. Tu ne lui en veux pas, non. Tu comprends parfaitement ce besoin de nouveau et d’aventures, tu ne pensais simplement pas que tu en payerais les fais si subitement. Ça fait quelques mois maintenant, qu’il est parti. Tu aimerais pouvoir dire que ça fait quelques mois que tu apprends à être toute seule, mais tu es là, à enchaîner les dates Tinder sans jamais trouver le moindre réconfort auprès de ses inconnus dont l’attention ne dure jamais assez longtemps. Mais tu continues de chercher, parce que non, tu ne sais pas comment être toute seule. Le bal masqué organisé par la ville de Brisbane est une excuse comme une autre pour un date, quoiqu’un brin extravagant comme contexte pour une première rencontre. Qu’importe. Tu décides de jouer le jeu pleinement, la robe de style Gatsby te collant au corps, le masque sur ton visage camouflant à peine ton identité. Tes cheveux tombent en boucle contre tes épaules, et ton regard s’attarde sur les invités qui entrent les uns après les autres dans la salle de bal. Ton date est en retard. 15 minutes. Tu soupires légèrement, te demandant soudainement si tu n’es pas en train de te faire poser un lapin. Ce serait franchement chiant, mais au moins, l’ambiance de la place est plutôt sympa et puis il y a pire pour un vendredi soir que d’avoir accès à un bar et de voir la moitié de la ville s’emballer sous une thématique des années 20. « Autumn? » Tu te retournes avec surprise lorsqu’une voix féminine t’interpelle, preuve ultime que la personne devant toi n’est certainement pas ton date à moins que tu te retrouves devant une drôle de version de catfish. Tu mets quelques secondes avant de reconnaître la silhouette qui se retrouve devant toi et voilà que tu es transportée plusieurs années en arrière, sur les bancs de l’université dans ta jeune vingtaine, avant que tout ne déraille dans ta vie. « Tu… Tu te souviens de moi? » La surprise quitte les traits de ton visage pour laisser place à un sourire sincère. « Anna? Anna Petersson? » De toutes les personnes que tu t’attendais à voir ici ce soir, elle n’était certainement pas très haute sur la liste. Anna et toi aviez perdu contact il y a bien longtemps, quelque part entre tes multiples tentatives à l’université et d’autres relations venant prendre priorité sur votre amitié authentique, quoique sans doute un brin superficiel. « Wow. C’est à peine si tu as changé. » que tu remarques avec un léger rire, la jeune femme aussi belle et élégante ce soir qu’elle ne l’était dans tes souvenirs. « Ça fait quoi? Une dizaine d’années au moins. » Rien qui n’aidait ton envie éternelle de rajeunir, de toute évidence. « Je savais pas que tu étais toujours à Brisbane. » Tout comme tu n’as pas la moindre idée de ce qui a pu se passer dans les dix dernières années, mais à défaut d’avoir un date avec qui passer la soirée pour l’instant, tu as bien envie de lui poser toutes sortes de questions.

Lorsque la rousse se retourne, Anna comprend qu’elle a deviné juste. Et avec le masque sur le nez de surcroît ! Elle se félicite intérieurement d’être capable de cet exploit, le cœur palpitant déjà à l’idée de plonger dans ce passé, il y a des années en arrière. Avec Autumn, avec ces moments passés à rire et à imaginer un futur d’adulte responsable, avec ce que la distance a créé entre elle. Pourtant, Anna n’est pas une personne rancunière. L’éclat de ses yeux noisette ne reflète que de la douceur et de la joie de pouvoir retrouver cette figure du passé. Se rappelant qu’à cette époque, il n’y avait pas encore Malone, ni d’Oscar. Pas encore d’amour qui allait se finir des années plus tard.
L’insouciance d’être jeune et de n’avoir aucune responsabilité. Et lorsqu’Autumn laisse apparaître un sourire, Anna ne peut s’empêcher de sourire, se sentant presque légère. Pour une raison qu’elle ignore, un poids s’est envolé. Sans doute, le poids trop lourd de la solitude…« Anna? Anna Petersson? » Anna acquiesce avec un petit rire, non sans ressentir un élan de nostalgie. Il y a tellement longtemps qu’elle n’a plus été présentée ou reconnue par son nom de jeune fille. Constantine est son identité, celle qui la détache de ses parents et la rapproche de son fils. « En chair et en os ! » Lui répond-elle avec gentillesse tout en la dévisageant. Avec cette silhouette toujours svelte, sa chevelure de feu qu’elle n’avait pas pu oublié. A croire que même si les années passent, le temps n’a pas forcément d’impact. Anna note l’absence d’alliance sur la main gauche. Un détail qu’elle prend toujours soin de regarder depuis bien longtemps, sachant très bien que sa main gauche est tout aussi vide désormais. Il y a fort longtemps qu’elle a rangé son alliance dans sa boite à bijoux.
« Wow. C’est à peine si tu as changé. » Anna lui sourit de plus belle, appréciant ce complément qui lui va droit au cœur, apaise la tourmente de vieillir, de ne pas assez profiter de la vie. Il y a déjà quatre ans qu’elle s’est décidée à être, de nouveau, heureuse. « Ça fait quoi? Une dizaine d’années au moins. »
« Mon dieu, si on commence à parler en dizaine d’années, je vais me mettre à pleurer. » Lui répond-elle, amusée. « Mais oui ça fait un bon bout de temps maintenant. Et je te retourne le compliment, tu es superbe. Et ta tenue te va bien. »
Elle se sent vraiment heureuse de la revoir. Et c’est étrange parce que durant toutes ces années, Anna n’a plus jamais pensé à Autumn. Oh si, parfois durant un élan de nostalgie où les images défilaient dans sa tête, laissant apparaître le visage de son ancienne amie. Mais jusqu’ici, rien qui laisse une marque indélébile. Il suffit pourtant d’une rencontre hasardeuse des plus agréables.
« Je savais pas que tu étais toujours à Brisbane. » Une vraie moule à son rocher, qu’elle songe soudainement. « Il faut croire que je suis bien trop attachée à la ville. » Il faut dire qu’il y a sa famille, ici. Et puis, il y a Malone et sa famille. Et surtout, bien évidemment, Oscar est là et Anna ne pourrait se résoudre à partir et créer des complications pour son fils.
« En vérité, ça a été naturel de rester ici… Après la fac, tu vois ? Je n’ai pas eu d’autres options ou d’occasion de penser à partir d’ici, trouver une autre ville. Oh bien sur, j’ai voyagé. ! Mais je suis toujours à Brisbane… » Et les derniers mots sont presque dits avec la sensation de regretter. Elle aurait pu faire autre chose. Mais avec des « si » Anna ne pourra rien y changer. « Et toi donc. Dois-je aussi te demander si tu es toujours à Brisbane ou de passage ? » Anna est curieuse, impatiente même de savoir que son ancienne copine de fac a pu devenir. A l’époque, elles étaient aussi indécises l’une que l’autre sur leur avenir. « Et puis, qu’est-ce que tu deviens ? » Elle se met à rire. « Je crois qu’en plus on s’est connues, on faisait des études de psycho, non ? Je me souviens plus mais en tout cas, je n’ai développé aucune arrière dans chacun des cursus que j’ai fait. » Elle a toujours voulu bosser dans la musique mais elle n’avait pas pu réaliser son rêve.
@Autumn Galloway

« En chair et en os! »  C’était toute qu’une surprise que de tomber sur la jeune femme, mais c’en était une des plus agréables. Si tu étais pour te retrouver toute seule pendant cette soirée, tu aimais l’idée de pouvoir rattraper le temps perdu avec la jeune femme. De nombreuses années avaient filé depuis l’époque où vous n’étiez que deux jeunes étudiantes avec des rêves plein la tête, et tu étais curieuse de savoir si la vie avait été plus douce et clémente avec Anna qu’elle n’avait su l’être avec toi. « Mon dieu, si on commence à parler en dizaine d’années, je vais me mettre à pleurer. Mais oui, ça fait un bon bout de temps maintenant. Et je te retourne le compliment, tu es superbe. Et ta tenue te va bien. » Le compliment te fait sourire, et tu ne peux t’empêcher de tourner légèrement sur toi-même pour offrir une vue complète à la jeune femme. « Le but était d’impressionner ma date Tinder, mais je pense qu’on m’a posé un lapin. » Tu grimaces à simplement le dire, pas particulièrement fière d’admettre qu’à passer trente ans, tu es toujours sur Tinder à tenter de trouver l’amour, ou du moins une relation qui t’aide à te sentir un peu moins seule. « Il faut croire que je suis bien trop attachée à la ville. » Tu hoches la tête, comprenant parfaitement le sentiment. Tu ne venais pas de Brisbane, ta famille n’y était pas non plus, et pourtant, tu n’arrivais pas à t’imaginer ailleurs. Est-ce que cela avait à avoir avec le fait que Kieran était ici? Possiblement, mais même après tous ces mois passés sans lui, tu n’avais pas ressenti le besoin d’aller te cacher ailleurs et c’était un signe selon toi que ton amour pour Brisbane n’était pas complètement dépendant du Halstead. « En vérité, ça a été naturel de rester ici… Après la fac, tu vois? Je n’ai pas eu d’autres options ou d’occasions de penser à partir d’ici, trouver une autre nouvelle. Oh bien sûr, j’ai voyagé! Mais je suis toujours à Brisbane… » « Tu travailles en ville? » que tu lui demandes, curieuse de savoir si c’est l’une des raisons qui l’a empêché de regarder pour d’autres options. « Et toi donc. Dois-je aussi te demander si tu es toujours à Brisbane, ou de passage? » « J’ai bougé pas mal depuis la fac, mais je pense que je suis là pour de bon. » Ou du moins, jusqu’à la prochaine aventure, ou le prochain moment d’imprévisibilité. « Je suis retournée vivre à Toowomba, près de chez mes parents pendant quelques années, et puis j’ai passé presqu’un an au Canada avant de revenir m’installer à Brisbane. Mais comme toi, je sais pas me tenir loin bien longtemps. » C’était une manière bien succincte de résumer les plus belles et aussi les plus difficiles années de ta vie. « Et puis qu’est-ce que tu deviens? Je crois qu’en plus, quand on s’est connues, on faisait des études de psycho, non? Je me souviens plus mais en tout cas, je n’ai développé aucune carrière dans chacun des cursus que j’ai fait non. » « Ah non? Qu’est-ce que tu fais maintenant? » que tu lui demandes avec curiosité. « J’ai changé de cursus plusieurs fois, et j’ai arrêté l’école à quelques reprises, mais j’ai terminé mon BAC en enseignement il y a quelques mois maintenant. Je viens de commencer à bosser dans un lycée au centre-ville. » Ce ne sont que des remplacements ici et là pour le moment, mais tu as bon espoir qu’à la nouvelle année, on t’offrirait un poste permanent. Dieu sait que la demande était plus que présente.

Pendant que la musique des temps passés résonnent, Anna continue de sourire devant cette rencontre imprévue. Les années ont passé, c’est vrai mais pour autant, les souvenirs restent. Et elle a gardé que de bons moments en mémoire même si les effets de la vie les ont conduites à ne plus se donner de nouvelles. C’est là qu’elle voit ce que veut dire de devenir mature, de ne pas tenir rigueur du temps qui s’échappe. De ne pas tenir rigueur du silence imposé, autant qu’elle s’y est attelée sans le vouloir.
En tout cas, Autumn paraît être en forme, belle comme avant. Épanouie, du moins c’est ce qu’Anna en ressent sur les premières apparences. « Le but était d’impressionner ma date Tinder, mais je pense qu’on m’a posé un lapin. »
Ce à quoi la pianiste répond : « Ton rencard ne sait pas ce qu’il est en train de rater. Quelle tristesse. » Anna émet un petit rire.  « Cette personne ne sait pas ce qu’elle rate. » Car vraiment Autumn est en beauté avec cette tenue.
Et puis, Anna est curieuse tout autant que son ancienne amie de classe. Les questions fusent déjà. Sur le fait de se rencontrer à Brisbane et de réaliser qu’elles sont au même endroit depuis toujours. En tout cas, c’est ce qu’il s’est passé pour Anna, telle une moule accrochée à son rocher. Tous les éléments se sont alignés pour que ça se passe ainsi. Et lorsqu’elle s’est séparée de Malone, bien sûr que la pianiste a songé à un déménagement et un changement de vie radical mais elle n’a pas eu la force, le courage d’abandonner complètement le père de sl. fils.  « Tu travailles en ville? » Lui demande Autumn. Anna hoche déjà la tête.
 « Oui, je travaille à la Nothern Company Theater, je ne sais pas si tu connais. » Et sans attendre de savoir ce qu’Autumn fait dans sa vie ou d’apporter des précisions, Anna lui retourne déjà la question sur la situation géographique, si elle vit ici ou non. « J’ai bougé pas mal depuis la fac, mais je pense que je suis là pour de bon. » Anna ne peut s’empêcher de sourire, les yeux brillants d’espoir pensant déjà à l’idée qu’il pourrait être si évident de garder contact et de ne pas reproduire les erreurs du passé. « Je suis retournée vivre à Toowomba, près de chez mes parents pendant quelques années, et puis j’ai passé presqu’un an au Canada avant de revenir m’installer à Brisbane. Mais comme toi, je sais pas me tenir loin bien longtemps. » À l’inverse d’Anna, Autumn a bien bougé et elle ne peut s’empêcher de l’envier quelque part, non pas qu’elle éprouve une forme de regret. Mais ce choix là, aujourd’hui, lui paraît si inaccessible. De toute façon, elle sait que la pression familiale aurait été trop forte et qu’elle n’aurait pas pu su résister à l’idée de devoir renoncer à s’installer dans un autre pays. Un échec comme à l’image du cursus scolaire qu’elle avoue sans ressentir une gêne quelconque. « Ah non? Qu’est-ce que tu fais maintenant? » C’est alors la fierté qui illumine les yeux noisette de la brunette, un sourire étire ses fines lèvres  « Je donne des cours de piano, je suis professeur. » Si Autumn s’en souvient, elle a certainement dû garder en mémoire la passion qu’Anna a toujours voué à cet instrument. « Ce n’est pas ce dont je rêvais c’est vrai. Mais tous les jours je joue du piano et c’est tout ce qui compte. Ça vaut tous les cursus scolaires ratés et le rêve raté de ne jamais pouvoir être sur scène dans un prestigieux orchestre. » Et puis, il y a cette autre victoire que la vie lui a offert. Oscar, neuf ans, la chair de sa chair.  « Et toi ? » Anna est bien trop curieuse de savoir. « J’ai changé de cursus plusieurs fois, et j’ai arrêté l’école à quelques reprises, mais j’ai terminé mon BAC en enseignement il y a quelques mois maintenant. Je viens de commencer à bosser dans un lycée au centre-ville. » A croire que son ancienne copine de fac a autant galéré qu’elle. À trouver sa voie, ce qu’il lui plaît.  « Je suis si contente si tu as pu trouver du travail et que tu fais ce que tu aimes. Ça se passe bien du coup ?  » La questionne Anna.

Les lieux semblent s’amplifier avec du monde qui arrive encore. Elle en a oublié Samuel, tellement heureuse de pouvoir discuter avec Autumn. Le temps est passé si vite. « Dis, puisque ton rendez vous n’est pas arrivé et que mon chéri a du retard, est ce que ça te dit qu’on aille se prendre à boire ? » Demande Anna  « Ça me fait tellement plaisir de te voir, ça fait si longtemps d’ailleurs… Et puis, on a tellement de choses à se dire ! »
@Autumn Galloway

« Ton rencard ne sait pas ce qu’il est en train de rater. Quelle tristesse. Cette personne ne sait pas ce qu’elle rate. » Tu es touchée par les paroles de ta vieille amie, tentes de te rassurer qu’au final, c’est son problème à lui et non le tien s’il a décidé de te poser un lapin, même si tu dois admettre que ça ne te fait pas particulièrement du bien à l’égo. Tu tentes de te consoler avec le fait qu’au moins, ce rendez-vous raté t’a permis de croiser le chemin d’Anna, et que c’est un bien pour un mal. Tu profites de l’occasion pour venir aux nouvelles, pour te mettre à jour sur les informations de base dans la vie de la jeune femme, ce qu’elle fait désormais, si elle est toujours dans le coin, les évènements marquants des dix dernières années. Certes, tu commences avec tes questions en douceur, même si tu es bel et bien connue pour ton incapacité à entretenir une conversation superficielle. Tu as la mauvaise habitude d’en dire trop, ou d’en demander trop aussi, dans des contextes ou avec des personnes qui ne le permettent pas toujours. À voir où cela te mènera ce soir. « Oui, je travaille à la Northern Company Theater, je ne sais pas si tu connais. » Tu réfléchis quelques instants, mais tu ne trouves rien dans ta mémoire associée à ce nom. « Je connais pas, non. » Mais comme le dit le nom, tu imagines que c’est quelque chose en lien avec le théâtre, ou tout tu moins, quelque chose d’artistique et si le sujet de la conversation dérive sur tes voyages et tes allées-et-venues des dernières années, tu te fais une petite note mentale de la questionner un peu plus sur son travail quand l’occasion se présentera, et c’est exactement ce que tu fais une fois que tu as terminé ton petit monologue sur ta personne. « Je donne des cours de piano, je suis professeur. Ce n’est pas ce dont je rêvais c’est vrai. Mais tous les jours je joue du piano et c’est tout ce qui compte. Ça vaut tous les cursus scolaires ratés et le rêve raté de ne jamais pouvoir être sur scène dans un prestigieux orchestre. » Tu ne sais pas trop comment répondre à tout cela. D’un côté, tu voudrais lui dire que tu es désolée pour elle, qu’elle n’est pas pu réaliser son rêve d’être dans un orchestre prestigieux, tout comme tu voudrais lui dire que tu la trouves inspirante, de parler avec autant d’entrain de son emploi, même si ce n’est pas ce qu’elle s’imaginait faire à la base. « T’as l’air heureuse et bien dans ce que tu fais. » que tu commentes donc, préférant te concentrer pleinement sur le positif. « Et la Northern Company, ça sonne prestigieux quand même. C’est quoi exactement? » Bon, peut-être bien que tu es complètement à côté de la plaque et que ladite compagnie n’a rien de grandiose, mais on ne sait jamais. À tes oreilles, ça te semble être un poste important et puis vu l’étincelle dans le regard de la brune, quelque chose te dit qu’elle s’y plaît bien. Tu te demandes si c’est de ça dont tu as l’air, lorsque tu parles de l’enseignement. Tu espères que oui. Tu as vraiment envie que ce plan soit enfin le bon. Tu as besoin que ce soit le bon. « Je suis si contente si tu as pu trouver du travail et que tu fais ce que tu aimes. Ça se passe bien du coup? » Tu hoches vivement la tête, heureuse de pouvoir enfin dire que oui, tout se passe bien pour toi pour une fois. « Oui, vraiment. Ça fait pas longtemps que j’ai commencé, mais ça me plaît bien. Je fais que des remplacements ici et là pour l’instant, mais ça me permet de voir différentes dynamiques et d’essayer différentes choses. » que tu lui relates avec excitation. « J’ai longtemps hésité avant de retourner à l’école, et même quand j’ai eu mon diplôme, j’ai longtemps hésité avant de me chercher un emploi. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. De ne pas être assez bonne. » Ah, et voilà que tu overshare, pile comme tu l’avais prévu. « Mais ça valait la peine. » que tu conclues, te décidant de t’arrêter là avant de tomber dans des histoires bien plus compliquées et à la fin beaucoup moins joyeuse. « Dis, puisque ton rendez-vous n’est pas arrivé et que mon chéri a du retard, est-ce que ça te dit qu’on aille se prendre à boire? Ça me fait tellement plaisir de te voir, ça fait si longtemps d’ailleurs… Et puis, on a tellement de choses à se dire! » « Avec plaisir. » Juste avec ce qu’elle vient de te dire, tu sais déjà ce que tu veux lui demander ensuite. Mais vous vous guidez d’abord vers le bar, là où tu commandes un cocktail au nom étranger mais à l’allure appétissante, laissant Anna en faire de même. Une fois vos verres en main, tu tends le tien dans sa direction. « À nos retrouvailles improvisées! » que tu proposes avec un rire, avant de mener le cocktail à tes lèvres et en prendre une longue gorgée. « Tu es avec quelqu’un donc? Ça fait longtemps? » que tu lui demandes, pleine de curiosité.

Le monde est petit et jamais elle n’aurait pu penser pouvoir retomber sur Autumn au milieu de cette soirée. Il est certain que si Samuel avait été là, elle serait passée à côté de ces retrouvailles. Ces dernières lui font chaud au coeur, rappellent des instants anciens. L’époque d’une insouciance dans laquelle la vie était carrément plus simple. Néanmoins, c’est avec beaucoup de tendresse qu’Anna lui répond sur sa vie actuelle, sur son travail qu’elle aime bien qu’il n’ait pas été le job de ses rêves.
« T’as l’air heureuse et bien dans ce que tu fais. » Ça la touche de savoir qu’au delà du rêve inaccompli, elle arrive à faire savoir qu’elle est heureuse de la situation. Qu’au sein de ce nouveau travail, elle y a retrouvé le gout de vivre, d’aimer, d’être heureuse. « Et la Northern Company, ça sonne prestigieux quand même. C’est quoi exactement? » Elle ne peut s’empêcher de pouffer de rire. « Effectivement, le nom claque. ça fait prestigieux comme tu dis si bien. » Et bien sûr, elle s’empresse d’expliquer : « C’est le nom de notre compagnie de théâtre indépendante. Et effectivement, elle commence à se faire son petit nuit au milieu des grandes institutions. Ce qui est génial, c’est de pouvoir réunir des débutants et des professionnels. Tout le monde y a sa place. » Et effectivement, elle y a su trouver sa place. « Et si jamais tu veux apprendre le piano, tu es la bienvenue. » Elle est très sérieuse, Anna, connaissant si bien le pouvoir de ce que la mélodie procure à l’âme.
Elle est curieuse d’en savoir plus sur son ancienne amie et s’empresse de la questionner sur ce qu’elle devient, l’interrogeant sur son nouveau travail. « Oui, vraiment. Ça fait pas longtemps que j’ai commencé, mais ça me plaît bien. Je fais que des remplacements ici et là pour l’instant, mais ça me permet de voir différentes dynamiques et d’essayer différentes choses. » - « En tout cas, on ressent vraiment que ça te plait. Tu as l’air tellement épanouie. Comme quoi, parfois revenir au point de départ peut être la meilleure des décisions. »  Lui répond Anna avec l’intime conviction qu’il y a tellement de similitudes dans leur vie bien qu’elles se soient perdues de vue durant toutes ces années. « J’ai longtemps hésité avant de retourner à l’école, et même quand j’ai eu mon diplôme, j’ai longtemps hésité avant de me chercher un emploi. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. De ne pas être assez bonne. » Le visage d’Anna se transforme en une mine tendre. Et si elle s’écoutait, elle prendrait Autumn dans ses bras. Parce qu parfois, tout n’est pas rose, tout n’est pas simple. Et elle comprend si bien chacun des mots.
« Mais ça valait la peine. »
Les mots la frappent avec une vérité des plus édifiantes. A la fois merveilleux et incroyablement terrifiant. « Si c’est pour être sur la voie du bonheur alors ça en vaut carrément la peine. » Elle ne peut s’empêcher de poser sa main sur le bras de la rousse, pressant doucement. « Une personne formidable m’a dit un jour que tout ce qui prend du temps en vaut la peine. Alors ne cesse jamais d’y croire. » Et cette personne est celle qu’elle attend ce soir. Samuel a cru en elle, a été patient pour entrer dans le coeur de la pianiste. Et morceaux après morceaux, il s’arme d’un calme olympien pour recoller les bouts épars de son âme brisée. Et ça lui fait tant de bien de se savoir autant aimée et soutenue.
En tout cas, c’est naturellement qu’elle propose à son amie retrouvée de partager un verre avec elle. Anna espère même que Samuel arrivera vite pour qu’elle puisse le présenter à Autumn.
« Avec plaisir. » Alors sans attendre, elles se dirigent vers le bar où il est possible de commander des cocktails des plus appétissants. Anna récupère le sien, à base de fruits rouges. Ils ont l’air tout bonnement délicieux. « À nos retrouvailles improvisées! » elle tend le verre vers Autumn. « A nos retrouvailles et aux gens qui sont en retard et absents. Sans eux, on ne serait pas là. » Elle se met à rire avant de tremper ses lèvres découvrant une boisson aussi acidulée que sucrée et elle aime beaucoup. « Tu es avec quelqu’un donc? Ça fait longtemps? » Ce genre de questions lui procure toujours un mélange d’émotions entre le bonheur et la déception. Car si Anna a connu plusieurs hommes dans sa vie, il y en a deux qui sortent du lot. Et c’est toujours un mélange d’émotions de devoir dévoiler ce qui rend heureux et a rendu malheureux. « Oui, je suis avec un homme merveilleux qui s’appelle Samuel. Il travaille aussi à la compagnie en tant que chef d’orchestre. » Rien que d’y penser, elle a déjà des papillons dans le ventre. Se sentant presque redevenir une gamine qui découvre les premiers émois. « On est ensemble depuis un peu plus de deux ans. Et… » Elle inspire doucement. « Je aussi maman d’un petit garçon qui a… neuf ans. Il s’appelle Oscar et je suis séparée de son papa. » Elle tait qu’elle est mariée au dit papa mais qu’elle n’a pas divorcé, n’ayant pas eu le courage de devoir entamer cette procédure. Comme si… D’une certaine façon, il y avait ce lien qui se maintenait. Entre Malone et elle. « Parfois, les choses arrivent et nous font mal… Mais comme tu dis, parfois… ça en vaut la peine. » Bien que ces yeux se voilent de cette mélancolie qui témoigne du passé qui la meurtrira pour toujours, Anna reprend une voix enjouée. « Et toi alors ? Tu avais un rendez vous qui, hélas, n’est pas venu… Mais il n’a pas idée de ce qu’il rate…. »

@Autumn Galloway  

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« Effectivement, le nom claque. Ça fait prestigieux comme tu dis si bien. C’est le nom de notre compagnie de théâtre indépendante. Et effectivement, elle commence à se faire son petit nid au milieu des grandes institutions. Ce qui est génial, c’est de pouvoir réunir des débutants et des professionnels. Tout le monde y a sa place. » Tu hoches la tête avec intérêt, la passion de la jeune femme se faisant entendre dans chacune de ses paroles. Ce n’est peut-être pas ce dont elle rêvait à la base, mais elle semble s’être fait une bonne place au sein de cette entreprise et de voir ta vieille amie heureuse est la seule chose qui compte pour toi. « Et si jamais tu veux apprendre le piano, tu es la bienvenue. » « C’est vrai? J’adorerai. » Ce n’est pas un mensonge. Apprendre à jouer d’un instrument est quelque chose qui t’intéresse depuis de nombreuses années, un passe-temps toutefois auquel tu n'as jamais accordé le temps nécessaire, soit dû à l’une de tes nombreuses mauvaises passes, ou par simple manque de temps et d’intérêt quand tu aurais pu le faire. Mais de te lancer dans ce projet avec Anna pourrait être quelque chose qui vous permet de renouer votre amitié, tout en te permettant enfin de cocher un item sur ta longue liste de choses que tu as toujours voulu faire. « Je t’avertis tout de suite par contre, je suis une vraie de vraie débutante. Je n’ai pas touché à un instrument depuis mes cours de musique au secondaire. » Et dieu sait que cette époque remonte, désormais, rappelant les nombreuses années qui se sont écoulées depuis autant tes années de lycée, que d’université. Ça te fait tout drôle quand tu es forcée de faire cette réalisation, ayant trop souvent l’impression d’être figée dans le temps, préférant croire que tu étais coincée quelque part au début de ta vingtaine. Mais la Autumn à vingt ans, elle n’était pas certaine de ce qu’elle voulait faire dans la vie, alors que celle de trente, elle a déjà une meilleure idée. « En tout cas, on ressent vraiment que ça te plaît. Tu as l’air tellement épanouie. Comme quoi, parfois revenir au point de départ peut être la meilleure des décisions. » Il y avait quelque chose d’incroyablement validant dans les paroles de la jeune femme. Elle n’avait pas vu tes années de misères. Elle n’avait pas la moindre idée des défis qui s’étaient frayés sur ton chemin avant que tu ne te rendes au point où tu en étais. « Tu m’aurais vu il y a quelques années, ou même il y a quelques mois, je pense pas que tu aurais dit la même chose. » que tu lui avoues avec une légère grimace. « Mais merci. Je me sens bien pour la première fois depuis longtemps. » Et tu n’avais qu’une envie : que cela dure encore un peu. Aussi longtemps que possible, si tu avais un peu de chance. « Si c’est pour être sur la voie du bonheur alors ça vaut carrément la peine. Une personne formidable m’a dit un jour que tout ce qui prend du temps en vaut la peine. Alors ne cesse jamais de croire. » « Ça sonne comme une personne très sage. » C’est le genre de conseils que tu aurais eu du mal à écouter et à comprendre il n’y a pas si longtemps de cela, mais en ce moment, tu y trouves tout un sens nouveau et tu sais l’apprécier à sa juste valeur.

C’est une bonne soirée. Tu es de bonne humeur, malgré le lapin que l’on vient de te poser. Tu es heureuse de partager ce moment avec Anna et évidemment quand elle te propose d’aller prendre un verre pour le prolonger, tu n’hésites pas un seul instant. « À nos retrouvailles et aux gens qui sont en retard et absents. Sans eux, on ne serait pas là. » « Here, here! » que tu rajoutes en cliquant ton verre contre celui de la jeune femme. La discussion s’éloigne de vos carrières, et tu t’intéresses plutôt sur le fameux homme qu’Anna attend. « Oui, je suis avec un homme merveilleux qui s’appelle Samuel. Il travaille aussi à la compagnie en tant que chef d’orchestre. » « Wow, un vrai power couple du monde de la musique. » que tu commentes amusée, n’ayant pas trop de mal à t’imaginer Anna avec un homme avec ce que tu imagines être une bonne envergure. C’est que tu imagines qu’il faut une certaine présence et une main de fer dans un gant de velours, pour devenir chef d’orchestre. « On est ensemble depuis un peu plus de deux ans. Et… Je suis aussi maman d’un petit garçon qui a… neuf ans. Il s’appelle Oscar et je suis séparée de son papa. » Wow, tu ne t’attendais pas à ça, tu dois l’admettre. Un garçon de neuf ans, ce qui veut dire qu’elle est tombée enceinte peu de temps après vos années conjointes à l’université. C’est un trajet de vie qui te semble si différent du tien, un que tu ne peux t’empêcher de lui envier légèrement, du moins, la partie de l’enfant, pas celle qui dit qu’elle est séparée de son père. « Parfois, les choses arrivent et nous font mal… Mais comme tu dis, parfois… ça en vaut la peine. » « Je suis désolée d’apprendre pour ta séparation. Pour en avoir vécu une après plusieurs années ensemble, je sais que ça n’a rien de facile. » Bon évidemment, tu ne peux pas vraiment te permettre de comparer vos deux situations, surtout que du peu que tu en sais, elles sont vaguement différentes, mais tu essayes seulement de sympathiser du mieux que tu peux. « Parle-moi d’Oscar. Comment il est? Est-ce que tu as une photo? » Toute maman qui se respecte a certainement pleins de photos dans son téléphone, mais tu ne veux pas la forcer à rien si elle n’a pas envie de partager avec toi. « Et toi alors? Tu avais un rendez-vous qui, hélas, n’est pas venu… Mais il n’a pas idée de ce qu’il rate… » Tu hausses légèrement les épaules, résignée pour ce soir. « Oh tu sais, les dates trouvés sur Tinder, c’est loin d’être le truc le plus fiable qui soit. » Et tu devais admettre que tu commençais à trouver de moins en moins d’intérêt à perdre ton temps sur les applications de rencontre, swipant à droite et à gauche seulement avec l’envie de chasser une solitude qui pesait parfois trop lourdement sur tes épaules. « Comme je te disais, j’ai eu une relation assez sérieuse qui a duré quelques années, mais qui n’a pas fonctionné malheureusement. » Tu tais les fiançailles, ou la fin dramatique qui a été déclenché par un séjour en psychiatrie. Il y a des choses qui peuvent attendre quelques rencontres supplémentaires avant d’être dites. « Je cherche toujours mon prince charmant, mais je ne suis pas certaine qu’il existe vraiment. » que tu avoues dans un rire. Non, le prince charmant, ce n’est certainement pas pour toi, mais peut-être que la vie se décidera un jour à te faire mentir.

« Et si jamais tu veux apprendre le piano, tu es la bienvenue. » « C’est vrai? J’adorerai. » Anna ne peut s’empêcher de rire, tellement heureuse du hasard de la situation. Les souvenirs ne cessent d’affluer comme éveillés par le simple fait de voir ce visage familier. De pouvoir parler avec légèreté, de voir combien le temps passe et ça fait du bien au coeur. Au moral. A tout. « Je t’avertis tout de suite par contre, je suis une vraie de vraie débutante. Je n’ai pas touché à un instrument depuis mes cours de musique au secondaire. » La mine de la pianiste n’est que rassurante. Ce ne sera pas la première personne qu’elle rencontre qui partirait de la case départ. « Ne t’en fais pas, on a tous démarré un jour ou l’autre. » Et c’est qu’elle répète souvent à ses élèves quand ils ne sont que mauvais à priori sur eux-même. « Mais ça sera un réel plaisir. Le piano c’est tellement apaisant. » Et pour ça, Anna ne peut qu’être honnête. Jouer du piano a toujours été son échappatoire, le moyen de pouvoir se réfugier dans sa bulle et d’oublier. Envolée vers les jolies mélodies. Eloignée des situations douloureuses. Elle aime cette sensation d’être ailleurs.
Force est de constater qu’elle trouve Autumn rayonnante lorsqu’elle évoque son nouveau job. Et le partager le lui fait tellement plaisir jusqu’à ce que son ancienne amie finisse par rétorquer :  « Tu m’aurais vu il y a quelques années, ou même il y a quelques mois, je pense pas que tu aurais dit la même chose. » Forcément, Anna se sent un peu mal à l’aise, n’espérant pas avoir fait une boulette. Ou toucher une corde sensible. Il faut dire qu’elle en a tellement bavé qu’à force, elle a fini par devenir maitre dans l’art de dissimuler ses émotions. Et lorsque son mariage battait de l’aile, que Malone était bien trop abattu par les antis douleurs, Anna s’est toujours efforcée d’afficher un visage laissant croire que tout est normal. Et l’a toujours été. « Mais merci. Je me sens bien pour la première fois depuis longtemps. » Anna a cette délicatesse de ne pas être inquisitrice dans ses questions. Et de ce fait, savoir qu’Autumn se sent bien. Tout compte fait, c’est tout ce qu’il y a de bien à savoir. « Et ça se voit sur ton visage. » Se contente-t-elle d’enchérir avec bienveillance, espérant le meilleur pour Autumn. C’est d’ailleurs à ce moment là qu’elle se souvient de ce que lui a dit, un jour, Samuel. Et c’est tout naturellement qu’elle le partage. « Ça sonne comme une personne très sage. » - « Oh oui, tu n’as pas idée… » Souffle Anna, un brin énigmatique.
Elle se sent tellement envahie d’une belle énergie lorsqu’elles finissent par trinquer. C’est presque comme une évidence que leur soirée devait se passer ainsi. Anna et le retard de Samuel. Autumn et son rencard manqué. La coïncidence permet à la pianiste d’oublier presque ces détails et de raconter - en évitant certains détails - sa vie amoureuse. « Wow, un vrai power couple du monde de la musique. » Anna ne peut s’empêcher de pouffer de rire, comme une gamine vivant son premier flirt. Et ajoute : « Si je peux me permettre un petit spoiler, notre sujet de conversation favori c’est la musique. » Elle plaisante bien sûr car Samuel est un homme aux multiples facettes. Mais il est vrai qu’au travers de la musique, leur histoire a pris naissance. Alors forcément, elle vit à leurs côtés, au gré de leur battement de coeur. Cette histoire si belle qui lui a permis de recoller les morceaux de son palpitant brisé.
« Je suis désolée d’apprendre pour ta séparation. Pour en avoir vécu une après plusieurs années ensemble, je sais que ça n’a rien de facile. » Elle ne peut s’empêcher d’acquiescer avec une petite moue désolée. « Oui ce n’est pas jamais simple. Et puis quand tu as un enfant au milieu ça l’est encore moins. C’est moi qui est la garde exclusive d’Oscar. » Mais aussitôt, Anna regrette de l’avoir dit, laissant son visage se décomposer un peu. Elle craint les questions qui pourraient arriver parce que forcément, l’humain aura cette envie, ce besoin de savoir. Le fameux « qu’est-ce qu’il a dû faire » pour en arriver à cette décision de justice là. Heureusement, il y a cette connexion avec Autumn, cette évidence qui permet de dévier sur un sujet des plus adorables : « Parle-moi d’Oscar. Comment il est? Est-ce que tu as une photo? » La réponse est O-U-I. Et forcément, c’est à la vitesse de l’éclair qu’elle dégaine son téléphone, la section photos et là où se trouve tous les dossiers qu’elle a créé avec les différentes années de vie d’Oscar. Et affiche alors ce garçon qui ressemble bien plus au papa mais possède les yeux noisette et le nez de sa mère. « Et voilà ma plus belle réussite. Oh j’aimerai tellement qu’il puisse te connaître. Je suis sûre qu’il va t’adorer. C’est un garçon tellement gentil. » Et Anna est une vraie mère poule.
« Et toi alors? Tu avais un rendez-vous qui, hélas, n’est pas venu… Mais il n’a pas idée de ce qu’il rate… » Anna finit par changer de sujet car elle se sait capable de parler de son petit pendant des heures si elle s'écoutait. « Oh tu sais, les dates trouvés sur Tinder, c’est loin d’être le truc le plus fiable qui soit. » En vérité, Anna ne saurait avoir de réels témoignages sur cette application car elle n’a jamais eu à l’utiliser. « Je pensais que les gens seraient sérieux. Au moins sur ce sujet là. » Se contente-t-elle de dire, consciente qu’elle n’est pas un exemple puisqu’elle n’a jamais connu les relations en ligne et qu’elle n’a jamais eu à souffrir de ça. « Comme je te disais, j’ai eu une relation assez sérieuse qui a duré quelques années, mais qui n’a pas fonctionné malheureusement. » Elle se contente de sourire tristement. Ce n’est jamais évident quand on arrive à la case fin. « Je cherche toujours mon prince charmant, mais je ne suis pas certaine qu’il existe vraiment. » Anna ne peut s’empêcher de pouffer de rire. « Alors sache une chose ! C’est que le prince charmant, il existe mais ! On ne sait pas quand il va nous tomber dessus. » A ses yeux, Samuel a été ce prince charmant. Celui qui lui a permis de croire de nouveau en l’amour. « Tu sais, avec le père d’Oscar, j’étais tellement persuadée que c’était l’amour de ma vie, que ce serait jusqu’à nos vieux jours. Et puis la vie a fait que… » Malone a eu son accident. Il a dû faire une croix sur l’armée et vivre avec la douleur, devenant accro aux antis douleurs. Beaucoup trop accro. Au point d’avoir détruit leur union. « Et Samuel… Jamais j’aurais cru qu’il y aurait quelque chose entre nous. C’est pour ça. Parfois les décisions difficiles nous amènent vers des chemins faciles sans qu’on s’en rende vraiment compte. » Elle éclate alors de rire et ajoute d’une voix faussement prétentieuse. « Parole du sage bien évidemment. »

@Autumn Galloway