Trois jours avant :

Le postérieur calé contre le capot de sa voiture noire et parfaitement lustrée, Grimes avait les bras croisés et attendait ce fameux client. Les deux hommes s’étaient d’abord entretenus par téléphone pour un petit aperçu de la situation et des tarifs appliqués. Bien vite, le marché était conclu et le rendez-vous était fixé. Ce que Cade attendait désormais, ce n’était pas une liasse de billets. L’argent n’était pas sa source de motivation. Il attendait plutôt un nom, un lieu, un fait, le maximum d’informations pour pouvoir bosser dans de bonnes conditions et ne rien laisser au hasard. Depuis qu’il était entré dans la police américaine, puis au sein du bureau fédéral, Cade était très méticuleux et déterminé à venir à bout de chaque dossier et ce, de manière professionnelle…la plupart du temps. Enfin, son client arrivait à bord d’une berline tout aussi sombre que la Chevrolet garée devant. Pas de poignée de mains, simplement quelques mots pour se présenter et instinctivement, ils en vinrent au dossier. La photo de la suspecte en main, Grimes observa son allure alors qu’elle marchait en pleine rue avec un téléphone portable vissé sur l’oreille. Elle était jeune, plutôt jolie dans son genre et elle dégageait déjà sur l’image un appétit pour les choses luxueuses. En témoignait ce manteau dont le col en vraie fourrure ne cachait pas un grand intérêt pour les problèmes de société actuels. Hochant de la tête, l’ex agent fédéral fourra la photo dans la poche intérieure de son blouson et la discussion se poursuivit encore quelques minutes. – Faites moi un premier rapport sous dix jours. Cette pétasse n’aura pas la fortune de mon père ! Dans un autre contexte, Cade ne se serait pas fait un ami de ce type imbu de sa personne et qui n’aura sans doute aucun mal à se remettre de la mort de son paternel lui-même. L’argent…une grande histoire dans les familles si aisées. Il remonta au volant et braqua pour faire demi-tour.

Aujourd’hui :

Voilà qu’il avait désormais réunis pas mal d’infos sur la dite croqueuse de diamants, possible veuve noire si monsieur traine trop à passer l’arme à gauche, Cade devait se rendre sur place pour tenter d’apercevoir quelques indices qu’on ne pourrait réfuter. Il n’avait pas encore mangé et son ventre criait déjà famine, il se mit en tête de s’arrêter pour un bon burger après sa visite au domaine. Visite était un bien grand mot, car il s’agissait surtout de scruter depuis la voiture, et peut-être de faire le tour du voisinage ensuite pour reporter des témoignages. Le tout en restant le plus discret possible. Avant de partir, il attrapa l’arme qu’il détenait en toute illégalité et la fourra dans la ceinture de son pantalon avant de rajuster sa chemise dessus. Quand il arriva sur place, et tout en examinant la maison qui se dressait un peu plus loin, il repéra une place. Pas trop près, ni trop loin, c’était un endroit impeccable et il s’y gara avant d’éteindre le moteur. Le modèle de sa voiture lui demandait de faire preuve d’encore plus de discrétion tant elle imposait. Néanmoins, pour rien au monde il en changerait ! A partir de là, il fallait être vigilent et loin d’être un amateur, Cade sortit son téléphone et vérifia qu’il était bien à la bonne adresse. Pas de lumière, pas de signe de vie alentours, ça promettait quelques heures de planque et toujours, son estomac grouillait.
Plusieurs minutes plus tard, un oiseau quitta la branche d’un arbre, captant le regard vert de Cade qui se posa ensuite sur les fenêtres désespérément obscures. Il se pinça les lèvres en souhaitant voir Mademoiselle-profiteuse sortir pour faire du shopping, ou rentrer d’un rendez-vous chez l’esthéticienne. Alors qu’il se perdait dans le récapitulatif du dossier en pensées, la portière passager de sa voiture s’ouvrit et une jeune femme brune s’installa à côté de lui. Tellement étonné de cette intrusion, Cade ne broncha pas malgré la petite montée d’adrénaline et fronça les sourcils en la regardant. Qui c’était celle-là ?!

« Saluuut ! Qu’est-ce que vous faites là, sans bouger ? Vous avez un souci avec votre voiture ? » Elle semblait… naïve au premier abord. Immédiatement, ses iris bleues l’interpellèrent. Il jurait qu’elle pouvait transpercer n’importe quelle âme avec ce regard, si elle savait un temps soit peu s’en servir. Grimes redescendit en pression et il prit un air faussement las. – Tout va très bien, merci. Il la sommait indirectement et en forçant un sourire, de le laisser tranquille et de quitter son véhicule rapidement. « Vous voulez une sucette ? J’adore les bonbons, ça peut tout régler ! Rha, où est-ce que j’ai mis mes sucettes ? » C’était une blague ?! Une sucette ?! Il fallait juste qu’elle se tire ! Sauf que Grimes n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche d’un flingue était pointé sur lui. Changement de ton, l’expression de son visage changea radicalement et sa tête eut un léger mouvement de recul. Wow ! « Pas de bonbon pour vous, désolée. » La miss n’était visiblement pas la petite bécasse un peu trop curieuse du coin ! Mais la couleur de ses cheveux et de ses yeux l’éloignait de la possibilité qu’elle soit sa cible du jour, l’ayant repéré intelligemment. - Dommage… Répondit-il sans se démonter. « Vous êtes qui ? Et qu’est-ce que vous faites là ? » Il la fixait, calmement, pour lui montrer qu’elle n’aurait pas le dessus avec son joujou. Tout en se méfiait silencieusement, il soupira presque… - Baissez cette arme, elle est bien trop lourde pour vos p’tits bras. Sarcasme. Cette fille ne savait pas à qui elle avait à faire. Sans qu’il ne lui laisse le temps de répondre et tout en la toisant, il leva très rapidement la main et dans un seul geste prompt et ponctuel, il attrapa l’arme par son canon, faisant probablement sursauter la jeune femme. – J’ai dit…baissez cette arme ! Tout en poursuivant, il appuya pour laisser tomber le chargement du flingue. – Maintenant on peut discuter. Vous êtes qui et qu’est ce que vous foutez dans ma caisse ?! Il reprenait ses mots, il lui semblait que désormais, elle lui devait bien plus qu’un bonbon !


@Lucy Cavanagh     

Son petit retour à Los Angeles pour quelques semaines avait permis à Cade de se remettre d’aplomb après les soucis personnels qu’il avait rencontré et qui l’avaient accablé profondément. Il se sentait mieux, et tout à fait prêt pour le dossier qui l’attendait. Ce n’était pas l’affaire du siècle, et elle serait probablement résolu en une dizaine de jours, néanmoins, il prenait chaque information et chaque détail à cœur, comme il l’avait toujours fait lors de ses années de service au sein du FBI. La profiteuse sera certainement assez idiote et indiscrète pour se pavaner avec un homme plus jeune, ou bien elle ne parviendra à convaincre personne que ses sentiments à l’égard du vieil aisé sont sincères et tout à fait légitimes. Il ne serait pas étonnant qu’il tombe sur un document tout récent qui la favorisait dans les droits de succession. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait et le fils faisait bien de se méfier. Même si Grimes ne doutait pas que lui-même était vivement intéressé par son héritage plutôt que par la santé de son paternel, il comptait sur le professionnalisme de Cade, et il avait encore une fois bien raison.

Pour inspecter ça de plus près, l’ex agent fédéral se rendit sur place, en voiture et armé, dans l’idée de repérer les lieux et d’apercevoir si possible la fameuse délinquante. Il ne l’avait vu qu’en photo. Elle était plutôt reconnaissable, surtout si elle sortait de nouveau avec cet animal dépecé sur le dos. Cade s’était garé, prêt à passer plusieurs minutes à observer, jusqu’à ce qu’une fille ne vienne le déranger. Elle s’était installée dans la caisse, comme chez elle, et de façon puérile, elle lui avait proposé une sucette. Ce flingue qu’elle avait sortit ne ressemblait en rien à une friandise, ni même à un jouet. Son attitude défensive avait elle aussi effacé toute trace de naïveté sur son visage. Merde…qui était-elle pour venir le braquer comme ça ?! - J’ai dit … baissez cette arme ! Loin d’être paniqué, Cade ne tarda pas à la désarmer lorsqu’elle s’y attendait le moins. - Maintenant on peut discuter. Vous êtes qui et qu’est-ce que vous foutez dans ma caisse ?! Grimes avait déchargé son arme, mais pour autant, il ne chercha pas à l’effrayer en dégainant le sien. « Déchargez le vôtre, et on pourra parler. » La toisant d’un regard presque noir, il admira ce courage. Débarquer dans la voiture d’un homme et l’affronter alors qu’elle le savait encore armé, c’était remarquable. Ou stupide. Cade estima alors qu’il ne courrait plus de danger, à moins bien sûr qu’elle ne dissimule un autre flingue dans son dos. Il ravala un soupir, et sortit son arme qu’il déchargea également. Les voici donc face à face avec, pour les protéger au besoin, leur seule force physique. Et à ce jeu-là, Cade était certain d’être en meilleure posture.  

« Lucy Cavanagh, détective privée. J’enquête sur quelqu’un du quartier. A votre tour. » Grimes attrape la carte de visite qu’elle lui tend et n’y jette qu’un bref coup d’œil, préférant l’écouter et suivre ses yeux bleus pour voir si elle était sur le chemin de la vérité. Mais il ne lui fallu que quelques secondes pour se rendre compte qu’elle disait vrai. La coïncidence était tout à fait incroyable. – Détective privée… ?! Reprit-il en haussant les sourcils. Elle n’en aurait pas eu l’air si elle ne lui avait pas collé le canon de son flingue entre les yeux juste avant. – Cade Grimes, nouvellement enquêteur privé. Et j’suis aussi sur un suspect qui habite dans l’coin ! Il se perdit un peu dans ce regard interrogateur. – La discrétion, c’est sensé faire partie de votre boulot non… ?! A peine eut-il terminé qu’elle pesta et l’attrapa par le col pour qu’il se baisse comme elle venait de le faire. « Baissez-vous, bon sang ! Et n’allez pas vous imaginer des trucs ! » Leur position pouvait en effet prêter à confusion. – Alors ne me braquez plus avec votre flingue, c’était bien trop excitant ! Fit-il de façon complètement sarcastique et avec un visage tout à fait neutre. Lui aussi laissa ses yeux trainer furtivement, et ce taxi avec Pétunia à son bord, passa non loin de la Chevrolet. Lucy se redressa et descendit de la voiture aussi rapidement qu’elle y était entré. Grimes fronça les sourcils en la voyant faire. Cette fille transpirait l’audace et l’adrénaline. Un peu trop d’ailleurs. « Vous n’avez qu’à rester là et faire le guet. Mon numéro est sur la carte que je vous ai donné, au besoin. » Pardon ?! C’était risible, et pourtant, il la regarda s’éloigner presque bouche bée.

Il semblerait qu’ils soient sur la même affaire. Non, c’était même sûr. Mimant un air las, Cade sortit à son tour de la voiture en rechargeant son arme et attrapant celle de Lucy au vol. La suivant à la trace, elle semblait avoir déjà disparu. Quelques pas précipités, et il la chercha des yeux en arborant maintenant une mine bien plus sérieuse. Il arriva bien vite près de la grosse maison et s’adossa au mur entre la porte d’entrée et une première fenêtre donnant sur le salon. Un bref regard, très lent et méfiant à l’intérieur, aucun mouvement. Personne. Il tenta après d’ouvrir la porte. Sait-on jamais, avec un peu de chance. Mais celle-ci était fermée à clé. Le seul moyen d’entrer était de faire le tour de la maison en espérant qu’une fenêtre ait été laissé ente-ouverte… il commença ses recherches en avançant progressivement…



@Lucy Cavanagh     

« Très pratique pour les infiltrations. Nombreux sont les hommes comme vous, ceux qui me sous-estiment. » En effet, Lucy devait forcément jouer de son joli minois pour s’introduire dans des conversations ou dans des lieux incongrus et avec l’air naïf qu’elle lui avait joué en s’installant à côté de lui, Cade n’aurait jamais parié qu’elle puisse faire un tel métier. Il n’avait pas le temps de penser au domaine où il la voyait plutôt agir, mais il n’aurait certainement rien à voir avec les enquêtes privées ou la planque qu’elle semblait effectuer au même titre que lui.  Grimes venait de se présenter et il ne faisait plus aucun doute désormais qu’ils étaient sur le même dossier. « Je parie que nous surveillons la même personne. Laissez-moi deviner … un fils inquiet pour l’héritage de papa ? » Mais bordel, à quoi jouait son client ?! Pourquoi avait-il fait appel à deux enquêteurs à la fois ? Avait-il si peu confiance au travail que pouvait faire un ex agent fédéral ?! L’étonnement ne pouvait pas se lire sur le visage impassible de Cade, et pourtant, il était véritablement prit de court. Jamais il n’avait eu à partager une affaire. Lorsqu’il bossait, il le faisait généralement seul ou avec un co-équipier et tous les deux étaient généralement au courant de l’existence de l’autre.

- La discrétion, c’est sensé faire partie de votre boulot non … ?! Oui car on ne pouvait pas dire qu’elle en avait fait preuve en débarquant à l’improviste dans sa caisse. « Oui … et ? Vous vous garez avec une voiture repérable à des kilomètres non loin d’une maison et ne sortez pas du véhicule … Je suis là depuis plusieurs heures, malheureusement, alors j’ai vite repéré votre petit manège … » Agacé mais surtout déconcerté par le surplus de confiance qu’elle possédait, Grimes fronça les sourcils. Elle marquait plusieurs points. Sa voiture n’était pas des plus discrète malgré sa couleur sombre. Elle brillait de mille feux, mais elle était surtout imposante, et d’une autre époque. Le genre de véhicule sur lequel on se retournait forcément et qui dénotait dans le paysage. – J’aurais pu être n’importe qui, vous faites preuve de bien trop d’imprudence ! Grimper dans une voiture juste parce qu’elle était arrêtée sur le côté de la route, c’était quand même osé. Braquer un flingue sur le nez de son occupant était encore plus gonflé ! Un enquêteur devait forcément montrer un peu moins de légèreté dans ses jugements.

Le taxi passa tout près de la Chevrolet alors que Lucy venait tout juste de tirer sur le col de sa veste pour que Cade ne se fasse pas repérer.  Elle avait une position presque indécente. Ils ne se connaissaient que depuis quelques secondes que déjà, ils étaient physiquement très proches et bien sûr, Cade ne tarda pas à tourner cette situation à l’ironie. - Alors ne me braquez plus avec votre flingue, c’était bien trop excitant ! Il se redressa aussi, et récolta un coup sur la cuisse qui lui tira une légère grimace. « Oups ! La prochaine fois, je viserai un peu plus haut, et je taperai plus fort ! » Non, c’était plutôt cette réplique qui le fit grimacer. Cette fille était délirante. Sans doute presque aussi timbrée que lui. Et au fond, ce genre de personnalité l’amusait beaucoup car elles prédisaient des moments tout à fait extraordinaires.

Il n’eut pas le temps de répliquer qu’elle quittait l’habitacle précipitamment, avec dans l’intention de le laisser derrière. Elle ne le connaissait visiblement pas et elle ne compterait pas là-dessus ! Cade bossait lui aussi et il n’obéirait qu’à lui-même. Il s’éloigna à son tour vers la demeure en n’oubliant pas l’arme de Lucy avant de fermer la portière de la voiture. Tout semblait silencieux. Seules quelques feuilles craquèrent sous les semelles de ses chaussures quand il fit le tour de la maison à la recherche de la pseudo détective, ou d’une fenêtre entrouverte afin de s’introduire à l’intérieur. Après tout, sa récente rencontre avec Lucy n’allait pas le dérouter de sa mission du jour : récolter des informations sur cette Pétunia. En marchant lentement, ses pas le guidèrent jusqu’à la porte de derrière, déjà maltraitée par une Lucy à genoux. « Vous êtes malade ?! » Il la toisa, s’empêchant de ne pas s’emporter et alerter le voisinage par la même occasion. « Vous deviez rester dans la voiture … » Elle n’avait vraiment peur de rien… - J’ai une fâcheuse tendance à n’pas obéir aux ordres ! C’était carrément sarcastique et il se fichait presque d’elle. Il n’avait pas à faire ce qu’elle disait, pour qui se prenait-elle ? Sa suffisance en était irritante. La porte émit un tout petit bruit métallique et elle s’ouvrit sans même qu’on la pousse. Lucy pénètre à l’intérieur. Cade, lui, est un peu plus hésitant. Il observe à droite, puis à gauche, et fait enfin quelques pas lents pour entrer dans la pièce. Il observe la jeune femme qui semble si attirée par ses potentielles trouvailles qu’elle en oublierait presque de prendre des précautions. Ils arrivent dans ce qui semble être un grand salon. Une table en marbre, un canapé en véritable cuir et plusieurs meubles qui paraissaient valoir une fortune à première vue. Aucun doute, l’odeur de l’argent flottait dans l’air. Tout en parcourant doucement les lieux, Cade alimenta sa curiosité. – Votre client… c’est le frangin n’est-ce pas ?! Sous-entendu, le frangin de son client à lui. Ça ne pouvait être que ça, Grimes s’était renseigné sur la fratrie. – Ils ne se sont même pas mis d’accord sur la personne à contacter... Un léger sourire moqueur arriva sur ses lèvres alors que ses yeux parcoururent les tranches des livres de la bibliothèque. – Ou peut-être que…vous et lui… Un lien pouvait expliquer que l’un des frères avaient fait appel à elle, et l’autre à lui. Il regarda Lucy avec un petit air amusé et taquin avant de passer dans la pièce attenante, disparaissant de sa vue.

Dans la pièce d’à côté, il trouva un immense bureau qui faisait penser à celui d’un médecin. Du chêne ou de l’ébène, une chaise tapissée d’un velours vert affreux et des tas de livres par ci par là. Cade en fit le tour en espérant trouver des tiroirs et de la paperasse qui pourraient en dire long sur la situation. Mais pas de tiroirs, pas de coffre caché dessous. Il souleva quelques dossiers agglutinés sur le bureau avec précaution et plissa les yeux pour parvenir à déchiffrer l’écriture sur les documents. En voilà un très intéressant...



@Lucy Cavanagh     

« J’ai une fâcheuse tendance à n’pas obéir aux ordres ! » Cette remarque, bien que balancée sur un ton complètement ironique et moqueur, décrivait parfaitement bien le caractère de Grimes, dont cette fille n’avait encore pas connaissance. SI elle pensait s’être frotté à un petit amateur qu’elle allait pouvoir mener à la baguette juste avec un regard charmeur, elle se trompait lourdement. Avait-elle seulement idée que son esprit rebelle était le motif de son licenciement du bureau fédéral ? « Ca nous fait au moins un point commun. » A en croire sa mine antipathique, non. Elle marquait cependant un point. Il y avait bien trop de ressemblances visibles entre eux dans les quelques minutes qu’ils avaient passées ensemble. S’en était presque énervant.  « Votre client … c’est le frangin n’est-ce pas ?! » Alors qu’ils parcouraient la maison chacun de leurs côtés mais encore dans la même pièce, Cade tenta de tirer les choses au clair sur leur mission commune. « Ouaip. Bien trouvé, Einstein. » Cela ne pouvait être que ça. Il s’était renseigné sur cette famille. Deux enfants. Deux fils que tout séparait, sauf leur intérêt pour l’héritage que leur laissera leur paternel en passant larme à gauche. « Peut-être qu’ils ne se sont pas concertés sur les démarches à entreprendre pour protéger leur père. Ou peut-être qu’ils ne s’entendent pas. » Il s’était déjà fait son idée. Ces abrutis avaient du évoquer l’idée de faire appel à un détective lors d’une réunion de famille, une discussion privée dans la grande cuisine familiale, mais ils ne s’étaient pas concertés pour choisir leur homme. Ou leur femme… bref, ils étaient désormais tous les deux sur ce dossier, ce qui allait forcément compliquer les choses. Vu la personnalité bien trempée de Lucy, Cade n’était pas au bout de ses surprises, contrairement à la conclusion de cette affaire un peu banale.

« Ce n’est pas parce que vous rêvez de coucher avec moi depuis je suis montée dans votre voiture que vous pouvez fantasmer à voix haute … » Avait-elle répliqué quand il avait émis la possibilité que le frère employeur et son employée n’avaient pas seulement des relations professionnelles cadrées. Cade fronça les sourcils en prenant un air blasé. Fantasmer ? Il lui faudrait plus que ça, bien que l’entrain qu’elle mettait à réussir sa petite mission du jour, avec tous les risques que ça comportait, ce n’était pas pour lui déplaire ! « Navré mais je ne louche pas sur les stagiaires ! » En réalité, il ignorait encore tout de la carrière de Lucy, mais il préférait se défendre en se vantant d’être plus expérimenté. La jeune femme décida de monter à l’étage. Une bonne idée puisque Cade était déjà à l’œuvre au rez-de-chaussée, dans ce bureau dont il ignorait la réelle utilisation qu’en faisait cette Pétunia. Bizarrement, il préférait nier toute probabilités que des parties de jambes en l’air aient eut lieues sur ce meuble, au centre de la pièce ! Il mit la main sur quelque chose. Cette feuille qu’il tenait à la main était clairement une pièce du puzzle. Les yeux verts de Grimes, figés sur les chiffres, s’illuminaient face à ce début de preuve. « Vous avez trouvé quelque chose ? » Sherlock-au-féminin était descendue, bredouille. « Mademoiselle a la maladie du crédit-a-tout-va semble t-il… ! » Sous ses yeux, des lettres de sociétés de crédits dévoilant des sommes improbables. Pétunia avait décidément le gout du luxe sans pouvoir se le permettre.

Alors qu’il regardait s’il ne pouvait pas trouver d’autres choses sur la fièvre acheteuse de la coupable, Lucy scrutait l’ordinateur mais n’en tira rien, sans grande surprise. La porte d’entrée venait de se refermer, tenant instantanément Cade en alerte. Bordel ! Ils n’étaient plus seuls. « Ca, ça ne serait jamais arrivé si vous étiez resté dans la voiture ! » En lui lançant un regard tueur, il réalisa qu’il leur fallait tout de suite déguerpir, ou au moins trouver un moyen de ne pas être pris en flagrant délit. Lucy s’accroupit et décide de se glisser sous le bureau. Une fois les documents reposés à leur place initiale, Grimes l’imite, se pliant en quatre pour faire une place à son mètre quatre vingt six. « Vous vous êtes précipitée comme une gamine vers un camion de glaces ! » Chuchota-t-il. Fallait bien assurer les arrières. Et ne pas la laisser lui voler son affaire aussi ! Lucy n’allait pas pouvoir surenchérir. L’ex agent fédéral plaça sa main sur sa bouche en entendant les pas s’avancer encore plus près. « Chhh… » Fit-il en soutenant son regard et faire passer tout le sérieux qui l’envahissait tout à coup. Plus aucun bruit, pourtant, il sentait encore sa présence dans la pièce, ou proche. Immobile, sa main revint doucement jusqu’à ses propres lèvres qu’il barra de son seul index, sans lâcher Lucy des yeux. De son autre main, il sortit son téléphone portable, le plus doucement et silencieusement possible. En baissant les yeux sur l’écran, il tapota et quelques secondes plus tard, le téléphone fixe, plus loin au salon, se mit à sonner. Les talons s’éloignèrent et la fille pesta en allant voir de quoi il s’agissait. « Allez… » Murmura-t-il pour Lucy en l’aidant à sortir de là-dessous. Il raccrocha, terminant l’appel avant de se mettre dos au mur, près de la porte du bureau. Il fallait d’abord s’assurer sur le chemin vers la sortie était libre, ou que la jeune femme reste un peu au salon…




@Lucy Cavanagh     

Et dire que Cade s’imaginait ce premier dossier comme un étant une partie de plaisir, avant de probables futures affaires bien plus prenantes. Voilà qu’il se retrouvait à devoir faire équipe avec une inconnue qui ne cessait de la ramener et qui se jetait dans la gueule du loup sans réfléchir. Une petite effrontée ? Il la voyait un peu comme ça. Une fille intrépide qui fonce tête baissée sans réellement avoir conscience du danger. Il n’y avait qu’à voir comment elle s’était introduite dans sa caisse alors qu’il était seul et qu’il aurait pu être n’importe quel voyou assez con pour dealer en plein jour dans une rue passante, ou pire… « C’est quoi votre problème ? Vous êtes enquêteur depuis quoi, cinq minutes, et vous comptez me juger ? Je suis détective depuis six ans, et avant ça, j’ai fait sept ans dans la police de Brisbane ! » Elle s’emportait. Sentant que Cade et son ironie la touchait sur les qualités qu’elle souhaitait mettre en avant dans cette petite escapade chez la cible du jour. Elle ne savait pourtant pas que devant elle se tenait un ex agent fédéral américain qui en avait vu certainement bien plus qu’elle ne le pensait. Grimes la toisa, sensiblement amusé par cet agacement qu’elle ne pouvait plus cacher. C’était ce qu’il attendait. Et il jubilait en la regarda lui tourner le dos en quittant la pièce. L’américain se gardait encore bien de lui balancer des informations à son sujet, qui sait s’ils se reverront par la suite ? Un petit sourire amusé s’immisça sur ses lèvres et il se remit à la recherche d’indices pendant qu’il en était encore temps.

Alors que Mademoiselle Holmes redescendait bredouille, Cade, lui, avait mis la main sur des documents regroupant des sommes astronomiques empruntées à diverses sociétés de crédits à la consommation. Woaw, quelle croqueuse de diamants ! Il ne s’imaginait même pas ce qu’elle avait pu faire de ce blé ! Et voilà qu’à s’endetter pour des sacs à mains en croco et des chaussures de grands couturiers, il lui fallait désormais trouver un abruti qui paierait à sa place. Il n’y avait plus à se questionner. Lucy eut le temps de prendre quelques photos des documents alors que Cade les examinait encore quand des pas raisonnèrent dans l’entrée. Bordel. Il reposa négligemment les papiers dans le dossier et le referma avant de s’engouffrer sous le bureau en se pliant en quatre. Là, il pria. Il pria à la fois pour que Lucy se taise, et pour que Pétunia ne vienne pas s’asseoir à ce bureau qui leur servait de planque de fortune. Heureusement, l’ex agent fédéral détenait de quoi leur sauver la mise. Ne jamais se rendre sur les lieux avant d’avoir planché sur le dossier et d’en avoir récolté toutes les informations. Toutes. Jusqu’au numéro de téléphone fixe de l’accusé. Le premier appel fonctionne, mais ils eurent tout juste le temps de sortir de là-dessous quand la jeune femme rappliqua de nouveau. « Rappelez ! » Il détestait qu’on lui donne des ordres, mais là, tout de suite, c’était la meilleure chose à faire et il le savait. Cade appuya de nouveau sur la touche verte de son téléphone et une sonnerie se fit entendre de l’autre côté. « ALLO ?! » Elle commençait à s’énerver de n’avoir personne au bout du fil. La voie potentiellement libre, Grimes observa le couloir mais Lucy semblait avoir une autre idée pour fuir. Une bonne idée cette fois. « Allez ! Vite ! » Il enjamba à son tour l’encadrement de la fenêtre et sauta pour retomber sur ses pieds dans le jardin.

Ça ne devait pas se passer comme ça. Ce n’était pas ce que Grimes avait prévu et ça aurait pu lui coûter cher dans cette enquête. Il devait montrer tout son professionnalisme pour convaincre et ce n’était pas en se faisant surprendre qu’il allait avoir de la crédibilité dans ce nouveau job. Le travail bâclé, ou mal exécuté, ce n’était pas son genre ! Dieu merci, ils étaient sortis de la propriété sans encombre et, près de la Chevrolet, il retrouva Lucy qui riait. « C’était drôle ! » Ah vraiment ? « Vous trouvez ?! » Il s’arrêta devant elle. « J’vais pas passer mon temps à sauver votre petit cul. J’ai bossé ce dossier et j’compte bien faire le reste du boulot. Alors le mieux serait que vous me laissiez faire… » Il contourna la voiture et, devant la porte côté conducteur, il posa ses bras sur la carrosserie, son téléphone à la main. « Envoyez moi les photos des sociétés de crédits. » Quand il la regarda, de l’autre côté de la caisse, il pu lire sa réticence et son air condescendant. Las, Cade soupira. « Lucy… ! »




@Lucy Cavanagh