I can't seem to break free from self-sabotaging habits. -- @Ho Min-Kyung

Je les observe depuis deux semaines pour voir les points faibles de chaque employé de la bijouterie. Le propriétaire est alerte, mais l’adolescente qui travaille là certains soirs est beaucoup moins vigilante que lui alors je sais que je dois passer à l’acte quand c’est elle qui travaille et non lui. Ce soir, elle est là et je suis prêt, il ne me reste qu’à attendre qu’elle soit seule. Assis sur le banc en face de la bijouterie, je joue à un jeu sur mon téléphone tout en gardant un œil sur le commerce dans l’attente du moment idéal. Le propriétaire sort de l’arrière-boutique avec ses clefs dans une main et un sac sur l’épaule. Mon cœur s’affole dans ma poitrine lorsque je comprends que c’est maintenant ou jamais. Pendant qu’il s’éloigne de la boutique, je me lève lentement en rangeant mon téléphone dans ma poche. Dès qu’il est hors de mon champ de vision, je m’approche des présentoirs et je regarde les bijoux un à un comme si je cherchais la perle rare. Tout sourire, la jeune femme s’approche de moi. « Bonjour! Je peux vous aider? » Je tourne la tête vers elle en lui souriant. « Vos montres sont où? » demandé-je en fronçant les sourcils même si je connais très bien la réponse à ma question. Le présentoir en question est fait en hauteur et pour y accéder, il y a une porte en vitre qui fait toute la grandeur. J’aurai donc accès à la totalité de son contenu dès qu’elle le déverrouillera. « Là-bas, à l’avant. Suivez-moi. » dit-elle en pointant le présentoir. Elle part dans sa direction et je la suis de près. « Vous cherchez un modèle en particulier? » Je hausse une épaule d’un air indécis. Quelques secondes plus tard, je pointe une montre qui se trouve complètement en bas du présentoir. « Est-ce que je peux essayer celle-là? » Elle hoche la tête en souriant puis elle se penche pour la saisir. Pendant ce temps, je tends mon bras par-dessus elle pour saisir une montre un peu plus haut qui vaut chère. Elle ne remarque rien, mais lorsque je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule, je vois un couple qui me fixe et qui se dépêche d’aller avertir un gardien de sécurité pas très loin.

Nos regards se croisent, c’est la panique. « Hey! » crie-t-il à mon attention. Je déguerpis et le baraqué se lance à mes trousses. Je cours le plus rapidement que je peux, mes bouclettes rebondissant sur ma tête à chaque foulée. Lorsque je tourne dans une allée, j’aperçois le nouvel employé de ma sœur Tessa et, sans réfléchir, je lui fou la montre dans les mains en me disant que, comme ça, le gardien continuera de me courir après moi tandis que je n’ai même plus la montre. « Stationnement dans dix minutes! » Je l’implore du regard avant de recommencer à courir avant que le gardien ne tourne le coin. La course-poursuite se poursuit jusqu’au stationnement où je zigzag entre les voitures. Lorsque je passe derrière un camion plus haut que moi, je me jette par terre et je passe en-dessous pour sortir de l’autre côté. Je me cache sous un autre camion un peu plus loin et j’attends, en reprenant mon souffle. Je suis ses pieds d’où je suis et je l’entends grogner en s’éloignant. « Fuck, je l’ai perdu! » dit-il dans son walkie-talkie. Quelques minutes plus tard, il s’éloigne et retourne près des commerces. Je sors à ce moment de ma cachette, haletant, et je secoue mes vêtements pour en enlever la poussière et les petites roches. Au loin, j’aperçois Min-Kyung qui me cherche. «Ici! » crié-je en lui faisant un signe de la main tout en restant tout de même prudent au cas où le gardien reviendrait. Je l’attends en m’assoyant sur le capot de ma voiture. Lorsqu’il arrive à proximité, mon regard parcourt sa silhouette à la recherche de la dite montre. L’a-t-il gardée? J’espère que oui car je ne veux pas avoir fait ça pour rien. « La montre? » demandé-je essoufflé en me passant une main dans les cheveux avant de me laisser tomber vers l’arrière pour m’allonger. « Je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai couru comme ça. » dis-je en riant, une main posée sur mon cœur. Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas senti vivant comme ça, mais aussi stressé car je n’ai aucune idée comment il va réagir. Après tout, nous nous sommes seulement croisés quelques fois à la clinique de Tessa, lui et moi ne nous connaissons pas plus que ça, mais il est un peu tard pour réfléchir…

En venant faire du magasinage cette journée-là, Min-Kyung n’imaginait pas un seul instant la tournure que prendraient les événements. Il était là afin de se trouver de nouvelles chaussures de course. Pour lui, c’était une affaire sérieuse compte tenu du temps qu’il passait à courir chaque semaine. En plus, il caressait l’idée de faire un troisième marathon maintenant que sa situation se plaçait. Avoir une bonne paire de chaussures aux pieds était donc essentiel afin de préserver autant que possible ses articulations et, autant l’admettre, le prix allait en conséquence. Min-Kyung ne manquait pas d’argent, mais il était toujours un peu surpris au moment de passer à la caisse.

Il sortait de la boutique tenant dans une main le sac contenant sa nouvelle acquisition lorsque des cris attirèrent son attention. Min se retourna juste à temps pour voir un visage familier courir vers lui, visiblement paniqué. Il ne l’avait rencontré qu’une ou deux fois et n’avait jamais échangé plus que quelques mots avec lui. C’était le frère de sa nouvelle boss, Lincoln. Que faisait-il ici et pourquoi était-il si pressé? Il lui fourra un petit objet dans les mains avec pour instruction de le rejoindre dans le stationnement dans dix minutes. Min baissa les yeux et vit une montre. Il ne s’y connaissait pas en la matière, mais elle paraissait chère et vue la situation… Un mauvais pressentiment l’envahit et il s’empressa de la glisser dans son sac. Il tourna la tête vers la silhouette de Lincoln et fut tenté de lui courir après. Il n’était pas très bon en sprint, mais il pouvait courir longtemps, sans doute plus que lui. De quel droit le mettait-il dans cette situation? Dans dix minutes, il lui demanderait une explication.

Min-Kyung se dirigea vers le stationnement à la recherche du fuyard où il ne fallut pas longtemps pour qu’une voix attire son attention. Lincoln était visiblement à bout de souffle et, vu son apparence, venait de ramper de sous un véhicule. Min-Kyung se dirigea vers lui en affichant l’expression la plus sérieuse de son répertoire. Chose qui, pour lui, n’était pas bien difficile vu que dès qu’il ne souriait pas, il ressemblait à un directeur de pompes funèbres. C’était encore plus vrai lorsqu’il était agacé comme en ce moment.

« La voilà, la montre. »

Il l’a sortie de son sac et la lança en direction de Lincoln. S’il l’échappait, c’était tant mieux. Min avait pensé la jeter de toutes ses forces dans le stationnement, mais il ne voulait pas heurter une voiture par accident.

« Tu devrais te mettre à la course. Je suis marathonien, je pourrais te donner des trucs si tu veux. Quoique, non, ce n’est peut-être pas une bonne idée dans ton cas. »

Le regard dur, Min l’observa un moment avant d’ajouter.

« Tu as conscience de la situation dans laquelle tu me mets? Je travaille pour ta sœur! »

I can't seem to break free from self-sabotaging habits. -- @Ho Min-Kyung

Min-Kyung, je ne le connais pas beaucoup, pour ne pas dire pas du tout, mais l’expression de son visage suffit à me faire comprendre qu’il n’est pas content de la situation dans laquelle je l’ai mis contre son gré. Je le comprends, je ne serais probablement pas d’humeur non plus si les rôles étaient échangés, mais sous le coup de la panique, je n’ai pas eu le temps de réfléchir et il est malheureusement impossible de revenir en arrière. Je dois maintenant subir les conséquences de mes décisions, en espérant que de finir la soirée au poste n’en soit pas une. J’adore ma mère, mais je ne tiens pas particulièrement à ce qu’elle vienne me sortir du pétrin une fois de plus comme quand j’étais adolescent. Je n’ai aucun mal à l’imaginer juger mes mauvaises décisions en m’accusant de vouloir saboter mes efforts des dernières années alors que je vais enfin obtenir mon diplôme en septembre.

« La voilà, la montre. » Visiblement pressé de s’en débarrasser, Min-Kyung me lance la montre que j’attrape de justesse à deux mains non sans devoir agiter mes bras dans tous les sens pour ne pas l’échapper. « Fais attention, t’as une idée de combien ça vaut?! » J’ai risqué ma peau en la volant, je n’ai surtout pas envie d’avoir fait tout ça pour rien. « Tu devrais te mettre à la course. Je suis marathonien, je pourrais te donner des trucs si tu veux. Quoique, non, ce n’est peut-être pas une bonne idée dans ton cas. » Essoufflé, je l’observe attentivement. « Dans mon cas? » Je sais très bien ce qu’il veut dire, qu’il sous-entend que je risque de me servir de ces nouvelles aptitudes physiques pour réussir à m’enfuir en commettant davantage de crimes, mais je ne suis pas Arsène Lupin quand même. De toute manière, je suis loin d’avoir le profil d’un marathonien comme en témoigne le paquet de cigarette que je sors de la poche arrière de mon pantalon en toussant. « La prochaine fois c’est toi qui cours, moi qui attends qui plus loin. » Je ris nerveusement de ma mauvaise blague entre deux quintes de toux.

Cigarette entre les lèvres, je tends mon paquet à Min-Kyung sans même savoir s’il est fumeur. Probablement pas, s’il est réellement marathonien. Peu importe, j’essaie de me faire pardonner comme je peux. « Tu as conscience de la situation dans laquelle tu me mets? Je travaille pour ta sœur! » Après avoir allumé ma cigarette, je détourne la tête pour cracher la fumée en haussant une épaule. « Tessa n’est pas obligée de savoir… » Ce n’est pas comme si elle n’est pas au courant que j’ai commis quelques délits dans le passé, elle a même essayé de prendre le blâme à ma place devant nos parents. « Relaxe, ce n’est quand même pas toi qui m’as obligé à faire ça. Il ne t’arrivera rien. » Du moins pas à la clinique vétérinaire. Si le gardien de sécurité le voit me donner la montre sur une caméra de surveillance, ce ne sera peut-être pas le cas ici. Lentement, j’appuie mes fesses contre le capot de ma voiture en le regardant. « Pourquoi t’es ici alors? » Pour avoir des explications, certes. « Pourquoi tu m’as donné la montre? T’aurais pu la redonner au gardien de sécurité… » Avoir l’air du héros de la situation, bien qu’il aurait probablement dû répondre aux questions des policiers pour m’identifier.

@Lincoln Mulligan

Min-Kyung ne cacha pas son dégoût lorsque Lincoln eut l’audace de lui tendre son paquet de cigarettes. Il n’avait jamais touché à une cigarette de sa vie et ce n’était pas aujourd’hui que ça allait changer. Il fut même tenté pendant un instant de le prendre pour le jeter au sol et l’écraser avec son pied, mais si Lincoln tenait tant à son autodestruction, qui était-il pour l’arrêter. Ils n’étaient pas amis et leurs conversations se résumaient à quelques banalités seulement. Il se souvenait de cette rencontre et de la bonne impression qui en résultat. Il l’avait même trouvé charmant avec ses boucles tombant sur son front et son sourire chaleureux. Naturellement, son statut de frère de la boss le rendait intouchable, mais d’un point de vue strictement objectif, Lincoln était bel homme. Comme quoi il ne fallait jamais se fier aux apparences.

« Tessa n’est pas obligée de savoir… »

« Mais elle le saura, éventuellement. Si ce n’est pas ça, ce sera autre chose. Je doute que c’était une première », rétorqua Min, du venin dans sa voix. Il était méchant et il le savait. Sa frustration prenait le dessus. Il avait suffisamment de problèmes dans sa vie pour qu’on ajoute complice de vol à la liste. Alors oui, il était très loin de vouloir ou même d’avoir la capacité de relaxer en ce moment et quand Lincoln l’invita à le faire, son expression s’assombrit un peu plus. Comment pouvait-il être aussi nonchalant face à la situation? Avait-il si peu de respect envers les biens d’autrui ou même envers sa propre personne pour que le fait de voler soit aussi insignifiant que de s’acheter un café le matin?

« Pourquoi t’es ici alors? »

Pourquoi, effectivement. Il se posait la question depuis l’instant où il avait posé les pieds dans le stationnement. Il voulait des explications, mais quelles explications il y avait à avoir? Lincoln avait volé une montre, probablement pour gagner rapidement de l’argent. Pourquoi? Pour rembourser une dette ou pour s’acheter de la drogue. C’était les deux options les plus probables, donc rien qui justifiait vraiment la présence de Min ici. Pourtant, il était là. La meilleure chose à faire aurait été d’aller voir la sécurité et de remettre la montre volée en leur donnant le nom de Lincoln. Naturellement, les conséquences auraient remonté jusqu’à Tessa.

« Je suppose que tu n’as pas le monopole des décisions regrettables », dit-il après un long moment de silence. « Peut-être que je suis curieux de savoir ce qui t’a motivé à faire ça bien que je doute que le fait de savoir change l’opinion que j’ai envers toi. Et puis, tu sais aussi bien que moi que s’il y a quelqu’un qui devrait aller reporter la montre, c’est toi. »

Ça n’arrivera pas. Pour ça, il faut du courage et il doutait que Lincoln en ait. Il regarda l’homme en face de lui, un courant d’air ébouriffant un peu plus ses boucles rebelles. Min ne pouvait pas comprendre ce qui lui était passé par la tête. Il ne lui était jamais venu à l’esprit de voler. Toutefois, on lui avait appris à être empathique et à ne pas sauter aux conclusions. Oui, il était en colère et elle était certainement justifiée, mais il ne résoudra rien en l’insultant. L’expression sur son visage s’adoucit. Il détourna les yeux un instant avant de regarder à nouveau Lincoln.

« Un café, ça te dit? »

I can't seem to break free from self-sabotaging habits. -- @Ho Min-Kyung

Min ne me connait visiblement pas pour penser que je me servirais de sa présence ici contre lui à ma sœur. De toute manière, c’est surtout moi qui aie quelque chose à me reprocher actuellement, pas lui. Et pourquoi Tessa devrait être mise au courant de mon incartade? « Mais elle le saura, éventuellement. Si ce n’est pas ça, ce sera autre chose. Je doute que c’était une première » Non ce n’est pas la première fois et ma sœur est loin de l’ignorer. Elle était présente lorsque j’ai volé des bonbons pour la première fois dans un magasin lorsque nous avions huit ans et également lorsque j’ai « emprunté » la voiture de mon frère (sans lui demander) alors que je n’avais même pas mon permis. Deux petits délits insignifiants à mes yeux où ma mère a dû nous sortir du pétrin et où Tessa a tenté de prendre le blâme à ma place. Personne ne l’a cru, évidemment, parce que nos parents savent bien que c’est toujours moi qui fais des conneries et pas elle… « Parce que tu comptes lui dire? » Non je ne compte pas lui faire du chantage pour qu’il se taise, je veux juste savoir à quoi je dois me préparer. Bien que Tessa soit au courant de quelques délits que j’ai commis dans le passé, elle ne sait pas tout et elle croit sans doute que j’ai arrêté avec les années. Ce n’était pas faux avant aujourd’hui, avant que je fasse tout en mon pouvoir pour me saboter parce que je ne mérite pas mieux à mes yeux. Peu importe comment je me sens, je n’ai pas envie d’inquiéter ma sœur davantage quand elle sait déjà que je ne vais pas super bien depuis ma rupture avec Byron plus tôt cette année. Je veux ménager le cœur de ma sœur, elle n’a pas besoin que mes conneries interfèrent avec ses problèmes cardiaques. « En tout cas, c’est cool de connaître l’avis que t’as sur moi. Ça a le mérite d’être clair. » dis-je en riant nerveusement. Je ne peux pas lui en vouloir considérant que lui et moi ne nous connaissons pas vraiment et qu’il se fie donc à ce qu’il voit aujourd’hui, mais ça me fait quand même un pincement au cœur de voir qu’une fois de plus je suis réduit à pas grand-chose. Il faut que je me rende à l’évidence que les gens ne me couvriront jamais d’éloges comme mon frère Freddy.  

« Je suppose que tu n’as pas le monopole des décisions regrettables. » Effectivement parce que, malgré lui, il se rendait complice de mes actes en me rejoignant dans le stationnement pour me rendre la montre. Évidemment, si on venait à se faire prendre, je prendrais tout le blâme sur mes épaules pour ne pas lui nuire, mais quand même… « Ça doit être ça. Content de voir que je ne suis pas le seul à foirer sa vie. » dis-je en détournant le regard tout en portant ma cigarette à mes lèvres pour en prendre une bouffée. « Peut-être que je suis curieux de savoir ce qui t’a motivé à faire ça bien que je doute que le fait de savoir change l’opinion que j’ai envers toi. Et puis, tu sais aussi bien que moi que s’il y a quelqu’un qui devrait aller reporter la montre, c’est toi. » Moi, aller reporter la montre? Pour qu’on m’amène au poste et que ma mère vienne me sauver comme si j’étais encore un enfant? Merci, mais non merci. Qui plus est, si l’adrénaline du délit me donne des ailes, l’angoisse de me faire prendre me donne rien qu’envie de me cacher dans un trou jusqu’à l’année prochaine. « Honnêtement, je ne sais pas quoi te dire... J’ai pas l’énergie pour essayer de te convaincre que je suis quelqu’un de bien… » Parce que je me demande ce que j’ai fait pour mériter ce qu’il m’est arrivé avec Andy il y a quinze ans et maintenant avec Byron plus tôt cette année. Je commence à me dire que je le mérite, que je ne suis peut-être pas une aussi bonne personne que je le pensais, au final. Je ne sais plus quoi penser, je suis confus… « Un café, ça te dit? » « Quoi? » réponds-je en tournant la tête vers lui. J’ai bien compris ce qu’il a dit, mais je m’attendais à tout sauf à ça. Min est visiblement frustré par mes agissements alors pourquoi veut-il qu’on aille prendre un café? Je ne comprends plus rien… « Hmmmm okay? » Si ça peut l’empêcher de parler à ma sœur de ce qui vient de se passer, pourquoi pas? « Mais pas ici, on pourrait me reconnaître, tu sais… » dis-je en tapotant ma poche où j’ai mis la fameuse montre. « On prend ma voiture? » Je le redéposerai plus tard s’il doit venir récupérer la sienne. D’un signe de tête, je désigne ma voiture et je lui fais signe de monter. Je prends le volant et pendant qu’il boucle sa ceinture, je le regarde du coin de l’œil. « Je me suis séparé plus tôt cette année, ça a été difficile… Je sais que c’est con, mais voler cette montre ça m’a fait du bien. » Je ne m’attends pas à ce qu’il m’apprécie davantage ou qu’il me pardonne de l’avoir impliqué là-dedans en sachant une partie de l’histoire, juste qu’il comprenne la raison qui m’a motivé à commettre ce geste regrettable.

@Lincoln Mulligan

Min-Kyung pourrait aller parler à Tessa. Il en avait légitimement le droit, mais est-ce que ça servirait vraiment à quelque chose hormis à soulager sa propre frustration? Il n’était pas aveugle, Lincoln n’allait pas bien. Il riait, tentait d’amoindrir la gravité de la situation, mais il n’y croyait pas vraiment. C’est pourquoi il proposa le café. Pour le faire parler, c’est vrai, avoir un semblant d’explication, mais aussi pour lui tenir compagnie pendant un moment. Naturellement, la proposition surprit Lincoln.

« Je n’ai pas l’intention de te kidnapper ou de te traîner de force à la police si c’est ça que te fais peur. Je te propose simplement de prendre un café. »  Min eut envie d’ajouter qu’il avait l’air de quelqu’un ayant besoin de parler, mais il ne voulait pas le vexer plus qu’il ne l’avait déjà fait. Si Lincoln voulait parler, il le ferait de lui-même.

C’est ainsi qu’ils se retrouvèrent dans la voiture de Lincoln qui sentait le cendrier. Min-Kyung avait déposé ses chaussures neuves dans le coffre de sa voiture qu’il récupérait plus tard.

« Je connais un endroit sympa », dit-il en bouclant sa ceinture. Mais avant qu’il n’ait pu lui donner les indications pour s’y rendre, Min eut plutôt droit à la raison qui avait poussé Lincoln à commettre ce vol. Il tourna la tête en sa direction, l’expression de son visage indéchiffrable. Il ne s’attendait pas à ça. En fait, c’était si absurde que Min savait qu’il disait la vérité. Il acquiesça simplement d’un signe de tête avant de lui expliquer le chemin jusqu’au café.

Il avait récemment découvert l’endroit un peu par hasard dans sa quête éternelle du meilleur café. La décoration était sympathique de même que les employés et le café était plus qu’acceptable. Ils servaient également des viennoiseries préparées sur place, toutes plus décadentes les unes que les autres. Min-Kyung ne devrait pas en manger vu qu’il se préparait pour un prochain marathon, le troisième de sa carrière de coureur, mais vu la journée qu’il passait, il se dit qu’il méritait bien de se faire plaisir. Il ne devrait pas non plus boire de café, mais ça, il s’en moquait complètement. Il ne pouvait tout simplement pas vivre sans avoir un peu de caféine dans le sang.

« Si tu veux quelque chose à manger, n’hésite pas. C’est moi qui invite. »

Min attendit qu’ils aient leur commande et qu’ils se soient installés dans un coin un peu en retrait où ils pourraient discuter tranquillement sans être dérangés par les autres clients de l’établissement pour revenir sur la révélation qu’avait fait Lincoln dans la voiture.

« La majorité des gens après une rupture douloureuse va se contenter de boire jusqu’à en devenir stupide pour ensuite envoyer des SMS extrêmement embarrassants à leur ex et se réveiller le lendemain non seulement avec une terrible migraine, mais avec la preuve écrite noire sur blanc sur leur téléphone de leur épanchement émotif. On a tous fait ça au moins une fois. Ou encore, on va sur Tinder ou dans un bar et on couche avec la première personne qui va nous montrer un peu d’intérêt. Dans les deux cas, on se sent misérable après, mais pendant un moment, on a quand même oublié la douleur. C’est la première fois que quelqu’un me dit que ça le soulage de voler quelque chose. »

Il parlait sans jugement, exprimant simplement un fait. Évidemment, il mentait à propos de sa propre situation. Il n’avait jamais été en couple avec quelqu’un et donc n’avait jamais vraiment eu le cœur brisé, mais Lincoln n’avait pas besoin de savoir ça.

« Je suis désolé. Tout à l’heure, j’ai tout de suite présumé le pire. Je pensais que tu avais besoin d’argent pour une dette ou pour de la drogue. Je ne pouvais pas savoir… Mais tu devrais faire quelque chose à propos de ça. Je sais, ce n’est pas de mes affaires… Je dis juste… » Il haussa les épaules. « Je ne dirai rien à ta sœur, mais si tu as besoin de parler… Je t’écoute. Si tu ne veux pas, ce n’est pas grave. On peut rester là à se regarder dans un silence extrêmement inconfortable jusqu’à ce qu’on ait fini notre café. C’est toi qui vois. »

I can't seem to break free from self-sabotaging habits. -- @Ho Min-Kyung

« Je n’ai pas l’intention de te kidnapper ou de te traîner de force à la police si c’est ça que te fais peur. Je te propose simplement de prendre un café. » Je fronce les sourcils en secouant négativement la tête pour lui faire comprendre que je n’ai pas peur, surtout pas après lui avoir proposé de prendre ma voiture et non la sienne. S’il le faut, je me dépêcherai de sauter dans ma voiture pour partir et il n’aura qu’à marcher pour récupérer la sienne, tant pis. Je n’ai peut-être pas le meilleur cardio du monde, j’ai quand même un peu d’expérience pour me sauver des flics depuis le temps entre les petits délits que j’ai commis au fil des années, mes trois jours de fugue quand j’avais quinze ans et mes quelques mois d’itinérance il y a deux ans. « Je connais un endroit sympa » « D’accord, c’est par où? » J’ouvre les fenêtres de ma voiture pour aérer au maximum, j’ai bien vu la grimace qu’il a faite lorsque je lui ai tendu mon paquet de cigarettes et je n’ai surtout pas envie de lui imposer la fumée de ma cigarette que je me suis empressé d’éteindre avant de prendre le volant. Je suis les directions qu’il me donne jusqu’à ce qu’on arrive à destination. Le petit café a l’air sympa et la vue du menu suffit à faire gargouiller mon estomac. « Si tu veux quelque chose à manger, n’hésite pas. C’est moi qui invite. » Je lui souris un peu mal à l’aise. « Tu sais que ce n’est pas parce que j’ai volé une montre que je suis incapable de me payer un café. » Parce que cette fois-ci, ce n’était pas pour une question d’argent que je l’ai fait. « Mais merci, c’est gentil… » Sa gentillesse me rend mal à l’aise, je ne comprends pas pourquoi il agit ainsi quand il aurait pu se faire arrêter à cause de moi. Il POURRAIT se faire arrêter parce que je l’ai rendu complice en l’impliquant dans mon crime et qu’il n’a rien fait pour me dénoncer. Affamé, je me commande un croissant et un café. Je le suis ensuite jusqu’à une table un peu plus loin où on pourrait discuter sans qu’on nous entende, ce qui m’arrange bien étant donné le sujet qu’on risque d’aborder.

« La majorité des gens après une rupture douloureuse va se contenter de boire jusqu’à en devenir stupide pour ensuite envoyer des SMS extrêmement embarrassants à leur ex et se réveiller le lendemain non seulement avec une terrible migraine, mais avec la preuve écrite noire sur blanc sur leur téléphone de leur épanchement émotif. On a tous fait ça au moins une fois. Ou encore, on va sur Tinder ou dans un bar et on couche avec la première personne qui va nous montrer un peu d’intérêt. Dans les deux cas, on se sent misérable après, mais pendant un moment, on a quand même oublié la douleur. C’est la première fois que quelqu’un me dit que ça le soulage de voler quelque chose. » Est-ce que je suis vraiment différent des autres quand la première chose que j’ai faite après avoir confronté Tessa sur le mensonge de Byron c’est de débarquer chez Andy pour l’embrasser sur le pas de la porte de sa maison alors qu’il est marié et père de deux enfants? J’aurais pu briser une famille si sa femme avait tout vu même si je sais très bien qu’il est avec elle que pour les apparences pour faire plaisir à son enfoiré de père. « J’avais besoin de sentir que j’avais au moins le contrôle sur quelque chose. Si je m’étais fait prendre, je n’aurais pu en vouloir à personne d’autre qu’à moi. » Pas comme avec Andy et Byron où j’ai souffert à cause de leurs mensonges. Leurs agissements n’ont fait que briser le peu de confiance que j’avais en moi en plus de m’enlever toute envie de réessayer de rencontrer quelqu’un de peur de me faire décevoir une troisième fois de suite et ce même si je ne souhaite rien de plus que de rencontrer quelqu’un avec qui pouvoir faire des plans de vie à long terme. Pour le moment, ma plus longue relation a duré huit mois, nous n’avons même pas eu le temps de planifier des vacances ensemble… « Je suis désolé. Tout à l’heure, j’ai tout de suite présumé le pire. Je pensais que tu avais besoin d’argent pour une dette ou pour de la drogue. Je ne pouvais pas savoir… Mais tu devrais faire quelque chose à propos de ça. Je sais, ce n’est pas de mes affaires… Je dis juste… Je ne dirai rien à ta sœur, mais si tu as besoin de parler… Je t’écoute. Si tu ne veux pas, ce n’est pas grave. On peut rester là à se regarder dans un silence extrêmement inconfortable jusqu’à ce qu’on ait fini notre café. C’est toi qui vois. » Je le fixe en silence non pas parce que j’ai choisi sa dernière option, mais parce que j’hésite, je me demande si je peux lui faire confiance alors que je ne connais presque pas et que je me suis trop souvent brulé les ailes ces dernières années. J’ai l’impression qu’on profite trop souvent de ma gentillesse alors je me méfie, pourquoi ce serait différent cette fois-ci? « Je ne prends pas de drogue si ça peut te rassurer. » Ça m’est déjà arrivé de fumer un petit joint de temps en temps, mais ça fait longtemps que ça ne m’est pas arrivé et je ne l’ai jamais fait sur une base régulière. « Merci pour Tessa, elle n’a pas besoin de ça… » Elle en a déjà bien assez sur les épaules et puis je n’ai pas envie qu’elle s’inquiète encore pour moi alors qu’une histoire nait entre Maël et elle. Ma sœur mérite d’être heureuse. « J’ai eu une mauvaise expérience quand j’avais quinze ans, ça m’a fait mal longtemps. » dis-je le regard rivé sur mon croissant que je déchiquette en petits morceaux. Je m’abstiens de donner les détails de mon histoire avec Andy parce que j’ai honte et que c’est toujours autant difficile d’en parler. « Puis j’ai rencontré mon ex qui m’a redonné confiance, qui m’a donné envie d’essayer. C’était la première fois que je présentais quelqu’un à ma famille. J’y croyais vraiment. » Je ricane sans oser le regarder, trop blessé par les évènements des derniers mois pour affronter son regard. « Après l’avoir présenté à tout le monde à Noël, j’ai appris qu’il se prostituait dans mon dos depuis le début. » Heureusement, je n’ai rien chopé à cause de ses conneries. « Depuis, je n’arrête pas de me demander quel est le problème chez moi, pourquoi j’attire toujours ce genre de personne. Peut-être que mon subconscient voulait leur donner raison en me poussant à voler cette stupide montre… » murmuré-je en portant mon croissant à mes lèvres histoire de cacher mon sourire triste en prenant une bouchée. « C’est là que tu me révèles quelque chose de gênant sur toi pour que je ne sois pas le seul hyper mal à l’aise? » demandé-je en relevant la tête pour le regarder.

@Lincoln Mulligan

Min-Kyung ne croyait pas vraiment qu’il parlerait. Pourtant, peu à peu, à travers des bouts de phrases entrecoupées de silence, il finit par avoir un aperçu de son histoire. Il y avait juste assez de détails pour mettre les choses en perspective et comprendre ce qui venait de se passer. Min garda le silence du début à la fin, ne voulant pas le brusquer en insérant ici et là des commentaires qui pourraient le déranger. Il se contenta de l’écouter en buvant son café une gorgée à la fois tout en grignotant son pain au chocolat. Finalement, s’il devait résumer tout ça en quelques mots, Lincoln n’avait tout simplement pas eu de chance. Il pensa, non sans ironie, que d’avoir 15 ans n’était pas une période facile pour personne. Lui-même avait réalisé son homosexualité vers cet âge et le choc de cette découverte l’ébranlait encore aujourd’hui.

« C’est là que tu me révèles quelque chose de gênant sur toi pour que je ne suis pas le seul hyper mal à l’aise? »

Cette phrase fit sourire Min malgré lui. Il réfléchit un instant à ce qu’il pourrait dire. Étonnement, il opta pour la vérité. Du moins, une partie de la vérité.

« Tu as devant toi un homme de 35 ans qui est terrifié de ce que ses parents pourraient penser de lui s’ils apprenaient certains détails de sa vie. J’ai seulement pris deux décisions pour moi-même : abandonner la médecine traditionnelle pour aller en médecine vétérinaire et quitter Melbourne pour venir m’installer ici. Et la semaine dernière, j’ai appris que j’allais accueillir un cousin que je connais à peine et l’héberger chez moi sans qu’on me demande mon avis. Apparemment, il a décidé de venir s’installer en Australie dès que son service militaire obligatoire sera terminé. Ma mère a organisé tout ça. Je dois juste aller le chercher à l’aéroport le jour venu. Je suppose que je pourrais décider de ne pas aller le chercher, mais ça ne l’empêchera pas de prendre l’avion et ce n’est pas le genre de chose que l’on fait à quelqu’un de sa famille. »

Il baissa les yeux vers les miettes de son pain au chocolat. Pendant un moment, il parut triste, mais il se força à sourire lorsqu’il regarda Lincoln l’instant d’après.

« Je suppose que ça pourrait être pire. » Il haussa les épaules. « Naturellement, j’ai mon lot d’histoires sordides et en plus, je tiens mal l’alcool. Il en faut peu pour tomber dans les décisions regrettables… » Il laissa sa phrase en suspend et c’est à ce moment qu’il réalisa que lorsque Lincoln avait parlé de son ex, il avait dit : il. Il parlait donc d’un homme. Ce n’était pas de ses affaires, évidemment, mais depuis le début de cette conversation, ils avaient dit des choses très personnelles. Lui-même était étonné de la facilité avec laquelle il lui avait parlé de ses parents alors que c’était un sujet sensible chez lui.

« Ce n’est pas ta faute, Lincoln. Ce qui t’es arrivé avec ton ex… Tu n’y es pour rien et tu n’es certainement pas une mauvaise personne. Tu as juste été… malchanceux. Et je sais, c’est la pire réponse que l’on veut entendre et pourtant, c’est la vérité. Parfois, on n’a juste pas de chance, mais ça ne veut pas dire que ça va toujours rester comme ça. Évidemment, si tu continues à voler et à faire des conneries du genre, rien de bon ne va arriver. Tu vas potentiellement ruiner le reste de ton existence pour quelqu’un qui a été incroyablement égoïste et qui n’a pas envisagé un seul instant les conséquences de ses actions? Tu crois que ça en vaut la peine? »

I can't seem to break free from self-sabotaging habits. -- @Ho Min-Kyung

Il n’y a pas si longtemps, jamais je n’aurais été capable de parler de mon homosexualité avec quelqu’un que je connais si peu. J’aurais réfléchi à chacune de mes phrases pour m’assurer de ne pas avoir à prononcer le pronom il, quitte à faire passer Byron pour une fille même. C’est bien la preuve que je commence enfin à m’accepter comme je suis et je suis fier du cheminement que j’ai fait depuis quinze ans, même si mes deux relations se sont terminées de façon catastrophique. J’aurais pu me tromper aussi, mais Tessa a du flair et j’ai confiance que si elle a embauché Min, c’est que c’est quelqu’un de bien au fond. Je m’en remets davantage à son jugement qu’au mien parce qu’on a vu où ça m’a mené avec Andy et Byron… « Tu as devant toi un homme de 35 ans qui est terrifié de ce que ses parents pourraient penser de lui s’ils apprenaient certains détails de sa vie. J’ai seulement pris deux décisions pour moi-même : abandonner la médecine traditionnelle pour aller en médecine vétérinaire et quitter Melbourne pour venir m’installer ici. Et la semaine dernière, j’ai appris que j’allais accueillir un cousin que je connais à peine et l’héberger chez moi sans qu’on me demande mon avis. Apparemment, il a décidé de venir s’installer en Australie dès que son service militaire obligatoire sera terminé. Ma mère a organisé tout ça. Je dois juste aller le chercher à l’aéroport le jour venu. Je suppose que je pourrais décider de ne pas aller le chercher, mais ça ne l’empêchera pas de prendre l’avion et ce n’est pas le genre de chose que l’on fait à quelqu’un de sa famille. » J’imagine que ça dépend de la famille. Freddy, je l’aurais laissé pourrir à l’aéroport s’il revenait en Australie, mais ça c’est moi. Ça aurait été plus que mérité considérant qu’il a abandonné sa fille ici et qu’il a été insupportable avec moi depuis notre enfance. « T’as pas tué quelqu’un quand même? Sinon je vais y penser à deux fois avant de te refaire monter dans ma voiture. » J’essaie de détendre l’atmosphère alors qu’on se confie tous les deux sur des sujets visiblement difficiles à aborder. Je ne sais pas à quel point c’était difficile avec ses parents, sans doute plus qu’avec les miens à l’entendre parler, mais je sais ce que c’est que d’avoir la pression de performer quand on est le vilain petit canard de la fratrie. Freddy et Tessa ont toujours réussi là où j’ai échoué. Je suis certain que mes parents ne pensaient pas que mon année sabbatique durerait une décennie. Mieux vaut tard que jamais, comme on dit, je pourrai enfin célébrer l’obtention de mon diplôme en septembre. « Tes parents sont à Melbourne? » Je l’espère pour lui, la distance devait lui donner un certain sentiment de liberté si tel était le cas. « T’as dû faire l’armée toi aussi? Ou t’as grandi ici? » Ici étant l’Australie, bien sûr. « Il a quel âge ton cousin? J’imagine que s’il fait son service militaire, il est assez vieux pour s’occuper de lui-même tout seul au moins? En tout cas, ça aurait bien que tu sois au moins consulté avant, ça demande quand même un minimum de préparation tout ça… » Peut-être qu’il n’en avait pas envie non plus, bonjour l’intimité et la tranquillité, en plus que son cousin est en quelque sorte un inconnu si j’ai bien compris.

« Je suppose que ça pourrait être pire. Naturellement, j’ai mon lot d’histoires sordides et en plus, je tiens mal l’alcool. Il en faut peu pour tomber dans les décisions regrettables… » Les mains posées sur ma tasse brulante, je ne peux m’empêcher de sourire lorsqu’il parle d’alcool. « Ahhhhh le courage liquide. » Je ne sais pas pour lui, mais l’alcool me donne des ailes. C’est avec une concentration d’alcool bien trop élevée dans le sang que j’ai osé embrasser Byron à mon anniversaire devant mes potes qui ne savaient même pas que j’étais gay. Disons que je l’ai trouvé moins drôle quand je lui ai vomi dessus au petit matin en me réveillant dans ses bras. « Je te comprends, l’alcool rime rarement avec une prise de décision adéquate. » Je pince mes lèvres en haussant les sourcils. « Je me fie peut-être à la première impression, mais t’as pas l’air de quelqu’un qui a tout un tas de squelettes dans le placard. Entre toi et moi, pour tes études… je suis convaincu que t’as des patients pas mal plus adorables maintenant que si t’avais été en médecine traditionnelle. » Même si ça ne devait pas être toujours évident avec les animaux non plus. Le nombre de fois où Tessa est rentrée à la maison avec le bras en sang après s’être occupée d’un chat farouche… « Ce n’est pas ta faute, Lincoln. Ce qui t’es arrivé avec ton ex… Tu n’y es pour rien et tu n’es certainement pas une mauvaise personne. Tu as juste été… malchanceux. Et je sais, c’est la pire réponse que l’on veut entendre et pourtant, c’est la vérité. Parfois, on n’a juste pas de chance, mais ça ne veut pas dire que ça va toujours rester comme ça. Évidemment, si tu continues à voler et à faire des conneries du genre, rien de bon ne va arriver. Tu vas potentiellement ruiner le reste de ton existence pour quelqu’un qui a été incroyablement égoïste et qui n’a pas envisagé un seul instant les conséquences de ses actions? Tu crois que ça en vaut la peine? » La réponse est évidente, pourtant, j’ai du mal à répondre à sa question. Peut-être parce que la plaie est encore trop vive, ma rupture trop récente. Non, Byron n’en vaut pas la peine après s’être foutu de moi pendant des mois, mais ça ne change rien aux sentiments que j’ai eus pour lui. Comment faire confiance à quelqu’un après ça? Après m’être fait trahir par Andy en plus quinze ans plus tôt? « T’as sans doute raison. Je ne sais juste pas si j’ai encore le courage d’essayer. » Parce que les conséquences ne se limitent pas qu’à les détester, ma confiance en moi en prend un coup à chaque fois et Dieu sait que je n’en ai pas beaucoup déjà d’avance. Je me remets toujours en question tout comme j’ai complétement perdu confiance en mon bon jugement. « Je commence à comprendre le sens du proverbe mieux vaut être seul que mal accompagné. Peut-être que c’est mieux comme ça. » Je ne sais pas qui j’essaie le plus de convaincre entre lui ou moi. « Tu y crois toi, aux relations sérieuses? » Aux relations où priment la communication et l’honnêteté. « La seule relation stable que j’ai autour de moi, je pense que ce sont mes parents. » Mon frère n’est clairement pas un exemple et Tessa n’a personne non plus même si c’est une perle. Si ma sœur ne trouve personne, je ne crois pas en mes chances.

@Lincoln Mulligan

« T’as pas tué quelqu’un quand même? Sinon je vais y penser à deux fois avant de te refaire monter dans ma voiture. » La remarque surprit Min et le fit rire. Il secoua doucement la tête. «  Non, non… Si ça peut te rassurer, je n’ai tué personne. Je soupçonne même que si c’était le cas, ma mère clamerait farouchement mon innocence et dirait que c’est un accident même s’il y a des preuves irréfutables contre moi. Son précieux garçon ne ferait jamais une chose pareille. » Il apprécie la tentative de Lincoln de détendre l’atmosphère et ça fonctionne. Au lieu de broyer du noir, Min-Kyung souriait. Ce n’était pas facile de faire comprendre sa situation aux gens. Il était l’unique garçon de sa famille et le cliché des parents asiatiques était très réel. On n’attendait rien de moins de lui qu’une brillante réussite. Il devait faire honneur non seulement à ses parents, mais à tous ses ancêtres. C’est surtout à lui que revenait la lourde tâche d’assurer une descendance. Qu’il ait une sœur sur le point d’accoucher ne comptait pas. C’était l’enfant du mari… Cette mentalité d’arriérés le révoltait, mais il était complètement impuissant face à ça. Refuser de s’y soumettre et révéler sa véritable nature briserait ses parents. Malgré tous leurs défauts, il ne pouvait pas leur faire du mal.

« Tes parents sont à Melbourne? » Il acquiesça. « Oui. Après avoir immigré en Australie, ils ont vécu un temps à Sydney avant de s’installer à Melbourne où je suis né ainsi que ma petite sœur. Je suis donc australien de naissance, mais coréen de culture. Je parle la langue et j’y ai passé pratiquement toutes mes vacances quand j’étais plus jeune. Ma sœur y vit. Elle devait passer une année dans une université à Séoul, mais elle y a rencontré un homme qui est éventuellement devenu son mari. » Il haussa les épaules. « Ça arrive. » Ironiquement, ses parents furent tellement heureux lorsqu’elle leur annonça sont intention de s’installer définitivement à Séoul. Ils avaient laissé la Corée dans l’espoir d’offrir une vie meilleure à leurs enfants, mais sans jamais parvenir à totalement s’adapter à la vie ici. Pourtant, ils avaient toujours refusé d’y retourner eux-mêmes sauf pour visiter de la famille. Min n’avait jamais compris pourquoi. Est-ce que c’était par orgueil? Prouver à la famille restée derrière qu’ils pouvaient réussir?

« Il a quel âge ton cousin? J’imagine que s’il fait son service militaire, il est assez vieux pour s’occuper de lui-même tout seul au moins? En tout cas, ça aurait bien que tu sois au moins consulté avant, ça demande quand même un minimum de préparation tout ça… »  Min avala une gorgée de café avant de répondre. « Il a 26 ans et il parle très bien anglais. Ça ne devrait pas être difficile de m’occuper de lui et j’ai de la place. Oui, j’aurais apprécié qu’on m’en parle avant, mais de ce que j’ai compris, sa décision a été très soudaine. » Tellement soudaine que Min trouvait ça très suspicieux, mais il était apparemment le seul à se questionner. Pourquoi un jeune homme avec une carrière bien établie au pays laisserait tout derrière pour recommencer à zéro ailleurs? Ayant lui-même pris la fuite, il voyait des similitudes chez Sung-jin. C’est une autre des raisons qui le poussait à tout de même l’accueillir même si ça ne lui faisait pas vraiment plaisir. Peut-être qu’il avait besoin d’aide. Peut-être que Min était un idiot trop gentil qui se laissait manger la laine sur le dos par sa propre famille. C’était aussi une possibilité…

« Je me fie peut-être à la première impression, mais t’as pas l’air de quelqu’un qui a tout un tas de squelettes dans le placard. Entre toi et moi, pour tes études… je suis convaincu que t’as des patients pas mal plus adorables maintenant que si t’avais été en médecine traditionnelle. » Il rit encore, cette fois de bon cœur. « Oui, lorsqu’ils n’essaient pas de m’arracher un bras quand je les examine. Malgré tout, les animaux sont beaucoup plus faciles à gérer que les humains, ça, je te l’accorde. Quant aux squelettes dans le placard… Nous en avons tous, mais ce qui est un squelette pour moi ne l’est peut-être pas pour toi. »

Il avait dit ses mots en regardant Lincoln dans les yeux avant de détourner le regard, légèrement embarrassé. Son café était presque vide et il se demandait s’il n’allait pas en commander un second même s’il était assez tard dans la journée et qu’il risquait de mal dormir s’il ingérait encore plus de caféine. C’était quand même son quatrième de la journée. Mais Lincoln posa alors une question qui l’arrêta dans sa réflexion. « Tu y crois toi, aux relations sérieuses? » Décidément, cette conversation devenait de plus en plus profonde, mais c’était peut-être parce que tous les deux avaient des choses à dire sans avoir personne d’autre à qui se confier. « Oui, j’y crois », qu’il répondit sans une once d’hésitation. Il avait la désagréable impression que son cœur venait de remonter vers ses amygdales. « Je crois aussi que l’amour d’une vie, ce n’est pas forcément pour toujours. On peut rencontrer une personne, vivre quelque chose de très intense et de spécial avec elle avant de prendre des chemins différents. Ce n’est pas forcément un échec. En fait, on croit que c’est un échec, car la société nous a rentré dans la tête qu’on devrait faire toute notre vie avec une seule personne. Il n’y a rien de mal à aspirer à ça, mais je pense qu’il faut aussi profiter de l’instant présent et simplement vivre. Tu te souviens de la douleur causée par ton ex, mais pense au moment où tu étais amoureux, où tu croyais que c’était possible… Ce sentiment-là vaut la peine. »

Min avait le cœur dans la gorge, mais il sentait maintenant ses joues s’enflammer. Il rougissait à vu d’œil. Il réalisait à quel point ce qu’il venait de dire était… Enfin, il ne voulait pas dire embarrassant, car il croyait réellement ses propos, mais Lincoln risquait de le prendre pour un imbécile si ça continuait ainsi. « Oui, je suis un incorrigible romantique. Apparemment les Coréens sont comme ça. N’en dis pas un mot à ta sœur. Sinon je n’ai pas fini d’en entendre parler au bureau. » Il se passa les mains sur le visage comme s’il espérait faire disparaître le rouge de cette façon. Le pire c’est qu’il ne rougissait pas de façon uniforme, mais par plaque comme s’il était soudainement affligé par une maladie de peau. « Est-ce que tu te sens mieux? » Demanda-t-il dans un vain effort de détourner l’attention sur autre chose.

I can't seem to break free from self-sabotaging habits. -- @Ho Min-Kyung

«  Non, non… Si ça peut te rassurer, je n’ai tué personne. Je soupçonne même que si c’était le cas, ma mère clamerait farouchement mon innocence et dirait que c’est un accident même s’il y a des preuves irréfutables contre moi. Son précieux garçon ne ferait jamais une chose pareille. » Une mère prête à tout pour défendre sa progéniture telle une lionne. Je trouve ça beau à voir, même si je ne faisais pas autant le fier lorsque la mienne me sortait du pétrin lorsque j’étais plus jeune. « Je connais une bonne avocate pour sortir du pétrin si jamais tu en as besoin, ça m’a servi à quelques reprises… » Je ris en grimaçant, le regard rivé sur ma tasse de café l’espace d’un instant. « Ma mère. » ajouté-je en roulant des yeux. On va dire que ça a ses avantages, on m’a sûrement laissé aller à quelques reprises parce que le policier connaissait ma mère, mais ça a aussi certains inconvénients. « Le danger si elle te connait c’est qu’elle te laisse moisir en prison une nuit en espérant que ça te servira de leçon. » C’est ce qu’elle a fait ce soir de Noël où j’ai piqué la voiture de mon frère alors que je n’avais pas le permis. Disons que maman était furieuse lorsqu’elle a dû expliquer à nos oncles et tantes pourquoi un policier l’appelait ce soir-là alors qu’elle n’était pas de garde pour le travail. « Been there, done that. » Je n’en suis pas fier, mais je ne vois pas l’intérêt de le cacher alors qu’il m’a pris la main dans le sac un peu plus tôt aujourd’hui. Ça fait partie de mon bagage et je ne peux pas revenir en arrière. « Oui. Après avoir immigré en Australie, ils ont vécu un temps à Sydney avant de s’installer à Melbourne où je suis né ainsi que ma petite sœur. Je suis donc australien de naissance, mais coréen de culture. Je parle la langue et j’y ai passé pratiquement toutes mes vacances quand j’étais plus jeune. Ma sœur y vit. Elle devait passer une année dans une université à Séoul, mais elle y a rencontré un homme qui est éventuellement devenu son mari. Ça arrive. » Je l’écoute parler avec intérêt. Ça me fascine toujours autant de voir ces gens quitter tout ce qu’ils connaissent dans l’espoir d’un avenir meilleur dans un autre pays. « Ça fait loin pour les party de Noël. » Un peu comme mon frère qui a décidé de s’établir aux États-Unis pour se concentrer sur sa carrière d’acteur. Après, ce n’est pas moi qui vais m’ennuyer de lui considérant notre relation tendue. « Enfin… je dis ça, mais je ne sais même pas si vous fêtez Noël? » Je ne connais absolument rien à la Corée et leurs coutumes, mais j’ai soif d’apprendre. « Pourquoi t’as choisi Brisbane? » Entre Séoul et Melbourne, sa famille n’est pas à la porte d’à côté. Ou du moins, c’était le cas avec que son cousin s’invite chez lui sans prévenir. « Il a 26 ans et il parle très bien anglais. Ça ne devrait pas être difficile de m’occuper de lui et j’ai de la place. Oui, j’aurais apprécié qu’on m’en parle avant, mais de ce que j’ai compris, sa décision a été très soudaine. » Je fronce les sourcils, le regard rempli d’interrogations. Cette décision soudaine dont il fait mention pique ma curiosité, mais je me doute que ce n’est pas ma place de demander. Après tout, on ne se connait pas vraiment lui et moi et son cousin a sans doute décider de partir de la Corée pour une raison qui lui est très personnelle. « J’espère que ça va bien se passer avec lui en tout cas. Tu sais ce qu’il compte faire comme travail en arrivant ici? » Retourner à la vie civile après avoir fait l’armée, ce n’est pas aussi simple qu’il ne parait.

« Oui, lorsqu’ils n’essaient pas de m’arracher un bras quand je les examine. Malgré tout, les animaux sont beaucoup plus faciles à gérer que les humains, ça, je te l’accorde. Quant aux squelettes dans le placard… Nous en avons tous, mais ce qui est un squelette pour moi ne l’est peut-être pas pour toi. » L’intensité de son regard me rend un peu mal à l’aise, me fait regretter mon commentaire même sans que je ne sache réellement pourquoi. Derrière ces paroles se cache un lourd secret, je serais prêt à mettre ma main au feu, mais je respecte son silence en détournant à mon tour la tête en me raclant la gorge. Ironiquement, c’est en lui expliquant les raisons qui ont mené à ma rupture avec Byron que je dissipe ce malaise. Min n’est pas le premier à me dire que ce qu’il s’est passé avec mon ex n’est pas de ma faute, pourtant, j’ai encore du mal à y croire. J’aurais dû voir que quelque chose clochait, que c’était trop beau pour être vrai… j’ai été naïf et maintenant je me sens sale. Mes deux relations amoureuses se sont soldées en terribles trahisons qui me font remettre en question l’amour. Je ne sais plus si je crois en la possibilité de rencontrer un jour quelqu’un qui me respectera. Et lui, croit-il en l’amour avec un grand A? « Oui, j’y crois. » Peut-être l’a-t-il vécu. « Je crois aussi que l’amour d’une vie, ce n’est pas forcément pour toujours. On peut rencontrer une personne, vivre quelque chose de très intense et de spécial avec elle avant de prendre des chemins différents. Ce n’est pas forcément un échec. En fait, on croit que c’est un échec, car la société nous a rentré dans la tête qu’on devrait faire toute notre vie avec une seule personne. Il n’y a rien de mal à aspirer à ça, mais je pense qu’il faut aussi profiter de l’instant présent et simplement vivre. Tu te souviens de la douleur causée par ton ex, mais pense au moment où tu étais amoureux, où tu croyais que c’était possible… Ce sentiment-là vaut la peine. » J’aime sa façon de voir les choses, pourtant, je considère quand même mes deux ruptures comme de terribles échecs. Ma relation avec Andy n’a duré que quelques semaines à peine, notre histoire est morte dans l’œuf lorsque son père nous a surpris et que mon ex a prétendu qu’il n’était pas consentant parce qu’il craignait son père. Cette trahison m’a longtemps empêché d’ouvrir mon cœur à quelqu’un d’autre et me fait toujours un peu sourire quinze ans plus tard. Ma relation avec Byron a duré huit mois et si j’arrive un peu plus à me rappeler des moments où je me sentais bien en sa compagnie, je sais aujourd’hui que ces moments étaient teintés de mensonges. Comment y penser avec légèreté quand je me sens surtout stupide d’avoir cru que cette fois-ci ça pouvait être différent? « Oui, je suis un incorrigible romantique. Apparemment les Coréens sont comme ça. N’en dis pas un mot à ta sœur. Sinon je n’ai pas fini d’en entendre parler au bureau. » Un petit sourire étire mes lèvres à la mention de ma sœur. « Tessa lit dans mes pensées, ça va être difficile de lui cacher. Les jumeaux, tu sais. » Je blague, bien sûr. Oui Tessa et moi avons un lien spécial que nous ne partageons avec personne d’autre, mais nous sommes loin de faire de la télékinésie. Si j’ai été capable de lui cacher que j’avais décidé de donner une deuxième chance à Byron, je devrais pouvoir tenir ma langue cette fois-ci aussi. « Promis, je ne lui dirai rien. Mais ne t’en fais pas pour ma sœur, c’est la personne la plus douce que je connaisse. Tu n’as rien à craindre! » Je tente de détendre l’atmosphère une fois de plus en voyant bien le malaise que ressent Min aux plaques rouges qui parsèment sa peau. Étrangement, j’ai l’impression que lui et moi on se ressemble beaucoup, à l’exception de mon petit côté délinquant bien sûr. « Est-ce que tu te sens mieux? » Silencieux, je baisse les yeux sur ma tasse maintenant vide. Si notre conversation m’a un peu changé les idées, ma question sur les relations sérieuses m’a ramené à la douleur causée par révélation de la double-vie que mène mon ex. J’ai toujours l’impression d’avoir une boule dans le ventre, mais lui parler m’a somme toute fait un peu de bien. Je sais que Tessa aura toujours une oreille attentive à m’offrir, mais elle s’inquiète suffisamment pour moi à mon goût, en plus de ses problèmes cardiaques, je ne veux pas toujours l’embêter avec mes problèmes, d’autant plus quand ça me prend des années à m’en remettre. « Un peu. » Je relève mes yeux vers les siens pour lui sourire sincèrement. « Merci pour le café, je suis convaincu qu’il est meilleur ici qu’en prison. » murmuré-je avec un petit sourire en coin.

@Lincoln Mulligan

Min-Kyung pouffa de rire malgré lui lorsque Lincoln parla de sa mère et de ce qu’elle risquait de faire afin de lui donner une leçon. Maintenant qu’il connaissait un peu mieux les jumeaux, il était curieux de voir qu’elle genre de femme est leur mère. D’un côté, il y avait Tessa, brillante et passionnée par son travail. Elle ne se laissait pas marcher sur les pieds, mais ne manquait pas de compassion. De l’autre, il y avait Lincoln, plus réservé, peut-être et pas moins brillant que sa sœur, loin de là. Il pouvait la voir en lui. Ils avaient cette même lueur dans le regard. La seule différence, c’est que Lincoln était victime de ses circonstances. Les mauvaises décisions ne sont pas l’apanage des idiots et la chance ne se commande pas. « Je vois… Tu sais, j’ai failli passer une nuit en prison, une fois. Je suppose que ça ne compte pas vraiment, mais quand j’étais à l’université, j’avais été invité à cette énorme fête dans une maison privée. Il devait y avoir au moins une centaine d’étudiants dans tous les états d’ivresse que tu peux imaginer et assez d’alcool pour fournir un village entier pendant un mois. C’était ridicule. Évidemment, ça faisait un tapage épouvantable et la police a fini par débarquer. On parle ici de plusieurs policiers. J’ai paniqué. Je ne voulais pas avoir d’ennuis alors j’ai décidé de prendre la fuite. Il faut dire qu’à ce moment-là, j’étais passablement saoul. J’ai commencé à courir, un policier m’a vu. Je suppose que le réflexe d’un policier lorsqu’il voit quelqu’un courir, c’est de courir après. Je ne suis pas très rapide, mais je peux courir longtemps. Le policier a fini par s’en rendre compte, mais pas avant de m’avoir suivi sur une bonne distance. Il a abandonné et j’ai continué. En fait, je ne me suis pas arrêté avant d’être de retour à mon dortoir. Une assez bonne distance quand même… Surtout pour un gars qui a abusé de l’alcool. » Ce n’était pas vraiment comparable et, en racontant cette histoire, il réalisait à quel point sa vie était rangée. Il n’avait jamais rien fait d’illégal. Il n’avait jamais eu d’ennuis à proprement parler. Bon, il ne tenait pas non plus à se retrouver en prison, mais il voyait comment toute sa vie, il avait agis afin de faire plaisir à ses parents et à ne jamais leur apporter le déshonneur.

« Ça fait loin pour les party de Noël. Enfin… je dis ça, mais je ne sais même pas si vous fêtez Noël? » « Oh, ne t’inquiète pas, la Corée du Sud est autant victime de l’aspect commercial de Noël que le reste du monde. Cela étant dit, non, on n’allait pas là-bas pour célébrer. Les billets étant assez chers, mes parents préféraient attendre et nous y envoyer pendant l’été. » Il est arrivé que des membres de sa famille viennent ici, mais ce fut exceptionnel. Ses oncles et ses tantes n’avaient pas beaucoup d’argent. La plupart vivaient encore en campagne et n’avaient que très peu d’intérêt pour le monde extérieur, mais la jeune génération avait plus d’ambition et était définitivement plus ouverte sur le monde. « J’espère que ça va bien se passer avec lui en tout cas. Tu sais ce qu’il compte faire comme travail en arrivant ici? » Min-Kyung soupira, ne sachant pas quoi répondre. C’était justement le point le plus sensible de toute cette histoire. « J’en sais rien, c’est ça le problème. C’est un danseur de ballet. » Il leva les mains en signe d’impuissance. « Est-ce qu’il va essayer de poursuivre sa carrière ici? Peut-être, mais Brisbane ne me semble pas l’endroit idéal pour ça. Je vais essayer d’en apprendre plus. Je te raconte ça, mais il y a encore beaucoup d’inconnu. C’est juste que parler à mes parents met à l’épreuve ma patience. » Il avait de plus en plus de mal à discuter avec ses parents sans s’énerver. En même temps, chaque fois qu’ils discutaient, ils ramenaient les mêmes sujets de conversation sur le tapis en prétextant s’inquiéter du bonheur de leur fils. Ils ne comprenaient pas qu’en faisant ça, ils le rendaient malheureux plutôt. Une fois, il avait osé sous-entendre que le mariage n’était peut-être pas fait pour lui et sa mère avait pratiquement fait une crise au téléphone. Comment réagir face à ça? La vérité, c’est qu’il voulait se marier. Il voulait fonder une famille en adoptant des enfants. C’est juste qu’il ne voulait pas ça avec une femme. Il rêvait de tomber amoureux, d’avoir des papillons dans l’estomac à la simple vue d’une personne. Il voulait se réveiller le matin et voir la tête de son compagnon encore endormi sur l’oreiller, les cheveux dans tous les sens avant de disparaître sous les draps parce que Min veut aller courir et qu’il n’a lui-même aucun intérêt pour la chose. Honnêtement, il s’en moquait de fréquenter un sportif ou non bien que ça serait agréable de partager ça avec quelqu’un. La question de Lincoln l’avait gêné, certes, mais il y avait répondu avec honnêteté. Il y croyait et il voulait que Lincoln y croit aussi.

« Tessa lit dans mes pensées, ça va être difficile de lui cacher. Les jumeaux, tu sais. » Min réagit en lui donnant un coup de pied sous la table, assez fort pour le faire tressaillir, mais pas assez pour lui faire mal. « Promis, je ne lui dirai rien. Mais ne t’en fais pas pour ma sœur, c’est la personne la plus douce que je connaisse. Tu n’as rien à craindre! » « Je ne sais pas, j’avais plutôt l’impression que ta sœur sait ce qu’elle veut et qu’elle a assez de caractère. Non, ce n’est pas tellement d’elle que j’ai peur, mais du reste du personnel de la clinique. » Ils étaient tous très sympathiques à la clinique, mais ils aimaient aussi le commérage et certaines conversations entendues l’avaient fait sourciller. Toutefois, Min voulait détourner l’attention de sur lui et revenir à l’essentiel de cette conversation : Lincoln. Il l’avait invité à prendre un café afin de lui changer les idées et essayer de comprendre ce qui l’avait amené à voler une montre. Ce n’était pas vraiment de ses affaires, mais il avait vu la détresse et la confusion dans ses yeux, sentiments que Min ne pouvait pas ignorer, car lui-même en était victime. Il savait qu’une oreille attentive pouvait faire la différence, chose que lui-même n’avait pas. Il ne se confiait pas à ses amis par peur que leur regard envers lui change. Il préférait garder tout en lui en sachant très bien qu’en aucun cas ça ne pouvait être une solution permanente. Un jour, tout allait exploser et Min savait pertinemment qu’il n’en était plus très loin. Voir Lincoln sourire le fit sourire en retour. Il avait donc réussi, en partie du moins. « Merci pour le café, je suis convaincu qu’il est meilleur ici qu’en prison. » « Ce n’est rien, je t’assure. Et je suis un accro au café, alors toutes les occasions sont bonnes pour en boire un peu plus. C’est juste que… » Il secoua la tête à la recherche des bons mots. « Dis-toi une chose, je te comprends plus que tu le crois. » En disant cela, il fixait sa tasse de café vide, incapable de le regarder dans les yeux. « Je peux te laisser mon numéro de téléphone, si tu as besoin de parler à nouveau. Tu peux refuser, on va finir par se recroiser de toute façon, mais je te le propose, si tu veux. »

I can't seem to break free from self-sabotaging habits. -- @Ho Min-Kyung

Min-Kyung pique ma curiosité en mentionnant qu’il a déjà failli passer une nuit en prison, lui aussi. Je sais qu’il a dit « failli », mais je ne peux m’empêcher de me dire qu’on se ressemble peut-être un peu plus que je le croyais de prime abord finalement. Il m’a toujours semblé être quelqu’un de droit, qui ne dépasse jamais les lignes à ne pas franchir, finalement je me rends compte que je pourrais être surpris. Attentif, je bois ses paroles comme s’il s’agissait du dernier épisode de ma télésérie préférée. Lorsqu’il termine de me raconter son histoire de beuverie et de poursuite policière, je ne peux m’empêcher de rire. Finalement, il parait toujours autant inoffensif. Je le connais peu, mais je suis prêt à parier qu’il ne ferait pas de mal à une mouche. Il suffit de voir à quelle vitesse il a changé d’avis à mon sujet alors que, au départ, j’étais presque sûr qu’il me dénoncerait à la police pour le vol de la montre parce qu’il semble être quelqu’un de droit. « Attends… t’as réussi à semer le policier alors que t’étais saoul? » J’ai beau avoir de l’expérience et un certain talent pour fuir un policier, je ne donnerais pas cher de ma peau dans un état d’ivresse. « Je me serais cassé la gueule dans une craque de trottoir ou dans mes lacets, je ne sais pas. » ajouté-je en riant tout en passant mes doigts dans mes bouclettes pour me dégager le front. « Il va falloir qu’on fasse la course pour départager le titre du meilleur fuyard. » Pas d’alcool, par contre, je ne crois pas en mes chances si on m’ajoute un handicap de plus que mes poumons de fumeur. « Oh, ne t’inquiète pas, la Corée du Sud est autant victime de l’aspect commercial de Noël que le reste du monde. Cela étant dit, non, on n’allait pas là-bas pour célébrer. Les billets étant assez chers, mes parents préféraient attendre et nous y envoyer pendant l’été. » La dernière fois que j’ai pris l’avion, c’était quand j’étais encore en âge pour que mes parents nous paient des vacances en famille, aucune idée donc du prix que ça avait coûté. Je n’ai aucune difficulté à imaginer que ça doit être comme tout le reste et que le prix doit augmenter avec la demande du temps des fêtes. « L’été en Corée? » J’imagine puisque l’été en Australie se situe entre décembre et février.  

Le plus gros mystère de notre conversation est sans aucun doute les raisons qui poussent son cousin à quitter la Corée pour l’Australie sans même demander la permission à Min-Kyung s’il pouvait l’héberger au préalable. Qu’est-ce qui pouvait le motiver à ce point? Peut-être que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais je me dis que Min me le dira bien s’il n’a pas envie d’en parler. « J’en sais rien, c’est ça le problème. C’est un danseur de ballet. » Les sourcils froncés, je hausse les épaules. « Et? C’est mal vu chez vous? » Ça ne me surprendrait pas considérant que j’ai vécu du harcèlement presque toute mon adolescence alors que je faisais partie d’une troupe de danse de hip hop avec Tessa. De base, mon rêve était de vivre de la danse, mais j’ai tout abandonné parce que j’étais incapable de supporter la pression et les moqueries. Aujourd’hui, je n’ose même plus monter sur une piste de danse, le seul endroit où j’étais enfin à l’aise avec mon corps. « Est-ce qu’il va essayer de poursuivre sa carrière ici? Peut-être, mais Brisbane ne me semble pas l’endroit idéal pour ça. Je vais essayer d’en apprendre plus. Je te raconte ça, mais il y a encore beaucoup d’inconnu. C’est juste que parler à mes parents met à l’épreuve ma patience. » Je lui souris d’un air désolé. Même si ce n’est pas toujours facile avec mes parents, je me compte chanceux qu’ils soient toujours là pour moi et qu’ils respectent mes décisions. Chez nous, c’est avec mon frère Freddy que les rapports sont plus compliqués. Il est plus vieux que moi, mais il est arrivé dans la famille après et depuis son adoption, une compétition s’est instaurée entre nous. « C’est sûr que ça serait plus logique qu’il aille à Sydney s’il tient vraiment à venir en Australie… qui sait, il a peut-être d’autres plans? » Ou des squelettes dans le placard.

Chaque personne a son lot de surprise, comme le rapport de Min avec les relations amoureuses. Peut-être que je devrais suivre son exemple et ne pas forcément chercher une relation qui durera toute ma vie. Peut-être que c’est ce dont j’aurais besoin pour reprendre confiance en moi, d’une relation sans prise de tête quitte à ce que ça ne dure pas longtemps. Le problème? J’ai peur de trop m’attacher et d’être blessé encore. Je n’ai jamais osé m’inscrire sur Tinder, de peur de tomber sur quelqu’un qui aurait de mauvaises intentions à cause de mon orientation sexuelle. Bon et aussi parce que je n’ai eu que de mauvaises expériences, évidemment… « Je ne sais pas, j’avais plutôt l’impression que ta sœur sait ce qu’elle veut et qu’elle a assez de caractère. Non, ce n’est pas tellement d’elle que j’ai peur, mais du reste du personnel de la clinique. » Tessa sait ce qu’elle veut, sauf en ce qui concerne sa vie amoureuse, on va dire, et ça me fait particulièrement rire. Peut-être qu’elle ne dégage pas la même chose pour ceux qui ne la connaissent pas autant que moi, mais je n’ai que des qualités à dire à son égard. Enfin presque, elle aurait quand même me mettre au courant de la double-vie de Byron dès qu’elle l’a appris plutôt que de lui donner un ultimatum et le laisser venir rencontrer toute notre famille à Noël… « C’est vrai qu’elle sait ce qu’elle veut, mais je t’assure qu’elle est beaucoup plus agréable à vivre que notre frère Freddy. » Avec lui, ça a toujours été compliqué. On a eu quelques beaux moments, mais aussi des mauvais qui se sont soldés en un coup de poing de sa part et des paroles violentes du mien. On ne fait pas sortir le meilleur de l’autre… Comme je n’ai pas envie de m’attarder sur ma relation avec mon frère, je le remercie plutôt pour le café. « Ce n’est rien, je t’assure. Et je suis un accro au café, alors toutes les occasions sont bonnes pour en boire un peu plus. C’est juste que… » Que? Je fronce les sourcils en inclinant la tête, mon regard posé sur lui. « Dis-toi une chose, je te comprends plus que tu le crois. » Je cligne des yeux en essayant d’accrocher son regard avec le mien, mais il le fuit sans doute par gêne, peut-être par honte. Je me fais des hypothèses sans réellement savoir à quoi il fait référence. « Je peux te laisser mon numéro de téléphone, si tu as besoin de parler à nouveau. Tu peux refuser, on va finir par se recroiser de toute façon, mais je te le propose, si tu veux. » Je l’observe attentivement sans dire un mot, les mains posées sur ma tasse qui est vide depuis un moment déjà. Ses dernières paroles me laissent supposer qu’il fait référence à son orientation sexuelle lorsqu’il dit qu’il me comprend, mais j’ai peur de me tromper alors je ne dis rien à ce sujet pour ne pas le brusquer. Je suis bien placé pour savoir que c’est un sujet difficile à aborder. « D’accord, hmmmmm… » Je souris d’un air gêné en fouillant dans ma poche pour en sortir mon téléphone, devinant sans difficulté à la sensation de chaleur que mes oreilles ont tourné au pourpre. « C’est bon vas-y. » Je le regarde furtivement avant de rapporter mon attention sur mon téléphone pour y entrer son numéro. Après l’avoir ajouté dans mes contacts, je lui envoie un émoji de montre. « Je t’ai envoyé un message, comme ça tu as le mien aussi. » Lui aussi semble avoir besoin d’une oreille attentive et je me dis qu’il aura peut-être un peu plus de facilité à se confier par écrit que de vive voix.

@Lincoln Mulligan

Sa petite histoire sur sa poursuite policière a eu l’effet escompté. Lincoln éclata de rire et Min sourit en retour. L’alcool n’avait pas amélioré son jugement à ce moment-là. En même temps, ça faisait une anecdote amusante à raconter. Ça ne s’était pas mal terminé, personne n’avait souffert, sauf peut-être les voisins dérangés à cause du bruit. « Attends… t’as réussi à semer le policier alors que t’étais saoul? » Il acquiesça d’un signe de tête. « Je me serais cassé la gueule dans une craque de trottoir ou dans mes lacets, je ne sais pas. » « Je ne sais pas comment j’ai fait, pour être honnête. J’aurais dû m’écraser quelque part, me casser la figure sachant que je tiens mal l’alcool. C’est l’un de mes plus grands exploits après les deux marathons que j’ai couru, mais mes parents n’en savent rien et c’est probablement mieux ainsi. » Lincoln semblait suffisamment impressionné pour lui proposer un défi. Min-Kyung ne refuse jamais de courir et le sourire qui apparut sur son visage devrait être de mauvais augure pour Lincoln qui ne savait pas dans quoi il venait de mettre les pieds. « Il va falloir qu’on fasse la course pour départager le titre du meilleur fuyard. » Min réfléchit un instant. Le fait que Lincoln soit un fumeur n’aidait pas sa cause, mais ça ne devrait pas l’empêcher de courir vite. « En vitesse, il est très possible que tu sois plus fort que moi. En revanche, sur la distance, je suis raisonnablement certain de t’écraser. J’accepte le défi. Je ne refuse jamais une course à moins d’être blessé. On peut la faire demain matin, si tu veux. 5 heures, ça te va? C’est généralement l’heure à laquelle je vais courir. » C’était probablement beaucoup trop tôt pour Lincoln, mais Min adorait courir tôt le matin. Il appréciait la solitude sur les pistes. Parfois, il partait plus tard, surtout s’il prévoyait courir avec quelqu’un. Là, il cherchait plus à taquiner Lincoln et voir à quel point il prenait sa parole au sérieux.

Évidemment, il parlait de l’été en Australie. C’était toujours un peu confus, n’étant pas sur le même hémisphère, les saisons étaient inversées. « L’été en Corée? » Min fit non de la tête. « Désolé, c’est un peu confus. L’année scolaire ici commence au début de février. En Corée du Sud, les élèves ont cinq semaines de vacances d’hiver de la fin décembre à la fin janvier, ce qui coïncide avec nos vacances d’été ici. C’est à cette période qu’on partait, ma sœur et moi, rejoindre la famille là-bas. » Ça leur a permis de connaître leurs oncles et leurs tantes ainsi que les cousins et les cousines bien qu’ils n’aient jamais été particulièrement proches d’eux. Déjà, il y avait la différence d’âge, mais aussi que Min et sa sœur étaient des étrangers. Même si on leur avait appris la langue et qu’ils avaient été élevés avec les valeurs coréennes, ils avaient quand même une vision différente du monde et ils ne comprenaient pas les enjeux du pays. Après avoir commencé l’université, Min avait arrêté de se rendre aussi souvent là-bas, augmentant ainsi un peu plus la distance. Ses oncles et ses tantes restaient des membres de sa famille, mais il n’entretenait pas de liens particuliers. La situation actuelle n’allait pas améliorer les choses.

Encore une fois, il n’avait rien contre son cousin. Il aurait juste aimé qu’on lui en parle avant. Le pire, c’est qu’il se serait peut-être même porté volontaire afin de l’aider. C’est vraiment le fait qu’on prenne la décision pour lui qui l’embêtait profondément. Ça venait juste confirmer qu’il n’avait pas son mot à dire et qu’il devait faire ce qu’on lui demandait. Qu’il soit un adulte de 35 ans n’avait pas la moindre importance. « Et? C’est mal vu chez vous? » « Non, ce n’est pas ça. Sa famille s’est vraiment démené pour sa carrière. Je trouve juste bizarre cette décision aussi soudaine. Remarque, ce n’est que des suppositions de ma part, je ne lui ai pas parlé depuis longtemps. Je crois juste que si ça avait été son intention depuis longtemps, j’en aurai entendu parler. Il y aurait probablement eu des discussions avant ça. Là, il a juste annoncé à sa famille son intention de partir et tout le monde semble trouver ça normal. Je suis bien placé pour voir quand quelqu’un essaie de fuir quelque chose. Entre le moment où j’ai décidé de partir de Melbourne et celui où j’ai posé mes boîtes ici, il s’est passé cinq semaines. Oui, je suis parti sur un coup de tête. » Mais oui, peut-être qu’il avait d’autres plans que Min ne connaissait pas encore. Peut-être qu’il s’imaginait des choses, qu’il cherchait désespérément à trouver quelqu’un d’autre comme lui. Cela étant dit, si son cousin cherchait vraiment à fuir quelque chose, ça voulait dire que le jeune homme qu’il allait accueillir ne sera pas celui de ses souvenirs. Min se demandait s’il avait vraiment l’énergie pour s’occuper de quelqu’un ayant de graves difficultés. Il avait entendu des rumeurs sur l’armée en Corée. Et si quelque chose de vraiment grave lui était arrivé? Il devait absolument éviter de sauter aux conclusions et attendre.

Il n’avait jamais entendu parler de ce Freddy. Du coup, Min était curieux, mais il ne voulait pas se montrer intrusif en posant trop de questions. Il était bien placé pour savoir que les relations familiales pouvaient être compliquées. De plus, il sentait que cette conversation tirait à sa fin. Il avait encore des choses à faire d’ici la fin de la journée et il ne voulait pas retenir Lincoln trop longtemps. La situation n’avait pris la tournure qu’il aurait imaginée. Il ne pensait pas se confier autant, surtout pas à quelqu’un qu’il connaissait à peine. Il était là pour être l’oreille attentive et pourtant… À travers les bribes de leur conversation, Min avait réalisé qu’ils avaient plus en commun que les apparences laissaient croire. Lincoln pourrait peut-être le comprendre. Non pas qu’il remettait Swann en doute, mais Lincoln… Enfin, tout était très confus dans sa tête, mais il voulait lui donner son numéro. Il fut soulagé lorsqu’il accepta et ne put retenir un sourire lorsqu’il vit l’émoji de montre. « Très drôle. S’il te plait, évite de recommencer. Je ne veux pas te faire la morale, c’est juste que ça ne vaut pas la peine. » Il se redressa sur sa chaise. « Je crois qu’il est temps de rentrer. Je vais avoir besoin que tu me ramènes jusqu’à ma voiture. J’étais là surtout parce que je croyais que tu avais besoin de quelqu’un pour t’écouter et finalement, j’ai parlé beaucoup… » Il laissa sa phrase en suspens. « Je ne voulais pas t’embêter avec mes histoires de famille. C’est compliqué, mais ça ira. On y va? »

I can't seem to break free from self-sabotaging habits. -- @Ho Min-Kyung

« Je ne sais pas comment j’ai fait, pour être honnête. J’aurais dû m’écraser quelque part, me casser la figure sachant que je tiens mal l’alcool. C’est l’un de mes plus grands exploits après les deux marathons que j’ai couru, mais mes parents n’en savent rien et c’est probablement mieux ainsi. » J’aurais aimé pouvoir en dire autant en ce qui concerne les conneries que j’ai faites surtout quand j’étais plus jeune, mais j’avais visiblement pas un aussi grand talent que lui pour ne pas me faire prendre. Quand on a une mère avocate connue des policiers, c’est un peu difficile de lui cacher… Tessa a bien essayé de porter le blâme à quelques reprises, mais nos parents nous connaissent bien trop pour la croire. J’ai si souvent vu la déception dans le regard de maman, mais ça ne m’a pas empêché de continuer, c’était plus fort que moi, comme un gros bouton rouge à côté d’une pancarte sur laquelle il serait écrit de ne pas appuyer. J’ai besoin d’appuyer, comme pour voir ce qu’il se passera si je le fais… Heureusement pour mes parents, et pour moi j’imagine, je teste bien moins les limites qu’à l’époque. « Peut-être que tu tiens bien plus l’alcool que tu le penses. » Sinon comment expliquer qu’il ait réussi à distancer un policier sobre? À moins qu’il s’agissait d’un policier âgé en surpoids tel que Wiggum dans les Simpson. « En vitesse, il est très possible que tu sois plus fort que moi. En revanche, sur la distance, je suis raisonnablement certain de t’écraser. J’accepte le défi. Je ne refuse jamais une course à moins d’être blessé. On peut la faire demain matin, si tu veux. 5 heures, ça te va? C’est généralement l’heure à laquelle je vais courir. » J’écarquille les yeux en entrouvrant la bouche. « Eeeeeeeeeeeeee… » Non? Je ne veux pas avoir l’air d’un trouillard en refusant son offre qui me semble assez sérieuse, d’autant plus que c’est suite au défi que je viens de lui lancer, mais je sais d’avance que je ne serai pas de taille à cette heure. « Tu m’en demandes beaucoup là, laisse-moi le temps d’émerger au moins… » réponds-je en riant. Je dors peut-être peu entre mes études et mon travail, mais j’ai quand même besoin d’un peu de sommeil le matin. « Je risque d’appuyer sur la touche snooze de mon réveil sans m’en rendre compte et de te faire attendre pour rien… » Et si je réussis par miracle à être là à temps, je vais encore avoir les traces de mon oreiller dans le visage.

« Désolé, c’est un peu confus. L’année scolaire ici commence au début de février. En Corée du Sud, les élèves ont cinq semaines de vacances d’hiver de la fin décembre à la fin janvier, ce qui coïncide avec nos vacances d’été ici. C’est à cette période qu’on partait, ma sœur et moi, rejoindre la famille là-bas. » Je ne me ferai jamais au fait que la moitié du globe est en hiver lorsque nous sommes en été et vice versa, déjà qu’il y a les différents fuseaux horaires à penser… « Ah d’accord, je vois. Ça parait que je ne suis pas souvent sorti d’Australie? » Et pourtant, j’ai toujours trouvé les conversations sur les différences culturelles si intéressantes. « C’est cool que ça coïncide en tout cas, ça vous permet au moins de pouvoir profiter de votre famille quand vous y allez et qu’ils ne soient pas tous obligés d’aller travailler pendant que vous êtes là-bas… » À moins qu’ils aient beaucoup de vacances, je m’y connais zéro et une barre là-dessus. « Non, ce n’est pas ça. Sa famille s’est vraiment démenée pour sa carrière. Je trouve juste bizarre cette décision aussi soudaine. Remarque, ce n’est que des suppositions de ma part, je ne lui ai pas parlé depuis longtemps. Je crois juste que si ça avait été son intention depuis longtemps, j’en aurai entendu parler. Il y aurait probablement eu des discussions avant ça. Là, il a juste annoncé à sa famille son intention de partir et tout le monde semble trouver ça normal. Je suis bien placé pour voir quand quelqu’un essaie de fuir quelque chose. Entre le moment où j’ai décidé de partir de Melbourne et celui où j’ai posé mes boîtes ici, il s’est passé cinq semaines. Oui, je suis parti sur un coup de tête. » Considérant qu’il n’a pas parlé à son cousin depuis longtemps, je me dis qu’il avait peut-être ce projet de déménager en Australie depuis un moment dans un coin de sa tête, sans en avoir parlé à quelqu’un d’autre au préalable. Pourquoi le cacher, cependant? Certainement parce qu’il a quelque chose à cacher ou bien qu’il a décidé ça sur un coup de tête comme le croit Min-Kyung. « Surtout qu’il sait que tu habites ici, il aurait pu te demander conseil ou je ne sais pas. Enfin, tu en sauras certainement plus lorsqu’il sera chez toi, en espérant que ça ne te cause pas d’ennuis. » Il n’en avait pas besoin, ça semblait déjà bien assez compliqué avec ses proches sans que son cousin vienne en rajouter.

Avec nos tasses de café maintenant vides, notre conversation tire à sa fin. Min me prend par surprise en me proposant son numéro de téléphone au cas où j’aurais besoin de parler et j’accepte pour ne pas toujours embêter Tessa ou August avec mes problèmes. Je ne sais pas si c’est une bonne idée considérant que Min travaille pour ma sœur, mais il m’inspire confiance et prendre un café avec lui m’a changé les idées. « Très drôle. S’il te plait, évite de recommencer. Je ne veux pas te faire la morale, c’est juste que ça ne vaut pas la peine. » Les lèvres pincées, je hoche la tête en regardant mes mains juste avant de poser timidement mon regard sur lui. « Promis. » Une promesse que je tenterai au maximum de tenir dans les prochaines semaines, mais peut-être pas à long terme si ma vie ne va pas comme je veux. Pour l’instant, l’intention y est, il reste à voir s’il y a une date de péremption à cette promesse. « Il n’en vaut pas la peine… » Je prononce ces mots pour m’en convaincre tandis que mon regard se pose sur la montre que je sors de ma poche pour l’observer sous la table tout en la caressant avec mon pouce sans pouvoir faire autrement que de me dire qu’elle lui aurait fait comme un gant… « Je crois qu’il est temps de rentrer. Je vais avoir besoin que tu me ramènes jusqu’à ma voiture. J’étais là surtout parce que je croyais que tu avais besoin de quelqu’un pour t’écouter et finalement, j’ai parlé beaucoup… » - « Il faut croire que je n’étais pas le seul qui avait besoin de parler. » Je lui souris en rangeant la montre dans ma poche. « Je ne voulais pas t’embêter avec mes histoires de famille. C’est compliqué, mais ça ira. On y va? » Je hoche la tête en me levant, me dirigeant ensuite vers ma voiture garée un peu plus loin. « Oh, si tu savais… ça ne m’a pas embêté, ça a fait changement de mes soucis familiaux. » Lorsque nous nous retrouvons tous les deux à bord de ma voiture, je prends la route jusqu’au centre commercial où nous nous sommes croisés un peu plus tôt. Par contre, je me gare en parallèle sur le bord de la rue plutôt que dans le stationnement. « Si ça ne te dérange pas, je vais te déposer ici, je ne voudrais pas que le gardien me reconnaisse s’il est encore là. » Je n’ai pas envie de faire un coucou à ma mère avec des barreaux nous séparant. « Merci pour le café, encore, ça m’a fait du bien. » Probablement bien plus qu’il ne le croit.