Abraham Taylor & @Lincoln Mulligan

Woke up this morning my house was cold, checked out the furnace she wasn't burnin', went out and hoped in my old Ford, hit the engine but she ain't turnin'. ☆☆

gifs @tellingscarystories & @marlosrph

(kilcoy, somersert hills motors) Il fallait bien reconnaître certains avantages aux (toutes) petites villes : fermer sa porte à clef n’était pas une nécessité absolue, laisser ses affaires en évidence sur le siège passager de sa voiture n’assurait pas forcément de la trouver fracturée le lendemain matin, et envoyer son marmot haut comme trois pommes acheter du lait ou des pommes au primeur à quelques centaines de mètres de là se faisait avec la certitude que tous les adultes qui croiseraient sa route suivraient discrètement du regard pour s’assurer que l’enfant arrivait à bon port. Malgré cela, on pourrait sans doute reprocher à Abe de manquer un peu de prudence en s’absentant du garage sans rien fermer derrière lui, la pancarte “back in 5” placardée sur la porte de son bureau terminant de se placer comme une invitation à toutes les personnes mal intentionnées pour venir piller son commerce … Or la méfiance du garagiste n’avait que peu de poids face à celui de ses habitudes, et abandonner SHM le temps d’aller avaler une assiette de frites ou un club-sandwich au coffee-shop / diner / relais routier (c’était aussi ça, les petites villes) situé deux rues plus loin en était une bien trop ancrée pour qu’il n’y songe à deux fois. “Retour dans cinq minutes” était un peu mensonger, certes, mais sa clientèle majoritairement composée d’habitués ne s’en formalisait généralement pas, et les plus téméraires prenaient même le pli d’enclencher la bouilloire et d’attraper la boîte de café soluble posée sur une étagère, entre quelques tasses dépareillées.

Bien que tenté d’étirer sa pause méridienne un peu plus que de raison, le Taylor avait pris congé du couple de tenanciers à l’heure habituelle pour une raison aussi valable qu’inhabituelle, dérogeant une fois n’était pas coutume au couplet de ses habitudes. Inhabituelle car Abe attendait de la visite – il ne savait pas précisément à quelle heure, mais il avait donné rendez-vous dans la journée à un jeune homme dont le CV lui était parvenu quelques semaines plus tôt, et bien que profondément étonné que qui que ce soit puisse vouloir venir s’enterrer à Kilcoy de son plein gré, sa curiosité avait été suffisamment piquée pour qu’il veuille se pencher sur la question. Une voiture qu’il ne connaissait pas attendant devant le garage à son retour, il en avait donc rapidement déduit l’identité du visiteur, et à demi-désolé seulement que ce dernier soit arrivé pendant qu’il engloutissait des nachos, il s’était empressé de traverser l’atelier. S’étant bien gardé de prendre la liberté d’investir le bureau ou même les lieux en général, un grand dadet aux boucles brunes se tenait bras ballants près de la porte, visiblement décontenancé de trouver l’endroit vide. « C’est toi Lincoln ? » Arrivé à sa hauteur, Abe avait tendu une main engageante vers son visiteur et ajouté sur le ton de la plaisanterie « Pour une fois qu’elles ne sont pas pleines de cambouis. » Dépassant la silhouette du jeune homme pour retirer la pancarte de la porte du bureau et s’engouffrer dans celui-ci, il avait fait signe au nouvel arrivant de le suivre et enchaîné aussitôt en demandant « Tu bois du café ? » sans attendre la réponse pour mettre de l’eau dans la bouilloire. « Tu as même le droit de t’asseoir. » Cela semblait tomber sous le sens, mais à voir son invité prendre racine près de la pore malgré la chaise vide à sa portée, il préférait le préciser.

One step up. -- @Abraham Taylor

Plus le nombre de kilomètres restant avant d’arriver à Kilcoy diminue sur les panneaux routiers que je croise sur la route, plus mon niveau de stress augmente. J’essaie de penser à autre chose pour me changer les idées, mais je ne suis pas sûr que de repasser dans ma tête la scène d’un peu plus tôt où Min-Kyung a replacé mes bouclettes soit d’une grande aide. Au contraire, ça me donne juste encore plus le goût de fumer pour me calmer les nerfs, je ne compte pas le nombre de cigarettes qui y sont déjà passées alors que je n’en suis qu’à la moitié du trajet. « Tout va bien se passer. Tu vas l’avoir. T’es beau, t’es fort, t’es capable. » J’essaie de m’encourager en me regardant dans le rétroviseur, mais je ne peux faire autrement que de rire de ma gueule tellement je me trouve ridicule dès que mes insécurités prennent le dessus sur cet élan de confiance qui n’a même pas duré deux minutes. Tant pis, réfléchir ne fonctionne pas visiblement pas, je mets le volume de ma radio dans le tapis pour plutôt me concentrer sur la musique. Si chanter à tue-tête dans ma vieille voiture suffit à me calmer pour le reste du trajet, mon cœur se remet à battre la chamade à l’instant où le garage apparait dans mon champ de vision. Avant de sortir de ma voiture, je passe mes mains sur le veston de Min pour en lisser le tissu et je replace quelques mèches au passage même si je sais que c’est la dernière chose que le propriétaire de la place regardera. « Inspire, expire…» Je prends quelques grandes inspirations, puis je sors de ma voiture pour me diriger vers le garage, les mains tremblantes. À ma grande surprise, l’endroit est complètement vide comme en témoigne la petite pancarte « back in 5 » accrochée après la porte. J’attends sagement, mais les cinq minutes passent sans que personne n’arrive, puis dix, puis vingt...

« Il n’est pas là. Il y a une pancarte sur la porte qui dit « back in 5 » et ça fait vingt minutes que je suis arrivé… Et il n’est pas là. » C’est à peine quelques secondes après avoir envoyé ce message à Min-Kyung que j’entends la porte à côté de moi s’ouvrir. « C’est toi Lincoln ? » Je hoche la tête en rangeant mon téléphone dans la poche arrière de mon pantalon. « Oui. Abraham? » demandé-je en le pointant. Qui d’autre? « Il faudrait une troisième personne qui nous appelleraient les deux en hurlant nos noms. Abraham Lincoln… » Badum tss! Je souris d’un air niais, la nervosité me fait dire des conneries. « Pour une fois qu’elles ne sont pas pleines de cambouis. » Je lui souris en lui serrant la main avec fermeté - pas trop j’espère. « J’ai l’habitude. » Je viens peut-être de graduer, mais voilà presque trois ans que je travaille dans un parc de ferrailles à démonter des pièces pour les mettre en vente. « Tu bois du café ? » J’acquiesce d’un hochement de tête en mettant mes mains dans mes poches. « Bien sûr. » Si la réponse avait été non, je me serais mis à boire du café maintenant dans l’espoir de gagner des points. « Tu as même le droit de t’asseoir. » Je ne me fais pas prier et je m’assois sur la chaise à proximité. Je ne connais pas Abraham, peut-être que ce n’est pas quelque chose qui le rejoindra, mais le silence m’angoisse et je ressens donc le besoin de le meubler en attendant que le café soit prêt. « J’ai vu que ça fait… une dizaine d’années que vous êtes ici? » J’ai fait mes devoirs quand même, cet emploi me tient à cœur. « Vous êtes beaucoup d’employés? » Considérant que le garage n’est pas immense et qu’il n’y avait littéralement personne à mon arrivé, je n’ai pas l’impression que oui, mais sait-on jamais, je préfère m’informer pour me faire une idée de ce que mon environnement de travail pourrait être si je viens à travailler ici. L’homme se retourne, sans doute pour répondre à ma question, et c’est à ce moment que je remarque sur son t-shirt un morceau de fromage fondu, sans doute les vestiges du repas qu’il était parti manger « back in 5 ». Lui dire ou ne pas lui dire? Je suis incapable de ne pas lui dire comme s’il s’agissait d’un grain de nourriture coincé entre ses dents de devant. Finalement, c’est plus fort que moi… « Vous avez, hm… » Du bout des doigts, je gratte légèrement ma chemise à l’endroit où Abraham a du fromage sur lui.