Greta aurait dû se douter qu’elle prenait des risques inconsidérés par le simple fait de sortir de chez elle et que, plus ses pas la guidaient loin, plus les dangers se décuplaient. L’église aurait été un lieu sûr et pourtant, cet étrange personnage mi-loup mi-sorcier l’avait amené ailleurs, dans un labyrinthe qu’elle savait infesté de créatures de la nuit. Bien sûr il n’avait pas peur, étant lui-même un pion de ce monde, et Greta l’avait suivi sans réellement savoir la raison d’une telle imprudence. La fascination, l'envoûtement des yeux lupins du garçon ou tout simplement une curiosité presque morbide qui lui donnait envie de tout voir et de tout vivre. Depuis qu’elle avait mis un pied dans le surnaturel, elle avait vu tant de choses qu’elle ne réussissait plus à se garantir de l’adrénaline et, au milieu du labyrinthe, elle avait été servie. Son nouvel ami loup avait été blessé et elle avait pris en charge sa guérison, s’étonnant de la facilité déconcertante avec laquelle elle avait mis ses pouvoirs ésotériques à profit. « Je ne connais même pas votre prénom… » avait-elle dit, alors que ces deux-là se tenaient maintenant assis près des tombes du cimetière. Ils s’étaient échappés du labyrinthe grâce aux artefacts de la jeune femme mais l’état inquiétant du loup ne lui avait pas permis de poursuivre jusqu’au sein de l’église. A moins que ce ne soit encore un savant tour de l’inconnu pour l’en tenir éloignée… « C’était donc quelque chose en rapport avec l’ésotérisme que vous cachiez là-dedans ? » avait-elle demandé, fixant la lune puis reportant son attention sur l’édifice religieux. Au loin, un gémissement se faisait entendre et en suivant du regard le son elle avait vu une silhouette allongée sur une tombe. La personne hurlait de douleur en criant à l’aide. « Il faut l’aider ! Il va attirer toutes les créatures jusqu’ici… » avait-elle imploré le sorcier, comme si elle demandait sa permission, comme s’ils formaient maintenant un duo.

@Greta Moore & @Kai Luz

I should've known I'd leave alone, just goes to show that the blood you bleed is just the blood you owe. We were a pair, but I saw you there, too much to bear, you were my life but life is far away from fair. ☆☆

gifs @unknown & @vampirecherub

« Oh la ferme, Nick. C’est ta faute si on en est là. »
« Le coup est parti tout seul ! C’était pas supposé arriver. »
« Ouais, ouais, n’empêche qu’on est là à enterrer un cadavre en douce, alors qu’on devait juste voler de l’argenterie. Alors ton hypégiaphobie tu sais où tu peux te la mettre ? »
« Je comprends rien à ce que tu dis. »
« La ferme, et creuse. C’est plus clair, comme ça ? »

Tapis dans l’ombre, derrière la lisière de forêt qui bordait le cimetière de la ville, Abraham observait la scène entre prudence et impatience. Prudence, car s’il se terrait entre le sous-sol de l’église et les dédales de tombes depuis des jours – ou plutôt, des nuits – sans être vu pas même du jeune fossoyeur, ce n’était pas pour attirer l’attention de deux bandits de pacotille. Impatience, car aussi mauvais soient les talents de cambrioleurs des deux bonhommes, et aussi triste soit la fin prématurée du bougre qu’ils s’apprêtaient à enterrer sans aucune forme de cérémonie, l’odeur qui se dégageait du cadavre encore frais et de sa plaie sanglante ouvraient l’appétit du vampire dont le dernier shot d’hémoglobine remontait déjà à deux jours … Un éternité quand, comme lui, on avait fait le choix maladroit et non-éclairé de se sustenter de ceux que l’on enterrait à peine, en se répétant sans trop y croire que cela faisait moins de lui un monstre que s’il s’en était pris à des victimes encore animées par la vie. Le chasseur était devenu vampire, pourtant, et rien de ce qu’il tenterait d’en faire ne saurait plus annuler ce nouvel état de faits. « Arrête de gémir un peu, tu vas nous faire repérer. » La tête dépassant tout juste du trou dans lequel il creusait, l’autre avait protesté « Hein ? Mais c’est pas moi ! » Le gémissement en question, tous les deux – tous les trois – l’avaient pourtant bien entendu, et perdant patience le plus teigneux des deux avait repris « Et qui tu veux que ce soit d’autre, espèce de … » avant d’étouffer un cri d’horreur. « Oh merde ! » Abandonné comme un sac de linge sale sur le bord du trou supposé lui servir d’ultime demeure, le cadavre s’était mis à bouger. Non, le cadavre s’était mis à tousser, à gémir, à grogner, bref à additionner les choses qu’un cadavre n’était pas supposé faire. « Joe ! Joe attends-moi ! Joe ! » N’écoutant ni son ami, ni son courage, le dénommé Joe avait pris la tangente sans demander son reste, abandonnant là sa pelle, sa besace et surtout le pauvre bougre qu’ils avaient prévu d’enterrer pour camoufler leur méfait – leur meurtre.

Pas aussi mort qu’il n’aurait dû l’être, l’inconnu s’était redressé à l’instant où Abraham, poussé par la soif, s’était aventuré hors des feuillages pour s’approcher de lui, ne voyant pas de grande différence à la mort et à l’agonie, et prêt à achever les souffrances du pauvre bougre pour se donner l’impression de se nourrir d’une action charitable. A la vue cadavérique du vampire, pourtant, l’inconnu s’était mis à hurler, à pleins poumons et d’une force qui n’était pas celle d’un homme aux portes de la mort. Il hurlait si fort qu’Abe, de peur que ses cris n’attirent d’autres gens dans cette allée reculée du cimetière, avait préféré battre en retraite et trouver refuge dans l’obscurité du bois, ses pieds le portant à une vitesse que jamais il n’aurait atteinte s’il avait encore été un simple mortel. Une vitesse telle que, quelques secondes plus tard, il se dressait au milieu du chemin du pauvre Nick et de sa couardise, ce dernier s’immobilisant telle une biche voyant la locomotive arriver, mais incapable de bondir hors de la voie de chemin de fer. « Un v- … un vam- … un vampi- … » Trop tard, déjà les canines aussi acérées qu’assoiffées d’Abraham se plantaient dans sa jugulaire, et un râle de plaisir lui échappant tandis que le sang chaud du bandit lui tapissait la gorge, le vampire s’était interrompu pour siffler à son oreille « Règle de chasseur : toujours vérifier que sa proie est bien morte, une fois à terre. » avant de mordre à nouveau dans la sienne pour appliquer son propre précepte. La manque de prudence venait d’épargner le bougre qui criait au cimetière, mais de condamner l’imprudent – quant au chasseur devenu vampire, il arrivait encore à se persuader que son crime n’en était pas vraiment un, tandis que s’immobilisait sous ses crocs le corps du bandit dont l’erreur avait été de ne pas commettre le sien jusqu’au bout.

(je ne fais que passer, et j'apporte ni malus ni bonus, vous dérangez pas pour moi )

Ma jambe m'était beaucoup trop douloureuse pour que je parvienne à parcourir les quelques mètres qui nous séparaient de l'église St Stephen's. Accablé, honteux, j'avais sollicité la bienveillance de l'humaine pour que nous nous dissimulions parmi les tombes, d'un souffle court et présentant des traits tirés par la souffrance. Brinquebalant, je m'étais laissé glisser lentement le long d'une sépulture pour m'asseoir sur le sol et précautionneusement, j'avais étendu ma jambe meurtrie devant moi.

« Je ne connais même pas votre prénom… » Greta rompait le silence et je lui dardais un regard étincelant de jaune, symbole du loup sans meute que je constituais. « Kai, » j'annonçais. « C'est simplement Kai, » j'ajoutais, comme si je resentais le besoin de me justifier, d'ajouter à ce simple son qui constituais mon prénom. Quant à mon nom de famille, il était celui que l'on offrait à tout bâtard, comme le veut la tradition des enfants sans père pour daigner les reconnaître. « C’était donc quelque chose en rapport avec l’ésotérisme que vous cachiez là-dedans ? » « Je reste étonné de la coïncidence que vous ayez été à l'église pile à ce moment-là, » je formulais, sans once d'une intonation accusatrice néanmoins. Greta m'avait aidé, soigné, nous formions désormais un duo atypique. « Je voulais prier en qui je crois, » j'expliquais simplement, songeant à mon autel particulier - singulier, même.

Des gémissements mêlés à des hurlements percèrent ensuite la nuit. « Il faut l’aider ! Il va attirer toutes les créatures jusqu’ici… » s'empressa Greta - définitivement Mère Thérèsa. « Les humains sont-ils tous si altruistes ? Ou juste ceux du domaine halieutique ? » Je m'étonnais. Je comprenais que cela tenait toutefois à coeur à la blonde et non sans soupirer, je m'efforçais de me repositionner à la verticale. « Ne bougez plus. Ils sont plusieurs. » J'annonçais en bloquant le passage à mon interlocutrice de mon bras tendu. Les silhouettes se dérobèrent vers la forêt de Mangrove. « Ils sont partis. A leur vitesse, il s'agissait de vampires. Reprenons la route, Greta. » J'invitais, même si j'avais été à l'origine de cette pause. Dès quelques pas, une pipistrelle vint claquer ses ailes au-dessus de nos têtes avant de se poser juste devant nous. Puis, une armée de chauves-souris surgit des ténèbres pour nous encercler.

« Kai, » avait-il commencé. « C'est simplement Kai, » Et elle était ravie qu’il ait enfin prononcé tout haut son prénom, ils partageaient des événements bien trop importants pour rester dans le flou, elle l’avait même questionné sur ses activités. « Je reste étonné de la coïncidence que vous ayez été à l'église pile à ce moment-là, » Doutait-il encore d’elle malgré la façon dont elle l’avait sauvé ? « Je voulais prier en qui je crois, » « Et en qui croyez-vous donc ? » Et elle n’en demanderait pas plus. « Les humains sont-ils tous si altruistes ? Ou juste ceux du domaine halieutique ? » Elle questionnait encore la façon dont il continuait à répéter ses accointances avec le monde halieutique comme un refrain alors qu’elle n’avait fait que citer brièvement la passion de son père. Pour simple réponse, elle avait désigné de la main le pauvre malheureux qui gémissait alors que deux hommes se penchaient sur lui. L’un avait fui, l’autre avait pesté, mais tous deux s’étaient évaporés quand un troisième homme un peu plus discret et charismatique s’était approché. « Ne bougez plus. Ils sont plusieurs. » Greta n’avait eu aucun mal à obéir alors que son coeur avait raté un battement à l’annonce de Kai. « Ils sont partis. A leur vitesse, il s'agissait de vampires. Reprenons la route, Greta. » La scène s’était déroulée rapidement, l’un des humains avait pris la fuite à toute allure sans penser un instant à son ami qu’il laissait derrière lui : il était de ces humains qui avaient perdu tout bon sens depuis les récents événements. Quant au troisième, la vitesse de ses mouvements avait trahi son appartenance au clan des vampires et la blonde avait senti un frisson la parcourir alors qu’elle s’imaginait à quel point elle était passée proche de la créature. Elle s’était un instant questionnée sur la façon dont il avait fui, délaissant sa proie sur la tombe, effrayée par ses cris - était-il donc aussi simple d’échapper aux suceurs de sang ? « Ils ont laissé un malheureux là-bas, pour mort… Et j’aimerais vous suivre mais votre jambe, elle saigne… » avait-elle lancé en désignant de l’index la cuisse sanguinolente de Kai. Et alors qu’elle faisait un tour d’horizon du regard, elle avait aperçu une chauve-souris, puis une autre, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent totalement encerclés par ces petits mammifères. Cela n’aurait eu rien d’anormal d’ordinaire, mais depuis l’éclipse, trouver ces animaux aussi proches d’une source de sang n’avait absolument rien d’anodin. « Ce sont sûrement des vampires attirés par le sang, comment allons-nous fuir, nous sommes encerclés ! » Alors Greta avait planté son regard dans celui du loup sur qui elle comptait plus que jamais pour lui rendre la pareille. Elle l’avait sauvé, il se devait d’en faire de même et elle espérait que la personne qu’il avait priée auparavant dans l’église leur vienne en secours.

Je déglutissais laborieusement tout en m'appuyant sur une pierre tombale afin de m'aider à tenir debout. Je sentais le sang chaud couler sur ma jambe et avec la présence de vampires à proximité, cela n'annonçait rien de bon. Je ne souhaitais assurément pas finir en encas pour ces voraces, tout comme je désirais protéger Greta, autant notre relation soit-elle incongrue.

« Ils ont laissé un malheureux là-bas, pour mort… Et j’aimerais vous suivre mais votre jambe, elle saigne… » Je souris faiblement, osant regarder la jambe de mon pantalon imbibée d'hémoglobine. « Ca va aller, ça va passer. » J'assurais en serrant les poings, le froid commençant à me happer. Une morsure de vampire avait cet effet et en guérir était bien plus fastidieux qu'une plaie banale. Je soupirais lorsqu'une armée de chauves-souris nous encercla, nous empêchant de nous abriter sous l'église St Stephen's. Nous voilà condamnés à rester dans ce cimetière sordide. « Ce sont sûrement des vampires attirés par le sang, comment allons-nous fuir, nous sommes encerclés ! » Je pinçais mes lèvres et me rapprochais, brinquebalant, de Greta. « Mangez ça, » je lui sommais en lui tendant de la verveine. Je l'imitais en mâchouillant la plante. « La moindre morsure sera comme du poison pour eux. Notre sang sera infection à leur organisme s'ils osent nous mordre. » J'expliquais. « Un peu comme votre aconit pour moi. » Je formulais le parallélisme. Je farfouillais de nouveau dans ma bourse et soupirais en sortant un dispositif rectangulaire. Je tendais ensuite mon paleteau à la jeune femme. « Recouvrez-vous bien. » Puis je balayais du regard le cercle de chauves-souris. « Aux grands maux les grands remèdes, j'imagine. » Sans prévenir, j'aspergeais les chauves-souris du liquide émanant de mon arme. L'eau en question était bénite et bien vite, les chauves-souris sifflèrent, pestèrent, voletèrent. « Courez Greta, vite ! » Je la sommais alors que les chauves-souris s'excitaient autour de nous, prêtes à m'attaquer pour que je cesse de les brûler de mon eau bénite.

Il était évident que l’étrange personne mi-sorcier, mi-loup qu’était Kai n’avait absolument rien à voir avec les vampires. Eux étaient cruels tandis que cet homme là se tenait à ses côtés depuis plusieurs heures sans jamais essayer de la blesser. Au contraire, c’était lui qui se retrouvait affaibli par la blessure d’une de ces sangsues alors qu’il avait tenté de sauver l’un de ses semblables. Si elle ne devait utiliser que quelques adjectifs pour le décrire, Greta aurait appuyé sur sa loyauté et sur son mystère. Bien sûr que les risques qu’il représentait pouvaient encore se montrer au grand jour d’ici peu, il n’était pas exclu que cet homme ait besoin d’elle pour l’un de ses étranges rites par exemple et qu’il souhaite attaquer au moment le plus opportun. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de sentir sa gorge se nouer à chacun des gémissements qu’il émettait lorsqu’il appuyait un peu plus sur sa blessure. « Ca va aller, ça va passer. » Elle aurait aimé le croire mais elle pouvait assurer avec une grande certitude malgré son manque de connaissance sur la créature qui l’avait mordue qu’il ne guérirait probablement pas aussi facilement qu’il le laissait entendre. Et un autre obstacle s’était de toute façon dressé devant eux sous la forme de petits mammifères en apparence innofensifs. « Mangez ça, » Elle avait hésité mais devant les yeux rouges menaçants des chauve-souris, elle s’était executé non sans grimacer en mâchant la plante. « La moindre morsure sera comme du poison pour eux. Notre sang sera infection à leur organisme s'ils osent nous mordre. » Cela lui rappelait la boisson que lui avait fait boire Arthur pour s’assurer qu’elle n’était pas vampire. « Un peu comme votre aconit pour moi. » La blonde avait grimacé à l’évocation de cette plante qu’elle avait utilisé sur lui pour lui soutirer des informations - elle regrettait, maintenant qu’elle ressentait énormément d’empathie pour Kai. « Recouvrez-vous bien. » Attrapant le capuchon de sa cape, Greta avait suivi les ordres de Kai à la lettre, déjà terrifiée à l’idée que ces animaux s’envolent et tentent de lui soutirer son sang, même s’il était imbuvable pour eux, la morsure et la sensation resteraient un traumatisme. « Aux grands maux les grands remèdes, j'imagine. » Il avait lancé de l’eau bénite dans les airs et les petits monstres s’étaient envolés.  « Courez Greta, vite ! » A toute allure, ils s’étaient engouffrés dans la forêt aux abords du cimetière. « Nous devions regagner l’église mais nos pas nous ont amenés ici. » avait-elle commenté en constatant qu’ils s’étaient éloignés. « Kai, votre jambe… Saurez-vous y retourner en vous appuyant sur moi ? » La course effrénée avait été une épreuve de trop pour cet être si particulier déjà blessé par la fourberie de ces créatures qu’étaient les vampires.

Tout s'était passé à une vitesse étourdissante. En projetant l'eau bénite, les chauves-souris s'étaient excitées, enragées. Jamais n'avais-je vu des chauves-souris aussi frénétiques et chimériques de ma vie entière, elles agissaient comme s'il n'existait plus de lendemain pour elles. Manifestement, l'eau bénite avait réellement le même effet que l'aconit pour moi. J'imaginais le liquide brûler leur peau à travers leur pelage épais et sombre. Probablement aurais-je pu même être désolé pour ces créatures si je ne savais pas que sans défense, ces chauves-souris nous auraient mordus et sucés jusqu'à notre dernière goutte de sang sans scrupule aucun.

Je pressais Greta à la fuite, l'armée de chauve-souris repoussée par mes projections d'eau bénite. Finalement, nous arrivions non sans peine à nous trouver un nouveau refuge de fortune mais ce dernier se trouvait dans la forêt. Je soupirais et me laissais lentement glisser le long d'un tronc d'arbre, accablé par ma jambe. Dans la précipitation de l'attaque, j'avais fait abstraction de ma douleur mais maintenant, la plaie s'en vengeait et quelque chose me disait que la potion de Greta n'avait plus l'effet escompté. « Nous devions regagner l’église mais nos pas nous ont amenés ici. » « Au moins, nous avons semé ces chauves-souris infernales, » je relativisais avec un sourire maigre. J'avais l'impression d'encore entendre les battements de leurs ailes. « Kai, votre jambe… Saurez-vous y retourner en vous appuyant sur moi ? » « Oui. Oui, je pense, » j'assurais alors que mon regard disait tout l'inverse. Mais il me fallait ne pas sombrer, ne pas rester immobile. Sinon, ma fin était assurée. « Il y a un passage vers les sous-sols de l'église. Vous voyez le petit mont entre ces deux chênes ? » Je pointais la zone à quelques centaines de mètres. « Je ne l'ai jamais emprunté mais peut-être cela nous sera-t-il plus sage ? » Je proposais.

Greta et Kai avaient couru  à travers la forêt sombre, le souffle court, leurs cœurs battaient la chamade. Les chauve-souris avaient presque réussi à les attaquer mais ils avaient réussi à les semer. « Au moins, nous avons semé ces chauves-souris infernales, » Kai, la jambe ensanglantée, boitait péniblement à ses côtés mais restait optimiste. « Oui. Oui, je pense, » avait-il même poursuivi quand elle s’était inquiété de le voir à nouveau marcher sur sa jambe blessée. « Il y a un passage vers les sous-sols de l'église. Vous voyez le petit mont entre ces deux chênes ? » avait proposé Kai d'une voix affaiblie. Ses cris plaintifs avaient quelque chose d’alcyonien. Pour réponse, Greta avait d’abord tourné la tête vers  la direction que Kai lui montrait, son regard s'attardant sur le petit mont entre les chênes. Elle avait hoché la tête, déterminée. « Oui, essayons ça. Ça devrait être plus sûr que de rester à découvert dans la forêt » avait-elle répondu, pressant presque le sorcier loup de se hâter parce qu’elle ne voulait plus passer une seconde en ces lieux. Ils s’étaient frayé un chemin à travers les arbres, la terre humide et les feuilles mortes craquaient sous leurs pas. La douleur de Kai devait être insoutenable, mais il serrait les dents, refusant de montrer sa faiblesse. Ils avaient enfin atteint le petit mont - non sans mal - et Greta s’était mise à scruter les environs à la recherche de l'entrée vers les sous-sols de l'église. Ses doigts avaient effleuré une pierre, et elle l’avait tournée. Un grondement sourd l’avait fait sursauter alors que le passage secret s'ouvrait devant eux, elle avait retenu un cri d’étonnement. Passant devant Kai, elle avait tendu sa main pour l’aider à descendre les escaliers prudemment les escaliers étroits. Ils avaient laissé la porte ouverte derrière eux afin que la très faible lumière de la lune éclairait faiblement le chemin, révélant des murs de pierre et des toiles d'araignée. « Faites attention » avait-elle dit à Kai, tournant son regard qui se voulait réconfortant vers lui, toujours sans savoir cette force qui la liait à lui. Ils avaient progressé lentement, conscient du danger qui continuait de régner et des choses qu’ils pourraient croiser ici. Leurs pas résonnaient dans les souterrains silencieux et finalement, ils étaient arrivés à la fin des escaliers et au bout d’un couloir, ils étaient arrivés devant une porte massive, ornée de symboles anciens. « C'est ici ? » avait-elle demandé au sorcier qui connaissait les lieux avant de pousser la porte avec précaution, lui apportant toujours son épaule comme aide pour se déplacer. Ils étaient enfin à l'abri. Kai s'était adossé contre un mur, le soulagement se lisait sur son visage. « J’espère que nous sommes en sécurité, ici » avait-elle lancé avant de s’asseoir à côté de lui sur le sol terreux et froid. Son visage affichait un sourire de soulagement, ls étaient prêts à affronter ce qui les attendait dans l’édifice religieux, comme les questions de la blonde sur l’autel, par exemple.

De peine et de misère, brinquebalant, j'avais avancé aussi rapidement que possible vers le mont du passage secret qui menait aux sous-sol de l'église. Je m'appuyais aussi peu que possible sur Greta mais force était de constater qu'avec le terrain parfois boueux, parfois rocheux, et assurément jamais stable des bois, je nécessitais l'aide de l'humaine plus que je n'osais le formuler. Heureusement, la jeune femme ne bronchait pas et me soutenait autant qu'elle le pouvait, l'ascension vers le passage aussi douloureuse que vitale.

A son sommet, je soupirais de soulagement. Greta repéra la roche qui ouvrait le passage et suivant ses pas, nous disparurent dans le coeur de la nature. Les escaliers étaient exiguës, je redoutais de glisser à la moindre marche, tant l'humidité était présente en ces lieux. J'avais du mal à respirer entre l'effort physique et la petitesse du passage, néanmoins, après une dizaine de minutes d'effort, nous arrivions enfin à destination. Une porte en bois massif s'imposait à nous et l'humaine la poussa, dévoilant les voûtes de l'église St Stephen's.

Je me laissais glisser sur le mur de briques, exténué. Ma jambe trésaillait, je me sentais au bout de mes forces physiques. « J’espère que nous sommes en sécurité, ici » J'acquiesçais et soupirais longuement, laissant tomber ma tête sur le mur derrière moi. « Nous sommes bien. Entre deux. Personne ne nous trouvera, ici. » J'assurais. « Reposons-nous un peu avant de monter dans l'église. » J'invitais, avant de claquer faiblement des doigts pour faire s'embraser les quelques torches environnantes. « La vie est drôlement faite, Greta. Je ne pensais pas en vivre autant ce soir et cette nuit. » Je faisais avec une légère touche d'humour. « Je ne vous oublierais pas de sitôt. »