Tu ne peux arrêter d’admirer ta réflexion dans la glace. Tu as beau te voir et passer en revue la moindre parcelle de ton être, tu peines à réaliser que ton grand jour est finalement arrivé. Que ce soir, après avoir marché le long de l’autel, après avoir dit oui je le veux à cet homme qui partage ton quotidien depuis cinq ans maintenant, tu vas devenir Madame Halstead. Tu rêves de cette journée depuis ton plus jeune âge, tout de la journée est planifiée au quart de tour, tu as mis dans les décorations et dans la préparation de la soirée tous ces petits détails qui faisaient rêver ta petite blonde il y a fort longtemps. Tu es en contrôle d’absolument tout, sauf d’une chose : de la présence de la jeune femme qui vient de rentrer dans la pièce. Ton cœur s’emballe lorsque tu poses ton regard sur Sawyer et tu sais que ce n’est pas raisonnable, pourtant, tu es bien incapable de régir les réactions de ton corps lorsqu’elle se trouve dans les parages. Si elle ne devait être que la sœur de ton fiancé, bientôt mari, ce n’était pas ainsi que tu la regardais. Pas ainsi qu’elle te regardait non plus, quand depuis trop longtemps déjà, la chimie entre vous parlait trop fort de toutes ces choses que vous n’osiez pourtant pas dire. Combien de fois avais-tu eu envie de briser toute la distance entre vous et finalement céder aux envies complètement irrationnelles qui te martelaient quand son parfum embrumait ton esprit? Combien de fois avais-tu laissé ta main glissée sur sa peau douce, caresser ce visage qui hantait tes rêves bien plus souvent que tu n’étais prête à l’admettre? Et pourtant, c’est à un autre que tu te préparais à dire oui. Pour un autre que tu avais enfilé cette longue robe blanche, pour un autre que tu avais fait coiffer tes longs cheveux roux d’une tresse qui tombait sur ton épaule droite dénudée. Pour un autre que ton cœur devrait battre complètement et sincèrement.

C’est comme si elle ressentait toute ton hésitation, la policière, quand elle s’approche doucement de toi et qu’elle te pose la question fatidique. « Tu es sûre de ton choix? » Pas le moins du monde. qu’une petite voix dans ta tête, bien que tu hoches doucement de la tête. Tu croises le regard de la brune, mais trouve rapidement un point derrière elle. Si tu te perds trop longtemps dans ses yeux, tu as peur de ne pas savoir lui mentir. Tu as peur de changer d’idées, de ne pas être capable d’aller au bout de cette journée et de tout ce qu’elle veut dire. « Kieran est bon pour moi. » que tu te contentes de répondre d’une petite voix, alors que tu ne peux t’empêcher de penser à ce que tes parents diraient, s’il savait que tu es attirée par une femme et oh, pas n’importe quelle femme. La honte que ce serait pour tes géniteurs que de voir leur fille auprès d’une autre. Alors oui, Kieran est bon pour toi. Kieran t’aime, et tu l’aimes en retour. Pas vrai? « C’est vraiment ce que tu veux? » Ce que tu voudrais vraiment, c’est qu’elle ne te pose pas la question. Qu’elle ne plante pas tous ces doutes dans ton esprit déjà bien trop mélangé, qu’elle ne t’ouvre pas cette porte que tu t’efforces de garder fermer depuis trop longtemps déjà. Une fois de plus, tu fais signe que oui de la tête, bien incapable toutefois de verbaliser ta réponse. Tu diminues un peu plus la distance entre vous, et tu joues avec le feu lorsque tu viens déplacer une mèche rebelle de ses cheveux qui tombe devant ses yeux. « T’es magnifique. » que tu murmures doucement, tes doigts s’attardant trop longuement sur son visage, venant caresser furtivement sa joue. Tu laisses finalement tomber ton bras le long de ton corps, prend une grande inspiration, décidant finalement de te retourner pour couper le contact visuel avec la Harding, de peur de ne pas savoir résister plus longtemps. « Il y a beaucoup de monde d’arrivés de l’autre côté? Comment va Kieran? » Ton attention doit lui être dédié complètement, c’est lui qui compte et seulement lui. Mais c’est qu’elle rend la tâche vraiment difficile, Sawyer.

Tu ne sais pas si tu es contente ou paniquée du fait que Sawyer soit venue te voir avant que tu ne doives descendre cette allée qui te mènera bien trop rapidement à cette vie que tu as pourtant choisi auprès de Kieran. Combien de fois encore devras-tu te répéter que c’est le bon choix pour y croire complètement? Quand la Harding n’est pas dans les parages, tu parviens presque à te convaincre. Tu l’aimes, Kieran, sincèrement. Il a toujours su être le côté plus doux, plus juste à ta version compliquée et imprévisible. Il t’a accompagné dans les pires moments, et tu lui seras éternellement reconnaissante pour tout l’amour qu’il te porte depuis cinq ans. Alors évidemment qu’elle est immense, ta culpabilité, quand c’est Sawyer qui vient se faire une place dans tes pensées, dans tes fantasmes, dans tes envies et dans tes rêves les plus fous quand c’est à son frère que tu t’apprêtes à promettre une éternité d’amour et de confiance. La raison voudrait que tu répondes à l’affirmative aux questions qu’elle te pose, mais tu ne parviens pas à lui offrir cette réponse qui pourrait vous délivrer toutes les deux de cette chimie et de cette attirance qui vous a trop souvent poussé dans des extrêmes impardonnables. La logique voudrait que tu évites de plonger ton regard dans le sien trop longuement, que tes doigts ne s’attardent pas sur la porcelaine de sa peau, mais tu n’as jamais été une fille logique et tu te plais beaucoup trop de cette avalanche de frissons qui te parcoure l’échine quand sa peau se trouve juste là, au bout de tes doigts. Il y a tellement de choses que tu voudrais lui dire, un million de promesses que tu voudrais lui faire, même si elles sont interdites. À défaut de pouvoir lui dire ce que tu voudrais vraiment, tu te contentes d’un silence qui parle plus fort que tout le reste alors que vos regards ne se quittent pas le temps de quelques secondes. Quelques secondes qui sont délicieusement douloureuses, qui vous rappellent qu’après aujourd’hui, c’est tout ce à quoi vous aurez droit. Des regards qui cachent ce que le reste du monde n’est pas prêt à voir, pas prêt à assumer. Ce que toi, tu te refuses, à défaut de savoir l’accepter.

« Tout le monde est presque arrivé. Kieran est égal à lui-même : stressé, angoissé, probablement sur le point de tomber d’inanition… ce qui arrivera d’ailleurs certainement une fois qu’il aura posé les yeux sur toi. » « Ne souhaite pas de malheur. » que tu souffles d’une voix rieuse, faisant volontairement semblant de ne pas saisir le sous-entendu dans les paroles de la jeune femme. D’un geste nerveux, tu ne cessais de replacer ta tresse tombant naturellement contre ton épaule, ton regard toujours fixé sur le reflet de Sawyer qui prenait place quelques mètres derrière toi. Une partie de toi voulait qu’elle se rapproche, ou que tu te recules, de façon à ce que vos corps se retrouvent enfin, mais tu ne le permettais pas. Tu ne pouvais pas, tu ne pouvais plus. Le jeu était bien trop risqué désormais, tu avais trop à perdre et vous le saviez toutes les deux. « Mais il est magnifique, et bien conscient de la chance qu’il a. » « Tu devrais aller le rejoindre. » que tu souffles doucement, même si tu ne veux pas qu’elle parte. Parce qu’une fois qu’elle aura quitter cette pièce, il n’y aura plus aucune marche-arrière possible et tu as besoin de t’accrocher à elle, encore quelques secondes, quelques minutes si elle te le permet. Elle s’approche finalement, brisant la distance entre vous et tu sens ses doigts qui effleurent d’abord ton épaule avant de descendre le long de ton bras. Vos regards se trouvent quelques secondes avant que tu ne fermes les yeux, refusant de céder à cette tentation que ton corps te dicte pourtant. « Ils n’attendent plus que toi. » Ses doigts viennent trouver les tiens et tu te retournes, lui faisant face à nouveau. Vous êtes bien trop près l’une de l’autre, tu peux sentir son souffle sur ton visage et dans un dernier rapprochement, tu viens poser tes lèvres sur sa joue, pourtant bien trop proche de sa bouche, juste à l’embrassure de celle-ci. « Merci d’être venue. » Tu devais te douter qu’aussi difficile que c’était pour toi de ne pas te perdre en elle, ce devait être d’autant plus douloureux pour Sawyer que de te voir épouser son frère aujourd’hui. Sans un mot de plus, elle quitte la petite pièce pour retourner près des autres invités et tu retouches une dernière fois ton maquillage, réalisant que tes yeux humides risquaient de ruiner ton fond de teint d’une seconde à l’autre.

Ton père à tes côtés, tu marches le long de l’allée avec le cœur qui bat à la chamade contre ta poitrine. Ton regard se perd parmi les dizaines d’invités qui se sont tous levés dès que tu as commencé ta descente. Tu trouves ton frère, quelques amis d’enfance avant d’inévitablement retrouvé le regard de Sawyer que tu peines à lâcher, même lorsque tu te retrouves devant un Kieran qui lui n’a d’yeux que pour toi. Le prêtre se racle la gorge légèrement et tu reportes ton attention au Halstead dont les doigts sont venus joindre les tiens et celui en charge de vous marier commence son discours, même si tu peines à entendre le moindre mots tant ton esprit est ailleurs, une partie auprès du brun qui te regarde avec tout l’amour que tu sais qu’il possède à ton égard, l’autre partie auprès de cette brune assise à quelques mètres, qui ne pourra plus jamais être tienne après cette cérémonie.

Ce devrait être le plus beau jour de ta vie. Il ne devrait y avoir aucune hésitation dans ton esprit alors que tu descends la longue allée, entourée de tous ces gens qui ont exercé une influence marquante sur ta vie jusqu’à aujourd’hui. Tu ne devrais penser qu’à cet homme qui t’attend au bout du chemin, celui avec qui tu as fait des dizaines de plans pour un avenir que tu sais bon à ses côtés. Mais alors que tu approches les premières rangées des bancs de l’église, ton regard se perd pendant quelques secondes de trop sur Sawyer dont tu captes le regard. Tu jurerais lire des mots dans le fond de ses yeux, de ceux que vous n’avez pas osé vous dire il y a quelques minutes à peine alors que tu finissais de te préparer. Regrettait-elle de n’avoir rien dit à ce moment-là? Pensait-elle toujours à toi de la même manière que tu pensais à elle, celle qui t’était aussi interdite qu’obsédante? Tu t’en voulais, de lui accorder toute cette importance qu’elle volait malgré elle à son frère. Tu t’en voulais de ne pas avoir été en mesure de te détacher complètement de la policière avant ce grand jour. Arriverais-tu seulement à le faire un jour, quand bien des mois à se résister n’auront finalement pas su avoir raison des sentiments que tu lui vouais, peu importe ce que tu voulais te faire croire? Malgré tout ça, malgré ce tourbillon dans ton esprit, tu prends ta place, celle que l’on attend de toi, devant Kieran, à le regarder amoureusement sans jamais rien inventer, quand bien même ton esprit est rempli d’une autre.

« Devant tous ceux qui sont ici, et en présence de Dieu, échangez vos consentements. »
« Non! »

La réaction est générale dans l’église alors que des sons de surprises semblent sortir des bouches de toutes les personnes présentes ici aujourd’hui. Tu n’as pas besoin de chercher longtemps pour savoir qui vient de s’opposer, mais ton cœur s’emballe toujours plus que de raison quand tu la trouves finalement du regard, Sawyer qui se tient debout, ses yeux posés sur toi avec une telle intensité que tu ne saurais te délivrer de l’emprise qu’elle a toujours su avoir sur ta personne. « Non. » qu’elle répète la policière et tu le sens les doigts de Kieran qui serrent plus fort contre les tiens, essayant d’attirer ton attention sans jamais l’obtenir. « Je t’aime Autumn. Je t’ai toujours aimée. » Ton cœur se serre à l’entente de ces mots, ceux que vous vous étiez toujours interdits et qu’elle expose sans aucun doute au pire des moments, devant toute ta famille, toute sa famille présente pour un évènement qui n’était pas vôtre pourtant. Alors pourquoi est-ce que ça crée des millions de papillons dans le fond de ton ventre, de finalement les entendre, ces mots-là? Pourquoi est-ce que dans l’absurdité du moment qui se joue sous vos yeux, tu n’as qu’une envie : celle de sourire et de lui dire que tu l’aimes toi aussi? « J’aime absolument tout chez toi. Même les choses qui me déplaisent, je les aime. » Tu ne peux t’empêcher de retenir un léger rire face aux mots de la brune, ta respiration soudainement saccadée alors que ton cœur ne cesse de cogner trop fort contre ta poitrine. « Sawyer, je… » Qu’est-ce que tu es censée faire maintenant? Ton attention se retourne finalement vers Kieran, l’expression sur son visage un mélange de surprise, d’incompréhension et de douleur à entendre de tels mots sans doute. Le pire reste à venir toutefois alors que sans même le réaliser, tu as délié tes doigts des siens, laissant tes mains retomber contre ta robe de mariée, celle qui n’aura pas d’utilité aujourd’hui, tu l’as enfin compris.

« Je veux que tu sois avec moi. Je t’aime et… je pense que tu m’aimes aussi. N’est-ce pas? » Tu ne peux pas le cacher, le hochement de tête qui vient confirmer ce que tu t’es pourtant refusée depuis si longtemps. « Autumn… » supplie la voix de Kieran qui essaye de reprendre tes mains, mais tu refuses le contact. Tu te retournes vers lui une dernière fois, un air sincèrement désolé habillant ton visage. « Je suis tellement désolée Kieran, je peux pas… » Les exclamations se font une nouvelle fois entendre dans l’église, mais tu les ignores. Comme tu ignores ce que Kieran peut bien dire ou faire alors que tu descends déjà l’allée avec précipitation, rejoignant rapidement la rangée dans laquelle Sawyer se trouve, elle qui s’est aussi mouvée jusqu’à l’allée. Tes doigts se joignent aux siens et tu tires sur sa main alors que tu te mets à courir aussi vite que tu le peux le long de cette allée que tu venais à peine de monter dans le but de te marier avec un autre. Tu ne réalises toujours pas ce que tu es en train de faire alors que vous disparaissez aussi vite que possible de sous l’œil public, les grandes portes de l’église se refermant derrière vous. Tu n’as aucune idée si quelqu’un va tenter de vous retenir, tu n’as pas envie d’attendre pour le savoir non plus. « Ta voiture, elle est où? » que tu lui demandes à bout de souffle avant de finalement te retourner vers elle, avant de finalement réaliser le contact de ses doigts contre les tiens, la proximité de son être en entier. Sans être capable de résister plus longuement, tes mains viennent se poser contre ses joues et tes lèvres viennent enfin retrouver les siennes, dans un baiser qui te fait oublier tout du désastre qui vient pourtant de se dérouler il y a quelques secondes à peine. « Je t’aime aussi, si tu savais… » Mais vous ne pouvez pas rester ici, et ça, vous le savez parfaitement toutes les deux.

« Et si elle change d’avis ? » Oh, il ne croyait pas si bien dire, à cet instant, Kieran, fuyant son reflet dans le miroir pour se concentrer sur sa sœur derrière lui. « Et si elle se rend compte qu’elle fait une erreur ? » S’il se rend compte qu’il fait une erreur ? Ses yeux plantés dans le regard de Sawyer qui persiste pourtant à le fuir, il note le silence de sa sœur sans pour autant s’en étonner ; elle le connaît suffisamment pour savoir qu’il est autonome, Kieran, quand il s’agit de faire les questions et les réponses (surtout les questions, visiblement). « Et si elle veut plutôt épouser quelqu’un d’autre ? » Les scénarios défilent les uns après les autres, remettant toujours en cause la loyauté d’Autumn à son égard ; en oubliant volontairement que la sienne n’est pas totalement acquise. La dernière question qu’il souhaite poser à sa sœur consiste à demander si son ami/ex (il n’a jamais vraiment su) @Eliot Chapman a fait le déplacement, l’invitation étant restée sans réponse. Il l’avait relancé par sms en lui précisant à quel point il voudrait qu’il soit à ses côtés en ce jour si précieux ; parce que rares sont les gens avec qui Kieran a eu une telle connexion instantanée, et Eliot en fait partie. Eliot a même donné du sens à ce sentiment, cette aisance qu’il a appris à ressentir à ses côtés. Et aux côtés d’Autumn, bien sûr, Autumn est celle qu’il va épouser d’ici quelques minutes, Autumn est la femme de sa vie, il l’a assez répété pour que ce soit clair aux oreilles et aux yeux de tous (y compris les siens). Il se le répète encore un peu quand Sawyer semble tout aussi absente que lui en ce grand jour, mettant cela sur la faute de l’anxiété qui lui transmet probablement, autant que le changement de dynamique que cela va irrémédiablement apporter à leur duo soudé. Elle est et restera sa sœur, mais elle n’est définitivement plus la première femme dans sa vie, sans savoir que celle qui occupe la première place peut se targuer d’avoir deux admirateurs. Il manque de s’évanouir, le dessinateur, quand vient enfin le moment de débuter la cérémonie, non sans avoir donné un dernier coup d’œil à son téléphone avec regret avant de glisser celui-ci dans sa poche. Il ne viendra pas. Sans le vouloir, il vient de lui offrir le signe que c’est bien avec Autumn qu’il doit faire sa vie ; après tout, à quoi il s’attendait ? Aucun amour n’a jamais été déclaré – et encore moins assumé. Aujourd’hui ne fait pas exception à la règle alors que celui qui est célébré n’est pas celui qu’il a en tête. « Tu es magnifique. » Qu’il glisse à l’oreille d’Autumn quand celle-ci vient enfin le rejoindre à l’avant, son regard remplit d’amour qui oscille entre la jeune femme et la salle – il prétendra qu’il se contente de l’imiter pour donner de l’attention à leurs invités même lorsqu’ils ne devraient pas bénéficier de celle-ci.

« Devant tous ceux qui sont ici, et en présence de Dieu, échangez vos consentements. » « Non ! » Il sursaute, Kieran, perdu dans ses pensées alors que la voix qui s’est élevée est reconnaissable, bien trop reconnaissable. Les murmures choqués laissent place à un silence étouffant quand sa sœur se répète. « Non. » Non ? Il tourne la tête pour apercevoir Sawyer et lui quémander silencieusement des explications, tandis que ses doigts serrent ceux d’Autumn – non, effectivement, elle ne peut pas faire ça. C’est écrit, c’est Autumn et Kieran, c’est Kieran et Autumn et rien ne peut se mettre au travers. « Je t’aime Autumn. Je t’ai toujours aimée. » « Qu-quoi ? » Il bafouille alors que ses yeux s’écarquillent ; il a bien entendu ? « J’aime absolument tout chez toi. Même les choses qui me déplaisent, je les aime. » Elle lui fait une blague. Sawyer a toujours eu un humour douteux, particulièrement au mauvais moment, surtout au mauvais moment. « Sawyer, je… » Tu quoi, Autumn ? Elle ne peut pas faire ça. Elle ne peut pas se laisser envahir par des doutes comme il l’est lui-même, parce que tout ça, ce n’est pas normal, ce n’est pas ainsi que les choses doivent se passer. Ils ne regardent pas la bonne personne ; il ne se l’autorise pas, alors Autumn n’a pas le droit de le faire, encore moins avec sa sœur. Elle ne peut pas l’abandonner maintenant, pas si près d’un idéal de normalité qui est supposé l’aider à réprimer ses pulsions. « Je veux que tu sois avec moi. Je t’aime et… je pense que tu m’aimes aussi. N’est-ce pas? » Non. Non, elle n’a pas le droit de l’aimer aussi, elle n’a pas le droit de laisser glisser ses mains pour rendre leur liberté à celles de Kieran. « Autumn… » Il supplie quand il voit l’hésitation dans tous les traits du visage de la jeune femme. Il est aussi choqué qu’il n’est soulagé, mais il ne le comprend pas, Kieran, parce qu’il n’arrivera certainement pas à imiter une telle déclaration à l’égard de celui qui hante réellement ses pensées. Mais Autumn les partageait, et ça ne change rien à la douleur qui s’en vient maintenant, d’autant plus qu’il ne peut la partager avec celui qui pourrait la soigner. « Je suis tellement désolée Kieran, je peux pas… » Et lui ne peut pas, pourtant il est là, devant leurs familles, près à renier une partie de ses sentiments pour prétendre être heureux, pourquoi elle ne peut pas en faire de même ? Pourquoi elle n’en fait pas de même, surtout, et comment elle peut se sentir aussi libre ? Son manque d’explications est pire que son départ précipité, alors que, désormais seul dans cette allée, il ne tarde pas à s’éloigner des regards de pitié qu’on lui adresse. Pour laisser échapper des larmes que certains diront ; pour se convaincre de composer ce numéro qu’il connaît par cœur s’il s’écoute.  

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