@Archie Kwanteen

La surprise et la confusion se lisaient sur le visage d'Archimmature, comme s'il était frappé par la bizarrerie de la situation au lieu de la terreur qui le tourmentait auparavant, ce qui était déjà mieux -vraiment ? Pendant ce temps, Jonah avait mis sa pseudo-stratégie en œuvre en appliquant de la terre humide sur leurs visages afin de camoufler leur apparence et leur odeur. Alors qu'il y travaillait, il sentit le regard d'Archiabrena braqué sur lui, rempli de perplexité, ce qui le rendait particulièrement nerveux et saccadait ses mouvements. « Comment tu sais que ce sont des zombies, et comment tu sais qu’il faut se tartiner le visage de terre ? » Jonah haussa les épaules d'un air plus spur de lui qu'il ne l'était -moins terrorisé aussi. La vérité ? Il en savait rien. Aux dernières nouvelles, l’humanité n’avait jamais été exposée à ce genre de phénomène précédemment, il n’existait pas d’études sur le sujet, et tout ce qu’ils allaient tenter pour survivre n’était qu’un jet de dés ; une mise hasardeuse et un éventuel coup de chance. “Logique.” qu’il rationalisa en remontant ses binocles sur son nez. “Les zombies sont morts. Morts-vivants, mais morts. Le cerveau est mort, donc leurs sens sont morts, donc ils voient mal, entendent mais pigent rien, captent pas les odeurs… Si on se camoufle un petit peu, ils vont pas nous remarquer. Enfin, je crois…” C’était de la théorie. La pratique risquait de les tuer. Mais ils n’avaient que ça. Sauf que ce n’était pas ça qui allait rassurer Archie. “Non, c’est sûr. C’est scientifique. Ca va le faire.” Un bruit dans la forêt lui hérissa le poil. Animal ou zombie, il n’allait pas attendre de le voir pour en avoir le coeur net. “J’te ferais un cours de biologie si on s’en sort. Maintenant, bouge plus et tais toi.” Le plan ? Attendre que ça passe. Attendre, jusqu’à ce qu’ils trouvent un meilleur plan.

Le geste serait presque intime s’il n’y avait pas une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes. C’est étrange comme Archie se laisse toucher le visage sans se lamenter, lui qui évite à tout pris ce genre de contact. Un nuage de fumée toxique a embrouillé son cerveau et il peine à réagir, même lorsqu’une petite pierre dans la boue lui érafle la peau. L’adrénaline est retombée et son corps est complètement épuisé. La marijuana a le même effet sur lui, mais le plaisir n’est pas au rendez-vous. Ce n’est aussi pas l’odeur de la drogue que son nez accueille, mais plutôt celui de l’humidité et de la mousse. “Logique.” Il se plisse le nez. Il n’y a rien de logique dans tout ça. La logique, ce sont ses cours de mathématiques, de sciences, de politique, desquels il rafle toujours les meilleures notes. Il n’y a aucune logique dans cette soirée abracadabrante. « Tu crois ? » Il répète d’une voix fausse quand Jonah prétend qu’ils seront sains et saufs s’ils se couvrent de terre et se confondent aux paysages. “Non, c’est sûr. C’est scientifique. Ca va le faire.” Il glousse sans joie : « Scientifique, tu dis. La science que je connais, elle n’a aucun chapitre qui porte sur les films d’horreur. Et crois-moi, je suis le meilleur élève de ma classe et je sais ce que je dis. » Même près de la mort, il doit vanter ses talents. Il faut croire qu’il n’a pas besoin de lunettes, lui, pour être intelligent.

Un bruit le tend. Il se recroqueville un peu plus pour protéger ses organes, par réflexe. Ses yeux apeurés scrutent la forêt à travers la fente rocheuse. Il n’y a rien du tout, seulement le chant des criquets qui fait ronronner la broussaille. “J’te ferais un cours de biologie si on s’en sort. Maintenant, bouge plus et tais toi.” « Si on s’en sort… Si on s’en sort… » Il répète d’une voix basse mais moqueuse. « Sortir vivant de cette impasse relèverait du miracle. Ce serait de peindre la Joconde avec une seule couleur, ou de composer une mélodie en utilisant qu’une quarte. » Il sort les jolis mots. Puis le silence les berce pour quelques minutes. Archie préfère ne pas regarder Jonah et sa tête de sauterelle. Il a plutôt posé l’arrière de son crâne contre la paroi et fermé les paupières afin de réguler sa respiration. Il a conscience qu’il vaudrait mieux attendre que le soleil se lève avant de sortir de cette cachette alors pour faire passer le temps, il reprend d’une voix très basse : « Selon ta théorie chelou… Est-ce que ça veut dire que tous les autres sont… morts ? On ne les verra plus jamais ? » Son cœur se serre. S’il prétend se foutre de tout le monde, Archie comptait bel et bien quelques amis dans le groupe.      

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« Scientifique, tu dis. La science que je connais, elle n’a aucun chapitre qui porte sur les films d’horreur. Et crois-moi, je suis le meilleur élève de ma classe et je sais ce que je dis. - Non, justement, tu sais que dalle. » Personne en savait quoi que ce soit et il était temps pour eux d’admettre que la situation les dépassait. Qu’ils ne pourraient rien faire d’autre que de leur mieux pour survivre désormais. Qu’être meilleur de la classe n’avait aucune foutue valeur dans ces conditions.

« Sortir vivant de cette impasse relèverait du miracle. Ce serait de peindre la Joconde avec une seule couleur, ou de composer une mélodie en utilisant qu’une quarte. » Les mots d'Archie résonnent dans l'air, teintés de sarcasme et de désespoir mêlés. Jonah l'observe, captant les émotions complexes qui se dégagent de ses paroles. Malgré son attitude bravache et sa tendance à se moquer, il est évident que la situation les affecte profondément, chacun à sa manière. Cependant, le Fletcher a beau avoir de l’empathie, il manque cruellement de patience lorsqu’il est question d’Archie. “Oh, Einstein, c’est quoi que tu piges pas dans “tais-toi” ?” C'était pas le moment de lui faire un putain d'exposé sur la bisiallitisation des roches de cette caverne aux allures de tombeau, Monsieur premier de la classe.

Le silence s'étire, ponctué seulement par les bruits de la nuit qui les entourent. L'atmosphère est tendue, l'incertitude planant lourdement. C'est alors qu'Archie reprend la parole, d'une voix plus calme, presque intime. « Selon ta théorie chelou… Est-ce que ça veut dire que tous les autres sont… morts ? On ne les verra plus jamais ? » Sa question révèle une vulnérabilité inattendue, une fissure dans sa façade de cuir et de sarcasme. Jonah sent le poids de la réalité qui pèse sur eux, l'ampleur de ce qu'ils pourraient avoir perdu. Et c’est trop concret, trop présent, trop étouffant pour qu’il accepte d’énoncer cette vérité tout haut. “J’en sais rien.” Il sait. Ils sont tous morts. “On devrait essayer de dormir.” il souffle, gorge nouée, en roulant sur le flanc. Il n’a aucune intention de fermer l'œil, à moins qu’il ne s’écroule malgré lui. Il veut juste dissimuler son angoisse, sa peur, sa peine, dans le noir, loin du regard d’Archie.

« Non, justement, tu sais que dalle. » Ce n’est pas ce que son bulletin dit !!!!! Et puis zut, il va finir par bouder si ça continue. « C’est ce que quelqu’un qui sait que dalle dirait. » Les réparties sont aussi basses que le taux d’endorphine dans son cerveau. Il ne faut pas lui en vouloir d’avoir perdu la face maintenant que son instinct de survie s’est emparé du guidon. Il peine à réfléchir, et voilà que Jonasticot tente de lui expliquer un concept dont il n’a jamais entendu parler. Il ne passe pas son temps à regarder des films d’horreur, lui. Il n’est pas un de ces geeks qui passent des heures à la salle d’arcade. D’ailleurs, si le garçon devant lui décidait de regarder la vraie vie plutôt que les écrans, peut-être qu’il n’aurait pas besoin de ces ignobles loupes suspendues au bout de son nez. S’il les perd dans la nature, il sera le premier à mourir. Et s’il est le premier à mourir, c’est Archie qui lui bottera les fesses dans l’au-delà. “Oh, Einstein, c’est quoi que tu piges pas dans “tais-toi” ?” Lui jetant un regard noir, il finit par coudre ses lèvres ensemble. Il est rare qu’Archie obéisse à plus jeune que lui, mais il faut dire que la situation dangereuse influence grandement sa personne, tout comme l’italien est l’adstrat du portugais.

Ces dix minutes durant lesquelles Archie contemple sa vie en silence ont l’effet d’un retour à la réalité radical. Il réalise certaines choses qui ne lui avaient même pas traversé l’esprit. Il observe Jonah dans la pénombre, détaille son visage comme il aurait détaillé celui de tous les autres élèves qui ne survivront pas à cette nuit. Plus que Jocrasse Faitchier. Quelle malchance. “J’en sais rien.” Il veut le rassurer, pas vrai ? Il les a bien vus, les ongles jaunis de David, ses cheveux s’émiettant, sa peau algueuse, ses deux yeux retournés dans leur orbite. Tous les autres adolescents ont dû subir le même sort. Mais comment était-ce possible ? “On devrait essayer de dormir.” Il inspire lourdement en opinant du chef. Il détourne les yeux vers l’entrée. « Dors si tu veux. Je garde un œil ouvert. Et ne t’avise pas de tomber trop profondément endormi sinon je te réveille à coups de pied. » Il précise même : « Et ça me ferait plaisir de viser entre les jambes. » Il lâche un premier sourire qu’il perd aussitôt. La joie s’envole aussi rapidement qu’elle est arrivée. Son destin est entre les mains d’une limace, d’une grotte et d’un garrot de fortune. Ce n’est pas l’heure d’acheter un ticket de loterie.

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L'ombre de la peur planait toujours, mais la fatigue commençait à se faire sentir, et l'obscurité s'enroulait autour d'eux. Jonah croisa ses bras dans l’espoir de se porter chaud, mais la fraîcheur de la nuit était plus forte, aidée par la fatigue qui lui tombait sur le coin de la tête comme une enclume maintenant que l’adrénaline retombait doucement. « Dors si tu veux. Je garde un œil ouvert. Et ne t’avise pas de tomber trop profondément endormi sinon je te réveille à coups de pied. Et ça me ferait plaisir de viser entre les jambes. » Gros con, pensa Jonah si fort qu’il eut peur que l’insulte parvienne à Archillétré par télépathie. Il ne se proposa pas de se relayer pour faire le guet, le fait était qu’il avait trop peur. Une peur qui le maintenait en alerte tandis que l'idée de fermer les yeux et de s'abandonner au sommeil était fort tentante.

Ils attendirent l'aube, un nouveau jour qui apporterait idéalement un peu de répit et d'espoir. Sauf que les zombies n’allaient pas disparaître en un claquement de doigts. La nuit précédente n’était que le début. Les premières lueurs du matin commencèrent à éclairer le ciel. Ils avaient survécu, cette fois. Et il fallait recommencer.

De jour, la grotte était moins inquiétante. On n'en voyait toujours pas le fond, en revanche. Jonah cligna plusieurs fois des paupières, étira ses membres engourdis par le froid. L'air matinal était revigorant, mais il rappelait également la réalité impitoyable de leur situation. Peut-être que les zombies étaient juste là, derrière un arbre, attendant le bon moment pour attaquer. Le Fletcher jeta un regard émerillonné aux alentours, espérant repérer tout signe de mouvement. Il fallait être prêt à repartir à tout moment, à faire face à ce que la journée leur réservait. “Allez, la Belle au Bois Dormant, on devrait se bouger. On pourrait retourner au camping de la classe verte pour voir s’il y a des survivants et looter du stuff.”

Archie avait offert de faire le guet mais, fidèle à lui-même, il se respecte pas sa promesse : à peine une dizaine de minutes passées, sa tête bascule sur le côté et le pays des cauchemars lui ouvre sa porte. Il ne passe pas une belle et longue nuit : ses rêves sont ponctués de sursauts et d’angoisse, il rencontre son démon du sommeil trois fois, vit l’horreur du rêve à moitié éveillé et de l’ombre qui le surplombe sans qu’il ne puisse remuer le petit doigt. C’est l’état de son genou qui s’est empiré et la fièvre est le résultat de son système immunitaire qui lutte contre l’infection.

Les rayons du soleil qui caressent sa peau ne le réveillent pas. C’est plutôt la voix de Fletcher qui l’extirpe de son cocon inconfortable fait de roche et de poussière. Il sursaute, s’essuie la bouche parce que c’est visiblement naturel de baver. Aussitôt, un gémissement fait vibrer sa gorge alors qu’il enroule sa blessure de ses mains. « Looter du stuff ? » Il parle une autre langue, ou quoi ? « Il va falloir qu’on s’entende sur l’anglais si on veut se comprendre. Tes trucs de jeux vidéo, tu peux les garder pour ta famille de chinchillas nerds. » C’est bon, l’insulte est placée, il peut maintenant commencer la journée du bon pied. C’est fou comme ça défoule, la méchanceté gratuite. Ça a l’effet de la caféine sur son organisme, c’est même encore mieux.  

Soulevant la main vers le haut, il siffle pour attirer l’attention de son partenaire, afin d’avoir un peu d’aide pour se relever. Aujourd’hui, il sera un fardeau à porter. « Je ne veux pas ruiner ta partie de Space Invadors, mais il me faudra des béquilles sinon je ne tiendrai pas plus de cinq minutes dans le No Man’s land. »

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« Looter du stuff ? - Bah ouais, trouver des trucs utiles, quoi. » Il n'avait jamais lancé une Nintendo ou bien ? « Il va falloir qu’on s’entende sur l’anglais si on veut se comprendre. Tes trucs de jeux vidéo, tu peux les garder pour ta famille de chinchillas nerds. » Archie, fidèle à lui-même, n'avait pas perdu de temps pour lancer une réplique acerbe. Des mots qui firent réaliser à Jonah que les zombies n’étaient sans doute pas uniquement concentrés dans la forêt, qu’ils avaient pu atteindre la ville, entrer dans les maisons et… “Cause pas de ma famille.” Parce qu’il n’en avait peut-être plus, lui. Les Kwanthunes possédaient sûrement un bunker, une arche, un jet, n’importe quoi leur ayant permis de fuir et survivre -parce que c’était toujours les plus aisés qui s’en sortaient et laissaient les autres crever la bouche ouverte. Il n’était sans doute pas inquiet.

Un sifflement s'éleva et Jonah se tourna par automatisme dans la direction du bruit. Archie n’allait pas y mettre du sien et avait visiblement la ferme intention de transmettre sa frustration au seul être vivant aux alentours ; le seul sur lequel il pouvait compter et qu’il n’avait aucun intérêt à se mettre à dos. « Je ne veux pas ruiner ta partie de Space Invadors, mais il me faudra des béquilles sinon je ne tiendrai pas plus de cinq minutes dans le No Man’s land. » Le Fletcher serra les dents et remonta nerveusement ses lunettes sur son nez. Sa gentillesse naturelle l’avait d’abord incité à réfléchir à une solution pour créer des béquilles à partir de rien, mais rapidement, autre chose prit le dessus ; la lassitude, l'indignation, la colère. Il se planta devant Kwantrouillard, le surplomba de tout ce mètre quatre-vingt acquis en un été, poings serrés. “Non.” fit-il. Un “non” sec, un peu moins déterminé qu’il ne l’aurait voulu, mais le message était passé. Il n’allait strictement rien faire pour aider Archipolata, pas dans ces conditions. Et tant pis si le moment était mal choisi pour que le Fletcher se décide enfin à s’imposer.

“Cause pas de ma famille.” Oh ? Oh ! OH ! Un point sensible, une plaie dans laquelle il peut enfoncer son doigt ? Archie se serait emparé de l’opportunité sans réfléchir. Il aurait appuyé sur la blessure pour en extraire le jus. Cependant, il ne se trouve pas dans une situation qui peut lui permettre de rire des failles. Il n’y a aucun idiot pour l’encourager, l’effet de masse n’est pas en son avantage et, surtout, il est coincé au sol parce que sa blessure l’empêche de retrouver toute sa dignité. « Excuse-moi Calimero, je ne voulais pas t'offenser. »

Il pourrait s’inquiéter pour sa famille, lui aussi, mais il n’est pas assez lucide pour lier A et B. À ses yeux, cette infestation de zombies a commencé dans la forêt et ne s’éparpillera pas dans le monde entier. Dès qu’ils auront retrouvé la route, son monde reviendra comme il était. Il fera un tour à l’hôpital, se fera mettre quelques points de sutures, gobera des antibiotiques pendant 10 jours et il retournera à la vie normale. Avec les élèves de la classe verte en moins. Il passera peut-être aux nouvelles ! Ce serait cool, de voir son visage à la télévision. Il possède le genre de visage que l’univers mérite de voir.

Prêt à se remettre à l’œuvre sous la condition de trouver des béquilles, il attend, la main surélevée, cherchant son support pour se relever. Jonah le rejoint enfin et il fait bouger ses doigts pour l’inciter à se dépêcher. “Non.” C’est d’abord la surprise qui fige son visage. Un gloussement nerveux s’échappe de ses lèvres entrouvertes. Il n’apprécie pas de se faire surplomber par la silhouette d’un moustique de cette espèce. « Comment ça, non ? » Il grogne en le dévisageant du mieux qu’il le peut du haut de sa position assise désavantagée. Sa main retombe le long de son flanc. « Ce n’est pas le moment de faire ta crise de la puberté. » Il s’empêche de lui adresser une autre insulte car, qu’il le veuille ou pas, cette nouvelle prise de pouvoir ne le rend pas confortable.      

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« Comment ça, non ? » Il était sourd en plus d’être inculte et débile ? "Non," répéta Jonah, s'accrochant à cette simple affirmation pour maintenir une certaine forme de contrôle sur la situation. Ses yeux clairs se posèrent sur lui, soutenant son regard avec une intensité calculée. La tension qui pesait dans l’atmosphère pas prête de s'évanouir aussi facilement. Le regard de l’adolescent était rempli d'hostilité. Il se raccrochait à une certitude : sans lui, Archiduc n’avait aucune chance. Alors il allait maintenir la barre, même si cela signifiait d’accentuer leur affrontement. « Ce n’est pas le moment de faire ta crise de la puberté. » Il était à peu près sûr que la puberté était derrière lui. Son poil duveteux aux coins de sa bouche disait le contraire. C’était presque pathétique, la manière dont Archie tenait à se montrer aussi sûr de lui dans une situation comme celle-ci. Sauf que son verbe acerbe et ses provocations n’allaient pas le protéger contre les zombies. Il allait faire quoi, leur secouer son bulletin de notes sous le nez ? “Dans ce cas…” Jonah tourna les talons, récupéra sa lampe torche par terre et la fourra dans la poche arrière de son pantalon. Il n’avait rien d’autre : pas de sac, pas de provisions, pas d'armes. C’était pas gagné. Les probabilités qu’il survive jusqu’à la fin de la semaine étaient minces. Mais celles d’Archie l’étaient encore plus s’il ne faisait pas preuve d'un peu moins de mépris. Le Fletcher n’avait pas la moindre envie de l’abandonner, et même si Kwanteen refusait de mieux traîter celui dont sa survie dépendait, il y avait de bonnes chances qu’il n’aille pas au bout de sa menace. Mais ça valait le coup d’essayer. L’apocalypse était une bonne occasion de jeter son statut de paillasson à la poubelle. “Bon courage pour survivre tout seul, le boulet. On verra combien de zombies t’arriveras à buter à grands coups de sarcasme.”

“Dans ce cas…” Le blessé hausse un sourcil, feint de ne pas savoir où cette discussion les mène mais, au fond de lui, il connait très bien le plan de Jonah. Il utilise le même pour manipuler plus faible que lui. Il attend que sa victime soit au plus bas, lui propose un deal et, si ce dernier le refuse, alors il tourne les talons tout en lui promettant de faire de sa vie un Enfer. Dans le cas présent, ce ne serait pas le myope qui pourrirait son existence, ce seraient les zombies ambulants qui finiraient par le flairer et à le déguster pour l’apéro.

Il tourne des talons, ce petit arrogant. Archie serre les dents, s’interdit de lui céder. C’est sa technique à lui, et son égo ne s’en remettrait pas s’il se laissait tomber dans le piège. “Bon courage pour survivre tout seul, le boulet. On verra combien de zombies t’arriveras à buter à grands coups de sarcasme.” « Ha. Ha ! » Qu’il grogne sans détacher ses yeux colériques de la silhouette qui s’éloigne en prenant la direction de la bouche de la grotte. « Ça te rend presque drôle, la fin du monde ! » Il ajoute d’une voix plus forte pour être certain qu’il se fasse entendre. Un moment, il est silencieux, attendant que Jonah s’arrête, se retourne, et réalise la connerie qu’il est en train de faire. Parce qu’il défie le coq le plus résistant du poulailler, et la fierté d’Archie est tant imposante qu’il serait prêt à se laisser mourir plutôt que de ramper aux pieds de plus faible que lui.

Alors il attend. Son cœur bat à mille à l’heure, certes, et il a terriblement peur, mais il résiste. Il s’est mis à tâter la paroi rocheuse autour de lui afin de trouver une prise solide qu’il pourrait utiliser. Il ne dira rien. C’est Jonah qui abdiquera, ou alors ils termineront leur vie chacun de leur côté. C’est là le plus gros défaut d’Archie : son incapacité à lever le drapeau blanc. Il luttera pour son image, que cela lui coûte la vie ou pas. L’adrénaline l’aide à se redresser enfin, ainsi qu’une crevasse dans le mur. Il suit les pas de Jonah, boitant, titubant, étourdi, déjà une couche de sueur collée à son front. Silencieux, il suit l’autre garçon et lui adresse un sourire carnassier lorsqu’il se retourne pour constater sa présence. « Avance, Limace. » Il n’a pas besoin de lui. Ils marcheront dans la même direction mais ce sera chacun pour soi, s’il le faut. Pour le moment, les alentours semblent sécuritaires. « J’espère que tu te souviens comment retrouver le camp. »    

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Jonah avait l'impression d'avoir frappé un mur. Ses paroles semblaient glisser sur la carapace d'Archie, sans parvenir à pénétrer au-delà. Chacun de ses arguments était renvoyé avec une nouvelle flèche de sarcasme. Il devait admettre que le fait qu'Archindigeste se cramponne à son attitude acerbe, quitte à finir tout seul plutôt que de se résigner à faire preuve de respect (ou pire, à s’excuser) ne le surprenait pas vraiment. Jonah sentit son cœur s'accélérer légèrement tandis qu’il quittait la caverne. Un pied devant l’autre, il mettait de la distance entre eux tout en bataillant intérieurement contre l’envie d’y retourner.

L’adolescent avait à peine parcouru quelques mètres, ses pas résolus faisant craquer les branches sous ses chaussures, lorsqu'une voix sarcastique retentit derrière lui. Il ralentit, mais il s'abstint de se retourner immédiatement. Il pouvait sentir le défi dans les paroles d'Archie, l'écho de son propre comportement manipulateur. Un léger sourire ironique tirailla les coins de ses lèvres, mais il s'efforça de garder son expression neutre. « J’espère que tu te souviens comment retrouver le camp. » Non, il n’en savait rien. La veille, ils avaient couru dans tous les sens et le Fletcher ne s’était pas attardé sur les détails environnants durant sa cavalcade.

Ils continuèrent à marcher en silence, les rayons du soleil matinal éclairant leur chemin. La forêt était calme, mais Jonah sentait le poids de l'incertitude planer au-dessus d'eux. Les zombies pourraient surgir à tout moment, et ils devaient rester sur leurs gardes. Au bout de quelques mètres, le regard de Jonah se posa sur une branche épaisse au sol. Il hésita un instant à la ramasser ; elle ferait un soutien idéal pour Archie. Il ne méritait pas qu’il la lui donne. Il ne méritait même pas que la seule pensée de l’utiliser pour lui porter assistance lui traverse l’esprit. Pourtant, mâchoire serrée, il se baissa, empoigna la branche et l’envoya à Archimmoral. “On récupérera la trousse de secours au camp.” déclara-t-il en jetant un coup d'œil à la jambe de son camarade. S’il avait l’intention de lui coller aux basques, hors de question qu’il le ralentisse. Jonah avait désormais un objectif clair : retourner en ville pour retrouver sa famille, qu’importe ce qu’il en restait. Et pour cela, il devait rester en vie.

Alors il a gagné. Encore. La fierté d’Archie lui a permis de se hisser sur ses jambes, l’une d’elle lui tirant multiples grimaces retenues. Peut-être qu’il boite. Peut-être qu’il talonne Jonah sans réussir à le dépasser mais, au moins, il a gagné. Et c’est tout ce qui compte pour celui qui veut rendre fier un homme qui ne le regarde même pas en ce moment, et qui ne le regardera plus jamais. Même dans une situation apocalyptique, il veut continuer à respecter son éducation parce qu’il pourra raconter plus tard, à son père, à quel point il a été fort et à quel point il peut s’occuper de ses petites sœurs.

Jonah ne répond pas. Soit il ne sait pas, soit il reste silencieux pour ne pas attirer les prédateurs. C’est sûrement la meilleure chose à faire alors Archie ne s’en offusque pas. Il le suit en silence, ravalant chacun de ses gémissements, et faisant du mieux qu’il peut pour ne pas froisser trop de feuilles sur le chemin même si ça lui coûte un choc électrique dans le genou, qui monte jusque dans son bassin, puis sa cage thoracique, avant de se diffuser dans toute sa chair. Il a connu des vacances plus reposantes. Ses yeux sont constamment à l’affut ; ils cherchent autant les zombies qu’une branche assez robuste pour soutenir son poids. Il s’immobilise lorsque Jonah en fait autant. Son sourcil s’hausse lorsqu’il voit la béquille de bois entre ses doigts et il ne dit rien quand il la lui envoie. Il s’en empare, la glisse sous son aisselle. Parfait. Ceci dit, il l’aurait trouvée, lui aussi, cette branche. Jonah n’a rien fait d’extraordinaire. “On récupérera la trousse de secours au camp.” Toujours souriant, pour feindre de ne pas souffrir, il opine du chef. Il attend que le garçon se retourne pour l’interrompre dans son mouvement : « C’est à gauche. » Et il allait à droite. Il se souvient très bien ces alentours. C’est ici qu’il s’est mis à accélérer le pas lorsqu’il était seul dans la noirceur. L’arbre au tronc immense lui est familier. Ce serait difficile d’oublier un tel géant feuillu. « C’est à quelques centaines de mètres environ. On risque de… » Il se racle la gorge. Il n’aime pas utiliser ce mot bidon. « Tomber sur des zombies. S’ils sont encore enfermés dans les tentes, je veux dire. » C’est à Jonah de déterminer, grâce à son savoir geek, s’il y a des chances que certains des monstres soient assez bêtes pour être encore coincés dans les triangles de tissu.

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Jonah se retourna légèrement en entendant la voix d'Archie, et il ne put s'empêcher de lever un sourcil en entendant sa correction. « C’est à gauche. » Elle voulait pas passer devant, la boussole sur pattes ? Le Fletcher fronça les sourcils, partagé entre l'irritation et l'étonnement. Bien sûr, Archie ne manquerait jamais une occasion de montrer qu'il était plus intelligent, plus futé. Le Fletcher soupira intérieurement, laissant échapper un léger ricanement ironique. "Bien sûr," marmonna-t-il, décidant de ne pas relever davantage. Il n’avait pas l’énergie de se frotter à l’orgueil d’Archimmonde une fois de plus aujourd’hui. « C’est à quelques centaines de mètres environ. On risque de… Tomber sur des zombies. S’ils sont encore enfermés dans les tentes, je veux dire. »

Jonah avait déjà joué à suffisamment de jeux vidéo pour avoir une idée de comment les zombies étaient souvent dépeints : errants, lents, désorientés. Jusqu'à présent, c’était l’expérience qu’ils en avaient. Les zombies n’étaient pas futés et ne tapaient pas de sprint, ce qui était à leur avantage. Cependant, si des zombies étaient encore prisonniers dans les tentes, ils pourraient être désorientés, affamés, et donc encore plus dangereux. “Alors faudra essayer de pas faire dans ton froc.” balança le Fletcher qui feignait l’assurance de Doomguy alors qu’il n’en menait pas large.

Lorsqu'ils atteignirent enfin le camp, Jonah prit une profonde inspiration. Le silence régnait, un silence oppressant. Il tendit l’oreille : pas de grognements, d’après lui. La plupart des toiles avaient été éventrées, les structures étaient affaissées sur elles-mêmes. Les tentes semblaient comme des tombes en attente, habitées soit par des zombies, soit par les cadavres de leurs camarades de classe. Il avait l’estomac au bord des lèvres à cette idée. “Faut pas traîner,” fit-il en se dirigeant vers la tente de leur professeur. Celui-ci gardait la trousse de secours ainsi qu’une glacière potentiellement pleine de nourriture, elles devaient toujours s’y trouver. Leur prof aussi…

En quelques sortes, Archie ne délaisse pas son statut de leader parce que son sens de l’orientation se relève fort utile. Quel serait le comble pour deux survivants d’une attaque de zombies ? De se perdre en pleine forêt et de mourir de déshydratation. Aujourd’hui, ils sortiront de cet environnement hostile et Archie pourrait en mettre sa main à couper (sa jambe, plutôt, car elle est déjà moins utile). Ce sera grâce à lui s’ils s’en sortent en un seul morceau, ou, du moins, il prendra 80% du mérite et en donnera 5 à Jonah. Le 15% restant sera donné à la chance.

“Alors faudra essayer de pas faire dans ton froc.” Il ne fait plus noir, il n’est plus dans un état de choc comme il l’était hier soir non plus. Bien sûr qu’il arrivera à garder ses culottes propres. S’il y en a un des deux qui devra se faire ramasser à la petite cuillère, c’est bien Fletcher. Ceci dit, il ne répond pas à la remarque du garçon parce qu’il sent sa gorge nouée et, s’il émet le moindre son, il montra dans des octaves trop élevées. Il préfère préserver les mots qu’il lui reste pour les balancer lorsqu’ils seront à nouveau en sécurité.

Du camp s’émane une atmosphère surnaturelle. On pourrait croire à une attaque de dingos. C’est ce que diraient les esprits les plus lucides. Pourtant, ces griffures, ces toiles déchirées, ces matelas décousus et ces trousses de toilettes étripées n’ont pas été victimes d’animaux. Personne ne le croira, Archie, quand il rentrera en ville et racontera cette histoire. On le traitera, lui et Jonah, de tarés. “Faut pas traîner,” Il déglutit, son regard s’étant attardé sur le cadavre de David. Son corps est le seul dont la surface pourrie rencontre le soleil. Il grimace, détourne les yeux, se rapproche un peu plus de son partenaire de circonstance. Sa trajectoire le mène directement à la tente des enseignants, qui avaient hérités de la plus grosse. Maintenant, elles se ressemblaient toutes, affaissées sur le sol comme des fleurs mortes. Restant à l’affût tandis que Jonah explore un peu les effets personnels des adultes, il capte un mouvement. Il s’agit d’une misérable corneille qui vient de se poser sur la tête de David. Son bec affuté lui arrache un peu de chair aussi tendre que de l’agneau. « Ew. C’est qu’un piaf. » Geint Archie. À l’aveugle, il tapote le bras de Jonah pour attirer son attention. « Tu trouves quelque chose ? Grouille-toi un peu, c’est pas le moment de faire ton difficile et de choisir tes snacks préférés. »

@Archie Kwanteen

Leur exploration du camp était empreinte d'une certaine urgence. Les tentes déchirées et les affaires personnelles éparpillées racontaient une histoire de chaos et de panique. L'atmosphère oppressante était un rappel constant de la réalité brutale dans laquelle ils se trouvaient. Ils ne pouvaient pas traîner ici. Ils avaient besoin de trouver ce dont ils avaient besoin et de repartir rapidement.

C’était étrange, la manière dont un lieu familier pouvait soudainement paraître étranger. Ils n’avaient pas passé bien longtemps dans le camp pourtant. Mais les souvenirs d’activités autour du feu se superposaient aux images d’horreur qui revenaient en mémoire à Jonah. Les grognements, les hurlements, le son des griffes et des crocs sur le vinyl, le regard jaune de David. Son cadavre était juste là, d’ailleurs. Une image troublante, un rappel de la menace qui les entourait. Le Fletcher grimaça. C’était si réel. Comment cela pouvait être réel ?

L’adolescent tira sur la glissière de la fermeture éclair de la tente des professeurs avec une appréhension qui le rendait pâle et moite. Au premier mouvement, il attendit quelques secondes et tendit l’oreille dans l’attente de tout bruit suspect, de toute ombre menaçante. Rien. Il ne savait pas ce qu’il aurait préféré ; un zombie, ou le cadavre qu’il suspectait voir maintenant qu’il était certain que rien de vivant (ni mort-vivant) ne traînait là. Il inspira profondément, expira un grand coup, et - « Tu trouves quelque chose ? Grouille-toi un peu, c’est pas le moment de faire ton difficile et de choisir tes snacks préférés. » Il ferme jamais sa gueule, bordel. "J'ai l'air de m'être paumé dans la section gourmet de la trousse de secours ?! Pourquoi t'irais pas ramasser des champignons vénéneux pour les foutre dans tes sandwichs."

Son regard tomba sur une trousse de premiers soins partiellement éventrée. Jonah fouilla rapidement son contenu, espérant y trouver des bandages, des désinfectants ou même des antibiotiques. Il attrapa quelques articles utiles et, pour les transporter, il emprunta le sac à dos d’un prof. Comme s’il allait lui rendre un jour. Dans la glacière, il dégota en effet quelques snacks, sachets de chips, barres de céréales, compotes en plus d’une dizaine de petites bouteilles d’eau. Ils comptaient vraiment les nourrir avec les restes de la classe verte des préparatoires, hein ? Et Archie n’allait rien pouvoir porter de tout ça avec sa jambe. Jonah allait jouer la mule de Sa Majesté.

Enfin, le Fletcher émergea hors de la tente. Il jeta le sac à dos par-dessus son épaule, prêt à plier bagages, lorsque son regard tomba sur une silhouette. Les yeux ronds comme des billes, il tenta de faire signe à Archie de ne pas faire de bruit, que quelque chose se trouvait derrière lui. Quelque chose qui avait une furieuse envie de cervelle fraîche.