« Mystery Train »    jonah fletcher & @adèle shephard.

---

---

Jonah se demanda s'il avait bien fait de s'impliquer dans cette expérience, pourtant, il était là, on ne pouvait pas dire qu’il avait grandement hésité, et il n’était plus question de faire marche arrière. Adèle semblait tendue, mais elle se conformait aux instructions. Le jeune homme prit une profonde inspiration, se concentrant sur l'instant présent, écartant les pensées parasites de son esprit. C’était le moment de vivre à la hauteur des dons qu’il prétendait avoir dans ses vidéos. Dammit, pourquoi il n’était pas en train de filmer tout ça d’ailleurs ? « Ash. Ash Shephard. » répondit Adèle dans un murmure tandis que ses doigts se posèrent à leur tour sur le palet. Le coeur du Fletcher parut tomber du septième étage lorsque celui-ci commença à se mouvoir sur la planche. Oh mon dieu, ohmondieu. Est-ce que c’était ça, le signe, la preuve qu’il attendait depuis tout ce temps ? Est-ce qu’il y était enfin parvenu, fort de la détermination et de la croyance pure d’Adèle à ses côtés ? Il ferma les yeux pendant un instant. Il se laissa envelopper par l'énergie de la pièce, tentant de rester ouvert à toutes les possibilités, même celles que l'on pouvait considérer comme improbables. Jusqu’à présent, il était convaincu qu’il saurait exactement comment réagir dans une situation pareille : le fait était que non. C’était un pas dans l’inconnu.

Adèle brisa le silence en murmurant, « Est-ce que c’est toi, Ash ? » Sa voix trahissait à la fois de l'incertitude et de l'espoir. Les secondes qui suivirent semblaient interminables, et le palet réagit rapidement, se déplaçant vers l’un des coins supérieurs de la planche : “no”. L'instant était décevant pour elle, inquiétant pour lui. Voilà qu’ils n’avaient aucune idée de qui se trouvait dans la pièce avec eux. Jonah ne laissa pas transparaître son sentiment. Il garda un visage neutre, respectant le processus, qu’importe à quel point il explosait intérieurement d’un mélange de terreur et d’euphorie. Adèle demanda avec précaution si l’esprit pouvait laisser un message à son frère. Elle semblait presque hésitante à poser cette question, comme si elle craignait la réponse. Le palet parut hésiter un instant, puis se dirigea vers les lettres. Jonah observait attentivement, ses sens en alerte. Leurs doigts furent guidés à nouveau vers la réponse négative. Soit l’esprit n’était pas coopératif, soit il ne savait tout bonnement pas qui était le frère d’Adèle. S’il existait encore des bottins dans l’au-delà, il devait y avoir plus d’un fantôme nommé Ash. Peut-être que tous les esprits ne se connaissaient pas les uns les autres, ce qui avait du sens.

Tout indiquait qu’il était préférable de rompre la connexion. Ils n’avaient aucune idée de qui ils avaient affaire, et pour leur sécurité, il pouvait être préférable de ne pas le savoir. Comme il l’expliquait à Adèle, tous les esprits n’étaient pas bienveillants. Pourtant, maintenant qu’ils étaient là, qu’ils en avaient un au bout du fil, impossible de se résoudre à l’option raisonnable. Jonah déglutit. Il avait mille questions sur l’au-delà, des questions auxquelles il pensait depuis son plus jeune âge. Combien étaient-ils sur ce plan astral ? Pourquoi ? Est-ce qu’il existait un paradis et un enfer où se rendre ensuite ? Avaient-ils conscience du temps qui passait ? Des lieux ? Pouvaient-ils voler ou seulement flotter, voire se téléporter ? Néanmoins, aucune de ces questions techniques et pragmatiques ne trouvèrent le chemin de ses cordes vocales. “Est-c… qui…” Lèvres asséchées par la nervosité, il demanda dans un souffle étranglé ; “M-Maman ?”

Win : Le palet glisse à l’opposé de la planche, droit sur le “oui”. Error 404 dans la tête de Jonah qui se fige et ne sait plus rien dire, plus rien faire. Dans un sursaut, un réflexe, il retire ses doigts du palet et rompt la connexion, incapable de gérer pareille situation.

So close : Le palet s’avance sur les lettres et commence à écrire du charabia. Il devient de plus en plus probable que tout ceci n’est que leur inconscient qui leur joue un tour.

Fail : Dans un premier temps, le palet ne bouge pas, signifiant un nouveau “non” de la part de l’esprit qui, finalement, est pris d’impatience et les envoie glisser sèchement vers le “good bye”. Visiblement, il n’a pas apprécié être dérangé pour rien.

 « mystery train »    @jonah fletcher & adèle shephard.

---

---

Ils sont assis dans la pénombre au beau milieu du salon et Adèle ne peut s'imaginer la tête de ses deux colocataires si ils venaient à rentrer à cet instant. Quel genre d'excuse devrait-elle trouver et surtout, est-ce que cela suffirait réellement ? Elle l'ignore évidemment. Et les choses deviendraient beaucoup trop compliquées pour elle, mais elles le sont déjà. Elle ignore réellement les risques qu'elle prend et par la même occasion qu'elle fait prendre à son binôme de dernière minute. Leurs doigts qui frôlent la planche, et les premiers mouvements les surprennent, Adèle ne peut pas s'empêcher de chercher du regard Jonah, comme si il pouvait la rassurer à cet instant et lui dire que c'est un de ses nombreux tours. Elle n'y a vu que du feu lors de leur première entrevue dans cette villa à vendre, mais c'était bel et bien des pièges qu'il avait lui-même posés. Et surtout quand on sait qu'avant d'être la planche de Adèle, c'était la sienne, à lui. Jamais, elle n'avait imaginé que la scène se déroule ainsi et si vite. Il est vrai qu'Adèle avait vu une opportunité en croisant la route de cet agent immobilier un peu particulier, elle n'avait guère l'habitude de mélanger ce monde qu'elle ne connait pas encore très bien quand bien même ça l'attire plus que de raison avec son boulot. Mais sa curiosité l'avait emporté sur le reste, et même si Jonah aurait cherché à la faire changer d'avis, il y aurait eu que peu de chance qu'il y parvienne. La jeune femme n'avait pas eu le temps de dire au-revoir à son frère et d'une façon comme d'une autre, elle en avait ce besoin aujourd'hui pour faire son deuil. Personne d'autre que Jonah ne se doute à aucun moment qu'elle cherche à rentrer en contact avec lui, personne ne pourrait de toute évidence la soupçonner. Et elle évitait soigneusement d'en parler, de peur qu'on découvre qu'en réalité, elle serait bien plus fragile qu'elle n'en a l'air quand elle veut faire croire qu'elle est suffisamment grande pour se débrouiller seule. Comme si c'était vrai. La scène se veut lente, et elle obtempère à ce que Jonah lui demande de faire, comme si elle pourrait faire tout capoter si ça ne se passait pas comme prévu. Et elle s'en voudrait c'est certain. Mais le temps défile, les secondes lui filent entre les doigts et lorsque leurs doigts bougent sur la planche, Adèle sent son coeur sortir de son corps. Une part d'elle aimerait que ça soit vrai, mais une partie d'elle refuse de voir les choses : et si Jonah avait vraiment un don ? Elle est un peu chamboulée et elle retire ses doigts lorsque la dernière lettre retient leur attention. « Est-c… qui…   » Jonah hésite, et Adèle reste silencieuse, impuissante à cette scène qui se déroule sous ses yeux. Elle aimerait pouvoir l'aider, et le soutenir mais son corps refuse de bouger. D'affronter cette réalité... Une réalité qu'elle finit par lui envier. « M-Maman ? » Elle fronce les sourcils. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'il raconte ? Jonah quitte à son tour la planche, et Adèle patiente, dans un silence qui l'a fait frissonner. Dans le noir le plus total alors que sa voix retentit. « Jonah ?! » Les quelques bougies éclairent celui qui a joué un rôle capital. « Je veux qu'on arrête... »  Ses mots sont presque suppliants, alors qu'elle se lève sans toutefois être vraiment tranquille, et qu'elle vient éclairer la pièce sans attendre, pouvant à présent observer le visage de son interlocuteur. « Je suis désolée, je ne voulais pas que ça se passe comme ça... » Elle finit par se baisser pour éteindre toute les bougies, Jonah n'était pas capable de revivre une nouvelle fois une scène pareille, et sans doute elle non plus. Que cherchai-elle ? Se prouver que c'est impossible sans accepter qu'il a peut-être bien fait d'y croire ? « Vous voulez boire un verre ? » Peut-être de l'eau ? Un jus de fruit, histoire de reprendre ses esprits.

@Adèle Shephard

Le Fletcher se retira précipitamment de la planche, son esprit tourmenté par ce qu'il venait de vivre. Dans son élan de recul, il avait quasiment rampé par terre pour mettre de la distance entre lui et la table basse. Adèle s’était levée, une expression d'inquiétude se dessinant sur son visage. Dans le silence qui suivit, Jonah sentit le poids de la culpabilité peser sur ses épaules. Il avait ouvert une porte qu'il aurait mieux valu laisser fermée. « Je veux qu'on arrête... » demanda la jeune femme, tout aussi dépassée que lui. Elle se hâta d'éclairer la pièce, le jour ramenant la réalité dans le salon. Jonah, lui, fixait la planche de ses yeux écarquillés, bousculé par un mélange d’émotions qui le clouait au sol. Souffle court, il tentait de reprendre ses esprits, en vain. C’était énorme, autant à titre personnel que professionnel. Est-ce qu’il venait bien d’avoir sa preuve de l’existence des fantômes ? Et ce n’était même pas filmé ? Etait-ce vraiment sa mère, ou un esprit qui se jouait de lui ? Y avait-il réellement un esprit dans cette pièce, ou simplement un inconscient plus fort que l’autre ayant pris le dessus sur le mouvement du palet ? « Je suis désolée, je ne voulais pas que ça se passe comme ça... » murmurait Adèle dont la voix désemparée n’était qu’un lointain écho. Il avait eu raison, il n'aurait jamais dû s'impliquer dans cette séance, jamais dû jouer avec des forces qu'il ne comprenait pas dans des conditions improvisées, sans l’équipement et l’encadrement adéquat. Mais il se pouvait que rien de tout ceci n’aurait eu lieu si les choses ne s’étaient pas déroulées exactement de cette façon.

« Vous voulez boire un verre ? » proposa Adèle, tentative maladroite de lui venir en aide et d’apaiser l’atmosphère rendue irrespirable. “J-je vais bien.” bredouilla Jonah qui, non, n’allait clairement pas bien. C’était pas la question, d’ailleurs, mais les mots avaient perdu toute signification pour son cerveau embrouillé à cet instant. “Je vais bien !” qu’il insista plus fort en se relevant soudainement, mains devant lui et doigts tendus comme pour calmer une tension dans l’air -sauf que la seule tension, c’était lui en train de perdre ses moyens. Depuis des années, les fantômes, c’était lui qui les mettait en scène. C’était une machine à fumée, des fils de pêche, des aimants, des enceintes portables ; une montagne d’effets spéciaux au service de cerveaux ingénieux. Mais toutes ses tentatives sérieuses d’effectuer un contact avec l’au-delà avaient été infructueuses jusqu’à présent, si bien qu’il avait doucement perdu espoir et avait glissé dans la facilité des supercheries.

Ses longues jambes maigres tremblaient sous son poids. Je vais bien, se répétait-il intérieurement, espérant ce mensonge-là devienne à son tour une réalité. Il fit un pas en arrière, sentit le sol se dérober sous les pieds et se rattrapa au dossier du canapé. Respire. “Je dois y aller.” souffla-t-il. Il avait besoin de quitter l’appartement, sortir du bâtiment, prendre l’air. Tant pis s’il ne passait pas pour le type le plus pro qui soit aux yeux d’Adèle. Cela n’avait pas d’importance à cet instant. Déterminé à reprendre ses esprits en paix, il fit un second pas en arrière, plus solide cette fois. “J-j’suis désolé.” Pour avoir accepté une séance qui n’était pas raisonnable. Pour ne pas être parvenu à contacter son frère. Pour la fuite qu’il s'apprêtait à faire, la laissant là, seule, avec cette soirée perturbante à digérer. Jonah parvint à se redresser, et ses pas continuèrent de le mener vers la porte d’entrée. Ses mains moites trouvèrent la poignée et glissèrent dessus sans parvenir à la saisir dans un premier temps. Finalement, la porte parut le prendre en pitié et s’ouvrit maladroitement. Il se prit les pieds dans le battant, le seuil, le sol du couloir. Il avait laissé son sac de travail dans l’appartement, mais cela ne lui passait pas par la tête, motivé uniquement par son besoin de partir. De fuir, de courir, n’importe où.