La douleur avait été vive. Ce genre de douleur qui irradiait dans tout le corps, jusqu’au plus profond de son être. Greta avait ressenti une sensation de chaleur immédiatement après que les crocs soient entrés en contact avec sa peau, comme une décharge électrique à laquelle on ne s’attend pas. Son corps entier s’était contracté alors que le vampire la maintenait debout à la force de son bras gauche, le droit derrière son crâne. Plus il absorbait son sang, plus elle sentait ses jambes se dérober sous son poids et une sensation d’étourdissement la gagner. Et lorsqu’elle s’était réveillée, elle était seule, plus seule qu’elle ne l’avait jamais été, sa douleur comme seule compagnie. Elle était couchée sur le lit, et s’était levée avec difficulté pour constater qu’elle était dans l’ancien asile. Pourquoi ? Elle n’en savait rien. Greta s’était levée pour se regarder dans le miroir et les traits de son visage avaient changé légèrement. Son premier réflexe avait été de passer sa langue sur ses crocs puis de retrousser sa lèvre supérieure pour les observer. Ce n’était pas un cauchemar, elle était devenue vampire… Posant sa main sur son estomac parce que la faim la tiraillait et qu’elle avait la nausée à l’idée de la façon dont elle allait devoir répondre à ce besoin, elle avait tourné la tête pour faire face à une personne qui l’observait. Et le point positif de tout cela était qu’elle n’avait plus peur, elle était devenue l’une des créatures qu’elle craignait. « Je ne vous veux aucun mal… » avait-elle dit à la jeune femme qui se tenait devant elle, pensant qu’il s’agissait d’une humaine. Mais elle n’était pas attirée par son odeur, et la femme restait plantée là, sans crainte. Elle avait fait pareil devant le vampire qui l’avait transformé, mais cela ne voulait pas dire que les autres humains n’étaient pas plus prudents. « Vous êtes… un vampire ? » Et elle pouvait se permettre de prendre des risques maintenant qu’elle ne craignait plus rien.

Adèle était dans le même petit groupe que son propre frère - sa vie humaine n'avait pas réussi à les faire s'entendre comme elle le souhaitait, mais le monde obscure avait réussi. Il lui a tout enseigné, jusqu'à ce qu'elle puisse se débrouiller seule mais ce monde dans lequel désormais elle vit, n'est pas celui que la douce et enfant Adèle avait rêvé. Être vampire avait été certes un souhait de sa part quelques jours avant sa transformation, elle avait réfléchi aux côtés positifs et négatifs de la chose - mais en réalité, elle n'avait pas eu le choix. C'était ici désormais sa vie et quand bien même ce que peuvent penser ses anciennes amies, Siham et Birdie ça n'aura pas d'impact sur le futur. Elles finiront par disparaître avant elle. Même dans sa vie humaine, Adèle était prisonnière de ce fardeau : ses parents sont décédés quand elle était plus jeune et son jeune frère aussi, peu de temps avant sa transformation. Et son cousin Will en a fait de même. On a dit qu'ils sont morts de maladie, une maladie foudroyante. Mais Adèle s'est toujours demandé si la maladie foudroyante n'était pas un prétexte pour ne pas citer les vampires, loup-garou et autres créatures ? Elle n'y croyait pas à leur maladie, plus désormais que le monde a sombrer et que les innocents doivent se cacher pour survivre. Adèle a décidé d'aller dans la lumière ne supportant plus l'enfermement ni cette peur déchirante. Encore moins l'éloignement avec son frère. « Je ne vous veux aucun mal… » La femme se tient devant elle, s'observant dans un miroir. Comme Adèle avait pu le faire elle aussi et elle comprend qu'elle est nouvelle dans ce monde. « Vous êtes… un vampire ?  » Elles se regardent sans bouger, il n'y pas vraiment de crainte. Pas vraiment de joie non plus. Tout a quitté son corps le jour de sa mort.  « Oui pas depuis très longtemps, mais vous, c'est encore plus récent hein ? » Est-ce réellement une question quand elle sait elle-même la réponse ? Pas vraiment. « Comment vous vous sentez ? » Très certainement entre deux feux comme quand elle a été transformée elle aussi. Et tant de questions sans réponses.

L’endroit était tout aussi effrayant qu’il l’était lorsqu’elle venait le visiter avec ses amis pour se faire peur lorsqu’elle était plus jeune pourtant, cette fois, elle s’y sentait en sécurité. Comme si elle appartenait à l’endroit, à l’abri de lourds rideaux rongés par les insectes qui servaient à dissimuler la faible lumière de la lune juste assez pour ne pas ressentir d’inconfort sur sa peau pâle. Qu’elle était pâle, cette peau, et c’était pourtant la sienne. En se retrouvant face à une jeune femme, ses sens s’étaient tous mis en alerte jusqu’à ce qu’elle puisse vérifier son identité. Elle n’avait pas l’impression de faire partie de ce clan, mais elle n’avait plus peur en faisant face à un vampire. « Oui pas depuis très longtemps, mais vous, c'est encore plus récent hein ? » avait-elle répondu et Greta avait acquiescé doucement, tremblant sous l’effet de la peur et de la douleur qui la déchirait.   Et elle ne s’était pas attendue à ce que les vampires puissent faire preuve d’empathie.« Comment vous vous sentez ? » C’était une question bien plus difficile.   « Je suis terrifiée et j’ai mal, qu’est ce que j’ai mal… Est-ce que la douleur cesse un jour ? » Greta ne savait pas si elle serait en mesure de supporter encore longtemps cette vive sensation qui parcourait son corps en utilisant ses veines. Elle était immortelle, c’était bien là une des certitudes qu’elle possédait sur les vampires, mais elle restait persuadée que cette douleur pourrait la tuer.   « Et… et la soif ? » Greta sentait ses jambes faiblir sous son poids alors qu’elle se sentait pourtant plus forte qu’elle ne l’était avec que le vampire n'insère ses crocs dans sa chair, comme si cela lui avait procuré un pouvoir immense qu’elle ne serait en mesure de maîtriser qu’une fois le poison dissipé.   « Comment l’assouvir sans tuer… » Elle aurait pu éclater en sanglots si elle possédait encore ses réflexes humains mais à la place, sa langue était venue parcourir la pointe de ses crocs acérés. Elle appréhendait autant qu’elle anticipait ce moment où elle pourrait se déshydrater avec un peu de sang frais. C’était étrange, de posséder la capacité de connaître les bienfaits du sang alors que quelques heures auparavant encore, elle faisait partie des victimes. Et elle était persuadée que si quelqu’un entrait à ce moment précis, un pieux à la main, elle se laisserait volontiers transpercer le cœur pour en finir avec cette destinée qu’elle ne pouvait accepter.

Elle contemple un court instant la jeune femme qui lui fait face, qui se lève péniblement de son lit pour se regarder quelques instants dans un miroir qui lui renvoie sans aucun doute une image dont elle n'est probablement pas prête. Adèle aussi ne l'avait pas réellement été - bien que c'est une demande qu'elle est faite à son propre, elle ne savait pas à quoi  s'attendre. Elle était seule, sans espoir, à chercher son fiancé et elle avait l'impression qu'elle ne le reverrait plus jamais - mais elle n'a jamais eu la certitude de sa mort. Elle n'a jamais vu son corps inerte et encore moins son nom affichait quelque part. Peut-être était-il devenu lui aussi un vampire ou un chasseur. Peut-être que si il se retrouverait devant la Shephard, il voudrait la tuer. Que son instinct le lui dirait, et peu à peu son souvenir de lui ne hante plus la vampire qu'elle est devenue. La douleur est passée. La vengeance aussi. Elle n'est désormais plus que l'ombre d'elle-même, sans réel sentiment. Elle n'est plus celle qu'il a connue et aimée. Elle est différente - elle est une nouvelle personne désormais. « Je suis terrifiée et j’ai mal, qu’est ce que j’ai mal… Est-ce que la douleur cesse un jour ? » Elle lui jette un regard avec douceur et mélancolie. Adèle n'étant pas vampire depuis très longtemps - elle n'est pas aussi insensible à la douleur et l'échec que ses collègues qui ont des centaines d'années derrière eux et plus encore, « la douleur ne sera plus qu'un vieux souvenir... Un jour. » Quand elle acceptera son sort. Quand elle comprendra qu'il ne faut pas qu'elle lutte contre sa nature, qu'elle doit trouver son chemin qui lui correspond au mieux. « C'est quoi qui te dérange ? » Sa main vient effleurer une mèche de cheveux de la nouvelle vampire qu'elle replace derrière son oreille comme un geste tendre - un geste qu'elle a l'impression d'avoir presque oublié désormais. « Et… et la soif ? » Elle finit par soupirer, elle aussi n'avait pas été branché pour boire du sang d'étranger et tout le mal qu'elle pouvait faire autour d'elle. « Il reste pourtant notre priorité si tu veux pas t'éteindre... » Pour l'éternité aussi. Adèle s'assoit au bord du lit, Greta la recopie, le regard ailleurs. « Comment l’assouvir sans tuer… » La question a déjà dû être posée à mainte reprise mais est-ce qu'un jour quelqu'un a obtenu satisfaction ? Adèle l'ignore mais elle ne pense pas. « Je crois pas pouvoir t'être d'une aide sur ce coup-là. » Mais la Shephard ne doute pas qu'un jour elle puisse trouver la paix avec elle-même. Tout est encore trop récent pour qu'elle puisse s'en accommoder. « Tu sais qu'il existe des menus différents que celles des humains. » Elle lui demande dans un léger soupire, manger des animaux par exemple, ce n'apporte pas autant que les humains mais ça pourrait peut-être l'aider à mieux se sentir.

Greta n’avait absolument pas demandé à être transformée mais elle avait une part de responsabilité là-dedans. Elle était celle qui avait choisi de sortir, d’affronter la nuit éternelle, tout cela pour s’assurer un tant soit peu d’adrénaline. C’était idiot et si elle avait réussi à survivre à un loup-garou, en lui échappant, c’était dans les crocs d’une autre créature qu’elle s’était jetée. Il n’avait pas attendu longtemps avant d’agir, à la seconde où elle avait tenté de faire un pas en arrière pour s’échapper, il avait planté ses crocs et ainsi avait scellé son sort. « la douleur ne sera plus qu'un vieux souvenir... Un jour. » Greta fixait cette jeune femme qui semblait encore être une humaine innofensive et elle avait bien du mal à l’imaginer ôter la vie d’innocents pour survivre.  « Combien de temps ça a pris pour toi ? » Si seulement elle se rappelait de cette période de transition, du passage du monde des humains à celui des ténèbres. Tout était perturbant et le traumatisme l’empêcherait peut être de trouver la réponse. « C'est quoi qui te dérange ? » Et la jeune femme avait eu un geste tendre envers elle ce qui avait eu pour effet de la rassurer durant quelques secondes avant qu’elle ne se concentre à nouveau sur tout ce qu’elle ressentait.  « Tout… J’ai l’impression que mon sang est en train de bouillir à l’intérieur, je meurs de faim et je refuse d’assouvir ce besoin… J’aurais préféré qu’il me tue. » avait-elle avoué en baissant les yeux.  « Il reste pourtant notre priorité si tu veux pas t'éteindre... » Elle savait, c’était la chose la plus évidente sur les vampires : ils restaient en vie en s’abreuvant de sang frais. Mais comment faire sans tuer ? « Je crois pas pouvoir t'être d'une aide sur ce coup-là. » avait-elle commencé. « Tu sais qu'il existe des menus différents que celles des humains. » Greta avait hoché la tête, Mason lui avait d’ailleurs fait boire quelques gorgées de sang d’animaux mais elle avait encore bien du mal à digérer ça.  « J’en ai bu, ça ne suffit pas. Je n’arrive pas à accepter de tuer. » avait-elle dit, toujours assise face à la vampire.  « J’imagine que je finirai par perdre ma part d’humanité et que je n’y penserai plus… Mais ça me terrifie. Comment t’appelles-tu ? » Elle avait conclu ses pensées par une question simple qui permettrait, justement, de garder un pied dans sa réalité qui était encore intimement liée à l’humanité.

Adèle ne prétendait pas déjà tout savoir et tout maitriser. Elle était consciente qu'elle ne pourrait pas faire face et s'en sortir face à un autre vampire plus puissant si elle ne jouait pas un peu. Elle en avait vu quelques uns avant d'en devenir un, et en avait croisé bien plus depuis. Elle les trouvait moins énigmatiques et voluptueux depuis qu'elle les a rejoints - peut-être justement parce qu'elle a rejoint désormais et que son regard humain était moins sauvage et avec des sentiments différents. Elle ne saurait vraiment dire, mais maintenant qu'elle en est un, elle voit les choses différemment. Une jeune vampire lui fait face et Adèle accepte volontiers d'échanger quelques instants avec elle. « Combien de temps ça a pris pour toi ? » Assise au pied du lit, la vampire qui lui fait face est perdue et désespérée. Est-ce que vraiment elle pourrait l'aider ? Et lui montrer la bonne route ? « Je ne suis pas encore une adepte de tout ça... J'y travaille. Ça fait quelques longues semaines qu'on m'a déjà transformé. » Elle réfléchit mais ne saurait dire si ça fait réellement en mois. Les jours se ressemblent et Adèle ne sait plus vraiment compter les jours depuis qu'elle a été transformée, elle sait aussi que maintenant c'est pour l'éternité et ça lui donne bien volontiers le tournis. « Tout… J’ai l’impression que mon sang est en train de bouillir à l’intérieur, je meurs de faim et je refuse d’assouvir ce besoin… J’aurais préféré qu’il me tue. » Elle hausse les épaules. « J’en ai bu, ça ne suffit pas. Je n’arrive pas à accepter de tuer. » Et elle sourit légèrement, elle aimerait pouvoir l'aider un peu et apaiser ses craintes, aussi elle pose ses doigts sur les siens, elle n'a pas autant d'empathie qu'elle aimerait posséder - en humain, Adèle faut dire qu'elle en était remplie, mais aujourd'hui son coeur est froid et son corps mort. « Il y en a dans le frigo de la salle d'infirmier si tu as besoin... » Ça ne sera peut-être pas suffisant car c'est en principe pour les vampires qui sont en convalescence, ou les vampires qui viennent tout juste d'être transformé, le temps qu'ils s'affirment et qu'ils trouvent leur route - est-ce que Greta prendra conscience prochainement de sa nature ? Adèle n'en sait rien. « J'imagine que je finirai par perdre ma part d’humanité et que je n’y penserai plus… Mais ça me terrifie. Comment t’appelles-tu ? » Adèle sourit légèrement en l'observant un instant, « Adèle mais appelle-moi Addie. Et toi ? » Elle souffle avant de tourner son visage, « J'imagine que c'est ce qui a de mieux à faire, si tu veux survivre dans ce monde. » Elle lui accorde sans ciller. C'était peut-être pas ce qu'elle voudrait entendre mais c'est tout ce que pouvait offrir Adèle Shephard à cet instant.