❀ i'm finished being good, now I can finally be okay
« I try to express
I can't understand
I beat at the keys
I bloody my hands
'Til you hear me
I've got no business praying
I'm finished being good
Now I can finally be okay
And not the way I thought I should »

Le bus freine à l’arrêt, les portes s’ouvrent, et Madison observe les gens rentrer - la maman avec la poussette, la bande d’adolescent, le jeune homme avec ses écouteurs - tandis qu’elle reste debout, immobile, hésitante. Les portes se referment, le pot d’échappement vrombit, et le bus repart sans elle. Elle regarde son téléphone, ouvre à nouveau sa conversation avec Archie, remonte les messages restés sans réponse. Il n'a même pas reçu le dernier, son téléphone est éteint. Est-ce qu’elle s’inquiète pour rien ? Peut-être qu'il est occupé, qu'il a perdu son téléphone, qu'il l'a bloquée, qui sait. Pourquoi est-ce qu’elle continue à se battre, alors qu’il essaie de toute évidence de la tenir à distance ? Il serait temps qu’elle accepte que sa relation avec son frère ne sera plus jamais comme avant, et encore moins ce qu’elle s’est imaginée, quand pendant quelques brèves semaines, leurs coming-out mutuels les avaient rapprochés d’une façon singulière et rassurante. Mais elle a du mal à lâcher, poussée par une loyauté tenace, par le souvenir d’Archie qui conduit dans la nuit sans bruit alors qu’elle pleurait sur le siège passager, la façon dont il était venu la chercher sans aucune question. Elle se rappelle aussi qu’il est la seule qu’il a contactée, quand il était à l’hôpital ; malgré leur relation chaotique ces derniers mois, c’est vers elle qu’il s’est tourné.

Un nouveau bus arrive, et cette fois-ci, elle le prend, scanne sa carte de transport dans un bip électronique que la musique dans ses écouteurs noie. Elle s'assoit au fond, près de la fenêtre, avec un sale sentiment d’angoisse dans le fond de la gorge. Elle a bu trois verres de vin avant de partir et elle sait déjà que cela ne suffira pas à supporter ce qu’elle va rencontrer ; elle s’imagine Archie se moquer de son inquiétude, lui dire de le lâcher, qu’il a simplement du boulot, une énième excuse, un énième geste pour la repousser. Elle ronge ses ongles, se concentre sur ses jambes allégées par l’alcool.

Arrivée devant chez Archie, elle remarque que la voiture est dans l’allée. Il est chez lui. Elle sonne une première fois, attend, sonne une deuxième. Elle appelle son frère, mais tombe immédiatement sur le répondeur. Son cœur commence à s’emballer, elle a un présentiment horrible, et décide d’ouvrir la porte avec le double des clefs qu’elle a toujours depuis l’épisode de l’hôpital. « Archie ? Archie ? » Elle appelle dans l’entrée froide et vide. La maison est plongée dans le silence, elle fait quelques pas, observe dans les pièces. On dirait que la vie y a été mise en pause, des choses traînent, comme oubliées, et tout à coup son estomac se contracte et son coeur s’emballe et elle a peur que quelque chose soit arrivé, vraiment arrivé, elle presse le pas jusqu’à la chambre de son frère et ne toque même pas, ouvre la porte, la pièce est plongée dans le noir, une odeur âcre griffe son nez, une silhouette sous la couette est là, immobile, il est mort se dit Madison pendant une demi-seconde tellement longue qu’elle a le temps de sentir son coeur se fracturer, puis la silhouette bouge, il bouge, et elle expire de soulagement et se précipite à ses côtés. « Archie » , elle bredouille, ses yeux déjà piqués de larmes un peu paniquées. Elle s’hisse sur le lit, pose une main sur son épaule, parce qu’il est recroquevillé sur lui-même, une boule de papier froissé qui pourrait disparaître s’il le pouvait. « Je suis là, je suis là, qu’est-ce qui se passe ? » Elle demande d’une voix qui se veut rassurante.


@Archie Kwanteen  

Il n’aura fallu que de quelques lignes de texte pour que le monde du Grand Archie Kwanteen ne s’écroule. L’article était sorti, inattendu comme un coup dans le foie ou un crash d’avion. Il avait d’abord vu le titre dans ses recommandations, avait pensé qu’il s’agissait certainement d’un autre Cavendish, puis la photo dans le haut de l’article avait confirmé ce qu’il craignait le plus. L’homme dont il était amoureux se mariait avec une autre personne. Et il n’avait pas le droit de dire quoi que ce soit. Parce que l’actionnaire, sur une plus grande échelle, n’est absolument rien. Seulement un idiot qui n’assume pas ses choix, et qui n’en fait que des mauvais.

Ce n’était pas volontairement qu’il s’était coupé du monde. C’était venu avec l’isolation, ses portes fermées à clef et sa disparition de son lieu de travail. Son téléphone devait regorger de dizaine de courriels et de messages sur sa boîte vocale, mais le garçon ne pouvait pas savoir depuis qu’il avait abandonné l’appareil sur la table de son salon et qu’il était disparu dans sa chambre. Il avait mal. N’avait jamais eu aussi mal, et pourtant on lui avait brisé deux fois le nez, cassé le bras aussi. Il n’y avait rien de comparable à la sensation d’un cœur percé par une lame. Il s’était endormi plusieurs fois en espérant ne plus se réveiller, et quand il rouvrait les yeux, il les refermait dans l’espoir de partir à nouveau, de ne plus réfléchir. Il s’était complètement desséché comme une prune, roulé en boule sous ses couvertures, à l’abris des rayons du soleil et de la vérité qui continue à construire son empire de l’autre côté de la fenêtre de sa chambre. Il n’y avait que Bucky qui arrivait à le sortir de sa grotte, en lui mordillant les doigts pour lui faire savoir que sa gamelle était vide ou sa vessie remplie à craquer. Heureusement, le millionnaire possédait une cour privée assez grande pour que son ami aux longues jambes puisse se dégourdir un peu tous les jours, sans supervision.  

Il ne sait plus combien de jours se sont écoulés ou combien de mariage ont été officialisés par les mots des officiants de cérémonie. Lundi ou mardi ? Il est peut-être vendredi quand, au premier étage, la porte de sa maison s’ouvre. Au départ, Archie n’entend rien. C’est son animal dévalant les escaliers pour aller mordre l’intrus qui le réveille. Tendant l’oreille, il se crispe sous ses draps. Il n’y a pas de hurlements ou de couinements qui s’élèvent ; la personne qui est entrée est familière à la bête. Ça ne rassure pourtant pas Archie, dont les joues sont encore noyées de larmes et les yeux rouge cerise. Il préfère refermer les paupières et espérer que le visiteur ne le trouve pas. S’il était assez lucide, il comprendrait qu’il s’agit de Madison, puisqu’elle est la seule à posséder un double de sa clef. Elle en avait pris possession le jour où Archie lui a donné la responsabilité de rendre visite à Bucky quand il était alité à l’hôpital.

« Archie » Il serre entre ses doigts les plis de sa couverture. C’est la seule chose à laquelle il peut s’accrocher dans cette noirceur. Bientôt, le matelas se creuse près de lui. Il comprend que sa sœur l’a rejoint. Il le comprend encore plus quand elle pose sa main sur son épaule. « Je suis là, je suis là, qu’est-ce qui se passe ? » Cette promesse lui arrache une nouvelle grimace douloureuse et de nouvelles larmes. Il est dos à elle mais elle peut entendre les hoquets qui secouent sa poitrine de multiples spasmes. Il n’a pas le courage de répondre tout de suite. Les secondes s’enchainent et se poursuivent pour rallonger le moment, jusqu’à ce qu’il ait enfin la force de murmurer. « Tu sais ce qui se passe. » Il est trop tard pour faire marche arrière. Les faux semblants ne le sauveront pas, cette fois. Il devra se délivrer de ce fardeau s’il veut continuer à vivre. « Tu le sais depuis le début. »  

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Madison n’a jamais vu Archie dans cet état. A vrai dire, elle ne l’a quasiment jamais vu pleurer, si bien que quand elle entend des sanglots en écho dans la pièce, sa première pensée est qu’ils doivent lui appartenir, qu’elle s’est mise à pleurer sans le réaliser. Ce n’est que lorsqu’elle sent sous sa main le hoquet qui soulève les épaules d’Archie qu’elle comprend que non, c’est bien Archie qui pleure. Qui sanglote. Elle sent son coeur se déchirer dans sa poitrine. Pire encore, lorsqu’elle murmure à son frère qu’elle est là, elle entend ses larmes qui redoublent, comme si la douceur enfonçait un pieu dans la poitrine de son frère, et elle serre sa machoire pour retenir son émotion et rester à flot. Archie ne lui répond pas tout de suite, et elle n’est pas pressée ; c’est sa qualité, après tout, elle est patiente. Alors elle ne le questionne pas plus, ne le pousse pas, elle attend sagement, sa main toujours sur son épaule, la vie mise en pause un instant. Les rideaux de la pièce sont fermés, mais la lumière glisse très légèrement sous les drappés, formant un tableau d’ombres en variation de gris, la couverture, Archie, des emballages de take-aways.

« Tu sais ce qui se passe. » Oh. Madison déglutit. Oui, elle sait. Naïvement, elle voulait croire qu’il s’agissait d’autre chose : à force d’être nourrie des mensonges et faux-semblants d’Archie, elle a presque voulu y croire, elle aussi. « Tu le sais depuis le début. » L’aveu la surprend, pas parce qu’il s’agit d’un mensonge, mais parce qu’elle n’imaginait pas son frère admettre la vérité si simplement, cette vérité qu’il perçoit probablement comme une faiblesse. Elle mord l’intérieur de sa joue. « Oh, Archie… » Elle murmure d’une voix douce. Sa main presse le bras d’Archie qui lui fait dos, puis elle a un geste délicat, une caresse régulière avec son pouce. « Tu… Tu lui as parlé ? Tu n'étais pas du tout au courant ? » Elle lui demande, pour savoir s’il est seul avec son tourment et ses questions, et s'il a aussi appris la nouvelle par les gros titres.


@Archie Kwanteen  

Il n’a plus rien à perdre, désormais. Il est tombé tellement bas que la seule direction possible est vers le haut. Il voudrait le croire, se dire que toute chose a une fin, les bonnes comme les mauvaises. Mais, en cet instant, Archie n’arrive plus à voir à travers les nuages. Ses émotions sont comprimées dans une bombonne à oxygène et il ne peut rien faire de plus que pleurer. Pleurer jusqu’à ce qu’il s’assèche, pleurer jusqu’à ce que toute l’eau de son corps soit évaporée et que ses yeux lui sortent par les orbites tant leurs veines sont gonflées de sang. Alors il le dit. Il n’emprunte pas les mots dans leur sens le plus simple, certes, mais le mal a été prononcé à voix haute d’une manière que Madison, près de lui, peu comprendre. « Oh, Archie… » Il n’a jamais aimé la pitié, mais il est trop épuisé pour se rappeler de ses fondations. La voix de sa sœur ne perce pas le rideau de tristesse duquel il s’est enveloppé. Le monde continue de tourner sans son roi.

Quand la main de la jeune femme se pose sur son bras, il se replie davantage. Fœtus dans le ventre de sa mère. Il souhaite recommencer à zéro et ne jamais avoir rencontré l’homme qui, aujourd’hui, peut se vanter d’avoir fait tomber l’une des figures les plus solides. « Tu… Tu lui as parlé ? Tu n'étais pas du tout au courant ? » Il ne connait pas cette histoire-là. Lui et Carmine ne parlaient plus comme avant. Ils s’étaient jurés de limiter leurs échanges au professionnalisme, même si ça ne fonctionnait pas toujours. Archie avait encore du mal à l’oublier. Il ne l’oubliait tout simplement pas. Il ne saurait dire si Carmine savait pour ce mariage, ou s’il a été aussi surpris que lui. Il lui a bien fait comprendre que, chez les royaux, la façon de faire est excentrique. Il y a beaucoup de choses qu’il n’a pas choisies, au cours de sa vie. Sauf qu’il ne sait pas. Il ne saura pas aujourd’hui, ni demain, parce qu’il veut disparaître. Ne plus jamais avoir à mourir d’amour. « Je n’ai parlé à personne. » Il se confie d’une petite voix mouillée. « Madi… » Il reprend après un silence. Il pivote son corps sur le matelas pour faire face à sa sœur, le visage écrasé dans son oreiller gorgé de larmes. Quand il vient pour rouvrir la bouche, il la regarde, droit dans les yeux, à travers le filtre de lumière feutrée. « Est-ce que tu penses que ça aurait été possible ? » Il s’est trop posé la question sans jamais la soulever. Il s’est enfermé dans les oui et les non, a mené des débats contre sa conscience, n’a pas trouvé la réponse à cette question si importante qui le cloue au lit aujourd’hui. « Si je ne l’avais pas rejeté, je veux dire. »  

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C'est donc l'amour qui aura eu raison de la carapace d'Archie. Étrangement, malgré toute la détresse que ressent Madison, une forme de soulagement la berce aussi, parce qu'elle a enfin la confirmation de tout ce qu'elle a toujours su, mais qu'Archie s'est appliqué à brouiller jusqu'à qu'elle doute ; que son frère a un cœur, un vrai, plein à rabord, qui s'apprête à déborder derrière le métal de sa coquille. Alors Madison emplie ses gestes d'amour, elle aussi, parce qu'elle veut qu'Archie sache que ce sentiment immense qui dépasse, elle le ressent aussi pour lui. « Je n’ai parlé à personne. » Elle hoche la tête - elle comprend, aucun des Kwanteen n'a jamais été très doué pour parler de ses émotions mais Archie tout particulièrement. « Tu peux me parler », elle dit, tout simplement. La perche est tendue, comme elle l'a tendue tant de fois, mais pour une fois, elle sait qu'il pourra la prendre. Au fond, Madison ne sait pas si elle pourra être l'oreille dont son frère a besoin, parce qu'elle n'a pas pleuré ainsi pour Oliver, elle, ni pour aucun de ses exs. Oh bien sûr, elle a sangloté comme une enfant appeurée, mais pour autre chose, parce qu'elle se sentait inadéquate, morte d'inquiétude de ne pas ressentir ce qu'il fallait. Ou parce qu'elle était terrorisée qu'Oliver et ses poings reviennent. Cette peur là n'est pas encore partie.

« Madi… » Elle murmure un oui, doucement, pour lui dire qu'elle est là. Il se tourne vers elle, et si elle ne laisse pas son visage la trahir, elle sent un sursaut dans son estomac à la vue des traits d'Archie, complètement froissés par les larmes et la douleur. Elle lui fait un sourire tendre, parce qu'elle n'a que ça à lui offrir. « Est-ce que tu penses que ça aurait été possible ? » Elle fait un signe de la tête, pour qu'il continue - elle croit avoir compris, mais elle sent qu'il a besoin de parler de lui-même. Elle a reposé sa main sur son bras, gardant un contact physique avec lui. « Si je ne l’avais pas rejeté, je veux dire. » Elle observe la question, cherche ses mots. Elle comprend qu'Archie se torture avec cette question, et elle-même n'est pas sûre de la réponse - ni de la vérité, ni de ce qui pourrait apaiser son frère. « Je ne sais pas », elle admet d'une petite voix. « Je ne suis pas sûre que vous auriez été prêts à affronter toutes les complications », elle dit avec tendresse, parce que ça ne sert à rien de mentir, Archie comme elle savent très bien toutes les difficultés qu'impliquent leur situation, ne serait-ce qu'auprès de leurs parents, pour commencer. Est-ce qu'Archie aurait pu tout envoyer valser pour Carmine ? Ou est-ce qu'il aurait tenu de continuer à le fréquenter en secret ? « Mais j'espère aussi qu'un jour ça sera possible, avec lui ou avec quelqu'un d'autre. » Parce qu'Archie mérite d'être heureux en amour. Madison la première sait qu'elle ne tiendra pas toute sa vie ainsi, à se cacher : soit elle en mourra, littéralement, soit elle devra se libérer d'une façon ou d'une autre. Pour l'instant, elle ne veut même pas y penser. « Tu l'aimes vraiment, pas vrai ? » Elle lui dit d'une petite voix.

@Archie Kwanteen  

« Tu peux me parler » Ça avait toujours été le cas. Madison n’était jamais complètement partie. Malgré les fractures, les déchirures, et malgré leurs ressemblances qui les avaient différenciés, le frère et la sœur n’avait pas coupé le fil invisible qui les lie à la vie à la mort. Ils avaient vécu trop de choses ensemble pour laisser l’autre tomber dans les néants. Donc il lui fait face, dans ce matelas qui prend la forme de son corps depuis quatre jours, et il lui montre le visage du frère qu’il a toujours caché derrière dix couches de confiance en lui. Il se libère en cette journée où ses espoirs sont tombés. Il a osé penser une seule seconde que lui et Carmine, ça aurait pu être possible. Mais comme le confirme Madison quand il lui demande, ça n’aurait jamais été aussi simple que ça. « Je ne suis pas sûre que vous auriez été prêts à affronter toutes les complications » C’est bien ça, la question importance. Si Archie avait été prêt à renoncer à beaucoup de choses pour tenir la main de son amant. Sa réaction le jour de leur rupture lui avait donné la réponse. Non, il n’était pas prêt, et il ne sait pas s’il le sera un jour. Mais son cœur brisé est bien réel dans la prison de sa cage thoracique, et il n’a jamais ressenti une telle douleur. Carmine avait été promis à une autre personne. Il ne sait rien de l’envers du décor, mais il ne peut que s’imaginer le pire, avec son cerveau malade d’amour. « Mais j'espère aussi qu'un jour ça sera possible, avec lui ou avec quelqu'un d'autre. » Il referme les yeux, libérant les dernières larmes qu’il arrive encore à verser. Sa bouche est pâteuse, avaler sa salive lui fait mal, mais il continue à se punir en ne s’hydratant d’aucune eau, comme s’il espérait que son corps s’éteindrait. Déplacer le mal de place. Se faire mourir de soif plutôt que de laisser la peine l’emporter dans sa tombe. Il a toujours pensé qu’il ne serait jamais la victime des émotions, lui qui a construit sa vie autour de sa carrière. Mais en cette journée froide où le gris de sa chambre se mêle à l’odeur de nourriture pourrie, il réalise que son cœur aura toujours le dernier mot à dire, qu’importe s’il exerce son cerveau à prendre les rênes. « Tu l'aimes vraiment, pas vrai ? » Sa respiration se calme un peu. Le silence s’impose une nouvelle fois. Il aimerait retrouver celui qu’il était et en rire. Parce qu’Archie ne peut pas vraiment aimer, non ? Ça ne lui était jamais arrivé auparavant. Il se soucis, mais pas au point de se mutiler. Mais un chapitre s’est terminé et un autre s’est entamé. Il se demande combien de pages reste-t-il à l’histoire de sa vie ? « Oui. » Il aurait pu se limiter à cette affirmation, mais il se sent inspiré. « J’oubliais tout le reste en sa présence. Il savait comment me parler, nous avions le même langage. » Pas seulement celui de businessmen qui se serrent la main. Ils vivaient les mêmes mensonges depuis leur plus tendre enfance. « Nous pouvions lire dans les pensées de l’autre. Ça ne m’était jamais arrivé, d’avoir envie qu’on me déchiffre. » Un minuscule sourire retrousse la commissure de ses lèvres. Il pourra toujours se réconforter au creux des bras de ses souvenirs.

Relevant le regard, il fixe Madison avec douceur. « Je suis content que tu l’aies quitté. » Oliver, ce fantôme, ce monstre, celui qui ne mérite rien. « Ça existe, le vrai amour, j’en suis certain maintenant. »  

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« Oui. » La sentence tombe, et pendant un instant, Madison s'imagine que c'est la seule chose qu'Archie sera capable de dire, d'admettre à voix haute. Mais étonnement, une lueur passe sur le visage brouillé de larmes d'Archie, comme s'il se souvenait du reste, ce qu'il a partagé avec Carmine. Peut-être qu'un jour, il sourira en parlant de ce qu'ils ont partagé. « J’oubliais tout le reste en sa présence. Il savait comment me parler, nous avions le même langage. » Madison écoute sans rien dire, parce qu'elle a peur d'intervenir et briser ce moment où enfin Archie lui parle. Elle ne l'a jamais vu ainsi, ne l'a jamais entendu parler ainsi ; sa voix est gorgée d'un amour lourd et sirupeux, d'une douceur douloureuse dont Madison perçoit les éclats. « Nous pouvions lire dans les pensées de l’autre. Ça ne m’était jamais arrivé, d’avoir envie qu’on me déchiffre. » Archie a un petit sourire, et Madison s'étonne de sourire à son tour, comme mise dans la confidence d'un si joli secret. Elle n'arrive pas à croire que c'est Archie qui lui confie. Combien de fois a-t-elle voulu qu'il se sente capable de confier cette partie de lui qu'elle a toujours devinée et dont elle finissait par douter. « Ça a l'air si beau », elle murmure avec un sourire en coin. « Vous en avez eu, de la chance », elle ajoute, parce qu'elle le pense sincèrement malgré l'état de nerf dans lequel Archie est plongé. La rupture n'en sera que plus difficile, maintenant qu'il a aimé si fort. Mais qu'est-ce qui aurait pire de ne jamais connaître cette douceur là ? Madison ne peut pas y répondre - elle n'a jamais souffert ouvertement ainsi, car elle ne s'est jamais avouée si franchement ses sentiments, et à encore moins pu les exprimer. Elle pense à Charlie, leur amitié d'adolescente, la douleur que ça avait été de couper les ponts pour se protéger. « Déchiffrer Archie Kwanteen », elle rajoute avec un petit rire tendre.  « High risk, high reward », elle lui dit avec douceur. Elle sait de quoi elle parle.

Archie n'évite pas le regard de Madison, au contraire, il plante ses yeux dans les siens. « Je suis content que tu l’aies quitté. » Madison est prise de court, surprise qu'Oliver soit convoqué dans la pièce qui, malgré la lourdeur, est devenue un petit cocon entre elle et Archie.  Elle serait presque en colère que l'ombre d'Oliver plane : pas maintenant, pense-t-elle. Pas quand je retrouve enfin mon frère - que le découvre. « Ça existe, le vrai amour, j’en suis certain maintenant. » Madison sent qu'elle sourit de tout son être, parce qu'elle ne pensait jamais entendre Archie dire une telle chose, et qu'elle aime cette partie de lui.  « Je suis contente aussi », elle confie, même si c'est un peu plus compliqué que ça, au fond. « Et je suis contente que tu ais vécu ça avec Carmine, c'est une très belle personne, même si je suis désolée que ça fasse si mal maintenant », elle murmure. Elle est sincère dans son compliment envers Carmine, qui lui a montré plus de douceur en trois conversations que certains personnes n'ont fait toute sa vie. « Mais tu n'es pas obligé d'avoir mal seul. Tu n'es pas obligé d'être seul », elle lui dit, un peu intimidée. « Je sais que je ne peux pas lire dans tes pensées, moi, mais je peux écouter. »

@Archie Kwanteen   (jpp de chialade)