“Héé Joseph, regarde ce que nous ramène ce soir.” Je soulève un tupperware comme un trophée en arrivant devant mon collègue. “Tu vas a-d-o-r-e-r j’en suis sûr.” C’est devenu comme une tradition, une fois par semaine, c’est à dire la seule fois de la semaine où nos shifts se croisent, Joseph et moi on se fait un gueuleton. Histoire de passer la soirée le ventre plein sans trop s’ennuyer. De toute façon il ne se passe jamais rien ici. Il n’y a jamais d’intrus et ce n’est pas comme si les statues allaient se lever et s’enfuir. Je pose la boite sur le comptoir de l’accueil où Joseph est assis avant d’entamer mes explications. “Tu te souviens de la dernière fois ? Je t’ai parlé d’un super plat de spaghetti ? Ceux que j’ai fait en rentrant du pot de départ de Mary ?” Je fais bien sûr référence au plat de spaghetti aux raisins que j’ai fait en rentrant -un poil- éméché de cette soirée. Je lui avais raconté le lendemain comment j’avais cuisiné cette merveilleuse recette. A savoir : un fond de boîte de spaghetti et de linguine mélangées, le tout cuit dans un bouillon de légumes. Une fois cuits, j’ai égoutté les spaghetti que j’ai mélangé avec des raisins secs et du lait de soja, le seul lait que ma femme intolérante au lactose supporte d’ailleurs. J’ai mélangé tout ça et j’ai ajouté une pointe de cannelle pour relever le tout. Après avoir goûté le mélange j'ai trouvé que ça manquait de curry, j'en ai donc rajouté une généreuse poignée. Et au dernier moment je me suis rappelé que je n'avais pas mis de poivre, un ingrédient pourtant essentiel à ma recette. Certains trouveraient ça immonde mais c’était un mélange incroyable et surtout ça m’a permis d’éponger la dizaine de shooters de trop que l’on a fait avec les collègues. Joseph n’avait franchement pas l’air emballé par la recette, pour ne pas dire qu’il était complètement écoeuré alors je me demande comment il va réagir si je lui fais croire que c’est ce que j’ai ramené pour le repas de ce soir. Ça ne loupe pas, il a l’air dégoûté. “Non je plaisante, j’ai ramené des lasagnes.” Celles dont il raffole à chaque fois qu’il vient dîner à la maison. “Avoue t’as flippé.” J’ouvre la boîte et une odeur délicieuse s’en échappe. “T’as ramené quoi toi ?”

Une autre soirée à compter les mouches et à vérifier qu’aucun sortilège ne réveille les statues de cire ou les animaux empaillés dans la salle des mammifères africains. En soit, le métier de gardien de musée est plutôt chiant, mais, heureusement, Joseph et César arrivent toujours à pimenter les nuits à leur façon. Ce soir, le plus vieux a ramené le dessert parce qu’il s’avait que son ami s’occuperait du plat principal. “Tu te souviens de la dernière fois ? Je t’ai parlé d’un super plat de spaghetti ? Ceux que j’ai fait en rentrant du pot de départ de Mary ?” Bon, cependant, le sourcil qui hausse et l’expression tapissée sur son visage ressemble à celle de la momie du quatrième étage, qui semble avoir été paralysée par un sort d’Imobilis lancé par Hermione. « Ouais… Je vois de quoi tu parles… » Qu’il grince, déjà inquiet d’entendre la suite qui vient enfin pour le rassurer : “Non je plaisante, j’ai ramené des lasagnes.” Pfiou ! Le soupir qui laisse s’échapper est tout à fait assumé. « Je n’aurais pas touché à ta potion magique de l’horreur. Les pâtes et les raisins, ça ne va pas ensemble ! Je n’arrive pas à croire que t’as bouffé ça. » Ouvrant son sac pour sortir son paquet de brownies, il demande : « Et t’as pas gerbé, après avoir avalé cette merde ? »

“T’as ramené quoi toi ?” Il dévisse le couvercle pour lui mettre les pâtisseries chocolatées sous le nez. « Sens cette petite merveille. » Il dit d’une voix mielleuse. Ce sont des brownies que sa femme a préparé la veille, et ils sont encore moelleux en leur centre. « J’en ai une autre sorte, si tu veux… » Il bredouille ensuite, tapotant son sac qui contient un autre contenant, rempli des mêmes chocolateries, qui ont cependant été embellis d’une certaine plante magique aux pouvoirs hallucinogènes. Joseph ne cachait pas sa consommation de cannabis, jamais. Et Cesar était bien au courant. Même au travail, il ne s’empêchait pas quelques déboires de temps en temps. Il faut dire qu’ils n’avaient pas le métier le plus exigeant. En trois années de carrière, Joseph avait eu à appeler les flics une seule fois et il s’était avéré que l’intru n’était qu’un renard qui s’était perdu dans la salle des Dieu grecs. Son ami et lui, c'était une grande histoire de bêtises. Son ami et lui, c'était du plaisir jusqu'à ce que le soleil se lève. Son ami et lui, c'était des moments inoubliables, à être payé pour s'amuser. Et, son ami et lui, il payerait une fortune pour qu'ils ne soient jamais séparés.    

« Ouais… Je vois de quoi tu parles… » Intérieurement je rigole, parce que je sais qu’il est en train de tomber dans le panneau et qu’il se fait avoir comme un bleu. Je lève rapidement le voile sur le suspense et je lui montre le plat de lasagnes qui n’attend qu’une chose : être dévoré. Il soupire et ça me fait bien marrer. « Je n’aurais pas touché à ta potion magique de l’horreur. Les pâtes et les raisins, ça ne va pas ensemble ! Je n’arrive pas à croire que t’as bouffé ça. » Je hausse les épaules, quand on est ivres, qu’on a faim et que les placards sont vides on devient vite créatifs et tout a des allures de plat gastronomique. “T’as aucun goût mon vieux c’est tout.” Je le chambre par habitude. “En tout cas je t’ai bien eu, t’aurais dû voir ta tête, c’était magique.” Je vois qu’il sort quelque chose de son sac mais je n’arrive pas encore à distinguer avec précision ce que c’est. « Et t’as pas gerbé, après avoir avalé cette merde ? » Je secoue la tête de gauche à droite. “Franchement heureusement que tu m’as pas connu quand j’étais ado, j’ai fait bien pire, les pâtes au raisin c’est tranquille.” Je lui demande finalement ce qu’il a ramené, je suis curieux et je sais que je vais me régaler, Joseph, lui, sa femme cuisine vraiment bien. « Sens cette petite merveille. » Je me mets au-dessus de la boîte et je m’imprègne de l’odeur des brownies qui sont très appétissants. “C’est le paradis ça.” Je le vois sortir une autre boîte de son sac, là je suis curieux, deux desserts ? « J’en ai une autre sorte, si tu veux… » Il n’y a pas besoin d’en dire plus, je sais déjà à quoi il fait référence et cette idée m’enchante. “Je retire ce que j’ai dit, le vrai paradis c’est celui-là” Je renifle le space brownies avec un grand sourire. “Je sens qu’on va encore passer un très bon shift ce soir.” Mon ventre se met à gargouiller. “A table.” Nous nous installons, prêts à dévorer ce festin.

***

“C’était….” Je ris comme un idiot. “D-é-l-i-c-i-e-u-x.” Les brownies de Joseph ont rendu ce repas particulièrement agréable. J’ai déjà l’impression de flotter sur un nuage. Nous rions tous les deux comme des gamins pendant un moment, jusqu’au moment où j’ai l’impression d’entendre un craquement. “T’as entendu ?” Je ne suis absolument pas sûr de moi, c’était peut-être juste le fruit de mon imagination.

“Franchement heureusement que tu m’as pas connu quand j’étais ado, j’ai fait bien pire, les pâtes au raisin c’est tranquille.” Une grimace froisse le nez de Joseph. Un frisson le secoue aussi, et il préfère se retirer cette image de l’esprit. Son cerveau refuse d’être un chaudron à mauvaises idées plus longtemps. Autant retirer les ingrédients dégoutants de la recette magique le plus tôt possible. Lui, il a ramené des brownies (deux sortes mêmes), et il sait d’avances que cette initiative plaira à son collègue. Ils en ont fait beaucoup, de bêtises de ce genre, tous les deux. Ils ne se sont jamais fait coincer par leurs supérieurs, d’ailleurs, ce qui qui relève du miracle. “Je sens qu’on va encore passer un très bon shift ce soir.” « Et je sens que tu as totalement raison. » Et le joyeux festin peut commencer. Ils se régalent de lasagnes et de brownies jusqu’à ce que leurs esprits ne se brouillent pour leur promettre un shift des plus inoubliables.

***

Joseph aussi rigole comme un imbécile lorsque César partage son amour pour ce dîner des plus originaux. « Je pourrais pas trouver un meilleur adjectif. » Il souffle, repus, tapotant son ventre bien rempli et gonflé. Qu’est-ce que c’est agréable, d’avoir un estomac rempli et un cerveau aussi léger. Les plantes médicinales magiques ont plus d’un tour dans leur sac. Soudain, Cesar se crispe sur sa chaise. Le dévisageant, Joseph bascule la tête de droite à gauche. « Non, je n’ai rien entendu d’abracadabrant. » Mais le regard de Cesar l’inquiète et il se relève de sa chaise, empoignant sa lampe torche pour observer les couloirs autour d’eux. Il fait noir, ici, mais même ensevelie par la lumière, la salle ne révèle rien d’inquiétant. « C’est peut-être ton cerveau qui te fait une blague. » Il propose, haussant les épaules et braquant le faisceau de lumière sur le garçon dont les pupilles sont complètement dilatées par la drogue. Il a l’impression de l’illuminer d’un sort de patronus et ça le fait rigoler.

« Je pourrais pas trouver un meilleur adjectif. » Nous rions tous les deux comme des enfants et ça me fait un bien fou. Ce n’est pas comme si le boulot était stressant, non c’est d’un ennui mortel mais ce dessert nous permet de passer une excellente soirée sans s’ennuyer comme des rats morts. Il ne se passe jamais rien de toute façon dans ce musée, à force je connais chaque allée par coeur donc le temps est bien long. Temps de travail : 7 heures, temps ressenti : 7 jours. Alors un peu de piment ne fait jamais de mal. Pourtant la situation change brusquement quand j’ai l’impression d’avoir entendu un bruit. Je demande à Joseph s’il a entendu quelque chose où s’il s’agit de mon imagination. « Non, je n’ai rien entendu d’abracadabrant. » Je hausse les épaules, il doit avoir raison alors. « C’est peut-être ton cerveau qui te fait une blague. » J’ai un petit rire quand il parle de mon cerveau parce que dans l’état où je suis j’ai pas vraiment l’impression d’en avoir encore un. “Je suis pas très net effectivement. T’as été généreux sur les cookies.” Je fronce les sourcils, je raconte n’importe quoi, c’était pas des cookies non ? “Enfin tes brownies ou je sais plus quoi.” Je ris encore et là cette fois un grand fracas se fait entendre, cette fois je ne rêve pas : quelque chose est tombé. “Joseph là c’est pas mon cerveau, tu l’as entendu aussi non?” Rien qu’à voir la tête qu’il fait, oui il a entendu. Je fronce les sourcils et je me lève péniblement de ma chaise. “Qu’est-ce qui a bien pu se casser la gueule ?” Je soupire, très peu motivé à aller bosser pour de vrai cette fois-ci. Accompagné de mon collègue je marche dans les allées du musée jusqu’à remarquer des morceaux de verre par terre : une vitrine a complètement explosé. “Oh putain Joseph regarde. Y a des intrus.” Je jette un coup d’oeil dans la vitre des lions avant de constater que la vitrine est complètement vide. “Ils nous ont fauché les lions, il faut les retrouver.”

Des ricanements suivent le discours de Cesar lorsqu’il confond les brownies avec des cookies. Ce n’est pas drôle du tout, mais dans cet univers dans lequel les deux paumés sont plongés, le sens du jugement n’est plus très développé. La recette d’herbes magiques de maman McGonagall leur a retiré quelques neurones, qu’ils ne récupéreront peut-être pas en entier d’ailleurs, même une fois les effets estompés. Le rire de Joseph est vivement stoppé par un autre son, qu’il entend aussi cette fois. “Joseph là c’est pas mon cerveau, tu l’as entendu aussi non?” Se redressant dans sa chaise, le garçon observe le couloir duquel le bruit a immergé. Sa lampe torche n’illumine rien d’anormal. Il n’y a qu’un filtre de poussière qui flotte dans l’atmosphère, mais c’est normal dans un musée vieux comme Gandalf le gris. « Ouais, j’ai entendu. » Que le gardien de sécurité fait, à moitié sérieux, à moitié dans les vapes. C’est difficile de se concentrer dans de telles circonstances.

Ils sont bien obligés d’aller inspecter l’origine du bruit. C’est leur travail, après tout, même s’ils ne sont pas de bons employés. Ils doivent au moins faire semblant de fournir des efforts pour ne pas perdre ce job. Ils sont très bien payés. Longeant le couloir, ils sont tous les deux à l’affut du moindre mouvement. Pendant un instant qui paraît trop long et trop silencieux, Joseph se met à fredonner : « Une souris veeeeerte… Qui se promenait dans l’heeeerbe… Je l’attrape par la queue… » C’est sa manière d’évacuer le stress. Il ne parle pas assez fort pour déranger Cesar dans ses recherches auditives. « Je la donne à ses messieurs… Ces messieurs me disent… » Puis, il n’a pas le temps de terminer, qu’il s’immobilise devant la vitrine de la faune africaine. Il jette un coup d’œil à l’affichette. Les lions. Où sont les lions ? “Ils nous ont fauché les lions, il faut les retrouver.” Ça ne fait pas de sens ! Comment des vauriens auraient pu choper ces deux immenses peluches empaillées aussi rapidement ? « Mais… Sans un sort de téléportation, comment auraient-ils pu y arriver ?» Il est complètement teubé, les yeux gros comme des melons, la tête qui tourne. Le cannabis agit bien trop fort. « Comment… C’est possible ? » Qu’il demande, la bouche grande ouverte. « Peut-être qu’ils n’étaient pas là de la journée. Peut-être qu’ils sont en train de se faire dépoussiérer dans l’entrepôt. » Des éléments disparaissent de temps en temps pour cette raison. Le musée prend soin de ses biens.

À sa droite, à une centaine de mètres de là, des grognements font vibrer les murs et les planchers, jusqu’à faire frissonner l’échine de Joseph. « Tu es en train de me faire une blague, c’est ça ? Tu te venges pour la dernière fois, quand je t’ai fait sursauter avec un masque Aztèque. »      

« Ouais, j’ai entendu. » Je suis donc peut-être défoncé mais je ne suis pas fou, ça me rassure. Enfin rassurer c’est vite dit, s’il y a un bruit c’est qu’il y a peut-être un intrus quelque part. Nous partons, bien décidés à résoudre ce mystère. « Une souris veeeeerte… Qui se promenait dans l’heeeerbe… Je l’attrape par la queue… » Je le fusille du regard, mais qu’est-ce qu’il fout ? On doit être discrets, pas chanter comme des casseroles.  « Je la donne à ses messieurs… Ces messieurs me disent… » Je ne suis sûrement pas très discret quand je marche mais là il fait beaucoup trop de bruit. “Mais ça va pas Joseph ? Faut que tu doses moins les brownies la prochaine fois, tu vas nous faire repérer.” Une fois devant la vitrine désormais en mille morceaux des lions j’en suis certain : on est face à des cambrioleurs. « Mais… Sans un sort de téléportation, comment auraient-ils pu y arriver ?» La réponse est simple : une grosse pierre pour casser la vitre et deux grands gaillards pour déplacer les lions. Lions franchement pas très beaux, le taxidermiste avait aussi dû manger des brownies signés Joseph Keegan je pense pour faire des animaux empaillés aussi laids. « Comment… C’est possible ? » Je ne l’écoute pas vraiment, je cherche du regard des preuves, le problème c’est que ma vision n’est pas des plus nettes. « Peut-être qu’ils n’étaient pas là de la journée. Peut-être qu’ils sont en train de se faire dépoussiérer dans l’entrepôt. » Il est complètement défoncé c’est pas possible. “Mais pourquoi la vitre serait cassée si c’était juste de la restauration ?” Alors que nous discutons des grognements se font entendre dans la pièce d’à côté, c’est quoi ce bordel ? « Tu es en train de me faire une blague, c’est ça ? Tu te venges pour la dernière fois, quand je t’ai fait sursauter avec un masque Aztèque » Je commence à me sentir vraiment pas rassuré cette fois : on es face à des cambrioleurs qui sont accompagnés de gros chiens en plus, on est mal. “Tu crois vraiment que j’irais jusqu’à exploser une vitre pour te faire une blague ? Je veux pas me faire virer moi” J’attrape ma lampe de torche et je dirige le faisceau de lumière vers les grognements. “On va aller voir, mais je pense que ce sont des cambrioleurs, avec de gros chiens.” Nous nous approchons à pas feutrés et nous tombons vite face à l’origine des cris : des lions. Pas des lions mais plutôt les lions qui étaient dans la vitrine qui sont en train de nous grogner dessus. Je crie, complètement sous le choc. “Joseph, les les les les lions de la vitrine.” Je tremble comme une feuille, les fauves enchantés eux sont prêts à nous bondir dessus.

Ce n’est pas normal, et le responsable de cette situation inquiétante n’est pas seulement la consommation excessive de cannabis des deux collègues un peu cons. Il y a quelque chose de dérangeant qui flotte dans l’air. C’est comme si une malédiction avait été jetée sur le musée, le genre de malédiction lancée par une vilaine sorcière aigrie qui veut se venger de quelque chose. Et pourtant, Joseph ne se sent pas coupable de rien ; si ce n’est d’apprécier un peu trop les plaisirs artificiels. “Mais pourquoi la vitre serait cassée si c’était juste de la restauration ?” Il paraît bête, à seulement remarque les éclats de vitre éparpillés sur le sol. S’il était assez lucide, il remarquerait aussi que la majorité s’est retrouvées sur le sol de leur côté, et que, donc, le bris s’était fait à partir de l’intérieur. Mais ce serait trop leur demander, à ces cerveaux éteints. « Oh… » Il marmonne. Si c’est une farce, alors elle leur coûtera très cher ! “Tu crois vraiment que j’irais jusqu’à exploser une vitre pour te faire une blague ? Je veux pas me faire virer moi” Haussant mollement les épaules, il lui accorde un regard confus. Il ne trouve pas d’explications, si ce n’est celle du coup monté. Leur patron Merlin l’Enchanteur ne sera pas très enchanté de tomber sur ces débris demain matin ! « T’es très con parfois. » Il se justifie, la seule défense qu’il arrive à trouver, ses méninges ayant cessé de chauffer. C’est comme s’il avait accepté son sort désormais. C’est une très mauvaise blague et ça les mettra tous les deux dans le pétron.

« Avec de gros chiens ?! » Joseph déglutit quand son ami évoque cette possibilité. Pas des chiens ! Il en a une peur bleue, des cabots. « J’espère que ce ne sont pas des dobberman… » Les pires selon lui ! Qu’est-ce qu’ils sont effrayants avec leur long museau carré et leurs oreilles dressées en triangles sur leur crâne. Et c’est sans parler de leurs yeux perçants… Ils ressemblent à des chiens morts ramenés à la vie grâce à une incantation et un pentagramme. Brrrrr… C’est donc avec la plus grande des frousses que Joseph suit Cesar (autant le suivre plutôt que de rester seul) jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’entrée des toilettes. Le son provenait de là. Lentement, sans faire de bruits, ils entrent dans la salle et tombe nez à nez avec… Il aurait préféré des dobberman, en fait. “Joseph, les les les les lions de la vitrine.” MAIS POURQUOI IL CRIE CELUI-LÀ ?! Désormais, les deux lions les fixent, grognant, près à leur sauter à la gorge. « Ils sont peut-être gentils comme Aslan… Dans Narnia, le lion, la sorcière et l’armoire magique… » Soulevant doucement la main, il fait des « tsk tsk tsk » qu’il ferait à un petit chaton afin de voir leur réaction.

« T’es très con parfois. » Je roule des yeux, on a une situation d’urgence à gérer, il est trop défoncé pour comprendre que la vitrine a été cassée et c’est moi le con de l’histoire. Ce Joseph, il me surprendra toujours pas son culot. “Comme si t’étais brillant, excuse nous Einstein.” Je secoue la tête d’un air judgy. Nous sommes cependant rapidement interrompus par des bruis d’aboiements et de griffes qui lacèrent le sol. J’en suis persuadé il y a des chiens entraînés pour le combat dans le coin et ça sent très mauvais pour nous. « Avec de gros chiens ?! » Je hoche la tête. On dirait qu’il prend enfin conscience de la gravité de la situation et il comprend que je ne blague pas pour une fois.  « J’espère que ce ne sont pas des dobberman… » Vu le bruit c’est sûr qu’il s’agit au moins d’un doberman voire pire que ça, en tout cas ils ont l’air nombreux et sacrément balèzes. Nous arrivons à pas de loup -enfin nous essayons- et ma lampe de torche est rapidement braquée contre une meute de lions. Je les reconnais à leur gueule déformée : ce sont les lions de la vitrine. « Ils sont peut-être gentils comme Aslan… Dans Narnia, le lion, la sorcière et l’armoire magique… » Il est fou, cet homme est complètement fou. Comment est-ce qu’il peut croire que des lions aux dents affûtées et aux griffes acérées sont dociles comme des chats. “Mais JOSEPH, ILS VONT NOUS TUER.” Les lions ont bien senti que j’étais nerveux et ils n’ont pas l’air de bien supporter les cris. Si bien que l’un des deux se jette sur moi, ce qui m’arrache un nouveau cri.

Win : Le lion feule sur Cesar sans le blesser (pour l’instant) “AIDE MOI JOSEPH”
So close : Le lion met un coup de patte à Cesar au niveau de la tête mais pas (encore) de trace de griffures “AIDE MOI JOSEPH”
Fail : Le lion met un gros coup de griffe dans le bras de Cesar. “AIDE MOI JOSEPH.”

Ce doit être un rêve. La théorie de la blague de mauvais goût vient de s’écouler. La technologie n’est pas encore assez avancée pour créer un hologramme aussi détaillé et réaliste d’animaux sauvages. Et, de toute façon, il n’y a aucun appareil qui pourrait émettre la lumière dans ces toilettes, c’est sans compter du son de grognement qui s’émane de la poitrine imposante des lions. Toutes les théories se sont évanouies, celle du sortilège de réanimation aussi, tout à fait passé date. Le seul élément magique dans la vie de Cesar est Joseph, ce sont les herbes hallucinogènes qu’ils ont ingérées. Un peu trop, d’ailleurs, car le chocolat a masqué leur mauvais goût et encouragé l’abus. Et, encore, il ne s’agit pas d’un ingrédient venu d’une dimension dans laquelle des sorcières se font encore passer au bûcher aujourd’hui. Ce n’est que du cannabis, une drogue déjà bien assez étudiée et répandue, complètement naturel.  

Voilà voilà. Ces lions sont bien réels et, pire, ce sont ceux qui étaient immobiles depuis plus de dix ans derrière leur vitrine d’exposition, et ce soir ils grognent sur les deux sujets tétanisés qui auraient envie de se téléporter ou de devenir invisible grâce à une quelconque cape ; deux pouvoirs fort intéressants dans les circonstances. “Mais JOSEPH, ILS VONT NOUS TUER.” Il n’a pas le temps de réagir (puisqu’il n’a pas les réflexes d’un félin) que l’un des animaux bondit sur celui qui n’arrive pas à se taire. Sous le choc, Joseph observe la scène avec de grands yeux choqués, et seulement quand il se fait à nouveau appeler il réinitialise son système cérébrale et attrape le poignet de Cesar pour le trainer hors de la prise du lion, qui n’a pas encore eu le temps d’enfoncer ses crocs dans sa chair. « TOI, LÈVE ! » Il ordonne. « VIENS, VITE ! » Avec la grâce de gazelles aux pattes cassées, ils se précipitent dans le couloir et arrivent de justesse à s’enfermer dans le hangar à balais. Avec un peu de chance, l’un de ceux-là pourrait les faire s’envoler hors de ce musée maudit. Ou un yatagan, ce serait pratique aussi comme arme. Le souffle coupé, abasourdi, Joseph se laisse tomber le long du mur, la main plaquée sur le cœur. « Une crise cardiaque, je crois que je suis en train de faire. » Il annonce, sa voix secouée de hoquets. Il s’agit d’une crise de panique, mais il ne pourrait pas reconnaître les signes puisqu’il n’en a jamais traversé de toute sa vie. « Ce que je dois faire, je ne sais pas. » Sa mère, aussi sage que Dumbledore, avait toujours su trouver les bons mots pour le calmer. « Mourir, je ne veux pas. »

Je suis en train de me faire attaquer par des lions à sale tronche et Joseph ne fait absolument rien. Il observe la bête se jeter sur moi quand avoir la moindre réaction. J’aimerais pouvoir lui crier dessus en lui disant de se bouger les fesses mais je ne peux pas à cause du fauve qui s’est jeté sur moi et qui m’écrase de tout son poids. « TOI, LÈVE ! » Je ne comprends rien à ce qui est en train de se passer et encore moins à ce qu’il me raconte. « VIENS, VITE ! » Là je comprends mieux et je laisse Joseph m’attraper pour m’entraîner dans une des galeries du musée. Je cours avec lui du plus vite que je peux -le vite que les brownies me laissent courir-. Le souffle court et le rythme cardiaque rapide nous arrivons à nous cacher dans le placard à balais. « Une crise cardiaque, je crois que je suis en train de faire. » Pourquoi il parle comme ça ? « Ce que je dois faire, je ne sais pas. » C’est qu’en plus il n’arrête pas, je crois que les brownies l’ont vraiment foutu en l’air. « Mourir, je ne veux pas. » Il faut qu’il se calme et qu’il reprenne vite son sang froid sinon on va mourir tous les deux par sa faute. “Joseph arrête un peu. Calme toi merde.” J’apprécie beaucoup mon collègue mais là nous nous trouvons dans une situation de crise inédite et j’ai besoin que l’on ait deux cerveaux disponibles pour réfléchir à une solution. “Si tu continues de paniquer on va mourir oui, donc parle doucement.” Je réfléchis en même temps à une solution et là j’ai l’illumination : nos téléphones. “On doit appeler quelqu’un, des renforts, le patron, je sais pas mais quelqu’un.” Je mets la main à ma ceinture et la vérité me frappe : j’ai laissé mon téléphone sur la table, juste à côté des lasagnes. “Merde j’ai pas le mien, dis moi que t’as le tien s’il te plaît.” Sinon la situation est grave, très grave et il va falloir qu’on trouve un moyen de les récupérer sans se faire dévorer.

Le monde tourne. Le ciel est en bas, le sol est en haut. Sacrilège ? Coup bas d’une vilaine sorcière ? Non : le mélange de panique et de cannabis qui agit dans le crâne en bouilli de Joseph. S’il arrive encore à croire à ces lions qui ont été réanimés par il ne sait quoi (sûrement Dieu qui le punie de ne pas croire en lui), il y a d’autres choses qu’il n’arrive pas à expliquer. Il se croyait en bonne santé, mais voilà que son cœur s’agite, s’anime, hurle, et lui rappelle qu’il n’a plus l’âge d’un nouveau sorcier qui entrerait à Poudlard. Il fait désormais partie des professeurs. Et, si Cesar tente de le calmer, sa méthode est tout à fait inadaptée. Ses mots ne le rassurent pas du tout, alors qu’il prétend qu’ils mourront si la panique ne tombe pas : voilà un bon cercle vicieux. Il panique car il craint de mourir, mais il mourra s’il panique. Dans son cerveau se déroule le film Disney Fantasia ; tous les neurones marchent, dansent, se rebellent contre le magicien qui pensait les contrôlait avec son chapeau bleu à étoiles. “On doit appeler quelqu’un, des renforts, le patron, je sais pas mais quelqu’un.” C’est une excellente idée, mais Joseph ne l’entend pas aussitôt. Il continue de se prendre la tête entre les mains ou d’appuyer sur sa poitrine parce que la douleur se multiplie. Il a l’impression qu’un éléphant se tient debout sur sa cage thoracique. “Merde j’ai pas le mien, dis moi que t’as le tien s’il te plaît.” Voyant le regard de Cesar posé sur lui avec insistante, il le dévisage, le souffle saccadé, tandis qu’un « hein ? » s’échappe de ses lèvres, puis sa cervelle enfin à faire du sens à ce qu’il vient de lui raconter. Un téléphone. Ils ont besoin d’un téléphone. Hélas, Joseph est tellement un bon employé (non) qu’il a laissé le sien dans son casier. « Non, qu’est-ce que tu crois, j'suis pas un serpentard ! » Il s’exclame, comme si la question le choquait. « On a pas le droit de l’avoir sur nous durant le shift. » Bon, ils n’ont pas le droit de manger des gâteau à la poudre de magicien non plus mais c’est une autre question. « Il y a un téléphone public dans la salle sur la 2eme guerre mondiale. » Ah, oui, et il y avait une statue de cire d’Hilter là-bas, aussi. Pas top. Mais ce ne sont que les lions qui ont été réveillés par un coup de baguette magique, pas vrai ?

Joseph a pas l’air bien du tout et visiblement ce que je lui dis ne l’aide pas, au contraire. Il est complètement en train de péter les plombs ou de faire une crise de panique, j’en sais rien et j’ai pas le temps -ni les neurones- pour faire de la psychanalyse. « Non, qu’est-ce que tu crois, j'suis pas un serpentard ! » Je ne comprends pas pourquoi il parle de sorciers, quel est le lien avec les téléphones ? « On a pas le droit de l’avoir sur nous durant le shift. » J’ai un petit rire nerveux, Joseph qui me fait un rappel au règlement alors qu’il est le premier à ne respecter aucune règle c’est le comble. “Parce que manger des space brownies c’est autorisé dans le règlement peut-être ?” Et je l’ai déjà vu jouer à candy crush et doodle jump pendant des shifts particulièrement ennuyeux alors pas à moi Joseph, pas à moi. Donc si je résume la situation : ni lui ni moi n’avons de quoi appeler de l’aide, super ça on va donc mourir étouffés dans le placard à balai au mieux ou au pire mangé par des lions empaillés qui se la jouent zombies ou revenants. Quelle mort nulle sérieusement, on se croirait dans un navet d’Halloween. « Il y a un téléphone public dans la salle sur la 2eme guerre mondiale. » Joseph n’est finalement pas si inutile, heureusement qu’il y en a un de nous deux qui est encore capable de réfléchir un minimum. “Ok, donc on va aller chercher ça, il faut qu’on soit rapides et discrets. Un” Je place ma main sur la poignée. “Deux.” Je prends une grande inspiration pour me donner du courage. “Trois.” Je pousse du plus fort que je peux avant de me cogner contre la porte. “Hein c’est quoi ce merdier.” Avant de lire au-dessus de la poignée “Tirez”. Je me sens un peu con du coup. “Ah oups faut tirer. Bon euh allez 3 on y va.” Et sans attendre Joseph je me précipite dehors en espérant qu’il me suive.

Win : la voie est libre, Dumb et dumber peuvent marcher jusqu’à la salle sur WW2
So close : La voie est libre mais vu le bordel que Dumb et dumber font les lions ne vont pas tarder à rappliquer
Fail : Manque de bols les grands minous montaient la garde et se mettent à les poursuivre, y a plus qu’à prier là hein