Cette éclipse aux menaces perpétuelles rendaient la population chimérique. Nombreux esprits s'agitaient, soumis à la terreur causée par la rumeur d'une malédiction qui s'abattait présentement sur la ville en lui imposant ainsi une telle pénombre. Mon esprit terre-à-terre sur ce sujet rendait mes interlocuteurs quinauds lorsqu'ils s'aventuraient à se livrer sur leur ressenti à ma personne : confus, ils s'étonnaient que la personnalité atypique qui croyaient aux signes et aux esprits n'interprétait pas un mal de cette obscurité permanente ; vexés, ils remballaient leur orgueil blessé de n'avoir pu être entièrement compris et épaulés dans leurs confidences hasardeuses. Aussi, il s'agissait que je détenais d'autres chats à fouetter : entre les enfants de l'orphelinat qui perdaient tous leurs repères et devenaient de moins en moins gérables (au moins, cette psychose leur redonnait irrémédiablement une nouvelle source de distraction pour les plus affaiblis par le drame) et les religieuses du couvent frisant l'hystérie, je possédais l'embarras du choix pour occuper mes journées à minimiser les dégâts. D'une certaine façon, ici résidait à mes yeux ma seule notion d'infortune.

J'avais récupéré plusieurs herbes aux vertus apaisantes et soporifiques dans le jardin botanique que j'entretenais. Dans la chapelle de l'orphelinat, je faisais fondre de la cire afin de créer un cierge aux mélanges de ces plantes et de cristaux qui, selon moi, apaiseraient les esprits par les effluves et auras qu'il émanerait. Mon regard sombre vacillait néanmoins de mon ouvrage au mur de briques me faisant face, la flamme embrassant les fins fils des bougies m'éclairant découvrant une silhouette que je peinais à identifier. Lorsque le volume de cire remplissait le moule utilisé, je m'entendais déplorer : "Généralement on se fait connaître quand on entre dans une chapelle." Je tournais derechef les talons, faisant désormais face à Asher, la mine fermée.

@Asher Buckley  

L'individu a largement sursauté lorsque j'ai pris la parole, rompant le silence pesant de la chapelle quasi totalement plongée dans l'obscurité. Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres, imperceptible, et mon regard sombre scrute la pénombre avec aise, véritable œil de lynx qui laisserait penser que mon sens de la vue est surdéveloppé. En réalité, je connais bien assez cette bâtisse pour y naviguer les yeux fermés et capter les différentes nuances d'ombres qui peuvent se risquer à y rôder. « Ah oui ? Je suis Sev. » Je fais une moue songeuse, répliquant poliment : « Enchanté, Sev. Je m'appelle Kai. » Puis, je ne peux m'empêcher de commenter : « C'est peu commun, comme prénom, Sev. » L'hôpital qui se moque de la charité : comme si des hommes prénommés Kai courraient les rues de Brisbane. « Je suis pas religieux je connais rien mais cet endroit est intriguant. » « Intriguant ? » Je répète, dubitatif. Il est vrai que les établissements religieux semblent détenir cette aura mystérieuse, quasiment mystique, qui interpelle les badauds. Pour ma part, ils ont toujours rimé avec foyers de vie, ainsi, je ne perçois pas l'étrangeté qu'ils peuvent détenir. « Qu'est-ce qui t'intrigues dans cette chapelle ? » Je le juge du regard. Pourquoi y pénétrer, ce soir, dans le plus grand des silences, à sursauter comme si sa conscience n'était pas tranquille lorsque Sev a réalisé qu'il n'était pas seul. « C'est pour ça que t'y as mis les pieds ? » L'étranger s'approche et je me plais à contempler ses traits. « T’es prêtre ? » Je pouffe, amusé. « Non. » Loin de là, je pense. Si je me faisais ordonner, toutes les églises australiennes très probablement trembleraient. « Je suis peintre. » Ca aussi, ça ne court pas les rues, mais c'est aussi plus légitime que d'autres de mes activités. Puis, je fournis une rente d'argent qui pallie mes charges au couvent où je réside encore ; une sorte de péréquation singulière : les charges sont réparties aussi également que possible par l'archevêque et j'en assume ma part par mon talent créatif. « Les tableaux que tu vois ici sont de moi. J'en vends aussi pour l'Église. » Des scènes religieuses, des personnages cultes bibliques. « Tu fais quoi, toi ? » Je le toise curieusement, sans retenue aucune.

Le prénommé Severus ne me paraît pas très loquace, néanmoins, il faut dire que je suis doté de cette tendance récalcitrante à mitrailler de questions sans réellement laisser le loisir aux personnes de prendre la parole. Un tort qui m'a souvent été reproché, les religieuses du couvent me rappelant régulièrement que les pausent invitent les mots et les silences en valent également.

Le garçon semble saisir chaque information que je lui dévoile et lorsque je lui explique que je suis peintre, ses yeux vagabondent d'œuvres en œuvres. Après quelques secondes, je ne peux m'empêcher de m'enquérir sur les activités de cet étranger. « Je prends soin de ma petite sœur. » Je fronce les sourcils, intrigué. Je me force à ne pas le questionner sur l'identité de sa cadette et comme s'il donnait raison aux nonnes, voilà qu'il me renseigne : « Elle est quelque part là bas avec un nouveau copain qu’elle s’est fait. » « Elle s'appelle comment ? » Je fais, curieux. Si je ne traîne pas beaucoup avec les gens, il n'en demeure que je suis les oreilles des murs. « Tes tableaux sont vraiment impressionnant. » Un sourire en coin apparaît sur mon portrait, satisfait. « Merci. Je le prends comme un compliment. » Tant qu'à faire. « Je dessine aussi… Pour le plaisir mais… Je suis bien loin d’être à ton niveau. » « Tu dessines quoi ? » Je réclame derechef, intéressé. « Ce qui m’intrigue le plus ici c’est… Le calme. On dirait qu’on sera toujours en sécurité ici. C’est sacré non ? Les créatures mauvaises ne peuvent pas entrer ici, non ? » Je pouffe de nouveau, une arrogance aussi spontanée qu'involontaire. « Ca voudrait dire que j'suis bon. Je pourrais prendre ça aussi comme un compliment, tiens. » Je fais avant de tourner le dos à Sev, reprenant ma peinture. « Ce n'est qu'un tas de pierres et de sueur. Ce sont les Hommes qui en font un endroit sacré mais ces croyances ne la protègeraient pas de prendre feu ou de tomber en ruines suite à un tremblement de terre, par exemple. » Je remarque, terre-à-terre. Heureusement qu'aucune des Sœurs de la Miséricorde ne m'entendait, sinon, j'en prendrais pour mon grade. « Il y a d'autres lieuxs sympas qui sont calmes. » J'ajoute. « Tu vis où ? » Je demande ensuite. Ne se sent-il pas au calme dans sa maison ? « Vous êtes orphelins, toi et ta sœur ? »

Mes sourcils se froncent en entendant le prénom de la cadette de Sev. Une Mona qui s'est éprise d'un petit orphelin et donc rôde souvent dans les parages sans que j'en ai entendue parler ? Curieux. « Jamais entendu de Mona. Vous êtes ici depuis combien de temps ? » Cela m'inquiète tout de même de ne pas connaître les allers et retours de cette jeune fille lorsque je constitue les oreilles des murs de l'orphelinat comme du couvent. « Un peu tout. Ca dépend ce qui est dans mon champ de vision. Je suis doué pour reproduire les choses. » Impressionné, je hausse les sourcils. « Tu serais capable de me dessiner ? » Je défie en étudiant mon matériel. « Tu dessines avec quoi ? » Fusain, encre, peinture ?

Je monopolise aisément la parole dans notre dialogue et assuré, je ne me prive pas de donner mon avis, quitte à critiquer cette institution qui pourtant m'a permis de survivre lorsque j'étais au plus vulnérable. « J’habite dans une grange non loin du cimetière. » Je tente de visualiser la dite grange et suis soudain épris de la volonté de m'y rendre. Néanmoins, j'ai conscience que cela serait mal venu et peu poli de m'inviter chez Sev de la sorte, juste pour satisfaire ma curiosité. « Et ouais… on est orphelin. » Le blond réduit la distance entre nous ce qui me laisse le loisir de percevoir plus précisément ses traits à la lueur des bougies. « C’est quoi les autres lieux qui sont calmes ? T’es orphelin toi ? T’habites ici ? Pourquoi t’as dit que t’étais pas forcément bon ? » Il me fait doucement rire, j'ai l'impression de recevoir en quelque sorte la monnaie de la pièce de l'interrogatoire que je lui ai dédié. « Je suis non désiré, non réclamé. » J'explique sur un ton neutre dans un premier temps. Abandonné, puis oublié. « J'habite ici depuis ma naissance. On m'a laissé aux portes de l'orphelinat quand j'avais quelques heures. Les Sœurs m'ont élevé et maintenant, je travaille pour les ordres. » Je me tourne vers mon cierge. « Il y a une multitude de lieux calmes. Il suffit juste d'ouvrir l'œil. » J'explique. « Tu recherches un lieu calme en particulier ? En plus de cette chapelle. » Je saisis ma bourse contenant mes cristaux de roche, ainsi que celle détenant mes plantes. « C'est animé dans ta grange ? » Je pense tout haut. « Je sais que je ne suis pas bon. Je ne pense pas que qui que ce soit l'est vraiment. Il y a juste des gens moins mauvais que d'autres. » J'expose. « Même les beaux parleurs experts en métromanie, les mielleux à qui ont donnerait le bon Dieu sans confession, les jeunes qu'on pense purs par leurs quelques années de vie, présentent des vices et peuvent parfois être les plus dangereux. » Je marque une pause avant de signifier, gratuitement : « Je ne pense pas que tu sois bon non plus. » Je souris, énigmatique. « Mais ça ne m'empêche pas de te trouver intéressant et de ne pas avoir peur de toi. » Je fais tomber quelques cristaux dans la cire. « T'as peur de moi ? »

« Jamais entendu de Mona. Vous êtes ici depuis combien de temps ? » Tu vois bien qu’il cherche la petite bête, qu’il a l’air de savoir des choses et qu’il risque de capter tes mensonges. « Quelques jours. » Un mensonge de plus. Ca embraye sur le dessin qui est déjà bien plus neutre et safe. « Tu serais capable de me dessiner ? » Tu le regardes, inclinant légèrement la tête comme pour réfléchir deux secondes à sa question. « Oui je pourrais. » « Tu dessines avec quoi ? » « J’ai des fusains. Pas là avec moi mais c’est avec ça que je dessine. » Ce n’est pas grand chose, mais ça suffit pour que tu t’épanouisses dans cet art. Ta tirade de questions le fait sourire et ça ricoche sur ton visage également. « Je suis non désiré, non réclamé. » Il est donc orphelin mais il fait passer ça avec encore plus de drame, est-ce qu’il veut que tu pleures ? Il en raconte même un peu plus pour expliquer sa situation. Il est donc orphelin oui. Est-ce qu’il s’attend à ce que tu expliques comment t’es orphelin toi ? On dirait presque.

Ta vie serait tellement plus simple si tu avais le pouvoir de savoir les vrais intentions des gens envers toi. C’est ça ton plus grand soucis dans la vie à l’heure actuelle. Tu ne sais jamais sur quel pied danser avec certain. C’est chaud puis c’est froid. C’est inoffensif jusqu’à ce que ça soit un danger. Tu imagines cette faculté sous forme d’un petit nuage au dessus de la tête des personnes qui sont autour de toi physiquement. Ce petit nuage, il serait uniquement visible de tes yeux. Sa particularité c’est qu’il changerait de couleur en fonction des motivations que les individus d’un périmètre proche ont à ton égard. Ce serait un nuage blanc quand ils sont simplement dotés de bonnes intentions et il tirerait sur le noir s’ils en ont des mauvaises. Le rouge si il y a confrontation physique imminente. Le rose s’ils ont envie de relations charnelles avec toi. Il pourrait bien évidemment avoir deux couleurs parfois, peut être même trois ou quatre. Certaines personnes sont très dérangés et ne savent sûrement pas ce qu’elles veulent elles même. Et puis tu n’es pas dupe, tu sais qu’au fil d’un échange il pourrait tout à fait y avoir un plus ou moins gros retournement de situation si tes mots et tes actions ne plaisent pas à ton interlocuteur. Si tu étais doté de ce pouvoir tu pourrais enfin naviguer tranquillement dans cette ville, dans cette vie même, car il est toujours bon d’avoir un temps d’avance sur les autres. Tu pourrais enfin te faire un cercle de confiance sans avoir à passer du temps à les jauger pour être sûr que tu peux te fier à eux sans crainte. Tu pourrais enfin trouver le meilleur entourage possible pour sauver ta soeur, pour te sauver toi également. Tu pourrais retrouver un vrai sens à la vie de cette manière là. La vie vaudrait la peine d’être vécu. Les journées seraient bien moins éprouvantes émotionnellement parlant tout autant que physiquement car cela te permettrait aussi de dormir sur tes deux oreilles bien plus souvent qu’à l’heure actuelle.

Tu rêves de ce petit nuage coloré. Il te changerait la vie et tu saurais un peu mieux sur quel pied danser avec ce Kai là par exemple. « Il y a une multitude de lieux calmes. Il suffit juste d'ouvrir l'œil. » Ce Kai qui te prend pour une personne stupide, toi tu le prends pour un dramaqueen, un partout sur les préjugés. « Tu recherches un lieu calme en particulier ? En plus de cette chapelle. » Tu hausses une épaule. Tu sais pas trop ce que tu cherches. Tu te rends juste compte qu’ici c’est agréable. « C'est animé dans ta grange ? » Tu fais oui de la tête avant qu’il ne se lance dans une petite tirade. « Je sais que je ne suis pas bon. Je ne pense pas que qui que ce soit l'est vraiment. Il y a juste des gens moins mauvais que d'autres. » Tu verrais donc un nuage gris flotter sur le dessus de sa tête si tu pouvais. « Même les beaux parleurs experts en métromanie, les mielleux à qui ont donnerait le bon Dieu sans confession, les jeunes qu'on pense purs par leurs quelques années de vie, présentent des vices et peuvent parfois être les plus dangereux. » Tu confirmes d’un hochement de tête. Tu sais bien tout ça. « Je ne pense pas que tu sois bon non plus. » Tu l’écoutes autant que tu le regardes récupérer certaines choses dans ses mains. « Mais ça ne m'empêche pas de te trouver intéressant et de ne pas avoir peur de toi. » Tu le regardes, vraiment trop intrigué par ce type.

« T'as peur de moi ? » Tu fais non de la tête alors que tu te rapproches de lui pouvoir ce qu’il fait avec ses pierres. « Je te trouve intéressant aussi. » Tu marques une pause. « Tu fais quoi ? » Tu demandes en montrant du menton ses cristaux. « T’es un sorcier ? » Tu demandes plutôt audacieusement.

Un « mh » intéressé franchit la barrière de mes lèvres lorsque Sev m'indiqua habiter les alentours que depuis quelques jours. « Comme l'éclipse, » je remarquais le parallèlisme en toisant le jeune homme. Mon ton était toutefois aucunement menaçant ; plutôt, une sorte de complicité s'en émanait. Une partie de mon être ne pouvait s'empêcher de jalouser après tout le blond qui avait sa sœur en immuable alliée. Si j'étais certes proches de certaines personnes et si je jugeais ne pas avoir d'ennemis, il n'en demeurait que je ne détenais pas de binôme à proprement parler. Ne pas connaitre l'amitié est la pire des infortunes et avec les années, je commençais à y croire. La solitude, l'unicité, pesaient de plus en plus lourdement.

Sev dessinait au fusain et un rictus apparut sur mon portrait. Je me promettais d'en trouver un et de le mettre au défi. Ensuite, je sentais que je respirais une atmosphère de chagrin lorsque j'évoquais mon statut d'orphelin et tout ce qu'il incombait. Parfois, je me disais que je devais partir de l'église pour faire ma vie ailleurs, rencontrer de nouvelles personnes. Mais étais-je au moins adapté à cette vie en société ? Après tout, si je l'étais, je ne serai peut-être pas dans ma situation aujourd'hui ? Ultimement, nous sommes tous emportés par le courant et la foi est notre seule ancre.

Severus acquiesce face à mes propos et je lui souris de plus en plus sincèrement. Lorsqu'il m'affirmait ne pas me craindre, je jubilais. Puis, le voilà qu'il s'intéressait à mon ouvrage : ce cierge inusité de cristaux et de plantes. Je m'apprêtais à lui répondre lorsqu'il me demandait si j'étais sorcier. J'eus un rire franc pour cacher ma nervosité. « La magie est interdite... » Je soufflais en baissant les yeux sur mes cristaux. Elle était bannie, certes, mais cela ne m'empêchait pas de la pratiquer et d'être reconnu pour. Certains individus se rapprochaient même de moi, à leurs risques et périls, puisque nous risquons l'excommunication à recourir à de telles forces. « Les gens partent en vrille. Je veux irradier une atmosphère plus sereine en utilisant les vertus de ces cristaux et de ces plantes. » Je continuais de faire couler la cire dans le moule. « Et toi ? » Je prononçais en toisant le garçon, à l'affût du geste qui pourrait le trahir. « J'apprécie ta compagnie. Je suis heureux que tu sois arrivé ici, même si c'est en même temps que l'éclipse. » Je lâchais malicieusemenet.

Lorsque je fais le parallèle entre Severus et l'éclipse, ce dernier demeure silencieux, bien que je lise à l'éclat dans son regard qu'il a capté derechef mon sous-entendu. Un sourire malicieux se dessine sur mes lèvres, charmé par l'idée d'élaborer une complicité saugrenue avec cet étranger que je me plais grandement à découvrir au fil de notre conversation. Si je n'avais pas prévu être interrompu dans la pénombre par un tel intrus, je m'en réjouis désormais, même si cette situation est des plus exceptionnelles.

Je fixe quelques instants mon interlocuteur lorsqu'il s'étonne que la magie soit interdite, incertain s'il se moque de moi ou pas. « Vraiment. » Je tente, dubitatif. « La religion à laquelle cette église appartient l'interdit. Faire de la sorcellerie équivaut à communiquer avec le Malin, avec Satan. » J'explique sur un ton neutre lorsque ces paroles et l'évocation même du dieu des enfers fait frissonner plus d'un. Généralement, l'on parle davantage de sacrilège ou autres mots plus édulcorés pour décrire ce châtiment redouté si ardemment par les croyants, peine ultime.

J'explique à Severus le dessein qui me motive à façonner ce cierge. Puis, je ne peux m'empêcher d'évoquer de nouvelle fois la coïncidence qui le lie à l'éclipse. « C’est certainement pas moi qui ait fait venir l’éclipse. » Je ris discrètement, appréciatif de sa réplique. « Tu aurais pu. Imagine : maître du ciel, des étoiles brillantes de l'empyrée et autres astres. » Je lui porte un regard admiratif. Lorsqu'il évoque les cristaux et ceux que sa mère possédait dont il a hérité, j'opine légèrement du chef. « Ils se trouvent dans la nature et plusieurs vendeurs en font un commerce, bien qu'il soit indispensable de se méfier des arnaques avec certains d'entre eux. Je peux étudier les bijoux de ta mère pour t'indiquer de quelles pierres ils sont faits et quelles sont leurs vertus, si tu le souhaites. Il n'est pas rare que des bijoux ornés aient pour vocation de protéger, apaiser ou éclairer des âmes. Ils peuvent également dévoiler des informations sur ta mère. » J'explique. « J'aimerais bien voir ta grange. » J'ajoute en terminant de faire couler la cierge dans le moule de mon cierge, sous-entendant ma volonté d'analyser ces bijoux dès maintenant.

« Vraiment. » qu’il confirme parce que effectivement tu es sceptique. Va-t-il s’expliquer un peu plus ? « La religion à laquelle cette église appartient l'interdit. Faire de la sorcellerie équivaut à communiquer avec le Malin, avec Satan. » Tu ne savais pas que c’était obligatoirement lié au diable mais il faut dire que tu restes quelqu’un de naïf au fond de toi. Tu sais te protéger mais tu crois beaucoup de chose et jusque là, tu as eu pas mal de chance. Tu as une bonne étoile, ça c’est certain.

Tu lui dis clairement que tu n’as pas ramené l’éclipse et ça le fait rire. Un sourire nait également sur tes lèvres. « Tu aurais pu. Imagine : maître du ciel, des étoiles brillantes de l'empyrée et autres astres. » Il te parle comme si c’était lui le magicien, le sorcier, avec ses jolis mots qui ont l’air d’incantation et ses jolis yeux qui t’ensorcèlent depuis que tu les as vu. « Ils se trouvent dans la nature et plusieurs vendeurs en font un commerce (…) » Tu l’écoutes attentif - pas très attentif en réalité - car tes yeux sont sur ses lèvres qui se mouvent et c’est vraiment très distrayant. « J'aimerais bien voir ta grange. » Cette dernière phrase qui te réveille de ta rêverie. « On peut aller dans ma grange si tu veux oui. » Tes joues s’empourprent contre ta volonté car tu as l’impression de ramener un homme chez toi. Ta soeur est en train de s’amuser avec ses petits camarades là, tu sais qu’elle connait le chemin du retour, tu reviendras si jamais elle met trop de temps à rentrer. « On sera que tout les deux. Chez moi. » Tu dis essayant de voir si jamais il aurait envie de voir d’autres bijoux de famille que ceux de ta mère. Tu n’y crois pas une seule seconde mais il fait bon de rêver en ces temps sombres. Kai est vraiment très séduisant. « Je pourrais aussi… Te dessiner. » Tu ajoutes car il l’avait demandé et tu as tout ce qu’il faut chez toi. « Si tu as du temps. » Tu ajoutes encore. « Mais je dessine plutôt vite et bien. » Tu te montes le stresse tout seul, c’est très mignon à voir. Tes joues toujours rosées ça te tue comme ton corps parle pour toi…

Mes sourcils se haussent discrètement lorsque Severus me convie dans sa grange ; effectivement, je me trouvais à mille lieux d'envisager une telle audace de sa part. Plutôt, j'avais soupçonné ma phrase ne recevoir aucune réponse ou précipiter sa sortie de ce lieu. Désormais, néanmoins, je me plais à deviner les pensées du garçon et ses joues s'empourprant exponentiellement me laissent penser que celles-ci sont guère catholiques. « On sera que tous les deux. Chez moi. » Un sourire amusé se dessine sur ses lippes. J'aimerais ardemment lire dans les réflexions de mon interlocutrice présentement, quand bien même les déductions que je tire de son attitude sont plaisantes et qu'elles ne valent peut-être pas une désillusion. « Tu ne crains pas inviter un inconnu dans ta grange ? » Je fais, malicieux, et Severus m'appâte en proposant de me dessiner. Il enchérit sur le fait qu'il s'adonne à cet art aussi rapidement qu'efficacement et je ne peux m'empêcher de me questionner s'il parle encore de dessin avec de telles répliques. Le fusain adopte de nouvelles formes dans mes songes. « Ca me plairait bien, » je confesse avant de souffler sur la bougie à proximité de ma personne. « On y va ? » Je prie tout en récupérant ma besace que je place en bandoulière sur mon épaule. « Il me tarde de découvrir où tu vis, » j'ajoute, tenant la porte pour laisser à Severus le loisir de quitter cet orphelinat si règlementé. En franchissant son seuil, paradoxalement, je me sens plus libre et beaucoup moins épié. Certes, j'ai conscience que les murs détiennent également des oreilles mais j'ai confiance de savoir nier toutes accusations, le profil que j'exhibe adhérant peu aux rumeurs lascives. Je suis un homme que l'on a très peu vu avec la moindre femme, je m'apparente selon l'opinion des gens davantage au moine qu'au luxurieux. « Et de te voir manier le fusain. »