Dans le miroir des toilettes des hommes, tu resserres méticuleusement la cravate nouée autour de ton cou. A l'occasion du bal d'Halloween, tu es un loup-garou. En bon lycanthrope, des poils hirsutes et indociles recouvrent les zones visibles de ton corps. Aussi, tu as inséré des lentilles de couleur rouge, comme les mâles alpha des meutes. Ton corps est quant à lui arboré d'un costume noir et blanc, chic et sobre. Ce soir, tu as officiellement au bras de Katie mais elle comme toi aimez des interdits : une personne du même sexe que vous. Ainsi, vous vous complétez d'une certaine sorte, vous servez de prétexte à l'autre. Comme ça, Katie peut batifoler avec Lorelei et toi, tu peux allégrement donner rendez-vous à Asher.

Ce blond te rend fou depuis que tu as posé ton regard sur lui. Ton coeur bat indéniablement la chamade lorsqu'il entre dans ton champ de vision. Au début, tu perdais stupidement tes moyens lorsque tu étais confronté à lui, confus dans tes mots et dans la coordination de tes gestes. Maintenant, néanmoins, tu ne savoures que les sensations délicieuses que sa présence t'invoque.

Dès qu'Asher entre dans ton champ de vision, tu l'attrapes violemment par la manche et l'attire contre tout ; tu as une faim de loup de lui. Les gradins vous surplombent et l'intimité vous étreint : vous êtes les deux seules âmes à des kilomètres à la ronde, le reste des élèves trop occupés dans le lycée. Seule la pleine lune vous est témoin. Puissamment, tu dérobes un baiser à ton amant, pressant sa lèvre inférieure des tiennes avant de la mordre doucement avec envie. Tes mains se posent de manière possessive sur ses flancs et tu lui susurres à l'oreille : "Vous êtes très élégant ce soir, Mr Buckley." Ta bouche glisse dans son cou et déjà, tu fais sauter un bouton de sa chemise. Vous n'allez probablement pas aller plus loin même si cela fait un moment que tu n'as pas vu le loup. Du moins, tu ne le prévois pas, mais tu ressens besoin de l'embrasser un maximum, de sentir sa chaleur et de t'envelopper de son parfum.

Vos actes sont interdits mais tu as confiance en l'avenir, en la tolérance qui se développe dans votre société. Cent ans plus tôt, l'homosexualité était cataloguée telle une pathologie et l'acte sexuel entre deux hommes - ou plus particulièrement la sodomie - puni pénalement. Aujourd'hui, si les thérapies de conversion existent encore, si les jeunes chassés cruellement de chez eux après leur coming out restent communs, si la population démontre aisément son mécontentement comme son dégoût face à des couples du même sexe, il n'en demeure que vous ne risquez plus d'être interné ou emprisonné. Ta communauté reçoit allègrement, en tout temps, la haine des gens ; ceux-ci ne se privent effectivement pas pour marquer leur désapprobation, parfois en passant à tabac des gays et des lesbiennes qui s'assument courageusement publiquement. Mais vous n'êtes plus des criminels, des hors-la-loi. Cependant, tu as conscience aussi que vous êtes depuis peu considérés de plus en plus comme des loups dans la bergerie du bassin démographique : avec l'essor du sida, vous êtes pointés du doigt comme les responsables, ceux qui propagent cette maladie encore incurable à des innocents. Ces accusations te mettent hors de toi, ainsi que toutes les nouvelles règles qui en découlent, comme l'interdiction de donner son sang. Comme si tous les gays étaient contaminés, comme si leur sang était impropre automatiquement, comme s'il valait mieux la mort que de jouir d'une transfusion sanguine provenant d'une personne qui en aimait une autre du même sexe. Comment l'amour peut-être tellement bafoué, critiqué ? Comment peut-on tant le reprocher ? Comment peuvent-ils se permettre cette odieuse généralisation ? Il y a cent ans, tu aurais caché ta sexualité et ta vie aurait été pire. Aujourd'hui, en 1980, tu tais être amouraché et attiré par un homme, tu chemines dans cet amour à pas de loup, et en aucun cas ne voudrais-tu que vous vous affichiez, trop effaré à l'idée qu'il arrive quelque chose à Asher. Tu ne vas pas vous jeter dans la gueule du loup vu cette intolérance et psychose autour de ta communauté. Toutefois, tu gardes espoir, tu sais que plus le temps passe, plus la vie vous sera meilleure, en dépit de ce nouveau virus qui vous incrimine.  

Asher m'est ce que l'agneau est au loup et je le démontre en l'attirant vivement contre moi, nos deux corps plongés dans la pénombre. Agité par la pleine lune, je réduis promptement la distance entre nos deux personnes, mes lèvres le complimentant entre deux baisers ardents. Assurément, mon corps est en ébullition : il démontre une faim de loup pour cette proximité avec Asher qui me fait indéniablement tourner la tête. Agile, je fais sauter le premier bouton de sa chemise, mes doigts s'immisçant contre sa chaire. Asher montre son appétit vorace pour nos marques de désir et je ne peux que m'en réjouir et y obtempérer.

« Adiabatie, comme dirait Mr O'Neill, le prof de sciences ; c'est bien l'effet que me fait Monica : ni chaud ni froid. » Arrogant, je ricane. Asher sait que je me moque éperdument de sa petite amie, que je ne me prive pas pour clamer haut et fort mon désintérêt flagrant pour l'adolescente. Accessoirement, je suis secrètement le loup dans la bergerie que représente le couple que composent Asher et Monia et réellement, je me fiche prodigieusement d'être la troisième roue du carrosse, le dirty little secret du blond. Asher empoigne avec force mes fesses et j'émets un grognement digne du loup-garou que je représente avant de l'embrasser langoureusement. Assez sournoisement, mon amant parle de m'ensorceler et de me montrer sa deuxième baguette magique. Aussitôt, je lorgne vers son entrejambe, un sourire entendu se dessina sur mes lippes. « Ah oui, tu souhaites me jeter un autre sort ? A quelle sauce me mangerais-tu, Mr Buckley ? » Avide, je demande tandis que je continue de déboutonner sournoisement son haut de mage. Adolescent en pleine crise hormonale, mes doigts brûlent de constater à quel point sa fameuse baguette magique est raide. « Avec toi, je me jette dans la gueule du loup avec plaisir. » Aventurier, audacieux, amoureux, je désire enchaîner les sensations fortes plus que jamais avec cet homme dont je suis éperdument épris.

Si tu jouais aux indifférents concernant Monica, il n'en demeurait que tu l'abhorrais de toute la force de ton être. Cette femme t'apparaissait tel un odieux rat : toujours à fouiner dans toutes les affaires, à se mêler des sujets qui ne la concernaient absolument pas pour répandre des ragots galeux construits de toutes pièces. Tu l'imaginais si bien, ses sales moustaches aiguisées, à l'affût de la moindre mélodie de rumeur dont elle pourrait se gaver pour anéantir la réputation de quiconque et se hisser dans l'échelle sociale du lycée en écrabouillant ses pairs. Qui plus est, comme le rat, la jeune femme ne possédait rien de séduisant à tes yeux : deux perles sombres qui vous fixaient comme si aucun cerveau n'était connecté, un nez fin et pointu à qui il manquait juste une teinte de rose à la fin pour s'apparenter au museau du rongeur, un menton inexistant comme celui de l'animal qui exacerbait ses traits fins soulignant on regard vitreux.

Néanmoins, le temps n'était pas à songer à cette opportuniste de Monica. Elle ne te coupait pas la faim de loup que tu nourrissais en permanence à l'égard d'Asher. Présentement, tu frémissais sous les caresses éloquentes de ton amant contre ta chaire, ton poil hérissé, à l'image du loup réagissant sous ses pulsions. Tu te délectais du goût de sa peau que tu parsemais de baisers chauds. Tu t'enivrais de son parfum si irrésistible à tes sens, tant que ton odorat était selon toi surdéveloppé tant tu étais envoûté par le jeune homme. Tu recherchais avidement la chaleur de son être en déboutonnant lentement le haut du costume d'Asher. Lorsque ce dernier se fit plus entreprenant, ton souffle se coupa court tandis que ton palpitant, battant déjà la chamade, produisait un salto digne de l'amour et de l'attirance que tu vouais à l'adolescent. « Le loup t'a tant manqué ? » Tu nargues avant d'immiscer tes paumes dans le dos d'Asher et de laisser tes ongles l'y griffer, comme la bête lupine marquerait sa proie de ses griffes acérées. La pleine lune était le seul témoin de votre ébat. A vous aimer dans un lieu public, dissimulés certes des gradins, beaucoup pourraient pensez que vous vous jetiez dans la gueule du loup, prêts à vous faire surprendre et, par conséquent, rejeter de la société. Ces stupides humains qui criaient au loup en accablant les homosexuels de maux qui ne leur appartenaient pas. Vous n'étiez pas des loups déguisés en agneau prêts à corrompre Autrui. Vous n'étiez pas des loups dans la bergerie des sains autoproclamés hétérosexuels.

« Est-ce que ça te dit que je nous loue une chambre d’hôtel ce weekend? » Tu remontes la fermeture éclair de ton pantalon et dédie un air lascif à ton amant. Un sourire amusé et entendu se dessine sournoisement sur tes lippes. « Et on y passerait tout le week-end ? » Tu sollicites avant d'empoigner sans gêne la chemise d'Asher et de l'attirer contre toi. « Rien que nous deux dans un chambre d'hôtel à oublier le monde ? » Tu reformules, pressant avec une tendresse amoureuse les lippes de ton amant, une douceur inouïe qui jurait avec tes gestes désignant ton appétit vorace, bestial, pour l'adolescent, tel l'homme mi-homme mi-loup ne répondant plus qu'à sa dualité primitive.

Je me rappellerais toujours de la première fois où j'avais posé le regard sur Asher. Il était, comme le voulait l'expression, le loup blanc du lycée : connu de tous. Il se déplaçait majoritairement en meute, avec les membres de son équipe sportive. Et bien sûr, il en était le capitaine : le loup alpha. Néanmoins, ce n'était pas la popularité du Buckley qui m'avait fait tomber dans la gueule du loup de cet amour interdit. Il s'agissait de tout ce que composait le garçon : je craquais sur ses manies, sur sa manière de poser sa voix, sur son regard azuré, sur ses cheveux en bataille. J'étais avide de lui, je voulais le manger tout cru tant il me faisait d'effet ; je voulais qu'il soit le petit chaperon rouge et moi le grand méchant loup.

En parlant de loup, je narguais sur le fait que ce dernier avait manqué à mon amant. Bien entendu, cela avait fait trop longtemps à mon goût que je n'avais aussi pas vu le loup et les hormones en ébullition de l'adolescent que je composais n'aidaient pas à m'apaiser. Narquois, je remettais mon costume de loup-garou, question d'être de nouveau présentable sous ses gradins du stade, si jamais des yeux curieux nous dardaient. Après tout, nous n'étions pas à l'abri de quelques élèves souffrant de météorisme suite à des abus au buffet de la fête du lycée, fraîchement dipsomanes, et espérant se défaire de leurs gaz intestinaux en marchant à l'extérieur et je ne souhaitais pas qu'on me traite comme si j'étais atteint de vésanie car j'étais affectueux vis-à-vis d'un homme. S'éprendre de la sorte avec Asher me revigorait, j'en avais presque envie de hurler à la lune d'euphorie. Sans compter qu'elle était pleine, cette nuit, la lune, de quoi agiter encore plus les hommes à en croire les superstitions des anciens. Cependant, je ne me risquerais pas à me montrer exubérant : je ne souhaitais pas rameuter d'êtres indésirables.

Je haussais les sourcils, surpris, quand Asher m'invitait à passer un week-end à l'hôtel en sa compagnie. Bien évidemment, il me tendait le doigt et voilà que je lui prenais le bras à négocier un week-end entier avec lui. Si d'ordinaire le week-end je me la jouais loup solitaire, préférant recharger mes batteries sociales en jouant à la console dans ma chambre, je désirais absolument faire une exception si cela signifiait passer du temps privilégié avec le Buckley - à croire qu'il réalisait des miracles sur ma personne, un vrai thaumaturge. Avec tendresse, je déposais un baiser sur ses lèvres fines, comme si j'ambitionnais de l'amadouer de la sorte. J'étais un vrai loup déguisé en agneau : de nombreux vices me collaient à la peau. « Ouais… Le week-end entier. On peut aller à l’Hôtel de la gare. » Mon sourire s'élargit spontanément, satisfait. « Ou… T’as dix-huit ans toi ? On pourrait à l’hôtel des Ducs. Je crois qu’ils demandent la carte d’identité là-bas. » Je grimaçais, hochant la tête en signe de dénégation. « Désolé, vous faites encore dans le détournement de mineurs, Mr Buckley, » je formulais avec un rictus faussement désolé. A m'entendre, Asher serait presque le loup dans la bergerie, au sein de laquelle je serai l'innocent agneau. Cette image est si risible. « L’Hôtel de la gare m'ira très bien. Ca va me donner le goût d'évasion avec toi, toutefois. Du genre... Après le lycée... » Asher comptait-il rester à Brisbane ? Poursuivrait-il ses études, comme une bonne partie de sa meute du lycée ? Ou s'orienterait-il vers le domaine professionnel ? Je l'imagine soudainement boulanger à pétrir de la pate à pain, ou fleuriste exotique à mêler des fleurs d'amélanchier importées à des acacias. « C'est quoi tes plans une fois que tu seras diplômé ? » Je questionne, glissant sournoisement mes doigts dans la boutonnière de son costume de mage.

C’est lui qui a lancé l’idée du weekend entier, c’est donc naturel que tu vois son visage être de plus en plus satisfait par ce que tu lui racontes quant à la location de la chambre. Tu sens qu’il va te répondre par la négative vis à vis de son âge. Pourquoi tu oublies ce genre de détail important Asher? Est-ce que tu connais la date de son anniversaire au moins? « Désolé, vous ne faites pas encore de détournement de mineurs, Mr Buckley, » Tu hausses les sourcils à sa façon de dire ça. C’est tellement pas ce que tu avais sous entendu en plus. Son air malin te fait bien trop craquer. C’est l’amour qui parle Asher, on sait. Mais toi, est-ce que tu le sais ? « L’Hôtel de la gare m'ira très bien. Ca va me donner le goût d'évasion avec toi, toutefois. Du genre... Après le lycée... » Y’a ce ’avec toi’ qui te fait frémir sans que tu ne l’aies vu venir. T’as pas trop capté la suite de sa phrase car tes yeux sont un tout petit peu bloqués sur ses lèvres et ton cerveau passe en boucle ce ’avec toi’. « C'est quoi tes plans une fois que tu seras diplômé ? » Une question de plus qui te surprend. Tu redescends sur la planète Terre alors que sa main se glisse sur ta peau. « Mes plans après le lycée ? J’en sais rien. J’y ai jamais pensé. Je verrai à ce moment là. Je sais pas. »  Tu te lèches les lèvres alors que tu apprécies bien trop sa main dans ta chemise. Tu le fixes tellement on pourrait croire que t’es sur le point de planifier un petit rituel pour qu’il soit tiens à tout jamais. Est-ce que tu veux parler du mariage Asher ? Non. Tu penses plutôt à un truc qui s’apparanterait à boire son sang et lui le tiens. Rien que ça. Tu as déjà entendu des gens dire que la mère de Kai était une sorcière qui faisait ce genre de choses. Tu le croirais car ça expliquerait aisément qu’il t’ait autant ensorcelé ce type là. « C’est quand ton anniversaire ? » Tu demandes un peu sorti de nul part. Tu as envie de savoir maintenant que tu y as pensé juste tout à l’heure. « Tu veux faire quoi après le lycée toi ? » Tu ajoutes car il a l’air d’avoir une idée pour te demander comme ça.

Vous avez beau être de nouveau et depuis peu habillés et présentables - toi dans ton costume de lycanthrope, lui dans celui de mage -, ton corps réclame déjà de nouveau celui d'AJ. Il t'arrive parfois de ressentir une culpabilité doublée de honte suite à ces sentiments, aussi voraces que le froid de loup qui vous mordrait l'échine. Si tu aimes te donner des airs de loup solitaire, de quelqu'un d'indépendant qui se suffit à lui-même, force est de constater que tu recherches à avoir quelqu'un de spécial rien que pour toi. Tu apprécies être proche de quelqu'un, tu veux avoir un lien fort avec un individu, tu souhaites les caresses comme les baisers. Une meute de deux loups te conviendrait tout à fait, si cela signifie que tu sois avec ton alter ego sentimental.

Mais tu n'en pipes mots et tu tentes de rester discret sur tes envies de voir de nouveau le loup en te tenant à distance. Cependant, voilà qu'AJ te parle de week-end à l'hôtel et forcément, tu en réclames un tout entier. Tu ignores ce que tes parents diront, ceux qui sont si strictes qu'ils n'accepteraient pas le moindre faux pas de ta part, tout comme ils te déshériteraient sans scrupule s'ils apprenaient ton orientation sexuelle. Tu cries probablement au loup en y pensant si fort, comme si tu allais faire ce drame se passer. Surtout qu'en réalité, tu restes un adolescent de dix-sept ans qui meurt d'envie de te jeter dans la gueule du loup des dangers et de l'amour avec ton amant. Tu as déjà eu beaucoup de chance de le trouver, pourquoi ne pas en profiter ?

D'ailleurs, combien de pleines lunes cette amourette durera-t-elle ? « Mes plans après le lycée ? J’en sais rien. J’y ai jamais pensé. Je verrai à ce moment là. Je sais pas. » Tu hausses les sourcils, surpris de la nonchalance d'AJ. La fin du lycée approche tout de même à pas de loup. Mais tu n'es pas là pour porter un jugement sur ton amant, plutôt, tes doigts se glissent déjà sous sa chemise. Il t'est vraiment irrésistible et t'as une faim de loup de lui. « C’est quand ton anniversaire ? » « Le treize août. T'es avec un lion. Et un loup en signe chinois. » Tu hurles discrètement à la lune en tirant sur ton costume, imitant un lycan en pleine transformation. « Tu veux faire quoi après le lycée toi ? » Tu reprends ton sérieux et hausses les épaules. « J'aimerais être journaliste mais mes parents me poussent plutôt dans les sciences. Ils sont médecins et veulent que je fasse comme eux. » Les loups alphas qui imposent à ce que les bêtas suivent leurs traces, en somme. « Tu vas rester à Brisbane ? » Cette interrogation te brûle les lèvres comme le coeur. Sauras-tu où trouver AJ quand vous seriez diplômés ? Que vous ne seriez plus de jeunes louveteaux vivant sous le toit de leurs parents mais des adultes devant assumer toutes les responsabilités incombant à leurs actes et décisions ?

Je n'ai assurément pas envie de quitter la discrétion de notre cachette sous les gradins pour rejoindre l'effervescence du bal de la promotion. Peut-être que je le regretterais dans plusieurs années mais présentement, tout ce que je désire, c'est ce rush émotionnel qui me parcourt les veines et me rend plus vivant que jamais lorsque je me trouve si proche d'Asher. Nous restons enlacés dans la pénombre, les taquineries s'emmêlent à notre complicité. J'aime faire naître un regard perplexe sur le minois du blond par les âneries que je lui affirme. Puis, le sérieux me happe, simultanément du caractère éphémère de cette soirée, de ces moments - de la vie en général.

Comme si cela était important, je m'intéresse au futur d'Asher, et par conséquent, au nôtre. Je lui révèle les vœux de mes parents, bien différents de la carrière professionnelle à laquelle j'aspire. Puis, je hausse les sourcils quand le blond me formule, d'un air que j'interprète hésitant, qu'il compte rester à Brisbane. Le choix n'est pas saugrenu en soit : la grande ville australienne regorge d'opportunités. Néanmoins, dix-sept ans dans cette zone ne lui ont-il pas suffit ? S'il faut découvrir le monde, à notre diplomation est le meilleur moment, selon moi. « Tu comptes partir ? » Je lève les yeux, croise le regard inquiet du garçon. Il resserre son étreinte, me serre le coeur par la même occasion. Je dépose avec douceur mes lèvres contre les siennes. « Ce serait l'occasion, non ? » Je tente, ma main glissant suavement dans son cou, mon pouce caressant tendrement sa mâchoire. « On pourrait peut-être partir tous les deux ? » Je soumets. Quitter ces habitudes, ce train-train et goûter à l'inconnu. Epouser un anonymat dans une autre ville où nous pourrions peut-être plus librement nous aimer. « Qu'est-ce qui te retient, ici ? » J'analyse mon interlocuteur avant de plaisanter, narquois : « Monica ?! »