« Oh. Oui. » Le tic tac est insupportable à tes oreilles. Un mouvement persistant et perpétuel qui grince et ne te fait que rappeler que le temps continue à passer, à se poursuivre alors que Rebecca n’est plus. Tu as un frisson te parcourant l’échine car ton rêve, enfin ton cauchemar, paraît si réel. En même temps… Il ne te faut que quelques secondes pour réaliser qu’il l’est. Que ce ne sont pas des images fabriquées par ton subconscient mais de vraies scènes que tu as vu de tes vrais yeux. Tu te laisses guider par Jordan à travers la maison pour rejoindre la salle de bains, tes jambes toujours aussi tremblotantes en supportant ton poids.

« If you need any help… You can call my aunt. » tu hoches la tête d’un air absent tout en resserrant ta couverture autour de toi. Tes prunelles regardent le sol alors que t’es toujours dans ton espèce de transe où tu te demandes encore si c’est le rêve ou la réalité. Tu as besoin d’une douche et de dormir, Birdie, écoute Jordan qui ne veut que ton bien. « I’ll get a shower after you. I’m gonna get the bed ready. » tu déglutis en passant ta langue sur tes lippes sèches alors que tu regardes le grand blond avec un air brisé. “Okay.” puis tu hésites deux secondes avant de demander. “Can I sleep with you ?” inutile de préciser que tu parles de dormir, et dormir seulement. Tu n’as pas la tête à autre chose. “I don’t feel to be alone to sleep…” que tu rajoutes avec émotion et mélancolie, presque désolée de te montrer aussi faible et capricieuse. Ce n’est pas un caprice, c’est un appel à l’aide. Tu es traumatisée.

Quand Jordan te laissera, tu auras toute la difficulté du monde à enlever tes vêtements, avec la plus grande lenteur qui soit. Tu ne veux plus voir cette robe, jamais. Le sang dessus et sur tes mains te donne le tournis mais tu tiens bien ; tu ne flanches pas, tu réussis à rentrer dans la baignoire. Tu t’asseoies quand même dedans le temps que l’eau tombe et tu restes de longues minutes à te laisser ébouillantée par l’eau chaude. Tes genoux remontés, tes bras autour de tes jambes, ton front posé dessus, tu te remets à pleurer de nouveau. Tu as une vague de sentiments négatifs qui t’encerclent et tu ne peux pas lutter. Le temps passe avant que tu te décides à sortir. Tu as frotté tes mains avec vigueur, elles sont complètement rouges alors que tu les poses sur le rebord pour sortir. Tes gestes sont longs et ça commence à t’agacer - mais ton corps est aussi choqué que ton cerveau, il réagit en conséquence. Tu enfiles la chemise de nuit et tu prends ta robe d’une main et la couverture de l’autre. Les serviettes corps et cheveux, tu les fourres dans le panier sans vraiment réfléchir. Tu sors de la pièce et tu te demandes où Jordan peut être. Tu penses au salon alors t’y vas, telle une automate. S’il n’y est pas, direction la chambre. Qu’importe où il est, quand tu le trouves, tu lui fourres la robe dans les bras. “Jette-là. Je veux plus la voir.” que tu dis avec fatigue. Tes yeux eux aussi rouges d’avoir de nouveau pleuré.

“Okay.” T’as pas envie de la laisser toute seule dans la salle de bain, mais tu penses pas qu’elle soit ok à prendre sa douche avec toi. Tu n’aurais pas de problème de ton côté car l’humeur n’est réellement pas à ce genre de déviance à penser au corps de Birdie nu avec le tiens. “Can I sleep with you ?” Tu comprends évidemment le sens premier de sa question. Ca reste étrange qu’elle dise ces mots là alors que tes pensées étaient focalisées sur l’éventualité de prendre ta douche avec elle. “I don’t feel to be alone to sleep…” Tu hoches la tête pour confirmer que oui, elle pourra dormir avec toi. « I don’t want to leave you alone. » Car c’est bien ce que tu avais en tête de ton côté aussi. La garder contre toi et essayer de lui donner de la douceur. Ce sera mieux que de la laisser seule avec ses pensées ou toi avec les tiennes. Te concentrer sur elle, ça aide. Ouais.

“Jette-là. Je veux plus la voir.” Tu te focalises sur Birdie qui est à présent toute fraîche. Tu prends la robe sans même la regarder. Trop de mixed feelings cette robe. Le meilleur et le pire. Tu vas la mettre dans un sac poubelle mais tu laisses ça dans un coin de la maison.

Quand tu te glisses enfin dans les draps après ta douche, tu la prends tout contre toi. Tu apprécies la fraicheur de vous deux autant que celle du lit que tu viens de refaire intégralement. Comme si mettre de l’ordre dans les choses que tu peux contrôler t’aidait dans ta tête. Parce que y’a le désordre dans vos têtes blondes à tous les deux et ça, ça ne changera jamais. Ce soir, cette nuit, tout ça, ça n’a rien de réel. Tu as du mal à réaliser. Tu respires l’odeur de Birdie en essayant de te focaliser sur elle afin de trouver le sommeil mais tu n’as pas grand espoir de ce côté là. La porte de ta chambre qui s’ouvre un peu plus grand - car elle était déjà entrouverte - c’est ta tante qui vient d’entrer. «  Je viens d’avoir une de tes soeurs au téléphone Birdie, elle viendra te chercher demain. » Tout le monde a dû passer sa nuit au téléphone pour tenter d’avoir des nouvelle d’untel ou untel. Tu dois avouer que tu n’as pas cherché à comprendre quoi que ce soit extérieur à Birdie tant qu’elle est avec toi, tu t’en fous des autres. Mais la nouvelle de la tragédie a du se répandre et la panique des proches aussi. T’es content de savoir que Teresa a réussi à arriver jusqu’aux Cadburry. Tes bras se serrent un peu plus autour de celle qui t’es la plus précieuse.

« I don’t want to leave you alone. » tu es tellement reconnaissante de l’avoir avec toi. Même si pour l’instant, ce n’est pas le sentiment qui domine car tu en as d’autres, à la pelle, bien plus sombre, bien plus sordide, bien plus tortueux. Mais Jordan est si prévenant, si doux, si attentif. Il te laisse réagir, agir, faire, sans te brusquer, sans te forcer, te prenant avec les plus grandes pincettes du monde pour te foutre dans le papier à bulles les plus moelleux et tendres de l’univers. Tu es rassurée de savoir que tu ne seras pas seule mais cela n’empêche pas ton coeur de paniquer à la perspective de s’allonger. De fermer les paupières. De sombrer dans l’obscurité. Tu as vu ce que ça a fait tout à l’heure.

Tu appréhendes quand Jordan prend sa douche. Tu as l’attention rivée au sol, absente. Tu n’oses pas aller dans sa chambre sans lui dedans. Alors tu restes dans le salon. Cela t’arrange ; tu n’es pas non plus toute seule. La tante de Jordan veille sur toi. Tu la sens de loin mais ça ne te dérange pas. Tu as semi conscience qu’elle se démène pour contacter ta famille. Ton cerveau ne fonctionne plus, il est traumatisé. Tu es perdue dans le vague, tes doigts gratouillant nerveusement ta peau jusqu’à ce qu’elle devienne rouge. Tes dents se chevauchant et se crispant entre elles. Tout te paraît irréel.

Par contre, le corps de Jordan contre toi est très réel. Tu te plaques contre lui, ton museau contre son cou pour respirer l’odeur de son gel douche. Tes pieds contre ses jambes, ta main contre lui, tu fermes les yeux mais non sans stress. Tu te raccroches à Jordan. Ton pilier. Ton socle. Comme si lui aussi va disparaitre. Tu veux pas le perdre. Tu tiens à lui. « Je viens d’avoir une de tes soeurs au téléphone Birdie, elle viendra te chercher demain. » mais personne n’a sommeil malgré la bonne volonté (non). Tu hoches silencieusement la tête, tes paupières s’ouvrant de nouveau pour regarder le tee shirt de Jordan. Tu déglutis et tu réussis à sortir un léger “merci” alors que t’es même pas sûre qu’elle ait pu l’entendre. Elimbah, la maison, ta famille… Oui mais ça veut dire laisser Jordan et si, et si quelque chose lui arrive à lui ? “Tu voudras pas venir avec moi ?” que tu chuchotes au grand blond sans même réfléchir. Tu ne réfléchis même pas, tu ne réagis qu’à l’instinct. Celui de vouloir protéger Jordan. Comme si c’est de ta faute ce qui est arrivé à Rebecca. Ta punition.

Tu avais peur que la tragédie qui a suivit votre premier l’éloigne de toi mais vu vos corps étroitement enlacés encore maintenant tu sais que ça ne sera pas le cas. Tu n’oses pas l’embrasser de nouveau malgré tout car aucun de vous deux n’a la tête à faire ça. Vous êtes perturbés par les évènements à juste titre. La tristesse et le désarroi dans le regard de Birdie te brise le coeur à toutes les secondes et tu ne veux pas la laisser seule. Jamais. Même si tu sais que ça viendra bien à un moment. Le lendemain quand une de ses soeurs va venir la chercher. “merci” Ta tante vous laisse après avoir donné l’information qui est rassurante malgré tout.

Tu remontes la couverture sur Birdie. “Tu voudras pas venir avec moi ?” Tu ne t’attendais pas à une telle proposition. « Si ma tante est d’accord je viens… » Tu n’as pas envie de la laisser et tu n’as aucune idée de combien de temps elle te propose de venir. Tu sais juste qu’elle habite loin Birdie et qu’il faudra que tu trouves un moyen pour revenir jusqu’ici. Tu te doutes que ta tante pourra éventuellement faire le trajet car elle va très bien comprendre que tout ça c’est très traumatique et que tu veux être avec Birdie. Elle voudra aussi être sûr que tu es en sécurité et tu doutes qu’elle te laisse faire du stop dans la banlieue lointaine de Brisbane. « Moi je veux venir. » Que tu ajoutes au cas où tu n’avais pas été assez clair juste avant. Tu ne mets pas la décision sur le dos de ta tante, c’est juste qu’elle aussi a sûrement envie que tu restes en sécurité près d’elle. « Demain ? » Parce que la vérité c’est que t’es même pas sûr de quand. Sa question avait l’air générale. Tu as quand même un emploi au diner même si tu ne travailles pas avant mardi prochain.

« Si ma tante est d’accord je viens… » tes yeux le regardent avec un étonnement certain parce que tu ne t’attendais pas qu’il dise oui. Tu habites loin, en dehors de la ville, Jordan le sait. Il aurait pu montrer des réticences ou juste même ne pas avoir envie de t’avoir dans les pattes alors que tu vas être un petit boulet ambulant sur patte. Tant pis. Ou plutôt tant mieux, au vu de sa réponse. Tu ne vas pas être d’une compagnie très agréable. Mais la sienne apaise un peu tes maux. Lui a vu ce que tu as vu. Lui te comprend. Lui et lui seul peut partager ce traumatisme. Même si c’est toi qui as perdu une amie chère. Tu ne t’en remettras pas de sitôt. Ta famille ne va pas te brusquer, tu le sais. Mais c’est Jordan que tu veux. « Moi je veux venir. » l’entendre dire ça t’apaise tellement. Ton museau se plaque un peu plus contre lui alors que tu es submergée par la gratitude. Qui aurait pensé que vous en seriez là ? Vous devriez en train de partager vos salives à cet instant précis, à vous moquer des tenues des autres au bal, à vous agacer de la présence même d’Iris.

Mais à la place, tu n’es qu’un petit tas larmoyant dans les bras du grand blond, avec aucune volonté de t’en défaire. Mais pas pour les raisons espérées en premier lieu. « Demain ? » tu hoches la tête. “Le week-end entier.” que tu affirmes. Tu relèves ton visage vers le sien, tes prunelles lorgnant ses lippes pendant quelques secondes avant de récupérer les siennes. “I feel safe with you.” que tu murmures doucement alors que ta main monte contre sa nuque que tu caresses doucement. Jordan est la meilleure distraction que tu puisses avoir. Tu te sens complètement vidée et épuisée, tu espères que ton état comateux va t’emporter dans le sommeil le plus profond et le plus lourd le plus rapidement possible. Tu n’imagines pas encore quand Jordan devrait te laisser. Tu ne préfères pas y penser. Au contraire, tu te serres encore plus contre lui si c’est possible, ton nez de nouveau contre son cou. Te faire minuscule pour réduire ta peine, c’est beau sur papier mais pas très faisable en réalité.

Elle demande, tu dis oui, et t’a l’impression d’être la huitième merveille du monde au travers de ses yeux. Is that alright? Tu sais pas si y’a quelque chose qui va pas ou quoi. Tu t’attends à à peu près n’importe quelle réaction de sa part et là, tu as peur qu’elle finisse par éclaté en sanglots. Tu imagines le pire de nouveau oui. Car tu sais que ça va revenir encore et encore, par vagues. Tout comme tu entends le cri strident encore et encore dans ta tête à des moments les plus improbables depuis que vous avez quitté l’enceinte du lycée. Tu confirmes un peu mieux tes propos et elle se rapproche de toi, tu la serres doucement. Tant qu’elle pleure pas, c’est une victoire.

Elle confirme demain. “Le week-end entier.” Et même plus encore. Oh. Tes yeux dans les siens, elle a l’air si minuscule dans tes bras. Tu as ses mots qui se répètent dans ta tête. Le weekend entier. Va falloir que tu vois avec ta tante. Tu vois qu’elle baisse les yeux mais tu comprends pas que c’est pour observer tes lèvres. “I feel safe with you.” Ton coeur qui s’emballe de l’entendre autant que de la sentir se rapprocher encore plus de toi. Tu aurais été l’embrasser si elle n’avait pas filé mettre son nez dans ton cou. A la place, tu embrasses ses cheveux. Doucement. Tu ne sais pas quoi lui répondre même si y’a trois mots qui sont pas loin dans ta tête. I love you. Mais ça n’a rien à voir avec le sujet. Y’a rien qui va pour que tu lui dises ça maintenant. Tu sais même pas toi même pourquoi tu penses ces mots là, tu n’es même pas sûr que ce soit le cas. Tu doutes de toi, tu veux pas la faire sourire et tu as peur. C’est surtout ça la vérité. Tu as peur que ça se finisse aussi mal qu’avec les autres personnes avec qui tu as eu des relations dans ta vie. Tu as beau ne plus être sous le même toit que ton père, celui qui était la source de tous tes problèmes, tu es très marqué, traumatisé par tes relations précédentes. « I’ll talk with my aunt… I’m sure it will be fine. » Que tu murmures. Car toi aussi tu veux la garder en sécurité et apaisé son âme autant que tu le peux. Si elle a besoin de toi, tu seras là. I love her.