Birdie a eu le temps d’avancer dans son programme de trucs à regarder. Non satisfaite de faire celle d’Heather, voilà qu’elle complète aussi celle de Penny et cela pour simple et bonne raison que c’est celle qui va partager une semaine avec un autre blond à des kilomètres d’ici et que Birdie est toujours naturellement curieuse. Elle revient d’Elimbah où elle s’y est prélassée pendant des jours, juste quelques temps pour pouvoir bingewatcher tranquillement, naviguant entre une série Disney et une sitcom australienne ; ce n’est pas tant pour l’histoire mais autant dire que Penny est très jolie et qu’Heather est absolument hilarante - autant dire que ça aide à la voir moins comme la demoiselle maniérée qu’elle peut être. Kimberley. Elle aurait dû kidnapper l’araignée de Malachi pour lui montrer comment sa maman se dandine pour une entreprise à la tête de souris. Elle a mangé son poids en chips et en bonbons, elle a bu bien trop de coca et autres pepsi, lui donnant l’énergie nécessaire pour défier les lois de l’horloge, la rendant plus énergique (hystérique) que jamais. Birdie en a profité pour contacter Jordan, évidemment, entre deux épisodes, pour qu’il soit fier (ou pas, qu’importe, elle le fait quand même) qu’elle s’intéresse à son entourage, sans excuse valable de l’appeler à part celle d’en avoir l’envie. Elle est insupportable, la gamine, quand elle est comme ça, et cette fois, elle était Elimbah seule ; pas de soeur, pas d’Heather, personne et elle a pu sauter, crier, danser, rire autant qu’elle voulait.

Alors forcément, quand elle revient à Brisbane, elle s’ennuie. La villa de Mason est sympa mais c’est si terne. Y a pas de forêt, y a pas de verdure, ce n’est pas chez elle et elle fronce du nez car elle n’a plus sa marque sur le cou, la chemise piquée commence à ne plus sentir son odeur et elle a failli songer à aller chez lui avant de se rappeler qu’elle ne peut pas. Alors, alors, alors, si elle n’a pas Jordan à emmerder, elle ira voir une autre blonde - diantre, y a beaucoup trop de blonds dans ton entourage, ma grande. Voilà bien longtemps qu’elle n’a pas vu Heather (d’accord, ça remonte à simplement quelques semaines mais quand même) alors elle est persuadée qu’elle sera ravie de la voir. La voilà donc qui tambourine contre la porte de façon agaçante. “Heather Heather Heather!” au bout de trois fois, elle devrait apparaître non ? bingo! La porte s’ouvre, Birdie sourit et elle enlace son amie. “Heather!” pour quelqu’un qui a travaillé toute la nuit, elle est d’une énergie incroyable en cette après-midi. “Je m’ennuyais donc je me disais que tu voudrais bien voir quelques épisodes d’une série australienne que je regarde en ce moment. Y a une actrice dedans qui m’intéresse. Et non, c’est pas toi, désolée de te décevoir. C’est un sitcom donc c’est un peu niais et ça a souvent pas de sens mais bon, ça peut être drôle.” car le romantisme, elle s’en fout, Birdie - à part quand ça vient de lui - seules les jambes de Penny rendent la chose intéressante. Elle s’invite chez son amie comme à l’accoutumée, c’est-à-dire qu’elle est la bienvenue, qu’il n’y a rien qui dérange et qu’Heather ne faisait rien d’exceptionnel avant qu’elle arrive. “Penny Stringer, tu connais ?” qu’elle demande en ouvrant le frigo en quête d’un truc à boire. Après tout, le monde d’Hollywood est minuscule, non ?

@Heather Harris

“Birdie ? Qu’est-ce que tu fais là ?” Heather demande et Birdie répond, pleinement perdue dans ses explications pas si rocambolesques que ça, une proposition innocente, amicale et pleine de bonne volonté, accumulée à une énergie incroyable car elle est en forme, la pétillante blonde. Débordante d’un surplus de quelque chose, ou alors ne serait-ce là qu’une façon de camoufler l’attente tangible qui la hante depuis des jours, le décompte se réduisant au fil des jours mais le but final étant pour l’instant toujours encore plus loin à chaque fois - ce qui n’est pas foutrement logique. D’habitude, ce qui n’est pas logique a du sens pour la Cadburn mais pas dans une telle situation. Ce qui n’a pas de sens est la sensation que sa carcasse se languit, qu’il est juste dans l’expectation, qu’il n’est qu’une virgule perdue au milieu d’une phrase dans l’attente de pouvoir reprendre le cours de son existence. Elle n’est pas habituée, son petit gabarit, à réagir comme ça et ça fait sauter le peu de plomb qu’il peut encore substituer dans son petit cerveau. Alors elle vient voir Heather, elle planifie d’aller faire vérifier que Kimberley va bien, de planifier sa prochaine aventure avec Will. Elle qui a acheté des perles pour faire des breloques, elle n’a pas été d’humeur à les associer ensemble quand elle s’est retrouvée devant ; le choix de venir chez Heather a été plus spontanée que préméditée, clairement. Et visiblement, l’actrice est aussi surprise qu’elle. “Et dans ta réflexion tu t’es peut-être pas dit que j’avais des plans aujourd’hui ou que j’aurais pu être en tournage ? Et puis t’as pas un copain ou un truc comme ça pour faire ce genre de chose ?” Pourquoi elle lui sort ça, Heather ? Qu’est-ce qui lui fait dire ça ? Ce n’est pas- Birdie redresse sa nuque avant de pencher sa tête sur le côté pour voir l’habitante des lieux avec cet air méfiant plaqué au visage. “Si t’avais pas été là, je serai allée voir quelqu’un d’autre.” Rien n’est ancré dans le marbre, après tout, et Birdie est la reine de l’improvisation - la preuve, sa présence ici en est une. Alors elle ne se serait pas laisser abattre si la princesse n’avait pas été dans son royaume. “T’as des plans aujourd’hui ?” Parce que là, à part voir le poulain de Disney habillé dans ses vêtements d’intérieur, autant dire qu’elle ne voit pas quels plans elle peut avoir à part de passer la journée à chiller devant une série.

“Penny Stringer, c’est pas une actrice qui a eu un scandale dernièrement ?” ah. La voilà qui réagit au moins sur ça sous une Birdie soupirant légèrement, son exploration toujours dans le frigo, mettant la main sur des tomates cerises qu’elle pique et la boutique d’ice tea qui traîne. “Yep.” Elle se redresse complètement en fermant la porte du frigo du coude, avalant une tomate d’une main et allant poser la bouteille sur le comptoir de l’autre. “Vous devriez monter un club. Il aurait du succès.” Vu tous les scandales qui s’enchaînent, le monde hollywoodien aurait de quoi attirer des membres dans un club pareil. “Mais il faut que tu vois ses jambes, ma princesse des coquelicots. Crois-moi que t’oublieras tous les scandales après ça.” Elle ouvre tous les placards pour trouver celui des verres. “Ou tu voudras en créer un.” Birdie tourne la tête vers Heather pour lui glisser un clin d’oeil appuyé, le sourire aux lèvres. Elle est à peu près certaine qu’elle peut embarquer son amie à baver tranquillement devant un pur produit australien qui n’est pas sa propre forme. Et puis, ça passe bien mieux que de révéler que c’est avec Penny que Jordan va être pendant une semaine et que Birdie veut juste ne pas paraître ignorante quand elle la verra - parce qu’elle la verra, s’ils reviennent ensemble, clairement. “T’en veux ?” qu’elle demande après s’être servie un verre, le gulot de la bouteille s’arrêtant sur le deuxième verre afin de savoir si l’actrice souhaitait se rafraîchir ou non. Elle n’avait pas l’air très sereine, en plus, comme si quelque chose la tracassait. Peut-être qu’elle devrait boire une liqueur plus forte. Qu’importe. Birdie saura bien lui poser la question s’il se révèle qu’il y a effectivement anguille sous roche.

“Oui j’ai ce fichu script à apprendre qui ne veut pas rentrer aujourd’hui et j’ai un shooting photos un peu plus tard dans la journée.” un scrip et un shooting, c’est ce qu’elle a dit ? Oublier la série, oublier les jambes de Penny Stringer, les étoiles plein les yeux de Birdie brillent pour le script et le shooting. Les mots et les tenues. L’histoire et les paillettes. C’est ça qui est grisant. Rien que pour cela, Birdie se verrait bien en tête d’affiche. Elle pourrait gratter une place au soleil d’Hollywood - aussi bien fictivement que réellement. Elle aimerait pouvoir profiter de LA pour perfectionner sa blondeur - oui, juste pour ça, vraiment. “Je peux t’aider. Pour les deux. Tu m’emmènes pour le shooting, s’il te plait ? S’il te plait ? S’il te plaaaait ?” elle insiste, l’insupportable blonde ; mais en même temps, Heather ne pouvait pas en attendre moins venant d’elle alors qu’elle lui vend littéralement des paillettes dans les yeux. “Tu savais que je voulais être scénariste ? Maintenant oui. C’est un script de quoi ?” un rêve lointain, une ambition refoulée parce que l’université l’a rejeté ; une perte pour l’humanité entière qui ne pourra pas profiter de son talent ni de ses idées, il ne faut pas en douter un instant.

“Haha, je ne pense pas que nos scandales soient à mettre dans la même catégorie malheureusement pour elle.” Birdie fronce du nez derrière la porte du frigo ; elle est bien placée pour savoir qu’être touchée sans y être invitée n’est pas la même chose que d’être forcée à faire son coming-out mais l’un dans l’autre, ça reste un viol malgré tout. Mais comme c’est un sujet que la jolie blonde n’aime pas trop aborder et qu’elle préfère éviter, elle ferme ses lippes, ne réplique rien et laisse couler. Même elle a ses propres limites. “Ce n’est pas gentil d’essayer de m’amadouer comme ça Birdie, j’ai du travail !” la dénommée n’en a que faire alors qu’elle ferme la porte du frigo avec ce sourire malicieux. “C’est vraiment trop facile de te distraire, il faut dire.” une paire de jambes et voilà la grande actrice qui délaisse ses obligations pour aller baver avec une amie qui n’a pas fini de trouver toutes les failles dans le système. “Bon d’accord mais juste un ou deux épisodes Bird’ mais après je dois m’y remettre.” winning - Jordan commence à avoir beaucoup trop d’influence. D’autant qu’elle voit Heather manger et accepter le verre ; autant dire que c’est avec une danse de la joie que Birdie lui tend son verre, sourire rayonnant sur les lippes. “Pourquoi tu regardes la porte toutes les cinq secondes ? T’attends quelqu’un ?” la blonde se dirige vers le canapé, pose les tomates et l’ice tea sur la table basse, ainsi que ses pieds déchaussés croisés et attrape la télécommande pour trouver ce qu’elle veut - une série australienne disponible partout, pratique. “Après, je peux vraiment t’aider à répéter. J’ai des talents de comédienne et je suis sûre que ça aide d’avoir un partenaire qui rend la réplique pour réviser.” elle s’adapte en toute circonstance, Birdie, à ne pas en douter.

“Non je ne t’emmènerais pas au shooting avec moi, tu crois que je peux ramener n’importe qui ?” Birdie hausse les sourcils ; elle ne se vexe pas facilement (entendre ici réellement, la plupart du temps n’étant que des écrans de fumée pour agacer la galerie) mais là, Heather tape fort et Heather tape de façon cinglante. Alors la Cadburn est vexée, oui, elle en fronce même les sourcils et elle serait prête à croiser les bras si elle n’était pas occupée à se servir dans la cuisine de celle qu’elle considère comme son amie, celle-là même avec qui elle partage(ait) ses draps mais qui n’est pas digne d’être ramenée à un sordide shooting. “Redescends un peu sur terre, tu ne joues les royales qu’en fiction et tu ne vas pas boire le thé avec la Reine, je te rappelle.” la voix est bourrée de reproches et d’une froideur qui n’est pas commune chez la jolie blonde ; mais tant pis, pour une fois, elle n’en a rien à foutre qu’Heather se vexe ou le prenne mal car c’est elle qui a commencé en premier lieu. “Mais si tu veux tu peux m’aider pour le script oui.” Ouais, j’ai plus trop envie tout d’un coup. Il va falloir s’asseoir sur le peu d’égo que l’australienne possède mais il est clair que cette réflexion passagère et spontanée restera coincée dans son esprit. “J’en suis assez digne, tu crois ?”

“C’est vrai ? Tu sais ça peut toujours se faire. Tu as déjà écrit quelque chose ? C’est le script pour l’épisode que je dois tourner la semaine prochaine mais rien ne veut rentrer aujourd’hui ça m’énerve.” Birdie hausse les épaules, l’air fataliste au possible. “Le monde n’est pas près pour mes idées. J’ai des carnets où je note mes envies passagères mais à part ça…” A vrai dire, ses carnets regorgent d’idées en tout genre, des bouts de trucs et de bidules qu’elle a pensé ici et là. Mais jamais les poser à plat et mettre de l’ordre dans tout ça dans un contexte spécifique ne lui est encore venu à l’esprit. “Je manque de patience pour centraliser tout ça.” Elle a toujours été un peu hyperactive, cela n’étonnera personne. “Mais je regarderai ton script. Ça m'intéresse, je peux y apprendre des choses aussi.” Et ça, on ne peut pas le lui retirer, à Birdie ; son envie de tout savoir sur tout, pour mieux sélectionner ses passions après. Le déclic peut se produire ou la rassurance qu’elle est très bien dans ce qu’elle fait actuellement. Présenter la météo ne lui demande pas beaucoup d’efforts, après tout. “Oui tu es bien placée pour le savoir.” Birdie a un léger sourire qui finit (enfin) par apparaître sur ses lèvres ; oh oui, elle le sait car elles sont toutes les deux pareilles. Aussi faibles l’une que l’autre, même si y en a une qui se détourne de plus en plus du corps voluptueux de l’actrice pour la silhouette plus masculine d’un musicien. “Non non pas du tout, je me demandais si j’allais encore une fois avoir une plainte de ma voisine chiante car tu as tambouriné sur la porte.” Mmh. Si elle le dit. Mais ça lui paraît un peu louche, à Birdie. Soit. Elle laisse couler, prenant la télécommande afin d’aller chercher la chaîne qui rediffuse la série en question. Au moins, ça lui permettra de se remettre de sa petite vexation tantôt.

“Tu sais quoi je suis curieuse de voir tes talents d’actrice. Je me demande si tu es plus douée que Will. Bon la barre à dépasser n’est pas très haute mais oui tu serais parfaite comme partenaire. Je devrais t’avoir plus souvent dans le coin pour ce genre de scène. Par contre quand on aura fini, il faudra que je me prépare pour le reste de ma journée.” Birdie lâche un léger rire. “Pour “ce genre de scènes” ? C’est quoi, comme scène, exactement ? Je me demande s’il faut que je m’inquiète ou pas.” Elle va lui demander de jouer une folle alliée ? Une tueuse en série ? Une sorcière ? Les possibilités sont vagues. “Okay okay okay, j’ai compris, tu me veux pas dans les pattes. Pas même pour un shooting.” Birdie grimace en relachant sa main contre ses cuisses. “Donc on fait quoi ? T’as combien de temps à me consacrer dans ton programme ultra chargé à la minute de seconde près ? Histoire de voir si on a le temps pour un épisode ou si on passe directement au script.” Elle est sympa, là, Birdie, n’est-ce pas ?

c'est l'histoire d'une idiote qui a fait c/c là où il fallait pas

“Allez je mise sur le fait qu’avant 10 ans, tu m’en ai montré un.” Je prends le pari dans ma tête mais je ne signe rien ; il n’est pas question de me prononcer sur quelque chose que je sais d’incertain depuis des années. J’écris pour moi car il n’y a que moi qui semble pouvoir comprendre ; avec un peu de volonté, je pourrai essayer d’y mettre le fond et les formes pour le commun des mortels mais ma motivation retombe à chaque fois comme un soufflé. Je laisse le bénéfice du doute à Heather qui semble voir le verre à moitié rempli, étant plus optimiste que je peux l’être quant à une quelconque ambition en moi. Autant dire que je ne préfère pas protester ; sa foi en moi est jolie, mais je pense me connaître mieux que personne en la matière. Ou alors, c’est parce que je persiste à me vautrer dans ce quotidien que je hais tant que cet état d’esprit ne me quitte pas. Ugh. C’est infernal. Je ne répondrais rien. “Evidemment que si mais parfois il faut bien que tu y mettes un peu du tiens pour me le rappeler.” Elle me brosse de toutes les lames de son peigne pour se faire un peu pardonner et je suis conciliante, je hume légèrement en hochant la tête. “Alors arrête de pester quand je débarque chez toi.” Puisque par définition, c’est ma façon de le lui rappeler, que je suis sa muse adorée.

“Super, tu me diras quel jour tu veux venir.”
“Tu me diras quelles scènes seront les plus intéressantes à voir.”

Si je me déplace, c’est pour voir mon amie dans des positions absurdes, ou se battre à l’épée, monter à cheval ou, le mieux du mieux, aller à un bal. Je pourrai presque me proposer en tant que figurante pour ce dernier cas de figure car enfiler une robe d’époque serait un fantasme absolu. Je suis sûre que je peux rendre ma petite poitrine plus pulpeuse avec un corset bien ajusté. “Oh c’est vrai ? Y’a des vidéos d’un spectacle de fin d’année que je peux voir ?” Elle ne perd pas le nord, la jolie actrice, et elle récolte ma langue contre mon palais pour désapprouver là où elle veut en venir. “Uhuh, même pas en rêve. T’as déjà vu tous les dossiers que t’avais à voir chez moi.” Il ne faut pas non plus abuser ; je ne suis pas sotte pour lui donner toutes les munitions nécessaires qui ne mèneront qu’à se foutre un peu plus de moi à chaque fois. Non, c’est hors de question, j’ai un minimum d’amour propre et de protection envers moi-même, voyez-vous. “Et ces yeux de chat potté ne t’amèneront nulle part avec moi, jeune fille.” Que je rajoute en relevant le menton comme une mère noble que je ne suis pas - je prends même la peine d’imiter l’accent anglais je pense réussi à la perfection alors qu’il est plus pincée qu’il ne le faut. J’aurai essayé.

“Tu sais que c’est l’histoire de cette série la romance entre la reine et la servante ? Après si je te demande de m’aider sur une scène de la saison 2 évidemment que ça va un peu spoil car c’est une scène que personne n’a encore vu. Et puis pourquoi tu as regardé ma série Disney avant celle-là, c’est celle-ci dont je suis la plus fière.” Je fais quand même la moue, sur mes gardes car quand même, je serai très contrariée si c’est un gros spoiler. “Et puis s’il te plait, j’ai vraiment besoin de ton aide, il n’y a pas de grosse révélation et de personnages qui meurent. Juste la servante qui rassure mon perso et un petit bisou.” Je me mords la lèvre ; ce n’est pas tant le souci du spoiler qui a fini par disparaître mais le reste. Rassurée et un petit bisou. Il n’y a pas de petits bisous entre la servante et la reine. Ou alors, je ne les vois pas de la même façon. Est-ce que je suis en train d’appréhender ? Visiblement oui. “On peut s’y mettre ?” J’hoche la tête avant de me risquer à lire le script - au moindre spoiler trop percutant, j’étripe Heather. Juste la servante qui rassure mon perso et un petit bisou. Elle a oublié de préciser qu’il y a les mains qui naviguent, les yeux qui s’accrochent et le baiser, à aucun moment il est précisé que ce n’est qu’un “petit bisou”. Je prends ma respiration en me redressant, bien décidée à mener à bien cette mission. J’ai connu pire. Tout va bien se passer. Je peux me détacher. Ce n’est qu’une répétition. J’aide une amie. Personne (aka Jordan) ne m’en voudra. “Okay okay, on peut y aller. Tu t’es lavée les dents, j’espère ?” Je ne peux pas m’empêcher de lancer une boutade pour me détendre. Pourquoi est-ce que ça me parait aussi compliqué, bordel ?

“Peut-être que si tu apprenais à envoyer un sms avant d’arriver cela me rendrait encore plus heureuse de te voir.” Je n’en suis pas autant persuadée, la remarque sous-entendue que la jolie actrice m’octroie me passant dix lieues au-dessus de ma charmante tête blonde. “Mais où serait l’effet de surprise si je te préviens, mmh ? Avant, les gens passaient à l’improviste chez leurs amis. Il n’y avait pas de sms pour prévenir. Il n’y a rien de fun à prévenir.” Je parle comme si j’avais quarante années de plus que ma jeune amie - ce qui n’est évidemment pas le cas, comme le prouve le cas infime de rides que je refuse de commencer à voir. Je n’ai pas été assez froissée par l’existence pour avoir les plissures et les reliures du visage, de toute façon. Ce qui est bien arrangeant. “Un bal ça t’intéresserait ? ” Je la regarde comme si une troisième tête (et donc une deuxième aussi) venait de pousser à côté de la sienne. Elle se moque de moi ? Est-ce qu’elle me pose vraiment la question ? “Un bal ? Si un bal m’intéresserait ?” Je pourrai presque hurler toute l’air de ma cage thoracique en dansant dans toute la pièce tellement que l’idée m’enchante. Heather pourra le voir dans mes yeux ; je dois y avoir les étoiles et les paillettes qui se chevauchent et éclairent mes prunelles bleutées. “Evidemment qu’un bal m’intéresserait! Ils prennent des figurants, tu crois que je pourrai être figurante ? J’aimerai beaucoup être figurante, je peux même faire ma propre tenue si y a besoin tant qu’on m’apprend à danser comme à l’époque.” Je m’emballe et j’enchéris, comme d’habitude, pour ne pas changer - cela n’arrivera jamais, certains ont essayé mais personne n’y est parvenu. “Cela pourrait être si drôle, Heather, on pourrait s’entraîner toutes les deux!” Rien de tel qu’une nouvelle expérience que je n’ai jamais testé auparavant pour me galvaniser jusqu’au sommet de l’Olympe (rien que ça).

“Booouuuuhhh t’es pas drôle Birdie. Il faudra que je trouve un moyen de recontacter ta sœur pour lui demander.” Je lui tire la langue en guise de réponse tout en redressant le buste, bien décidée à ne pas me laisser avoir aussi facilement. Elle n’a toujours pas le numéro de ma sœur et je ferai preuve de discrétion sur ce sujet aussi longtemps que nécessaire. Je ne suis pas assez sotte pour mettre en relation deux êtres qui peuvent à tout instant révéler toute sorte de dossiers et s’en servir contre moi à mes pauvres dépens. Non pas que j’en ai honte - je n’ai honte de rien, ou presque - mais je n’aime pas qu’on se ligue pour se moquer de moi. “Pas trop mal l’accent anglais même s’il n’est pas parfait. Tu as peut-être été anglaise dans une autre vie.” Je souris légèrement en relevant le petit doigt. “Nous sommes des anglais lointains. Les Australiens sont au service de sa Majesté, après tout.” Enfin, les australiens anglophones. Nous tairons l’histoire de ce cher pays qui a fait baver bien plus d’encre que j’ai de salive pour l’exploiter et l’expliquer en le pointant du doigt. Ce n’est pas le combat d’aujourd’hui, ni même le mien.

“Roooh t’es sérieuse ? C’est pas comme si tu ne m’avais jamais embrassé auparavant.” Je ris légèrement parce qu’Heather ne pouvait que s’attendre à ce que je sorte une connerie pareille, soyons honnête. Une arme bien pratique qui est aussi un joli bouclier pour épargner à mon intérieur la petite pointe de stress qui peut me tirailler à ce moment même. “Je suis désolée Gwen, je n’aurais jamais dû agir comme ça mais j’ai eu peur qu’il nous surprenne.” Oh. La transition est belle, il n’y a pas de doute sur les raisons qui font qu’Heather est actrice. Je la regarde deux secondes, interdite, avant que je secoue la tête, lit mes lignes tout en tentant d’y mettre les formes pour que ça soit plus fluide. Je prends mon rôle très au sérieux - aussi bien celui de cobaye pour s’entraîner que de la servante triste d’avoir été aussi humiliée par sa grâcieuse Reine.

L’air amoureux de l’actrice pourrait faire tomber dans le panneau n’importe qui et je n’ai qu’à peine le temps de cligner des yeux qu’elle s’est vachement rapprochée pour poser ses lèvres sur les miennes. L’automatisme veut que je plonge ma main contre sa nuque, que je laisse mes lippes entreprendre cette danse si familière avant de stopper brutalement. Le goût n’est pas le même, la pression non plus, il y a des mèches longues qui caressent mes phalanges et c’est une odeur féminine qui envahit mes narines. Mes paupières qui commencèrent à se fermer se relèvent brutalement en même temps que je m’écarte de ma partenaire de jeu. Je me décale de quelques centimètres sur le canapé pour remettre une distance raisonnable tout en raclant ma gorge, les yeux sur le script. “Tu m’as l’air de connaître ton texte plutôt bien. Tu veux recommencer une nouvelle fois ou ça te va ? Je suis une bonne partenaire, pas vrai, hein, dis, avoue que je suis plutôt douée.” Ma tentative de détourner l’attention d’Heather est un peu foireuse, je dois bien l’admettre. Mais ce n’est rien face à mon coeur battant à une allure folle avec une sensation âpre dans la bouche ; celle-là même qui me rappelle que l’être que je veux embrasser est à des kilomètres d’ici et que je suis en peine de m’être montrée de la sorte avec Heather. D’autant que je ne suis jamais la dernière pour l’embrasser et plus si affinités. Mais si à la Pride, je refoulais l’air de rien ses petites avances, il est clair que maintenant, ce n’est plus aussi subtile. Je n’y arrive plus, je n’en ai pas envie et cela n’a rien avoir avec le charme d’Heather qui est indéniable ; la faute à des sentiments qui dépassent l’entendement envers un être qui est à des kilomètres d’ici.