(fin mai) “Bon, okay.” Tu te frottes les mains avant de les passer sur ton front pour y balayer les mèches rebelles de ton chignon en crotte sur ton crâne. Il y a des mèches un peu violettes car t’as tenté la coloration maison mais on ne peut pas dire que ce soit à la hauteur de tes attentes tellement que c’est fade. Raphael est arrivé pour constater que l’appartement est petit - non, ça, y’a que Jordan et toi qui le pensent car vous vous étiez bien habitués au confort de la maison de Jordan. Avec chacun son espace, sa pièce, son monde. Là, vous devez tout partager et en trois pas, vous avez fait le tour de l’endroit - t’es un peu dans l’abus, là. L'appartement d'Asher a au moins le luxe de vous donner un peu d'intimité quand même. “C’est un peu le bordel mais je gère.” Un peu parce que ta pièce te servant d’atelier sert aussi de mini studio de fortune à Jordan. C’est surtout ton partenaire qui range tout ce qui peut traîner, rendant la pièce un peu moins bordélique que si ce n’était que ton espace. Mais il y a quand même quelques étoffes ici et là, des boîtes de pins, de boutons, de rubans, de pinces qui trainent un peu partout. Ton mannequin a les morceaux de la robe que tu prépares pour Jordan pour la pride et, ô miracle, Raphael veut que tu fasses la même pour lui. Tu es toute excitée et honorée quand un ami te demande quelque chose d’aussi important - bien plus important que pour un jour de mariage à ton sens. C’est tellement un jour d’acception de soi et des autres, tu es plus que ravie de voir le frêle jeune homme déployer ses ailes.

“Il faut que tu me dises tes couleurs, tes préférences, tes envies. Mon mètre, où est mon mètre ?” Tu attrapes un crayon à papier que tu mets à ton oreille avant de chercher ton carnet. Ridiculement et très inutilement, tu tâtes ta silhouette comme si les deux objets que tu cherches y sont. “AH, te voilà, petit filou!” Que tu t’exclames en attrapant le précieux mètre. “Bon. Il va falloir que je prenne tes mesures alors j’espère que t’es ni chatouilleux ni craignos de la proximité. Enfin, y’aurait rien de mal là-dedans mais je préfère demander avant.” Jordan n’aime pas être touché.e sans avoir été prévenu.e et tu peux comprendre que ça puisse mettre mal à l’aise. Même si Raphael a l’habitude de tes hugs à répétition et de ta main dans ses cheveux pour les foutre en bordel. “T’as une idée de ce que tu veux ?” Que tu demandes tout en le regardant de la tête aux pieds. “Enlève tes chaussures et ta veste, mon caneton sucré, hop hop hop.” Tu vas faire les choses dans les règles de l’art et tout comme il faut. Quand on te plonge dans une création, tu prends la chose avec beaucoup de sérieux. Et le mieux est que ça vient du cœur. Purement et totalement car tu aimes faire plaisir à tes proches.

@raphael elly

Mais quelle idée de venir en vélo, aussi. Raphael n’avait pas prévu les vingt kilomètres sous le soleil de midi. Certes, la température était fort confortable pour un australien moyen, mais Raphael n’est pas un australien moyen. Il est le plus pâle de tous et il a dû hériter d’un gène qui l’empêche de bronzer, parce que ce ne sont que les coups de soleil qui colorent sa peau lorsqu’il passe trop de temps à l’extérieur. Couvert de sueur, il se sent un peu honteux lorsqu’il entre dans le petit mais charmant appartement de Birdie. Elle ne tire pas un mot sur sa coupe défaite, sa chemise fine collée à son torse et ses pantalons dont il a roulé les pattes jusqu’à la hauteur de ses chevilles pour laisser ses jambes respirer un peu. Il est un vrai bordel, mais pas autant que la montagne de tissus, vêtements, boutons et fils en tout genre. “C’est un peu le bordel mais je gère.” Il pouffe d’un petit rire, laissant ses yeux découvrir tout ce bazar hétérochrome. Il lui file déjà des frissons d’impatience et d’excitation. Plus il y a de couleurs et de motifs, plus Raphael se sent à sa place. L’enfant en lui est sur le point d’ouvrir ses cadeaux de Noël. « Merci d’avoir accepté de faire ça. » Il ne pensait pas qu’elle serait aussi enthousiasme à l’idée de lui faire des habits personnalisés pour la pride qui arrivait à grands pas. Raphael voulait surprendre Kai et, s’il savait que ce dernier savait très bien manier la paire de ciseaux et la machine à coudre, il ne souhaitait pas lui imposer plus de travail que nécessaire. Il s’attelait déjà à créer de nouveaux costumes pour Bea, alors Raphael souhaitait lui faire la surprise. Il ne pourra cependant jamais prétendre avoir créé le costume que lui fera Birdie parce que 1) il n’a pas le talent et 2) il vaut mieux pas prendre à César ce qui appartient à César.

“Il faut que tu me dises tes couleurs, tes préférences, tes envies. Mon mètre, où est mon mètre ?” Il aimerait pouvoir lui filer un coup de main mais c’est son bordel à elle ; elle seule sait où trouver ses outils. Raphael ne voudrait pas prendre le risque de casser un projet en déplaçant un morceau de tissu qui ne doit pas être touché. « Eh bien euh… » Qu’il bredouille en se grattant l’arrière du crâne, grimaçant en sentant la texture humide de sa coiffe en bataille. Il sautera dans la douche dès la première occasion. “AH, te voilà, petit filou!” Il lui faudra quelques instants pour s’adapter au niveau d’énergie de Birdie. Il peut y arriver, il peut y arriver… “Bon. Il va falloir que je prenne tes mesures alors j’espère que t’es ni chatouilleux ni craignos de la proximité. Enfin, y’aurait rien de mal là-dedans mais je préfère demander avant.” Pinçant ses lèvres, il l’observe avec un air coupable : « C’est toi qui auras pas envie de me toucher quand tu te rendant compte que les vingt kilomètres de vélo m’ont mis K.O. » C’est une manière comme une autre de lui donner son feu vert. Oui, elle peut le toucher, mais il aura tendance à détourner la tête à chaque fois qu’elle s’approche un peu trop de lui. Il n’aime pas sentir l’aura de quelqu’un près de son visage, comme s’il avait l’impression de le sentir ou de le gouter. “T’as une idée de ce que tu veux ?” La réflexion lui tire une grimace. Il n’avait pas d’idées précises, en vérité. Il comptait sur les talents de Birdie pour savoir ce qui lui irait bien. « Je n’avais rien de trop précis en tête. Je veux quelque chose de coloré, ni trop masculin ni trop féminin, avec beaucoup de violet et de blanc. Et un peu de noir, aussi, mais pas trop, parce que le noir ce n’est pas ma couleur. Ce n’est même pas une couleur, d’ailleurs. » Il se mord la lèvre inférieure : « C’est le drapeau asexuel, en fait. Il y a du gris, aussi, mais je refuse de porter du gris. Il faudra me tuer pour que je porte du gris. » La pire couleur qui existe. La couleur du métal, des zones industrielles et des cheveux des personnes qui ont perdu leur jeunesse. Raphael, il ne veut pas la perdre, sa jeunesse. « Quelle malchance, n’empêche. Parmi tous les drapeaux, je tombe sur le plus gothique. » Il pense à voix haute. « Genre, on est tellement chiant, les asexuels, qu’on hérite du noir, du gris et du blanc. Wow. Bravo l’originalité. » Il en dit peut-être un peu trop et n’en réserve pas assez pour son Ted Talk.  

“Enlève tes chaussures et ta veste, mon caneton sucré, hop hop hop.” Nouvelle grimace : « Attention aux odeurs. » Il devrait vraiment se taire et se mettre à la tâche. Ses chaussures soigneusement retirée (il faut ne pas les salir) ainsi que sa veste (il ne faut pas la froisser), il les entrepose un peu plus loin pour leur libérer l’espace déjà très limité. « Je pensais à une sorte de costume pas formel du tout, très lousse, et genre un nœud papillon, et pour les chaussures, je peux m’arranger, j’en ai cinquante paires. » Ce n’est pas une exagération. Elles occupent un grenier entier. « Et des motifs. Le plus de motifs possible pour faire mal aux yeux des gens. » Il observe Birdie pour s'assurer qu’elle a tout noté les informations, aussi imprécises soient-elles. « Tu crois pouvoir arriver à faire quelque chose de… Mignon, avec tout ça ? C’est pas que je veux plaire mais… Un peu quand même. » Ce n’est pas dans ses habitudes, tiens. Aurait-il quelqu’un à impressionner ?  

« Merci d’avoir accepté de faire ça. » Tu lui fais un vrai petit sourire adorable. “Merci à toi de m’avoir demandé.” T’es toujours très honorée et ravie quand on se tourne vers toi pour utiliser tes talents de couturière créative - sans te vanter mais tu es douée, tu ne fais qu’établir un fait prouver mille fois. On ne t’oublie pas, t’es présente, t’es là et même si certains se font la malle, d’autres restent. Comme Raphael qui a pensé à toi pour une tenue dans la prévision de la Pride et ça, ça rajoute un petit goût encore plus délicieux à sa demande initiale.

« Eh bien euh… » Tu n’attends pas de réponse de sa part car c’était clairement une question rhétorique et il n’y a que toi qui peux retrouver ton bien. Un bordel organisé que Jordan n’a pas rangé depuis longtemps et qui est l’horreur de la femme de ménage qui ne peut pas passer l’aspirateur convenablement si le sol est aussi jonché de babioles et de tissus. « C’est toi qui auras pas envie de me toucher quand tu te rendant compte que les vingt kilomètres de vélo m’ont mis K.O. » T’éclate de rire. “T’inquiètes, la sueur m’a jamais dégoûté.” Que tu lui dis avec un petit clin d'œil - oui, tu fais totalement un sous-entendu lubrique mais venant de toi, personne ne sera choqué. « Je n’avais rien de trop précis en tête. Je veux quelque chose de coloré, ni trop masculin ni trop féminin, avec beaucoup de violet et de blanc. Et un peu de noir, aussi, mais pas trop, parce que le noir ce n’est pas ma couleur. Ce n’est même pas une couleur, d’ailleurs. » Tu prends note mentale en hochant la tête tout en grimaçant quand il parle du noir. “C’est une couleur mais c’est… Triste à en crever.” Tu le répètes à chaque fois qu’on te parle du noir, du beige ou du gris, ces couleurs si ternes qui t’ont fait horreur à ABC notamment. Ce n’est clairement pas une palette de dingue. Cependant, pour que Raphael te mentionne ces couleurs, c’est qu’il y a une raison. « C’est le drapeau asexuel, en fait. Il y a du gris, aussi, mais je refuse de porter du gris. Il faudra me tuer pour que je porte du gris. » Tu te marres doucement. Voilà la raison. “Sauf si j’arrive à en mettre un joli subtilement quelque part.” Ça pourrait être ton défi. « Quelle malchance, n’empêche. Parmi tous les drapeaux, je tombe sur le plus gothique. Genre, on est tellement chiant, les asexuels, qu’on hérite du noir, du gris et du blanc. Wow. Bravo l’originalité. » Tu tapotes son épaule. “Il faut assumer ta partie sombre, mon coquelicot.” Tu as l’expression grave en formulant ça.

« Attention aux odeurs. » Tu balaies la main dans les airs ; ce n’est rien, c’est naturel et il t’en faut plus pour t’abattre. “Au pire du pire, on ouvrira la fenêtre.” Un problème, une solution. Le voir plier ses affaires et les mettre dans un coin avec soin te fait sourire. “On dirait Jordan.” Que tu soulignes comme ça - c’est juste des gens qui préfèrent ranger leurs affaires plutôt que les balancer à travers la pièce en comptant sur les lutins de l’armoire pour les organiser à ta place. « Je pensais à une sorte de costume pas formel du tout, très lousse, et genre un nœud papillon, et pour les chaussures, je peux m’arranger, j’en ai cinquante paires. Et des motifs. Le plus de motifs possible pour faire mal aux yeux des gens. » “Ooh, un nœud papillon! Normalement, je suis pas fan mais ça pourrait bien t’aller.” Tu vas finir par sortir un carnet pour tout noter car tu risques d’oublier ; Raphael a plein d’idées malgré tout, il ne faudrait pas que tu dérives totalement sur autre chose. « Tu crois pouvoir arriver à faire quelque chose de… Mignon, avec tout ça ? C’est pas que je veux plaire mais… Un peu quand même. » Tu relèves la tête de ton carnet avec une rapidité dingue. “Un peu ? Tu veux plaire ? Sérieux ? A qui ?” Pas Kieran j’espère ? Tu te retiens à le dire, ça. Mais Raphael ne peut pas balancer ça sans penser que tu vas laisser coller. Ça serait mal te connaître.

“Merci à toi de m’avoir demandé.” Il n’aurait demandé ce service à personne d’autre, aussi parce que le talent de Birdie est indéniable, aussi parce qu’il arrive à se sentir lui-même en sa compagnie. Son aura est accueillante et sa vibe le détend. Parfois, il oublie qu’il vit dans un corps qui ne lui appartient pas lorsqu’il est en sa compagnie. C’est peut-être cette façon qu’elle a de rire à toutes ses blagues alors qu’il n’est clairement pas un comédien de talent. Leurs maladresses se mélangent et le résultat est pas mal du tout. Seulement dans sa manière de s’assurer qu’elle peut le toucher, il prend conscience qu’elle sait comment s’adapter à des personnes comme lui. Après tout, elle vit avec Jordan, avec qui Raphael partage plusieurs de nombreux atomes crochus. Le cœur de Birdie est tellement gros qu’elle peut y accueillir des dizaines de petites âmes perdues. “T’inquiètes, la sueur m’a jamais dégoûté.” C’est de l’approbation dont il avait besoin pour baisser la fermeture éclair de sa veste multicolore afin d’aider la couturière à prendre les meilleures mesures. Dans tous les cas, il ne lui tapera pas sur les doigts si le produit fini est trop grand puisqu’il a toujours apprécié de se sentir flotter dans ses vêtements. Moins de tissus le touche, moins il se rend compte de la présence de sa peau, ses muscles, sa chair.

Venir ici, c’est une chose. Venir ici avec une idée précise derrière la tête, c’en est une autre. Raphael est spontané. Il ne réfléchit pas avant d’agir. Il se pose des questions après avoir posé l’acte. C’est peut-être de l’impatience ou de l’excitation – un mélange des deux. “C’est une couleur mais c’est… Triste à en crever.” Il se demande si elle pense elle aussi à toutes les fringues de Kieran en disant ça. Ça fait un moment qu’il ne l’a pas vu, lui, et il ne sait pas si Birdie et lui ont gardé contact. De vivre sans cette information ne le dérange pas, même il se permet la vanne : « Kieran on aurait dit qu’il se rendait à un enterrement à tous les jours. » Une autre raison de le sortir de sa tête. Il préfère les journées ensoleillées parce que les averses lui briment le moral.

S’il ne sait pas exactement le genre d’accoutrement qu’il souhaiterait voir les doigts de fée de Birdie créer, il peut la guider vers une palette de couleurs. Celle du drapeau asexuel, même si Raphael en a jamais été fan. “Sauf si j’arrive à en mettre un joli subtilement quelque part.” Il ne cache pas sa grimace. « Si tu arrives à faire ça, je te renomme meilleure styliste en ville. » Un titre fort intéressant, mais qui l’est un peu moins lorsqu’il est attribué par celui qui n’y connait rien en mode et qui se contente de mélanger tous les styles ensemble et de prétendre réinventer la roue. Dans tous les cas, il évite les couleurs qui n’en sont pas selon lui. “Il faut assumer ta partie sombre, mon coquelicot.” Gloussant, il lui jette des éclairs avec les yeux. Sa partie sombre, il essaye de s’en débarrasser. Le combat s’éternise mais il touche presque la couleur du bout des doigts maintenant que son cœur réapprend à battre. « Tu crois que tout le monde en a une, partie sombre ? » Birdie est un petit soleil. Il n’a jamais vu l’ombre qui se détache derrière elle. Elle est la première à laquelle il pense lorsqu’il a besoin de se changer les idées.

Soigneusement, avec la précision religieuse dont il sait faire preuve quand il s’agit de ses affaires personnelles, Raphael défait les lacets avant de retirer ses chaussures, s’assure de bien les ranger à l’intérieur pour qu’ils ne traînent pas au sol. Sa veste hérite du même traitement soigné. “On dirait Jordan.” « Ça s’appelle prendre soin de ses affaires ! » Qu’il affirme, amusé. « Tu ne connais peut-être pas ça, vu le bordel dans l’appart ! » Oh, ce n’est pas un reproche. Elle peut s’organiser comme elle veut mais, lui, il prendra soin de ses chaussures et de sa veste.

C’est l’heure de peindre les idées sur la toile. Raphael prononce à voix haute une liste d’idées qui lui traversent simultanément la tête. Ils devront faire de l’ordre dans tout ça plus tard. “Ooh, un nœud papillon! Normalement, je suis pas fan mais ça pourrait bien t’aller.” La bouche grande ouverte comme un O, il s’offusquerait presque s’il ne respectait pas son opinion. « C’est parce que tu n’as jamais vu quelqu’un qui le portait bien ! » Et, en même temps, il se désigne, se permet aussi de tourner sur lui-même avec la grâce qui caractérise son corps de danseur. C’est le seul moment où il paraît presque adroit, mais il faut dire qu’une personne arrive à le faire sentir de mieux en mieux depuis quelques temps. “Un peu ? Tu veux plaire ? Sérieux ? A qui ?” Se mordant la lèvre inférieure, il pose ses deux coudes sur la table et balance son tronc vers l’avant. Il lorgne Birdie, hésite, mais ses joues roses trahissent son petit secret. « N’en parle pas ! Je te fais confiance hein ! » Il la pointe du doigt, son air sérieux se décomposant rapidement en sourire timide : « J’accompagne quelqu’un à la Pride et je sais qu’il prend tout ça très à cœur, son accoutrement et tout. C’est un vrai roi du style… » Il marque une pause se reprend : « Évidemment il ne t’arrive pas à la cheville… » Hop, petit mensonge blanc pour ne vexer personne. Ils sont tous les deux très talentueux. « Je veux l’impressionner et être à la hauteur de ses attentes. »

« Kieran on aurait dit qu’il se rendait à un enterrement à tous les jours. » Un bref coup d'œil en biais vers Raphael, le tout en masquant la surprise que cette évocation peut te provoquer. T’es en train de chercher quelque chose, ton carnet sûrement afin de noter les envies et les goûts de ton client du jour. Tu as beau l’utiliser assez souvent, tu trouves toujours moyen de le perdre quelque part. Voilà ce qui arrive quand tout est en désordre, te soufflerait Jordan. Ou Maritza. Pas dans la même tonalité. En tout cas, tu pouffes légèrement de rire quand même car ; “C’est clair.” Raphael n’a pas tord. Il est bien placé pour le savoir vu qu’il a vécu avec.

« Si tu arrives à faire ça, je te renomme meilleure styliste en ville. » T’éclate d’un rire franc. “Waw, okay, mais je suis déçue, je croyais que je l’étais déjà!” Tu t’amuses à t’offenser une fois que t’as remis la main sur ton carnet. Autant dire que tu ne cherches pas à être la meilleure styliste de la ville - tu n’as rien d’une styliste, tu t’amuses seulement à coudre des dingueries, c’est tout - autant tu ne dirais pas non à ce qu’on te surnomme ainsi. « Tu crois que tout le monde en a une, partie sombre ? » Tu passes ta langue sur ta lèvre. “Bien sûr. Y en a qui sont juste plus doués pour le cacher que d’autres.” Comme toi par exemple. Tu es très douée pour masquer quand ça ne va pas ; par contre, tu arrives moins à contrôler tes pulsions. Parfois. Souvent ? Tu ne t’en rends pas compte. Mais quand ça concerne tes proches, notamment tes amis comme Raphael, tu fais tout pour ne pas les accabler. Tu es là pour les distraire de leurs propres démons justement. Ce qui peut être stupide et complètement contre productif quand on y pense. Mais tu ne penses pas comme ça, tu veux seulement que l’on passe de bons et d’agréables moments avec toi. Qu’on te désigne comme la fille cool du groupe, avec qui on peut refaire le monde à trois heures du matin sur la plage un joint à la bouche. La vie est déjà assez triste comme ça.

« Ça s’appelle prendre soin de ses affaires ! Tu ne connais peut-être pas ça, vu le bordel dans l’appart ! » “Alors là…” Tu ouvres la bouche en grand, la main sur la poitrine. “C’est bas. Ca vexerait beaucoup Jordan qui met du coeur au rangement.” Car sous ta vigilance à toi, ça serait bien plus bordélique que ça. Il suffisait de voir tes chambres avant. Mais là, ton partenaire limite la casse. Beaucoup.

« C’est parce que tu n’as jamais vu quelqu’un qui le portait bien ! » Ah, tu le vois être semi vexé, tu penses fort à cheh. 1 partout même s’il n’y a pas de compétition. “Exactement. Je compte sur toi!” Que tu lui dis joyeusement en commençant à prendre ses mesures. « N’en parle pas ! Je te fais confiance hein ! » Tu fais le signe du zip contre tes lèvres. T’essaiera de te retenir de le dire à quelqu’un. Promis. « J’accompagne quelqu’un à la Pride et je sais qu’il prend tout ça très à cœur, son accoutrement et tout. C’est un vrai roi du style… » Tu relèves les yeux de ton mètre pour son visage, le sourcil relevé. « Évidemment il ne t’arrive pas à la cheville… » Tu pouffe de rire. Comme si tu le regardais pour ça. Comme si c’était ça l’information la plus cruciale de ses dires. « Je veux l’impressionner et être à la hauteur de ses attentes. » Tu souris largement alors que tu vas derrière lui pour mesurer la largeur. “Très bien. C’est une très très très bonne motivation. Et il s’appelle comment ? Tu l’as rencontré où ? Il fait quoi ? Et surtout…” Tu passes ta tête à côté de son bras pour le regarder. “Est-ce qu’il est gentil ?” C’est le plus important à son sens. Tu as eu (et a toujours) assez sué avec les partenaires de tes amis. Raphaël mérite quelqu’un qui le comprendra, l’acceptera et lui offrira le bonheur du monde.

Bien sûr que Birdie a déjà hérité du titre de meilleure styliste. Ou alors c’est Kai. Ou Birdie. Ou Kai. Le choix est impossible à faire. Ceci dit, s’il associe Kai à Bea, leur poids combiné écrase complètement celui de Birdie. Non seulement Bea sait s’habiller, mais elle peut aussi adapter son attitude en fonction de son look et, ça, c’est une qualité qu’il trouve impressionnante chez elle. En fait, tout chez ce duo l’impressionne. Il a des étoiles dans les yeux juste à penser à eux. « Tu dois encore faire tes preuves. » Que Raphael l’informe avec un sourire brillant et complice. Elle a toutes les chances devant elle, maintenant qu’il l’a choisie pour faire naître ses fantaisies de costume pour la Pride. Malgré tout, il refuse de laisser les couleurs neutres tels que le gris et le noir prendre le dessus sur son habit. S’il n’apprécie pas le thème de son drapeau, il veut au moins profiter du violet à son maximum. “Bien sûr. Y en a qui sont juste plus doués pour le cacher que d’autres.” Son visage se froisse un peu tandis qu’il la dévisage, l’air perplexe. Il n’a jamais vu la partie sombre de Birdie. Il l’a toujours associée à un soleil pétillant. Même, quand elle entrait dans l’appartement de l’enfer, elle arrivait à chasser les nuages gris par sa seule présence. Il aime ses sourires, son positivisme et son énergie, même si parfois il n’arrive pas à la suivre complètement. Elle a de l’énergie pour deux alors ce n’est pas grave. « Elle est où, ta part sombre ? J’ai l’impression que c’est toujours moi qu’il faut consoler et que toi tu n’as besoin de personne. » Ça c’est bien vrai. Il est celui qui accumule tous les problèmes du monde et qui espère que les autres pourront les régler à sa place. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Les graines qu’il a semées finiront toujours par faire pousser un mauvais fruit.  

“C’est bas. Ca vexerait beaucoup Jordan qui met du coeur au rangement.” Il ricane en observant les chaussures de Jordan, bien classées à la porte. En effet, si ce n’était que de lui, les choses seraient différentes. Mais Raphael n’est pas un pro du ménage non plus : il prend seulement soin des choses qui comptent le plus. Ses fringues et ses chaussures. Le reste est plutôt négligé. « Iel me pardonnera ! » Qu’il affirme en battant des cils.  

Le costume. Oui. Concentration. C’est pour ça que Raphael est venu ici. S’ils continuent à évoquer tous les sujets possibles, ils ne finiront jamais à temps. Il ne connait pas l’étendue du travail que nécessite celui d’une styliste mais il se doute qu’il ne récupérera pas son habit avant quelques jours. Maladroit, Raphael énonce la liste des quelques éléments importants qu’il veut retrouver dans l’œuvre finale mais, globalement, il laisse carte blanche à l’artiste. Il lui fait confiance. Elle lui créera quelque chose qui impressionnera Kai ou Bea, en fonction de la personne qui se présente à la Pride. Il n’aurait pas pensé parler d’eux mais il sent une impulsion lui demander de le faire. Il se sent tellement heureux depuis quelques semaines alors autant partager la joie. “Très bien. C’est une très très très bonne motivation. Et il s’appelle comment ? Tu l’as rencontré où ? Il fait quoi ? Et surtout…”  Il hausse un sourcil. “Est-ce qu’il est gentil ?” Timidement, il sourit en hochant de la tête. Ses pommettes virent au rouge. « Oui il l’est. Je l’ai rencontré au bar. Ou plutôt... Il m’a rencontré au bar. » Qu’il explique en passant sa main dans ses cheveux. « Il est venu à moi et m’a bombardé de questions comme si j’étais vraiment intéressant, et il a réussi à me faire croire que c’était le cas. » Toujours à se rabaisser, ce Raphael et son estime personnelle bancale. « Il s’intéresse à moi alors c’est déjà un peu de progrès. » Pour ne pas nommer le précédent élément perturbateur qui lui donnait l’impression d’être mentalement brisé puisqu’il lui accordait de l’importance.  « Il s’appelle Kai, il est biologiste et il vient du Brésil. » Détail important, puisque son pays d’origine lui a donné un teint bronzé parfait et des yeux profonds. « Alors... Imagine-toi écrire “beau brésilien” sur google image, et c’est exactement ça. » Il précise, se mordant le bout de la langue. « Mais il n’est pas... Tu sais, les mecs qui savent qu’ils sont beaux ? Lui, ce n’est pas le cas. Il n'agit pas comme un mec qui plaît naturellement alors il a une vraie personnalité. » Qu’il pouffe, réalisant le ridicule des propos qu’il vient de tenir. Mais Birdie doit comprendre ce qu’il veut dire.      

« Tu dois encore faire tes preuves. » Birdie secoue la tête en souriant. “J’ai pas de preuve à faire, je sais que je suis douée. C’est juste une question de goût ; on aime ou on aime pas.” Elle a cette assurance dont beaucoup manque. Cela peut être vu comme de la prétention mais il n’y a rien de mal à être satisfait de ce que l’on produit. La jeune femme est la première à porter ses créations car on est jamais mieux servi que par soi-même. Elle n’aime pas le prête à portée mais le commun des mortels si ; oui, elle critique mais les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Faire ses preuves n’est pas une nécessité en soi et même en compétition, elle reste bonne joueuse malgré tout. Cela ne l’empêchera pas de dormir, mais elle ne dira jamais non à avoir son égo flatté. Tant que Raphael n’est pas cruel avec elle, tout devrait bien se passer. Mais Elly ne rime pas avec cruauté donc ça devrait aller. « Elle est où, ta part sombre ? J’ai l’impression que c’est toujours moi qu’il faut consoler et que toi tu n’as besoin de personne. » La jeune femme a un léger sourire alors que ses prunelles fixent son ami. “Je fais partie des gens doués pour le cacher.” Qu’elle balance tranquillement alors que la réalité est qu’elle ne veut pas être un poids pour son entourage. Elle camoufle, elle maquille, elle joue des faux semblants parfois car sa priorité reste de faire venir la bonne humeur auprès de ses proches et non ses états d’âme. “Mais moi aussi, j’ai besoin des autres. Bien plus que tu ne pourrais l’imaginer.” Ce n’est pas pour rien qu’elle se permet de venir squatter chez ses amis à l’improviste ici et là - enfin, surtout avant d’être en couple. “Tiens, par exemple… J’aime pas dormir seule ni dans le noir.” Une anecdote qui n’en est pas une car c’est une vraie plaie, une véritable petite angoisse tous les soirs malgré elle.

« Iel me pardonnera ! » Birdie a un léger rire en hochant la tête. “Offre lui du chocolat et ça sera oublié.” C’est une valeur sûre, le chocolat avec Jordan. Et puis, voilà que la conversation dérive sur le potentiel crush de Raphael - qui n’est pas potentiel vu comment ses yeux semblent s’illuminer en parlant de lui. Est-ce qu’elle-même a les mêmes yeux que lui quand elle parle de lui ? Bon dieu que c’est niais. Mais sur son ami, c’est adorable. Tout chez Raphael est adorable de toute façon. Le genre de personnes à mettre dans du papier bulle et dans sa poche pour le protéger du monde entier. « Oui il l’est. Je l’ai rencontré au bar. Ou plutôt... Il m’a rencontré au bar. » Voilà une histoire prometteuse, se dit-elle en souriant légèrement tout en continuant ses mesures qu’elle note au fur et à mesure dans son carnet tout en écoutant le récit de son ami. « Il est venu à moi et m’a bombardé de questions comme si j’étais vraiment intéressant, et il a réussi à me faire croire que c’était le cas. » Birdie pourrait le frapper et au final, il y a bien une petite tape qui tombe sur son épaule avec un petit “tsk” désapprobateur car ses propos envers lui même sont stupides - mais pas surprenantes, malheureusement. « Il s’intéresse à moi alors c’est déjà un peu de progrès. » C’est une bonne chose si c’est le cas. Raphael mérite qu’on s’intéresse à lui. Il a su capter l’attention de la Cadburn par son apparente gaucherie, l’impression de ne pas être à l’aise dans le monde, de vouloir être avalé tout cru par un trou dans le sol. Birdie a connu des moments comme ça mais elle n’a jamais été comme ça ; c’est un contraste incroyable mais c’est pour ça qu’elle aussi, elle le trouve intéressant. En toute amitié. Jamais elle n’a fait du rentre dedans à Raphael, ou alors juste pour rire. Mais elle le voit plus comme quelqu’un qui a besoin qu’on lui tende la main et qu’on le rassure plutôt qu’on le mette mal à l’aise. Et puis, de toute façon, Raphael n’est pas intéressé par La Chose. Elle sait reconnaître un combat perdu d’avance. « Il s’appelle Kai, il est biologiste et il vient du Brésil. Alors... Imagine-toi écrire “beau brésilien” sur google image, et c’est exactement ça. Mais il n’est pas... Tu sais, les mecs qui savent qu’ils sont beaux ? Lui, ce n’est pas le cas. Il n'agit pas comme un mec qui plaît naturellement alors il a une vraie personnalité. » La jeune femme lâche un petit rire face à cette description. “Comment ça, il est brésilien et il n’est pas un goujat ? Je suis profondément choquée.” Qu’elle formule d’un air faussement offensé avant de rire légèrement. Oui, car un mec qui se sent attirant et qui en joue est forcément un goujat - c’est l’expérience qui parle, là. Elle a un peu l’impression d’entendre parler de Jordan, une description qui lui irait bien. “Et bien écoute, j’espère que tu en apprendras encore plus sur sa vraie personnalité avec le temps. Je te le souhaite sincèrement.” Elle mord sa lèvre en relevant une nouvelle mesure avant de se positionner devant lui pour la partie torse. “Et même s’il est beau… Ça ne te fait rien ? Du style, aucun désire ?” Qu’elle demande sincèrement avant de rapidement ajouter. “Je veux pas t’offenser mais j’ai tellement l’habitude de penser plus par mon vagin que par ma tête que ça me semble… Intéressant.” Ou incroyable, Birdie ne sait pas trop quel terme employé. Mais face à la quasi nympho qu’elle peut être, quelqu’un comme Raphael est juste très intriguant. Et comme cela est la première fois où ils peuvent parler librement d’une tierce personne vis à vis de son ami sans faire revenir de la douleur ou de l’amertume, elle se permet. “Et depuis quand tu vas dans les bars, toi ?” Elle réalise subitement, presque offensée. “Tu m’as jamais invité dans un bar.” Ah. Elle ne perd jamais rien pour attendre, celle-là.

“Je fais partie des gens doués pour le cacher.” Ça l’aurait davantage surpris d’entendre le contraire. Birdie est une petite boule de lumière pétillante. Si elle était un sortilège, elle serait un patronus. Raphael lui ferait la remarque, s’il savait ce que c’était qu’un patronus. Hélas, ses connaissances sur la saga dont raffole son amie se limitent aux prénoms des personnages principaux et à quelques spoilers qui lui gâcheraient le visionnement. Genre, la mort d’Albus Dumbledore, peu importe de qui il s’agit. “Mais moi aussi, j’ai besoin des autres. Bien plus que tu ne pourrais l’imaginer.” Le sourire qu’il lui offre est tendre. Il croit que, même s’il y a des gens comme lui qui ont une batterie sociale rapidement drainée, la plupart des êtres humains sont faits pour avoir un peu de compagnie. Ils se ressourcent auprès des autres, trouve un réconfort chez les peines et les bonheurs d’autrui. Ça leur rappelle qu’ils ne sont pas seuls à vivre des sentiments forts qui peuvent parfois donner l’impression de se faire emporter au large par une vague plus robuste que les autres. “Tiens, par exemple… J’aime pas dormir seule ni dans le noir.” Fronçant les sourcils, à défaut de pouvoir bouger davantage son corps, il l’interroge du regard. « Tu as peur des monstres qui s’y cachent ou de l’impression de solitude qu’il fait ressentir ? » Il demande naïvement, se doutant bien que ce ne sont plus les vampires et les loups-garous qui terrorisent ses nuits désormais. Les peurs des enfants paraissent tellement plus légères comparées à celles des adultes. Prendre de la maturité, c’est de réaliser que les monstres imaginaires sont bien le dernier des soucis.

Il pourrait donner à Jordan un chocolat pour se faire pardonner, ou alors il pourrait ne jamais l’informer des reproches qui lui ont été adressés pendant qu’iel n’était pas là. Iel n’a pas besoin de savoir que Raphael remet en doute son sens du rangement. Ce sera leur petit secret, avec Birdie, et ils pourront déguster le chocolat ensemble comme des partenaires de crimes. En attendant, il est question de Kai, le beau chevalier qui est venu à la rescousse de Raphael lorsqu’il en avait le plus besoin, et c’est avec timidité mais enthousiasme qu’il partage à la jeune femme les détails de leur rencontre mémorable. Mémorable, parce que c’était bien la première fois qu’un étranger venait à lui sans passer par quatre chemins. Ils ont été honnêtes dès le début, et c’est bien ce qui a permis à leur relation de fleurir aussi joliment. “Comment ça, il est brésilien et il n’est pas un goujat ? Je suis profondément choquée.” Il se pince les lèvres pour retenir un rire. En effet, « goujat » est le dernier terme qu’il utiliserait pour décrire Kai. Et, si Birdie savait qu’il n’y avait pas seulement Kai, mais Bea aussi, avec laquelle il forme un duo pétillant et hors du commun. Il se plait autant avec l’un qu’avec l’autre. Malheureusement, il ne pourra pas partager les détails sur son plaisir multiplié par deux puisque son ami lui fait confiance pour ne pas divulguer l’information. Et, bien sûr, Raphael respectera sa décision coûte que coûte. “Et bien écoute, j’espère que tu en apprendras encore plus sur sa vraie personnalité avec le temps. Je te le souhaite sincèrement.” Il sourit timidement en la lorgnant tandis qu’elle fait épouser sa bande à mesure et son bras, suspendu à l’horizontale. “Et même s’il est beau… Ça ne te fait rien ? Du style, aucun désire ?” Ce n’est pas la question qu’il s’imaginait entendre. Elle ne le choque pas. Il apprécie la frontalité et puis, de toute façon, entre lui et Birdie il n’y a plus de secrets à ce sujet. Ils se sont mis d’accord sur une chose : ils ne comprendront jamais comment fonctionne le cerveau de l’autre quand vient le temps de songer à la… procréation. “Je veux pas t’offenser mais j’ai tellement l’habitude de penser plus par mon vagin que par ma tête que ça me semble… Intéressant.” Il rit clairement et s’excuse aussitôt de fausser sa prise de mesure. Il relève la tête, redresse le dos, pour qu’elle reprenne à zéro. « Tu ne m’offenses pas. Ça me fait rire. J’ai bien conscience d’être un extraterrestre. » Il sait très bien qu’elle le corrigera parce qu’elle est beaucoup trop gentille. Elle l’interdit de se rabaisser à tout prix, et il se prend souvent des petites tapes sur l’épaule quand il s’insulte – ce qui est plutôt une habitude chez lui, vu le manque de confiance en soi qui l’a accompagné durant toute sa vie. À la fin, il ne pense plus à ce qu’il dit. Ses comparaisons avec les extraterrestres, c’est devenu une formalité. « Non, ça ne me fait rien dans le vagin. » Il pouffe. « Et il est au courant. J’ai voulu qu’il le sache le plus tôt possible et il semblait… O.K. avec l’information. J’avoue qu’une petite voix au fond de moi n’arrête pas de me dire que ça ne le dérange pas car il voit ça comme un défi de plus mais… Je ne pense pas qu’il est comme ça. » Il s’accroche à cette idée, et il espère avoir une bonne surprise. À la fin, c’est une roulette russe, comme toutes les relations qu’il entretiendra dans sa vie. Les précédentes étaient aussi des roulettes russes. Kieran, il était la balle qu’il s’est pris en plein dans le crâne. « Et si j’ai tort, alors on se fera des shots de vodka et je compterai sur toi pour me dire que tous les mecs sont des connards, et que t’as trouvé la seule perle rare de ce monde, puis je te jalouserai encore et encore. » Mélodramatique, cette finalité. Mais digne de Raphael et de son overthinking ravageur.    

“Et depuis quand tu vas dans les bars, toi ?” L’idée lui était venue, comme une envie de pisser. « Oula, on se calme, je ne vais pas dans les bars de type hétéronormatifs et chiants. » Il précise, levant le petit doigt. Ce serait de se jeter dans la gueule du loup. “Tu m’as jamais invité dans un bar.” Il bascule la tête sur le côté. Il n’a jamais invité personne, à vrai dire. Ses sorties au bar de drague avaient toujours été solo. Il avait l’impression qu’il avait besoin de découvrir ce monde seul, mais maintenant qu’il en a exploré les recoins… « Je t’inviterai la prochaine fois, promis. Et on tiendra une liste de tous les gens qui viennent te parler pour te demander ton numéro puis on les notera sur une échelle de 1 à 10. » Elle doit faire fureur dans ce genre d’établissement. La beauté de Birdie est incontestable. Elle a dû en briser, des cœurs.  

« Tu as peur des monstres qui s’y cachent ou de l’impression de solitude qu’il fait ressentir ? » La question est légitime. Tu ne pourrais pas être une de ces créatures mystiques qui ne vivent que de nuit, qu’à la lumière de la lune et qui s’y complaisent. Enfin, tu sais très bien sortir et t’amuser jusqu’au petit matin, ceci dit. Ce qui reviendrait un peu à la même chose qu’être un vampire ? Tu l’ignores. Par contre, la question de Raphael te fait tirer les lippes dans un petit sourire. “Un peu des deux.” Si on considère les démons dans ta tête comme les monstres, en tout cas. Et la solitude… “La solitude est un peu plus facile à canaliser depuis que j’ai Jordan.” Mais pas forcément tout le temps car ton partenaire a un rythme de sommeil tellement léger qu’il y a encore beaucoup de soirs où tu t’endors seule, à ton grand désespoir. Mais les voix dans la tête ont appris que tu réussissais à contrer leurs attaques avec le temps, même si tu as parfois des baisses de défense qui te rendent bien plus vulnérables. Surtout depuis que tu ne prends plus la pilule et que tu subis les joies des cycles avec leurs hormones dont tu avais presque oublié l’existence. “Mais ça reste une lutte quotidienne.” Tu conclus en hochant la tête. Non, tu ne penses pas aux vampires ni aux loups garous en allant te coucher ; malheureusement, tu aimerais. C’était tes préoccupations d’enfant, ça. Et même si tu maintiens l’inverse, tu n’en es plus une.

« Tu ne m’offenses pas. Ça me fait rire. J’ai bien conscience d’être un extraterrestre. » “Mais un gentil extraterrestre.” Que tu soulignes en réponse sans sourciller, ton sourire toujours accroché à tes lèvres. Tu apprécies pouvoir communiquer sur ces sujets là sans offenser. D’autant que tu ne vois pas pourquoi ça le serait sachant que ce sont, au contraire, des sujets intéressants. Loin d’être tabou à tes yeux. Inutile de sortir l’eau bénite et les croix - et pourtant, il y en a qui ont été sacrifiés pour moins que ça. « Non, ça ne me fait rien dans le vagin. » Là, c’est toi qui pouffe de rire car, well, à part si Raphael ne te dit pas tout, tu es persuadée qu’il n’y a pas de vagin entre ses jambes. Mais c’est bien pour ça que c’est amusant ; ton ami se met au niveau de ton expression, c’est adorable. « Et il est au courant. J’ai voulu qu’il le sache le plus tôt possible et il semblait… O.K. avec l’information. J’avoue qu’une petite voix au fond de moi n’arrête pas de me dire que ça ne le dérange pas car il voit ça comme un défi de plus mais… Je ne pense pas qu’il est comme ça. » Un défi de plus… Tu médites deux secondes avant de hocher la tête lentement. Tu es bien placée pour savoir qu’effectivement, Raphael pourrait être vu comme un défi. Comme une sorte de challenge pour le faire craquer et plier à la tentation, comme si son envie inexistante de rapport est juste un banal manque d’envie générale. Mais si Kai est déjà au courant et qu’il continue dans leur relation, c’est que ça ne lui fait pas peur, n’est-ce pas ? « Et si j’ai tort, alors on se fera des shots de vodka et je compterai sur toi pour me dire que tous les mecs sont des connards, et que t’as trouvé la seule perle rare de ce monde, puis je te jalouserai encore et encore. » Là, t’éclate une fois de plus de rire. “Alors la perle rare pour moi mais sûrement pas pour toi. Jordan ne pourrait pas vivre sans sexe.” Que t’avoue sans sourciller ; c’est la réalité, après tout. “Si Kai est au courant et qu’il n’a pas encore fui, c’est une très bonne chose. Après, on ne connait jamais les gens à 100% et ils peuvent décevoir… Ou bien surprendre dans le très bon sens!” L’avenir te prouvera à quel point on ne connaît jamais assez bien une personne. “En tout cas, j’espère que ça avancera de façon positive entre vous. Il faudra que je le rencontre un jour.” Et ça aussi… L’ironie de l’univers qui te fera faire la rencontre du dénommé Kai au camp de survie quelques mois après. Autant dire que tu n’es qu’une bulle d’innocence en ce moment.

« Oula, on se calme, je ne vais pas dans les bars de type hétéronormatifs et chiants. » Tu plisses les yeux. “Mais encore ?” Parce que, du coup, tu es curieuse de savoir où Raphael laisse traîner ses petites pattes quand il se transforme en animal nocturne. « Je t’inviterai la prochaine fois, promis. Et on tiendra une liste de tous les gens qui viennent te parler pour te demander ton numéro puis on les notera sur une échelle de 1 à 10. » T’éclate de rire en tendant la main. “Okay, deal! Je sortirai ma plus belle tenue pour qu’on puisse avoir de quoi critiquer.” Même si tu n’attendras pas d’avoir des numéros pour noter les autres. “Mais je suis quand même très curieuse des bars que tu fréquentes.” Est-ce que tu lui demandes sans lui demander de t’en dire plus ? Totalement. Te voilà en train de te relever pour noter les dernières mesures sur ton carnet. “J’ai presque fini les mesures. Tu voudras quelque chose à boire ?”

Raphael a l’impression que c’est la toute première fois qu’il aborde un sujet qui n’est pas tout rose et tout violet avec Birdie. Ils ont l’habitude de couvrir leurs problèmes de peinture néon, de ne jamais s’enfoncer dans leurs abyssales émotions, alors c’est avec un œil nouveau que le garçon observe son amie tandis que le ton de sa voix est inhabituel. “Un peu des deux.” Il la comprend. C’est un sentiment sur lequel il n’arriverait pas à mettre des mots, et Birdie éprouver la même difficulté. Pour parler de licornes, c’est facile. Quand les licornes prennent plutôt la forme de monstres et de démons, c’est différent. Mais l’atmosphère n’est pas pour autant plus lourde. Raphael commence à apprécier la tristesse de plus en plus. Elle lui en a fait vivre, des choses négatives, mais aujourd’hui il peut la contempler avec un certain détachement, une certaine nostalgie bleue même. Il ne déteste plus les larmes. “La solitude est un peu plus facile à canaliser depuis que j’ai Jordan.” Il se doutait que Jordan jouait un grand rôle. Il n’est pas jaloux de leur relation ; bien sûr qu’il est heureux pour elle. Mais il aimerait pouvoir dire la même chose. Il ne partage sa tristesse avec personne, Raphael, et c’est bien ce qui l’a enterré six pieds sous terre au courant de l’année quand il luttait contre cette dépression qui asséchait de plus en plus sa poitrine. Il n’a jamais consulté, n’a jamais été diagnostiqué, et ne poserait certainement pas ce mot lui-même, mais une part de lui sait que cette mer qu’il a traversée était bien plus farouche que les précédentes. Il en a bouffé, des vagues d’eau salée. “Mais ça reste une lutte quotidienne.” Opinant du chef, il joint un mince sourire au sien, plein d’empathie. Il les sent, ses mots. Sur son épiderme, à la base de son cuir chevelu, contre ses cils qui battent. Plus que jamais il sent une unicité entre ses émotions et celles de Birdie. « Tu sais que tu peux m’appeler si Jor n’est pas là. » Petit silence qui s’étire en une grimace amusée. « Même s’il est toujours là. » Émotionnellement parlant, en tout cas. Il n’est peut-être pas physiquement présent aujourd’hui, mais il se doute que Birdie peut compter sur lui-même si son corps est à l’autre bout du monde.

Il paraît que Raphael tente aussi de trouver son Jordan. Il n’a pas le même visage, pas la même couleur de cheveux… En fait, ils ne se ressemblent pas du tout, Jordan et Kai, mais tous les deux ont les traits de personnes qui ont assez de vécu pour tout comprendre. Raphael a parfois l’impression qu’il n’a pas besoin de prononcer des mots pour se faire écouter. Comme deux chatons qui ronronnent blottis l’un contre l’autre. Pour le moment, la sexualité différente du bouclé n’a pas été un problème parce qu’il en a parlé dès le premier jour. Cependant, comme toute personne qui doute, Raphael reste à l’affut des futurs obstacles, qu’ils puisent leur source dans son asexualité ou pas. Si lui et Birdie se comprennent sur la maturité, un immense écart s’est formé entre eux à ce sujet. Ça le fait rire, de voir la tête qu’elle tire quand il prétend n’avoir aucun intérêt sexuel et que son vagin ne réagit pas aux stimulus. Encore une fois, il craint de comprendre, par ses réactions, qu’une dimension du couple ne sera jamais satisfaite à ses côtés. Il espère que Kai ne lui a pas menti quand il a affirmé que ça ne le dérangeait pas. Il le saura au fur et à mesure que leur histoire écrit. Si ça doit se terminer, ce sera difficile, certes, mais il sait désormais qu’il peut traverser toutes les épreuves et qu’il s’en sortira toujours plus fort à la fin. “Alors la perle rare pour moi mais sûrement pas pour toi. Jordan ne pourrait pas vivre sans sexe.” Une petite voix s’élève encore dans son oreille. Et si Kai non plus, ne pouvait pas vivre sans sexe ? Pourquoi n’aurait-il pas simplement menti pour se rapprocher de Raphael et faire de lui un défi ? Ces pensées le dérangent, il tente de les chasser en concentrant son attention sur les propos de son amie. “Si Kai est au courant et qu’il n’a pas encore fui, c’est une très bonne chose. Après, on ne connait jamais les gens à 100% et ils peuvent décevoir… Ou bien surprendre dans le très bon sens!” Bon, ça n’aide pas, son discours est pareil à celui qui tourne dans sa tête depuis le jour où Kai lui a commandé le premier verre d’eau… et sa tranche de citron assortie. “En tout cas, j’espère que ça avancera de façon positive entre vous. Il faudra que je le rencontre un jour.” Acquiesçant, il la réconforte : « Oui bien sûr, tu seras l’une des premières. » Et il conclut le sujet d’un énième sourire servant à relativiser.

Birdie semble surpris d’apprendre que Raphael s’est sorti le balai du cul (oups) et sort enfin dans les bars. Il est vrai qu’il a fait de cette nouvelle habitude une activité en solitaire. Il n’y va pas pour boire ou pour socialiser parce que le bar qu’il fréquente est bien spécial ; il offre un éventail de spectacles de drag. Il s’y rend pour s’inspirer et se saupoudrer les yeux d’étoiles. “Mais encore ?” Passant timidement sa main dans ses cheveux, il fait claquer sa langue contre son palet. “Okay, deal! Je sortirai ma plus belle tenue pour qu’on puisse avoir de quoi critiquer. ” Ils se serrent la patte, même si ça oblige Birdie à momentanément lâcher sa bande à mesurer. “Mais je suis quand même très curieuse des bars que tu fréquentes.” Il lâche un couinement : « Je vais dans un bar de drag. Voilà ! Tu sais tout. » Il détourne les yeux de manière dramatique, comme s’il venait d’avouer son plus grand secret – quoique, ça ne doit pas être la plus grande surprise pour Birdie qui est la première spectatrice de ses expériences vestimentaires décousues et excentriques ainsi que de ses tentatives de maquillage parfois maladroites. Il apprend encore, le p’tit. Dans tous les cas, maintenant qu’elle sait, il se doute qu’il n’arrivera plus à se rendre au bar sans l’y inviter au moins une fois.

“J’ai presque fini les mesures. Tu voudras quelque chose à boire ?” Sa bouche s’ouvre en O : « Déjà ? T’es une magicienne ou quoi ? J’ai l’impression que ça fait deux minutes que tu me tripotes. » Le temps est passé bien trop vite. Il n’a pas vu les mesures et les coups de crayon passer. « J’arrive pas à croire que tu ne m’as rien offert plus tôt. Tu es vraiment une hôte de piètre qualité. » Il ironise en battant des cils, sa langue bien dégourdies désormais. « C’était pour te venger du nœuds papillon, c’est ça ? » Qu’il portera à merveille, juste pour lui prouver que c’est mieux que les cravates. « Je prendrais juste un verre d’eau. Je me tiens généralement loin de l’alcool, ça ne se passe jamais comme voulu. » Il devrait sûrement rayer de sa tête cette mésaventure avec lui dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom mais elle lui reviendra toujours en tête avec le goût de l’alcool accompagné de sa décadente motivation mal placée.