(willton #19) a whiter shade of pale.

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Personne ne semblait être en sécurité dans cette ville, c'était du moins les rumeurs qui couraient depuis que les éléments avaient commencé à s'y déchaîner et avaient vu naître un vent de panique parmi la population. Pourtant peu enclin à croire ce genre de choses, James lui-même pressentait qu'un danger rôdait non loin de là et que Brisbane n'était plus tout à fait la même depuis plusieurs jours. Il faut dire que ses propres yeux n'étaient pas près d'oublier ce qu'ils avaient cru voir un peu plus tôt dans la journée, si bien que l'idée qu'un mal ait peut être touché Brisbane lui effleurait peu à peu l'esprit à son tour. Et si tout autour de lui bon nombre de personnes parlaient de se barricader chez eux en attendant que toute cette agitation retombe, lui avait besoin de partager sa découverte avec celui dont il savait qu'il ne le prendrait pas pour un fou – quand bien même Auden n'accorderait pas forcément le plus grand des crédits à ses confessions, il le savait. « C'est complètement dingue ce qui se passe en ville. » Il ne s'était pas annoncé, James, lorsqu'il avait pénétré à l'intérieur de l'atelier de fortune qu'Auden et lui avaient investi après que le plus gros de l'endroit où ils travaillaient jusqu'ici soit parti en fumée avec toute une partie de la ville. Ils n'étaient pas de ceux qui capitulaient facilement, aussi traumatisant ait été de voir toute une partie de leurs créations disparaître. « Et les incendies, les émeutes, c'est pas ça le pire. » Et à en juger par son air sérieux, sans doute que le peintre en déduirait qu'il était loin de plaisanter. Et que ce qu'il s'apprêtait à lui dire, Auden n'avait pas forcément envie de l'entendre.

Alignant quelques pas à travers la pièce, plus agité encore qu'il ne l'était depuis que tout ça avait commencé, James finit par poser ses mains à plat sur la table qui leur servait jusque là à peaufiner des croquis. « Tu te rappelles de ces rumeurs au sujet du cimetière ? De ces gens qui assuraient avoir vu certaines choses et qu'on a pris pour fous ? » Il voyait probablement à quoi il faisait allusion, Auden, tant ces bruits-là avaient couru en ville et valu aux plus sceptiques d'entre eux d'accuser ces personnes-là de colporter des rumeurs pour effrayer tout le monde. Il faut dire que personne n'avait envie de croire que des choses sinistres pouvaient se passer dans cet endroit déjà sujet à bon nombre de superstitions depuis des siècles. « J'ai vu quelque chose, à mon tour. En allant visiter la tombe d'Alessandro. » Et s'il n'arrivait pas encore à mettre des mots dessus, c'est parce que la scène lui avait tout simplement glacé le sang. Qu'il avait d'abord cru avoir rêvé, s'être imaginé des choses parce que son esprit était éprouvé par le chaos en ville. Mais en y repensant, ça ne faisait plus le moindre doute : tout ça était bien réel et quelle que soit l'explication derrière cette terrifiante vision, elle annonçait sans le moindre doute que le pire était devant eux. Et qu'ils avaient tous sous-estimé l'ampleur du danger.

« C'est complètement dingue ce qui se passe en ville. » Je ne commente pas son entrée fracassante et je ne commente pas non plus le fait qu’il entre comme s’il était chez lui. Après tout, il y a un peu de ça. « Et les incendies, les émeutes, c'est pas ça le pire. » - « Le cordonnier ne t’a pas reconnu, c’est ça qui s’est passé ? » Je demande avec humour malgré le caractère pressant des mots de James. Il a toujours eu une tendance dramatique, personne ne pourrait le nier, et je pense que nous sommes à nouveau dans un de ces moments où il en fait beaucoup pour sans doute pas grand chose. Il n’y a rien dans ces mots qui me pousse à relever les yeux vers lui, ni même à lâcher le dessin qui prend forme sous mes yeux et grâce à mon talent.

Néanmoins, mon calme ne semble pas se répandre jusqu’à James, qui semble bien décidé à faire connaître son histoire et, surtout, à ne pas me laisser avancer dans mon projet. « Tu te rappelles de ces rumeurs au sujet du cimetière ? De ces gens qui assuraient avoir vu certaines choses et qu'on a pris pour fous ? » - « Des histoires de bonnes-femmes, tu le sais comme moi. » Elles s’ennuient et ne savent plus comment occuper leurs journées, voilà comment de telles histoires naissent. Elles devraient pourtant avoir de quoi s’occuper, avec leur maison et leurs enfants. « J'ai vu quelque chose, à mon tour. En allant visiter la tombe d'Alessandro. » Et maintenant, il gagne mon attention toute entière alors que je lève enfin mes yeux clairs dans les siens. Maintenant, enfin, je me rends compte que son excitation n’est qu’une forme particulière de peur, ce qui me pousse à donner du crédit à ses mots. Il est livide, comme s’il avait vu un fantôme, et j’anticipe déjà ses mots en me mordant l’intérieur de la lèvre. « Si tu oses me dire que tu l’as vu en chair et en os, James… Je vais aller parler au vendeur d’opium. » Je préviens, avec tout le sérieux dont je puisse être capable. S’il me dit ça, c’est évidemment qu’il est celui dont la tête ne tourne pas rond, et c’est une chose que je ne peux pas accepter. Il fait son deuil depuis bien assez longtemps maintenant, il devrait être capable de tourner la page. « Je n’ai ni le temps ni l’envie de te prendre pour un fou. » Calme toi, s’il te plaît et sois raisonnable. Il n’est pas comme tout le reste du village, et je n’aime pas l’idée qu’il se laisse aller à la même psychose. Il vaut mieux que ça.

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@AUDEN WILLIAMS & JAMES

Le scepticisme d'Auden était aussi flagrant qu'inévitable, James en était conscient dès l'instant où il avait décidé de ne pas garder pour lui ce qu'il avait cru voir au cimetière. Il avait toute confiance en l'italien pour se liguer avec lui contre toute force potentiellement maléfique qui aurait pu prendre possession de la ville, mais pour ça encore fallait-il que le peintre accepte de le croire et ne le fasse pas envoyer chez les fous. « Le cordonnier ne t’a pas reconnu, c’est ça qui s’est passé ? » Exaspéré par la nonchalance dont Auden faisait preuve, il s'entendit souffler d'une voix plus ferme. « C'est pas le moment de faire de l'esprit, idiot. » S'il avait la moindre idée de ce qui se passait vraisemblablement en ville, il abandonnerait l'idée de faire le malin et prendrait toute la situation bien plus au sérieux. A croire qu'ils avaient tort depuis le départ, de prendre toutes ces histoires de fantômes à la légère. « Des histoires de bonnes-femmes, tu le sais comme moi. » - « C'est aussi ce que je croyais, oui. » A présent, il n'était plus sûr de rien et surtout pas que tout ça n'était qu'une vaste invention. Car comment expliquer la vision déroutante qu'il avait eu quelques minutes plus tôt ? Comment expliquer qu'il ne soit vraisemblablement pas le seul ? James refusait de croire que la folie puisse s'être emparée de lui.

« Si tu oses me dire que tu l’as vu en chair et en os, James… Je vais aller parler au vendeur d’opium. » Voilà exactement ce qu'il craignait d'entendre, et ce qui avait bien failli lui faire renoncer à l'idée de mettre le peintre dans la confidence. Seulement il n'avait pas le choix, il ne pouvait pas garder ce qu'il avait vu pour lui. « Je n’ai ni le temps ni l’envie de te prendre pour un fou. » Alors, prenant une inspiration, il chercha ses mots et la meilleure façon de lui décrire sa vision sans qu'Auden ne se braque et se mette à le fuir comme l'un de ces illuminés qu'on voyait en ville. « C'est pas ce que j'ai vu, non. Du moins... je l'ai pas vu, lui. » Et il ne saurait pas dire si c'était une bonne chose ou non, ignorant comment il aurait réagi s'il s'était retrouvé face à la silhouette de son ancien amant, peinant même à s'imaginer à quoi la scène aurait bien pu ressembler. Il n'avait jamais cru aux fantômes, James, mais toute cette histoire le faisait réfléchir. « Mais sa tombe... elle était ouverte quand je suis arrivé. » Entièrement éventrée, pas comme si quelqu'un avait tenté de l'ouvrir et était péniblement parvenu à déplacer la pierre tombale. Non, ce qu'il avait vu était bien plus extrême, sans doute impossible à réaliser par la force d'un seul être humain. « Et on l'avait pas simplement vandalisée, Auden. On aurait dit que quelque chose était venu tout retourner. » Et c'était ça, qui l'avait pris aux tripes et convaincu qu'il s'était passé quelque chose d'anormal. Lorsqu'en s'approchant, il avait découvert sa tombe sans dessus-dessous, la terre partiellement retournée, son cercueil éventré. « Je sais pas si quelqu'un essaie de me faire une mauvaise blague, de jouer sur la panique ambiante pour arriver à ses fins... mais je sais ce que j'ai vu. » Est-ce qu'Auden accepterait de le croire, ou est-ce qu'il le croirait sujet à son tour à une hallucination ? « Et ce que j'ai entendu, aussi. » Des bruits impossibles à décrire, à vous faire froid dans le dos.

Que James me traite d’idiot me donne au moins l’assurance qu’il n’a pas perdu toute sa tête, mais le fait qu’il persiste et signe à me parler de ses histoires de fantôme suffit à ne pas me donner trop d’ambition sur le sujet. « C'est pas ce que j'ai vu, non. Du moins... je l'ai pas vu, lui. » Et si je l’écoute bien plus par dépit que par réelle envie, le résultat n’en reste pas moins le même. Tout en arrêtant ce que j’étais en train de faire, je lui dédie mon regard et mon attention allant avec. « Mais sa tombe... elle était ouverte quand je suis arrivé. » - « Des voleurs ? » Je demande avec souci bien plus que colère (pour le moment) alors que je me montre bien incapable de comprendre comment de tels fumiers peuvent exister, à aller jusqu’à voler ceux qui ne sont plus de ce monde à la recherche d’un bijoux ou d’une dent en or.

« Et on l'avait pas simplement vandalisée, Auden. On aurait dit que quelque chose était venu tout retourner. » Plus que jamais, je me rends compte d’à quel point il se montre particulièrement inquiet du cas qu’il me décrit. C’est sans doute pour cette raison que mes blagues prennent la forme de questions que je veux être terre à terre. « Un animal, peut-être ? Tu connais leur flair. » Et je lui passe les détails, mais la chair en putréfaction est sûrement une effluve qui les attire tout particulièrement. Si c’était un animal, ça pourrait expliquer sans mal l’état de la tombe et le peu de soin pris à la retourner. « Je sais pas si quelqu'un essaie de me faire une mauvaise blague, de jouer sur la panique ambiante pour arriver à ses fins... mais je sais ce que j'ai vu. » Une tombe retournée, donc. Rien d’impossible mais, surtout, rien qui ne sorte particulièrement de l’ordinaire. Certes, ce genre d’affaire n’est pas quotidienne mais pourtant elle n’est sûrement pas la première à se produire. Des tas de gens meurent et des tas d’autres gens sont là pour en profiter à leur tour. « Je suis sûr que ça arrive plus souvent qu’on le croit. » Et que ça arrive même quand la population toute entière ne pense pas qu’il existe des morts revenant à la vie. « Et ce que j'ai entendu, aussi. » Je lis sans mal la peur dans son regard, ce qui est une vision que j’aurais préféré ne jamais connaître. Elle est rare venant de James. Inédite, même, et je ne comprends pas ce qui pourrait à tel point l’effrayer. « Tu veux que j’aille voir ? » S’il n’y a rien, alors il reviendra à la raison et je n’en ferai pas la source de moquerie. Mais s’il y a des traces qui pourraient laisser penser que la tombe a été ouverte de l’intérieur, alors je serai effectivement forcé de revoir mon jugement malgré moi. « Tu peux rester là si tu veux. » L’endroit lui rappelle bien assez de mauvais souvenirs en temps normal.

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@AUDEN WILLIAMS & JAMES

Maintenant qu'il avait gagné l'attention d'Auden, James était prêt à tout pour se faire entendre et pour trouver chez le peintre un soutien dont il avait particulièrement besoin alors qu'il se trouvait encore perturbé par ce qu'il avait cru voir. « Des voleurs ? » Ce ne serait pourtant pas chose aisée que de convaincre Auden que ce qu'il avait vu au cimetière était bel et bien anormal, surtout alors qu'on regardait de travers tous ceux qui osaient sous-entendre que quelque chose était entrain de changer en ville. « J'en sais rien, ça avait pas l'air d'être un acte de vandalisme. C'était comme... autre chose. » Il ne saurait pas vraiment le décrire, encore moins l'expliquer, et c'est pour ça qu'il avait besoin que quelqu'un daigne le croire avant que toute la ville ne soit mise au courant et ne le prenne pour fou. « Un animal, peut-être ? Tu connais leur flair. » - « Non, non. J'ai rien vu qui laisserait penser qu'un animal est responsable de ça. » Ça ne ressemblait pas à un carnage laissé par un animal sauvage, pas plus qu'à une lutte ou l'intervention d'une catastrophe naturelle. Ça ne ressemblait à rien de naturel, justement, de son point de vue. « Je suis sûr que ça arrive plus souvent qu’on le croit. » Finalement, alors que son regard portait la trace d'une frustration de plus en plus évidente, il souffla. « Tu penses vraiment que je sais pas ce que je dis, hein. » Qu'il était fou, ou en tout cas suffisamment surmené pour avoir imaginé que tout ça puisse être l’œuvre de quelque chose de surnaturel.

« Tu veux que j’aille voir ? » Une part de lui savait qu'il le proposait sans doute avec l'espoir qu'ils ne trouveraient rien de probant et que James n'aurait pas d'autre choix que d'abandonner l'idée que quelque chose d'étrange était derrière tout ça, mais peu lui importait. « Si ça peut aider à ce que tu me crois. » C'était tout ce qu'il voulait : qu'Auden lui laisse une chance de lui prouver qu'il n'avait pas exagéré l'ampleur de ce qu'il avait vu et que si tout ça pointait bel et bien dans une direction, c'était dans celle qu'il avait refusé de considérer jusque là : l'idée que des morts puissent bel et bien être revenus à la vie, tels que certains l'avaient laissé entendre. « Tu peux rester là si tu veux. » - « Il vaut mieux que je vienne. Je connais bien les lieux, je saurai dire si quelque chose y est encore différent cette fois-ci. » Si une autre tombe avait été impactée de la même façon ou si quelque chose d'anormal était à nouveau survenu. Ses yeux rivés vers ceux du peintre, James initia un pas dans sa direction au moment d'ajouter. « Si on part maintenant, on peut arriver avant que la nuit tombe. » Auden n'avait pas parlé de se rendre au cimetière dès maintenant, mais lui jugeait que le plus tôt serait le mieux. Après ce qu'il avait vu, trop de questions se bousculaient dans son esprit pour qu'il espère se remettre au travail ou même dormir. « Tu auras le droit de me traiter de fou si j'ai tout inventé. Mais je te promets que je me joue pas de toi. » Et c'était peut être bien sur ça qu'il voulait le plus être cru, au fond : il ne lui mentirait jamais sur quelque chose d'aussi sérieux.

Malgré toutes les explications que tente de me donner James, je ne peux pas me résoudre à l’idée que ce qu’il pense avoir vu est le reflet de la vérité. Je sais qu’il ne me mentirait pas, je sais qu’il n’utiliserait jamais un tel sujet comme d’une excuse à une belle tranche de rigolade, mais je sais aussi qu’il est un artiste autant que je le suis et parfois nous perdons tous deux un peu trop le contact avec la réalité tangible des choses. « Tu penses vraiment que je sais pas ce que je dis, hein. » - « Mets toi à ma place. » Je réponds simplement et sans véhémence. Si les rôles avaient été inversés, je sais qu’il m’aurait donné l’exact même discours, parce qu’il est celui faisant le plus de sens.

« Il vaut mieux que je vienne. Je connais bien les lieux, je saurai dire si quelque chose y est encore différent cette fois-ci. » Je ne cherche pas à lui faire changer d’idée, notamment parce qu’une part de moi est sans doute un brin soulagée de savoir que je ne serai pas seul dans un fichu cimetière. Parce que même si j’ai du mal à croire en la théorie de James, je ne réfute pas l’idée selon laquelle quelque chose de pas net se trame dans cet endroit. « Si on part maintenant, on peut arriver avant que la nuit tombe. » - « Je suis prêt. » Il fait un pas en avant et j’en fais un en arrière, non pour l’éviter mais simplement pour que nous nous rendions le plus rapidement possible sur les lieux. Lui-même ira mieux dès qu’il se sera sorti cette idée de la tête, et ce peu importe selon ce qu’elle est réellement. « Tu auras le droit de me traiter de fou si j'ai tout inventé. Mais je te promets que je me joue pas de toi. » Le traiter de fou n’est pas ce que j’ai envie de faire, si bien que gagner ce petit jeu ne m’intéresse pas le moins du monde. Je veux simplement qu’on retourne à notre travail et à notre vie et qu’il cesse de se tourmenter avec ses démons.

* * *

« On dirait que le cercueil a été ouvert de l’intérieur. » Les dents serrées, je le constate à voix basse, en espérant sans doute que James ne m’entendra pas. Il n’y a aucune marque de pioche sur le cercueil de bois, aucune marque pouvant prouver que le sol a été retourné autour. Pourtant, une chose d’une force phénoménale est passée au travers de plusieurs mètres de terre et d’une tombe scellée comme si de rien n’était. Accroupi autour du lieu, je relève mon regard en direction de celui de James sans savoir ce que je cherche à y déceler. J’ai envie qu’il ait raison autant que j’ai envie qu’il ait tort. « Je… » Je ne comprends pas, je ne sais pas quoi lui dire, je ne sais pas quoi en penser. J’en sais foutrement rien et mes pensées sont catapultées ailleurs à la seconde où un bruit se fait entendre dans les fourrées non loin de nous. « T’as demandé à quelqu’un d’autre de venir ? » Je lui demande soudainement avec un ton quasi-accusateur alors que je sais qu’il n’a pas eu le temps de le faire puisque je suis resté à ses côtés durant tout le trajet. Encore une fois, la vérité est ailleurs.

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@AUDEN WILLIAMS & JAMES

Qu'Auden ne le croit pas l'aurait profondément vexé si les circonstances avaient été différentes et qu'il n'avait pas été conscient que toute cette histoire de cimetière, au fond, ressemblait probablement à un canular. Ce qui le blessait pourtant dans une certaine mesure, c'était qu'il ne semble même pas prêt à accorder le plus petit crédit qui soit à ses affirmations, lui qui savait pourtant que l'imagination du créateur se destinait surtout à son travail. « Mets toi à ma place. » - « Et toi à la mienne. » Ils avaient l'habitude que ce genre de petits jeux viennent pimenter leur relation, seulement habituellement il n'était pas question d'hypothétiques manifestations surnaturelles et à vrai dire, James donnerait n'importe qui pour avoir inventé toute cette histoire. Mais il n'en était rien, et il avait besoin qu'Auden garde l'esprit ouvert. « Crois-moi, j'aurais préféré venir te trouver sous un autre prétexte. » Il aurait à vrai dire préféré pouvoir se remettre au travail ou, mieux encore, pouvoir profiter de sa présence d'une toute autre façon, nettement plus agréable de son point de vue. Mais à cet instant bien précis, l'heure n'était pas vraiment à ce genre de choses. « Je suis prêt. » Ils n'en auraient le cœur net qu'en prenant la direction du cimetière et ainsi, il pourrait montrer à Auden que tout ça n'était pas une invention. Là, il verrait de ses propres yeux.

* * *

Les lieux étaient déserts, sans qu'il sache si c'était tellement pour le rassurer ou non. Une chose est sûre, maintenant qu'ils faisaient tous les deux face à la tombe d'Alessandro, Auden avait tout le loisir de constater qu'il ne lui avait pas menti et que quelque chose s'y était bel et bien passé. « On dirait que le cercueil a été ouvert de l’intérieur. » C'est un soupire, mêlé de soulagement autant que d'une part de dépit, que James laissa filtrer d'entre ses lèvres. « C'est ce que je me suis épuisé à te dire. » Maintenant, au moins, ils étaient deux à pouvoir attester que quelque chose était profondément anormal dans la façon dont cette tombe avait été ouverte. Et ces traces, bon sang que signifiaient-elles réellement ? « C'est pas un animal qui aurait pu faire ça. Pas plus qu'un voleur ou un pilleur de tombes. » Ils savaient sans doute l'un comme l'autre ce qui pourrait être à l'origine d'un tel phénomène, simplement c'était la dernière chose qu'ils avaient envie de considérer il y a encore une poignée de minutes. Son regard croisa celui d'Auden et à ce moment bien précis, il comprit qu'ils étaient aussi perdus et déboussolés l'un que l'autre. « Je… » - « Tu me crois maintenant ? » Ce n'était pas un jeu, ce n'était pas une façon pour lui d'avoir le dernier mot. Il avait juste besoin de se sentir un peu moins seul dans ce qui s'apparentait en premier lieu à de la pure folie.

Mais lorsqu'un bruit retentit brusquement dans les fourrées, James comprit que seuls, Auden et lui ne l'étaient peut être pas non plus. « T’as demandé à quelqu’un d’autre de venir ? » Pourquoi ça lui semblait tout à coup être une très mauvaise idée, d'être revenu dans ce cimetière ? « Non, bien sûr que non. J'en ai parlé qu'à toi. » Il n'avait pas eu le temps ni l'occasion d'en parler à qui que ce soit d'autre, pas plus que l'envie en vérité. Auden était la personne à qui il faisait le plus confiance, et ce depuis toujours, il n'avait donc pas réfléchi un seul instant avant de le mettre dans la confidence. « Le bruit se rapproche, je... » Initier un pas en direction des fourrées pour s'assurer que ça n'était pas juste un animal errant, voilà son intention au départ. Seulement ses plans furent mis à mal lorsqu'une silhouette inquiétante et fantomatique, presque méconnaissable et assurément terrifiante, surgit face à eux. « S'il te plaît, dis-moi que tu le vois toi aussi. » Et qu'il ne se mettait pas à avoir des hallucinations.

« C'est ce que je me suis épuisé à te dire. » - « Non tu m’as pas exactement dit ça. » Je le corrige et je m’emporte sans doute un peu au passage, parce que même si j’aurais encore moins cru en James s’il avait eu de tels mots à mon égard, je pense au moins que j’aurais davantage pu me préparer à ce que j’ai désormais sous les yeux et qui ne fait aucun sens, absolument aucun foutu sens. Il n’y a pas de logique dans l’idée que quelqu’un soit sorti du cercueil. Ce n’est pas même une erreur de diagnostic: le bougre est mort depuis des années déjà. Sa clochette aurait sonné il y a bien longtemps si tel avait été le cas. « C'est pas un animal qui aurait pu faire ça. Pas plus qu'un voleur ou un pilleur de tombes. » Je sais, je sais. Ma mâchoire se contracte sous le coup de la colère mêlée à de la frustration. Rien qui ne soit tourné contre James, mais tout qui se révèle être de la faute de cette énigme impossible. Il y a forcément une raison. Forcément, et je me triture les méninges à essayer de la trouver. « Tu me crois maintenant ? » - « Oui, oui. » Mais au-delà de simplement le croire, je veux surtout comprendre comment une telle chose a pu arriver et, par extension, savoir s’il existe d’autres cas comme celui d’Alessandro.

Lorsqu’un autre bruit de pas se fait entendre, je regrette déjà ma première pensée qui voulait savoir si d’autres de ces choses s’étaient produites. Mon regard paniqué trouve celui de James qui l’est tout autant, ce qui m’informe déjà qu’il comprend tout aussi peu la situation que c’est mon cas. « Le bruit se rapproche, je... S'il te plaît, dis-moi que tu le vois toi aussi. » Mes yeux s’arrondissent à cause de la stupeur que je ressens face à une telle vision. Je chuchote enfin quelques mots. « Je le vois, oui. » Malheureusement.

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