Il est pressé, Rhett. Il respire rapidement, il marche tout aussi rapidement, ses yeux s’ancrent partout et nulle part tant il cherche à emmagasiner les informations sans paradoxalement prendre le temps de donner trop de temps à une seule et unique chose. Il a un seul objectif en tête alors que tout autour de lui son monde s’écroule ; il a une seule chose à faire avant de s’accorder le droit de s’occuper de toutes les autres qui attendent, ensuite. Il veut rester chez lui et se terrer, il veut enfoncer sa tête dans le sol comme une putain d’autruche, mais il est dans un taxi aux vitres teintées en direction de chez Greta, qui habite pourtant à quelques maigres pattés de maison de chez lui. Il ne veut pas être vu dans la rue, il ne veut pas être reconnu non plus. Ce sentiment, il n’avait plus été le sien depuis l’accident, depuis ce moment de sa vie qu’il a passé à se mouvoir dans un putain de fauteuil. Depuis, les choses ont bien changé, mais à la fois trop et pas assez. Certains diraient que Rhett n’est jamais content, ce dernier pourrait répondre qu’il les emmerde.

“Hey Greta, c’est moi.” Il annonce une fois arrivé devant la porte, pressé de rentrer et ne comptant que sur son judas pour qu’elle le reconnaisse effectivement. Elle a beau avoir longuement entendu le son de sa voix, il doute encore qu’elle puisse le deviner à partir de nulle part. “Faut que je te parle d’un truc. C’est assez urgent, ouais.” Elle ne lui a pas demandé, mais il le lui annonce tout de même, tentant de mettre toutes les chances de son côté pour qu’elle lui ouvre la porte alors qu’il devine aisément qu’elle ne veut pas entendre parler de lui ; pas maintenant que le résultat du test de drogue a été rendu public et que sa tête fait la une de toutes les chaînes d’informations en continu pour qui sa personne est du véritable pain béni. Fut un temps, il aurait apprécié toute cette attention. Aujourd’hui, il la craint. “Genre vraiment, en fait. Faut qu’on parle.” Ce n’est pas seulement lui qui veut lui parler: il veut aussi entendre ce qu’elle a à dire sur le sujet, et il veut surtout entendre son opinion sur le livre, sur son avancée, sur sa sortie, sur tout ce que ça signifie pour Rhett et, par extension, pour Greta à son tour que le scandale éclabousse sans qu’elle ne l’ait souhaité, et encore moins vu venir. Rhett ne l’a pas vu venir non plus, mais certains pourraient au moins statuer qu’il l’a mérité, ou cherché. Pour la jeune femme, il n’en est rien, et il espère qu’elle ne prendra pas peur, pas si près du but.

La nouvelle était visible partout. Sur la page d’accueil de son navigateur internet, sur son iPhone et sur les journaux disponibles dans les petits kiosques du quartier. Son téléphone indiquait que Rhett était dans un sacré pétrin et pourtant, le sportif demeurait aux abonnés absents et aucun message ne s’affichait sur son écran d’accueil pour pouvoir la rassurer. Greta en avait vécu des scandales et savait ce que signifiait d’être la proie de rumeurs qui brisaient des carrières parce que le public ne s’encombrait pas de recherches pour connaître la vérité. Alors peut-être que les journaux, certains pourtant réputés, disaient faux. Peut-être que son hyperventilation était exagérée. Peut-être que Sergio n’était pas encore au courant. Greta ne voulait pas croire que Rhett Hartfield, charmant dandy qui rechignait devant une verre de Chardonnay, ait pu rendre un test positif à la drogue. Encore moins que l’ancien rugbyman charismatique ait pu être violent. La blonde avait pris le temps de s’asseoir dans son divan et de se prendre la tête entre les mains pour réfléchir parce qu’elle était impliquée là-dedans, qu’elle le veuille ou non. Ou, du moins, elle le serait si elle décidait de ne pas l’abandonner et c’était bien là tout le dilemme qui pesait sur elle.

Alors qu’elle faisait les cent pas dans son loft en attendant que Rhett daigne lui dire quelque chose, lui laissant le temps de se démêler de tout ça et de d’abord discuter avec ses proches, Greta avait été dérangée par quelqu’un à la porte. “Hey Greta, c’est moi.” Un coup d’œil par le judas l’avait confirmé, il s’agissait bien de Rhett qui avait semble-t-il préféré une discussion en face à face qu’un simple message. Même dans l’adversité, le garçon restait digne et Greta ne s’attendait pas à le voir. Sans se soucier qu’il la trouve en jogging parce qu’il l’avait prise au dépourvu, elle lui avait ouvert la porte et lui avait indiqué d’entrer, sans un mot. “Faut que je te parle d’un truc. C’est assez urgent, ouais.” Un hochement de tête était venu lui confirmer que, oui, elle attendait des explications. “Genre vraiment, en fait. Faut qu’on parle.” L’écrivaine partageait la panique qui était la sienne mais devant son attitude à l’opposée de ce qu’il lui avait montré durant leurs entretiens et son visible désarroi, elle tentait de se ressaisir pour le rassurer et surtout l’écouter. « J’ai vu. Je veux juste que tu me dises si c’est vrai, ou si ce ne sont que des rumeurs. » Bien sûr qu’elle savait, comme le tout Brisbane, ce dont il était venu lui parler alors il pouvait mettre de côté la corvée de lui refaire le discours de ce qui se lisait dans la presse. Le doute persistait chez elle mais l’état de Rhett ne trompait pas, quelque chose de grave se passait. « Je jugerai pas, Rhett. » Et la jeune femme avait accompagné cette dernière phrase d’un regard sincère et la façon dont il avait soutenu son regard lui laissait imaginer la difficulté de la situation dans laquelle il se trouvait. « Assieds-toi, je t’apporte un verre d’eau.  » avait-elle dit, comme si le verre d’eau fraîche qu’elle lui tendait suffirait à apaiser ses maux.

Il pose à peine son regard sur Greta, non pas parce qu’il ne veut pas la regarder, mais bien parce qu’il n’a aucune envie du contraire. Ses traits sont tirés, son sourire absent, et tout charme a foutu le camp. Il est loin de l’homme qu’elle connaît, tout comme il est tout aussi loin de l’homme qu’il est, tout simplement. N’étant plus que l’ombre de lui-même, il ne risque pas de se vanter de quoi que ce soit, surtout alors qu’il vient jusqu’à chez elle uniquement pour lui demander un service. « J’ai vu. Je veux juste que tu me dises si c’est vrai, ou si ce ne sont que des rumeurs. » Il se mord la lèvre, comme le ferait un enfant à qui on viendrait de dire que tout le monde sait que c’est lui qui a ouvert le paquet de bonbons de l’armoire. Rhett ne lui fera pas l’affront de lui demander ce dont elle parle et il n’osera pas non plus exiger d’elle qu’elle précise ses accusations. Peu importe ce qu’elle a exactement entendu, il y a sans nul doute une immense part de vérité, avec un peu d’imagination pour combler les vides. “C’est vrai.” Il avoue donc rapidement, les dents serrés et le pas rapide pour se faire une place au sein de l’appartement, sans avoir à faire face au regard de la jeune femme, qu’il imagine déjà mêler interrogation à consternation. Ils n’avaient pas prévu d’en arriver là, certainement pas.

« Je jugerai pas, Rhett. » Le pas de l’australien s’arrête rapidement alors qu’il est celui qui est le plus intrigué, maintenant. Les sourcils à peine froncés, il remonte son regard en direction du profil de la jeune femme. De toutes les réactions qu’elle aurait pu avoir, ce n’est pas celle à laquelle il s’attendait. Définitivement pas, non. “Pourquoi ?” Elle le connaît au travers de ses confessions ; il aurait pu lui mentir sur toute la ligne. Il aurait pu jouer un rôle, il aurait pu enjoliver une vie qui ne le mérite pas, il aurait pu se faire passer pour un autre pour alléger sa culpabilité. Il aurait pu le faire, et elle aurait été dans son droit de penser qu’il l’a fait. « Assieds-toi, je t’apporte un verre d’eau. » Et, docilement, il obéit sans plus poser de question cette fois-ci. Celle qui pend au bout de sa langue y est toujours, mais Rhett a au moins encore la patience et la politesse pour attendre qu’elle revienne avec le verre en question. Tout en frottant nerveusement ses mains contre son jean, c’est ce qu’il fait. A la seconde où elle entre à nouveau dans son champ de vision, pourtant, il n’y tient plus. Rhett n’a de toute façon jamais été réputé pour une quelconque patience (inexistante). “Est-ce que le livre va tout de même sortir ?” C’est tout ce qu’il veut savoir, au final. Il ne vient pas se présenter pour un procès en bonne et due forme, Rhett, il veut juste savoir si tout le travail va pouvoir être montré, il veut savoir s’il a encore une chance de voir son honneur rétabli et son histoire correctement étudiée. Il veut savoir si son dernier espoir peut encore être qualifié comme tel, tout simplement. “Merci” qu’il souffle tout de même en attrapant le verre et le descendant d’une traite ; parce que l’alcool, ça n’hydrate toujours pas, apparemment.

Elle se rappelait le peu de temps qu’il lui avait fallu pour accepter le projet offert sur un plateau par Rhett. Elle avait pu tenter de donner l’impression d’un agenda chargé en se laissant le temps d’une nuit pour prendre sa décision mais le fait était que tout ça l’avait bien arrangé. Alors peut-être qu’elle aussi avait finalement été aveuglée par le strass et les paillettes qui flottaient autour de Rhett qu’elle avait rencontré dans un contexte parfait et lisse où elle avait juré qu’on ne la reverrait plus. Mais plutôt que de se laisser croire qu’elle avait jugé quelqu’un juste par son nom alors que c’est exactement ce qu’elle fuyait, Greta préférait le croire lui. “C’est vrai.” Bien sûr, l’avancée du livre avait marqué un tournant où Greta avait découvert les démons qui hantaient le sportif. Mais à demi-mots, ses soucis avec la drogue ayant fait l’objet d’une partie finale de l’ouvrage. “Pourquoi ?” Alors son étonnement devait porter sur le second problème auquel il faisait face. « Parce que je suis personne pour juger et parce que je ne t’ai pas demandé de me confirmer si c’était la vérité pour utiliser ça contre toi ensuite. » Et au final Greta restait focalisée sur ce que le garçon lui avait apporté, sans même le savoir, sans s’en rendre compte. Ce quelque chose qui pouvait ressembler aux balbutiements d’une carrière qu’elle n’avait pas encore été capable de lancer dans ce nouveau pays. Ce pied à l’étrier, cette impulsion qui lui permettait de s’imaginer plus loin. « Je dis pas que je cautionne. Au contraire. » Parce que les faits qui lui étaient reprochés et qu’il venait de confirmer n’incluaient pas simplement l’usage de drogue mais également des coups et blessures, d’après ce qu’elle avait pu lire. Greta attendait sa version à lui, comme elle s’était efforcée de lui expliquer avant même qu’ils commencent à coucher sa vie sur papier. Ne pas dépeindre le portrait connu dans la presse, mais raconter qui il était vraiment. « Mais je préfère prendre le temps de comprendre, en fait. » La jeune femme ne savait pas expliquer cette forme de respect qu’elle avait développé pour Rhett, probablement animée par cette confiance en elle dont il avait fait preuve. Il lui était difficile de le condamner avec un dérapage - car cela ne pouvait être qu’un dérapage et non une habitude. Ils ne se connaissaient pas et pour autant Rhett pouvait probablement déjà citer quelques manies de l’auteure dont la plus grave était sa consommation légèrement abusive d’alcool. Et, s’ils avaient eu le temps de creuser un peu plus dans leurs passés respectifs, il aurait lui aussi pu y trouver des choses loin d’être glorieuses. Des choses qu’elle tairait dans sa propre biographie s’il lui venait l’envie de l’écrire.

“Est-ce que le livre va tout de même sortir ?” Et en un claquement de doigt il était venu lui rappeler la nature de leur relation. Alors Greta avait compris, il était là dans ce seul et unique but précis et elle se sentait idiote d’avoir entamé une discussion un peu plus poussée. Malgré tout, c’était l’inquiétude qui primait chez elle et la publication de la biographie avait été mise au second plan. “Merci” avait-il tout de même réussi à dire alors qu’elle aurait pensé qu’il resterait silencieux jusqu’à l’entendre confirmer qu’elle sortirait le livre. Greta avait avancé, Greta tenait à ce projet comme à la prunelle de ses yeux, pourtant, ce n’était pas ce qui avait primé en voyant un Rhett amoché arriver chez elle. « T’es réellement en train de penser au livre là ? » Comme si cette annonce l’étonnait plus encore que les faits énoncés dans les médias. « T’as pas des choses plus urgentes à régler ?  » avait-elle demandé en éludant sa question et en s’asseyant à son tour. Elle répondrait, mais avait peut-être besoin d’un peu plus de temps pour savoir si oui ou non elle déciderait de sortir le livre. Greta n’avait pas pu anticiper que celui dont l’image se dégradait au fur et à mesure des nouveaux articles sur lui puisse encore vouloir publier sa biographie.

« Parce que je suis personne pour juger et parce que je ne t’ai pas demandé de me confirmer si c’était la vérité pour utiliser ça contre toi ensuite. » Elle parle avec objectivité tout en étant menée par la morale et sans doute même l’amitié qu’elle lui porte désormais. Ce sont autant de concepts que Rhett n’applique pas à son quotidien, quand bien même il voudrait certaines fois en être capable. C’est un regard sur le côté qu’il lui décoche en silence, attendant le moment où elle finira invariablement par revenir sur sa première idée et où elle lui dira qu’il n’est qu’un addict et qu’il mériterait de crever seul - ce qui ressemble sans doute plus ou moins à ce que Ruben pense. “Comme si on devait attendre d’avoir un petit badge ‘j’ai le droit de juger’.” Il marmonne et rétorque, amer. Tout le monde juge, tout le temps. Cela fait partie de l’humanité, et il l’a souvent appris à ses dépens durant toute sa carrière, qui rime avec exposition médiatique. « Je dis pas que je cautionne. Au contraire. » C’est pas bien ce que tu fais, Rhett. Il va encore avoir le droit au discours, sûrement, et pourtant il n’a pas le temps de l’entendre. Il sait ce à quoi il ressemble, il sait quel regard ont ses proches lorsqu’ils sont déçus de le voir sombrer à nouveau, déjà, encore - choisissez les termes qui vous plaisent. Lui-même ne cautionne pas, cela n’a même jamais été la question. Il n’agit pas par envie d’emmerder le monde ou de décevoir ses proches, il le fait parce qu’il n’en a pas le choix, et il aurait cru qu’elle le comprendrait, elle aussi, après toutes les confessions qu’il lui a faites en avant-première pour qu’elle les couche au mieux sur papier ensuite. « Mais je préfère prendre le temps de comprendre, en fait. » Il laisse échapper un rire nerveux, et pour cause: les séances de psy-écriture sont terminées. Il n’y a plus rien à expliquer, plus rien qu’il veuille expliquer non plus. Elle connaît déjà le contenu du livre et a une avance sur le reste du monde mais pour le peu qu’il reste de sa vie privée et personnelle, il ne compte pas la dévoiler, et encore moins donner la clé pour expliquer le fonctionnement compliqué de son petit cerveau qui l’est tout autant.

Il revient rapidement à la réalité et, surtout, à la source de sa présence même sur le pas de sa porte: il veut savoir ce qu’il advient du livre. « T’es réellement en train de penser au livre là ? » Il serre les dents mais n’en répond pas moins froidement du tac au tac. “Oui.” Si elle trouve ça déplacé, son frère se fera sûrement un plaisir de s’allier à elle pour mieux lui casser du sucre dans le dos et le traiter d’égoïste, au milieu des noms d’oiseaux. « T’as pas des choses plus urgentes à régler ? » - “T’es devenue ma mère dernièrement ?” Il n’accepte pas qu’elle le prenne de haut, et encore moins qu’elle juge avoir de meilleures idées que lui sur la façon dont il doit mener sa vie. Il n’a rien de plus urgent à faire, il n’a rien à sauver non plus, et pour Greta il n’a qu’une seule et véritable question: qu’en est-il du livre, maintenant ? Ou plus exactement: qu’est-ce que je dois faire pour qu’il sorte coûte que coûte ? “Je suis pas venu chercher des conseils ou des mots doux. Je veux juste savoir si on est d’accord sur le fait que le livre sortira, peu importe ce qu’il se passe à côté.” Il l’aime bien, Greta, mais il ose espérer qu’elle n’est pas en train de prétendre à une place dans sa vie qui n’a jamais été la sienne et qui ne le sera même sûrement jamais. Elle est une amie, mais elle ne recueillera pas ses confessions sur l’état actuel des choses, tout simplement parce qu’il n’en fait jamais.

Sortir la biographie d’une personne au cœur d’un scandale était dangereux pour sa carrière, le livre serait peut-être boudé ou au contraire, acheté par des personnes dont la curiosité malsaine devait être assouvie. Son nom serait également inévitablement associé à tout cela et elle passerait pour un vautour, surfant sur le sujet pour les ventes. Mais les choses avaient changé depuis la rencontre, depuis l’élément déclencheur qui l’avait mené jusqu’à ce dénouement auquel elle était loin de s’attendre. Rhett n’était plus un inconnu et avec tout ce qui avait été dit, Greta le connaissait aujourd’hui peut-être même mieux que certaines personnes de son entourage. Alors en apprenant ce qu’il se passait et en le voyant passer la porte de son loft, Greta s’était concentrée sur toutes les choses positives qui étaient venues noircir les pages d’un livre qui ne laissait en rien penser que Rhett Hartfield était quelqu’un dont il fallait se méfier. “Comme si on devait attendre d’avoir un petit badge ‘j’ai le droit de juger’.” Il était acide et on ne pouvait pas attendre autre chose de quelqu’un qui se retrouvait dans sa situation, alors elle s’était contentée de souffler légèrement pour évacuer un léger pourcentage de toutes les émotions qui grandissaient en elle. “Oui.” Le livre, avant tout, une façon de voir les choses qui la dépassait. “T’es devenue ma mère dernièrement ?” Ses intentions étaient loins d’être mauvaises, Greta n’avait pas pour ambition d’émettre de jugement comme elle l’avait si bien souligné, encore moins de le conseiller. Elle agissait spontanément, comme une amie qui tenterait de chercher à le raisonner mais Rhett lui faisait comprendre que sa place de biographe ne lui octroyait aucune sorte de légitimité. “Je suis pas venu chercher des conseils ou des mots doux. Je veux juste savoir si on est d’accord sur le fait que le livre sortira, peu importe ce qu’il se passe à côté.” « Merci au moins, pour ton honnêteté. » Ses yeux s’étaient levés discrètement au ciel alors qu’elle tentait de ne pas prendre personnellement les accusations d’un homme qui avait radicalement changé depuis leur dernière entrevue, et pour cause.

« Écoute, loin de moi l’idée de m’immiscer dans tes affaires mais que tu le veuilles ou non, ça me concerne, et… Et ça m’embête, de savoir ça. » Il n’en avait que faire de ce qu’elle ressentait et il avait bien raison, mais Greta se devait de lui montrer qu’elle ne se positionnait pas en ennemie dans cette histoire. Il était assis sur son canapé, elle, elle tenait entre ses mains les clés pour lui donner une chance de se racheter aux yeux du monde et de peut-être s’expliquer. Ses soucis d’addiction venant se mêler aux doux yeux d’Evelyn pour terminer sur les faits que l’on retrouvait dans la presse, tout y était. Ce livre permettrait de taire les rumeurs les plus absurdes et de donner une chance à Rhett de pouvoir reprendre une vie plus sereine après qu’il se soit soigné. « Mais non, je te laisserais pas tomber. Il est peut-être même encore temps de modifier, d’ajouter, quoique ce soit qui puisse aider à faire taire les rumeurs. » Greta pensait finalement bien plus à lui qu’à elle, acceptant son attitude sans broncher, pouvant difficilement se vexer pour un ton un peu trop acerbe venant de quelqu’un dans sa position.

« Écoute, loin de moi l’idée de m’immiscer dans tes affaires mais que tu le veuilles ou non, ça me concerne, et… Et ça m’embête, de savoir ça. » Ça ne la concerne absolument pas, il continuera de le penser autant qu’elle continuera sûrement de statuer le contraire. Le livre est écrit, c’est tout ce qu’il y a à savoir. Il est écrit, il est en cours d’impression, et tout ce à quoi elle pourrait peut-être servir encore, c’est faire des plateaux télés à ses côtés. Mais pour l’heure, c’est Rhett qui refuse toutes les invitations, certain qu’il serait incapable de se tenir. Il en est autant certain que le fait qu’il veuille éviter d’avoir un nouveau scandale sur le dos. Un de plus, et l’opinion du public le désavouerait sûrement. L’Australie aime les rebelles, mais jamais trop quand même. Il veut bien croire que ça l’embête et qu’elle se fasse du souci, mais pour ça il existe déjà une liste d’attente longue comme le bras. « Mais non, je te laisserais pas tomber. Il est peut-être même encore temps de modifier, d’ajouter, quoique ce soit qui puisse aider à faire taire les rumeurs. » Le rire de Rhett est bas et faux. “Ce ne sont pas des rumeurs. C’est la vérité.” Et même s’ils pourraient tout de même faire taire la vérité, avec la bonne équipe de communication, ce n’est pas ce que Rhett cherche à entreprendre. Le reste des indices se retrouveront dans le livre et, avec un peu de chance, une lecture partielle de ce dernier (à savoir uniquement ce qui sera retiré de son contexte et affiché en grand sur les écrans de télévision des journaux du pays) suffira à ce qu’il gagne la sympathie et l’empathie du public. Il a eu un accident de voiture, il s’est senti défaillir après la mort de son frère, il a du mal à tenir le cap. Plus qu’à choisir qui l’incarnera à l’écran pour une adaptation cinéma.

“Ecoute, je sais pas quelle chaîne t’a écouté exactement, mais dans l’ensemble c’est la vérité.” Il désavoue complètement ceux qui sont allés jusqu’à dire qu’il se droguait du temps de ses exploits sportifs, ce qui est une pure connerie, mais du reste ils n’ont pas eu à inventer grand chose pour être appâtant. “Ça va attirer la curiosité du public, et ils achèteront le livre. C’est tout ce que tu dois retenir.” Il annonce, comme s’il allait lui apprendre son travail. Le livre va faire un carton, il va se vendre à une échelle incroyable, bien plus haut que tout ce qui aurait pu être imaginé. C’est tout ce qui importe. Les chiffres. Et Rhett, lui, il retrouvera bien un travail, on l’embauchera comme chroniqueur quelque part, et après un temps il pourra prétendre retourner à ABC en disant avoir été en cure ou n’importe quelle autre connerie du genre - non, bien sûr qu’il n’ira pas dans un tel endroit. “J’avais rien prévu de tout ça, ok ? Mais maintenant que c’est là, autant en profiter.” Ce n’est pas parce qu’il est au fond du trou qu’il ne peut pas profiter pour y chercher un peu d’or.

Il y avait peut-être une partie d’elle qui se refusait à un nouvel échec et c’était sans doute cette crainte de ne pas voir le projet aboutir qui la poussait à comprendre, accepter, continuer. Cette biographie, elle en avait parlé à plusieurs personnes, sortant toujours cette carte lorsque ses proches lui demandaient comment se passait l’écriture. J’écris la biographie de Rhett Hartfield sonnait toujours bien mieux que le néant. L’attitude de Rhett ne donnait aucune envie de se battre et plutôt de tout abandonner mais pourtant, Greta se sentait piégée par sa propre conscience qui lui interdisait de renoncer à ce qui pourrait être le déclencheur de bien d’autres projets. “Ce ne sont pas des rumeurs. C’est la vérité.” Il se répétait et cette façon qu’il avait de lui parler comme si elle était une gamine lui faisait lever les yeux au ciel parce que c’était la seule chose qu’elle pouvait s’autoriser, incapable de répondre au garçon, comme s’il s’agissait de son patron. “Ecoute, je sais pas quelle chaîne t’a écouté exactement, mais dans l’ensemble c’est la vérité.” Des raisons de s’énerver, Greta en avait plusieurs et elle réussissait avec brio à ne pas ajouter cette rencontre à la liste.  « Je sais, que c’est vrai, tu me l’as dit. Mais tu sais que ça peut être amplifié, que si la vraie histoire ne vient pas de toi elle pourra venir de n’importe qui et paraître encore pire » Difficile de faire pire que le passage à tabac en public de deux hommes et l’abus d’anti-douleurs. Mais les médias trouvaient toujours un moyen. Secouant la tête alors qu’elle essayait encore de lui expliquer ce que ses mots tentaient de lui dire alors qu’il n’en avait que faire, elle l’avait laissé reprendre la parole. “Ça va attirer la curiosité du public, et ils achèteront le livre. C’est tout ce que tu dois retenir.” La leçon de morale durait et Greta se contentait d'acquiescer. Sur ce point, il avait raison, mais sa réputation à elle, qu’en serait-il ?  

“J’avais rien prévu de tout ça, ok ? Mais maintenant que c’est là, autant en profiter.” Elle avait haussé les épaules, ne pouvant lui reprocher de rester pragmatique. Cette conversation avait au moins le don de dédramatiser la situation. « Je pense que tout le monde n’aurait pas vu les choses comme ça. » avait-elle commencé, agacée de devoir se justifier alors que, dans sa situation, la plupart des personnes aurait préféré disparaître plutôt que de s’associer à une blonde croisée par hasard pour sortir son histoire dans un livre dont la couverture était fièrement ornée de la plus belle de ses photos. Encore un point qui faisait de Rhett quelqu’un d’imprévisible et de différent et cela parviendrait peut-être à booster les ventes. « Donc si tu prends les choses ainsi, tant mieux, je gérerai les retombées de mon côté. Mais le livre sortira, à la date nommée. » Son assurance n’était qu’à moitié feinte parce que si Sergio avait bien des défauts, il n’en était pas moins un homme d’affaires redoutable qui ne reculait pas devant les obstacles. Il l’aiderait elle, et donc lui, à s’assurer que le mauvais timing soit contrebalancé par une campagne marketing qui redorerait leurs deux blasons. La jeune femme était fermée, plus piquée de le voir autant rejeter ses tentatives d’être accueillante et rassurante alors qu’il se trouvait au plus mal que par l’idée de devenir la personne ayant osé sortir un livre au pire moment. Croisant les bras, restant à sa place comme le lui avait bien sommé de le faire Rhett, elle n’attendait plus grand chose à présent si ce n’est qu’il parte et revienne en meilleur état pour la promotion du livre. Les dés étaient lancés, son rôle joué à la perfection et le pion qu’elle était n’avait plus son mot à dire mais plutôt que de simplement se ranger, Greta et son empathie espéraient que son entourage - Evelyn - lui permettrait de s’en sortir.