Elle garde ta main dans la sienne. Oui tu t’es dit que peut être elle allait juste pas vouloir être touché et repartir dans ses cents pas comme un lion en cage mais non. “Qu’importe tant que ça me fait oublier.” Elle serre fort sa main dans la tienne et t’es content de voir qu’elle s’y accroche à ta personne. Y’a pas que l’alcool qu’elle veut, y’a toi aussi. Mais elle a vraiment envie d’ingurgiter de l’alcool pour passer à autre chose de manière plus radicale là ce soir. “As long as it’s far away from this place… You can take me wherever you want.” Tu espères secrètement que la longue marche qui vous attend jusqu’au premier shop du coin va la calmer et lui changer les idées. Tu n’as jamais vu Birdie ivre et tu te demandes si ça va faire revenir son sourire et ses rires. Quelque chose te dit qu’elle va partir en bad trip vu son état actuel.

C’était carrément une mauvaise idée qu’ils foutent cette veillée au lycée mais les adultes ont toujours raison hein. Nope. Faire retourner Birdie sur les lieux du drame c’était la pire idée. “I don’t wanna go there anymore. Ever. Everyone is an ass. I’m the fucking april joke for them. I hate them all.” Tu es surpris de voir qu’elle parle des gens plus que du reste qui est lié au lycée. Tu n’as pas fait attention aux autres étudiants parce que tu ne regardes jamais personne. Elle mêle ses doigts aux tiens et tu prends ça comme un signe qu’elle veut encore plus de connexion avec toi là. Tu commences doucement à caresser sa main de ton pouce. “But not you. Never you. I’m sorry for… Punching you.” T’avais déjà oublié. « It’s fine… Don’t worry. » Ca aurait pu être bien pire et tu préfères qu’elle s’en prenne à toi bizarrement. Au moins elle est proche et tu peux gérer.

Tes yeux sur le trottoir devant vous, tu es très silencieux parce que tu ne sais juste pas quoi dire. Tu ne sais pas quoi répondre. Ton coeur est lourd de la voir comme ça. Elle mérite pas ça et t’as l’impression que tu ne verras plus jamais son sourire. Que plus rien ne sera comme avant. Votre histoire commence à peine et c’est encore plus triste que toutes ruptures que tu as vécu. Beaucoup plus triste.

Quand vous arriverez à l’épicerie une vingtaines de minutes plus tard, tu prendras une bouteille de l’alcool le moins cher et le plus fort en même temps. Y’aura toujours que des traits fermés sur ton visage. Cette soirée est catastrophique et tu as bien besoin de boire toi aussi. C’est que des mauvaises idées mais au pire quoi ? C’est pas une bouteille d’alcool à deux qui va vous tuer. Malheureusement. Oh Jordan.

« It’s fine… Don’t worry. » Il n’y a rien de fine, il le sait aussi bien que moi. Mais Jordan a la décence de respecter ma détresse et de ne pas pousser le bouchon trop loin. Ou alors il ne veut juste pas que je me perde trop. Après tout, il est l’unique veilleur de ma personne à cet instant ; les autres n'ont rien à faire. Et je ne n’en ai rien à faire en retour. Leur considération n’est que de la pitié, portée par des regards abattus sur moi ; je n’ai pas besoin qu’on me rappelle les faits ni à quel point je suis mal. Il n’y a pas que moi mais ça, j’en ai moins conscience. Je m’en fiche des autres, de ces personnes dont j’ai pourtant essayé de trouver grâce à leurs yeux afin de me faire une place dans l’établissement autre que l’étiquette de la “hippie” du quoi. Ils ont été cruels avec moi, je ne vais pas aussi porter leur douleur. La mienne m’écrase déjà assez bien comme ça.

L’épicerie se dessine enfin sous notre vision et le silence s’abattant sur nous me donne un frisson le long de la colonne vertébrale. Je regrette parfois de ne pas avoir quelqu’un d’aussi bavard que moi - Rebecca l’était. Parce que le silence est pesant et je me serai bien changée les idées par… N’importe quoi sauf ce qui navigue dans ma tête. Je dois lâcher la main à regret de Jordan afin qu’il puisse acheter juste de quoi colmater un peu cette plaie interne qui ne cesse de m’inonder d’ondes et de sentiments aussi négatifs que malheureux. Heureusement que l’été et les vacances sont là ; je vais en avoir besoin pour prendre mes distances avec tout ce merdier que je ne veux plus avoir à affronter de nouveau. Je vais prendre les réflexions d’Aurora mais je m’en fiche. Il y a d’autres lycées et au pire, ma fratrie peut me donner les cours nécessaires. Un problème, une solution.

Je pourrai me jeter avec avidité sur la bouteille mais j’en ressens pas l’envie. Ce n’est qu’un processus, une solution pour mieux voir les heures à venir. Ce n’est rien de concret ni de tangible. Cependant, je récupère sa main rapidement une fois nos pieds de nouveau à l’extérieur et le silence nous poursuit jusqu’à la plage. Là où on s’est vus pour la première fois. Jordan et moi. Je tire légèrement sur son bras pour attirer son attention afin qu’il tourne son beau visage vers le mien. “Tu te rappelles ?” Il faut qu’il se rappelle. J’ai besoin qu’il se rappelle. Moi, je m’en rappelle. Je force ce souvenir à prendre le dessus sur le reste. Ce moment où tout le monde était en maillot de bain sauf moi car hors de question de foutre un doigt de pied dans l’eau. Je pourrais essayer de m’y laisser couler, aujourd’hui. “J’ai l’impression que c’était y’a une éternité. Une autre vie.” Alors que ça remonte à un an. Ma voix est teintée de mélancolie et ça s’entend. “Il y avait cette fille qui me regardait bizarremment à chaque fois que je te parlais. Je sais même plus comment elle s’appelle.” Elle avait l’air mordue. Il faut dire que je ne peux pas la blâmer. Je suis mordue depuis des mois et il a fallu attendre le bal de promo pour qu’enfin un move concret se fasse. Au pire des moments. Je finis par m’arrêter pour installer mes fesses dans le sable, entraînant Jordan avec moi. “C’était ici notre premier bisou en vrai.” Je suis con. Mais c’est mieux de voir ça comme ça, non ? Je me penche pour attraper la bouteille afin d’ouvrir le bouchon et d’avaler une première gorgée. Qui me fait tousser et qui brûle ma gorge. Mais c’est mieux que ce que je ressens dans le coeur et dans la tête. Ma main sur la cuisse de Jordan vers qui je lève mes prunelles claires. “Merci, Jordan.” Pour ça, pour être là, pour ne pas m’avoir lâché, pour me protéger. Je suis égoïste et je m’en veux, mais je suis aussi terriblement reconnaissante.

A ta surprise elle reste silencieuse pendant tout le trajet. Vous vous perdez autant l’un que l’autre dans vos pensées. Tu espères que ça lui fait du bien à elle parce que tu as une très bonne idée de ce qui peut se passer dans sa tête. Toute sa haine envers Iris, qui est, d’après toi, très justifié. Tu ne l’as jamais aimé cette meuf et c’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Si tu les as détaché c’est pour protégé Birdie plus que l’autre pouffiasse.

L’alcool est acheté, vous reprenez rapidement la main l’un de l’autre car tu préfères la sentir proche même si le silence est toujours bien installé. Vous arrivez sur la plage. “Tu te rappelles ?” Elle te sort de tes pensées. “J’ai l’impression que c’était y’a une éternité. Une autre vie.” La première fois que vous avez échangé tous les deux. Tu hoches la tête pour dire que oui tu te rappelles. “Il y avait cette fille qui me regardait bizarremment à chaque fois que je te parlais. Je sais même plus comment elle s’appelle.” « Maggie. » Ta voix est un peu enrouée car ça fait longtemps que tu n’as rien dit. Même à l’épicerie tu avais le compte dans ta poche, tu n’as rien eu à dire à la caisse. T’as juste payé.

Vous vous asseyez dans le sable. “C’était ici notre premier bisou en vrai.” Tu poses la bouteille à côté de toi. Entre vous deux. Tu confirmes d’un hochement de tête que c’était bien ici votre premier bisou. « I remember that yeah… » Ça t’avait troublé même si tu n’en avais pas fait état. Elle prend la bouteille et tu la regardes du coin de l’oeil, te disant qu’il vaut mieux que tu observes l’immensité de l’océan. Tu l’entends tousser et tu tournes la tête vers elle. “Merci, Jordan.” Tu te demandes si elle dit ça pour oublier l’autre baiser. Celui que toi tu lui as donné à l’opposé à celui qu’elle t’a donné en premier, ici. Tu vas lui prendre la bouteille des mains pour en boire une grosse gorgée toi aussi. T’as pas envie qu’elle te dise merci. T’as pas envie qu’elle ait besoin de toi comme ça. T’as pas envie qu’elle souffre autant. Y’a sa main sur ta cuisse et tu lui redonnes la bouteille avant de t’allonger complètement dans le sable décidant de passer à l’immensité du ciel plutôt que l’océan. Tu es fatigué également et cette position est plus confortable. La fatigue physique de ta journée de boulot et la fatigue émotionnel de toute cette soirée… Tu vas te passer une main sur les yeux pour te frotter les paupières et puis tu tends ton bras pour aller poser ta main sur celle de Birdie qui est toujours sur toi. Tu serres sa main doucement. Plus t’es en contact avec elle mieux tu te sens et ça te frappe de nouveau là. Tu ne comptes pas la lâcher.

L’air fait du bien. Je ne peux pas dire qu’il soit frais car la chaleur de l’été se fait une place pondérante dans l’atmosphère. Mes vêtements, anormalement sombres à l’image d’une volonté inexistante à vouloir faire preuve de couleurs et d’originalité devant ma garde robe ce matin, absorbent donc toute l’humidité et la suffocation. J’ai beau être en robe, j’étouffe - mais ça, c’est sûrement dû à mon torse compressé et à mon cerveau qui gonfle sans cesse dans ma cabosse, me donnant l’impression d’avoir les oreilles qui sifflent. A moins que ça ne vienne de la musique que j’ai écouté avec mon walkman ce matin, bien trop forte pour mes pauvres tympans mais encore une fois, j’en avais rien à faire.

« Maggie. » Maggie. Si je m’en fiche aussi de cette fille, je me rappelle très bien du sale sentiment de jalousie qu’elle a laissé apparaître en me regardant. Comme si j’osais empiéter sur son territoire alors qu’elle n’avait aucune conquête à promouvoir. Je ne l’ai pas cherché, mais je l’ai eu malgré tout. Bon gré, mal gré, qu’importe. Jordan est actuellement la meilleure chose de mon existence et s’il n’était pas là, j’ignore où je serai à présent. Il m’aide à garder la tête sur les épaules même en restant silencieux. Mais sa présence physique me fait un bien fou et j’apprécie d’avoir une oreille qui réceptionne mes paroles. Parler aussi me fait du bien, même si je parle de tout sauf de ce qu’il faudrait. Mais qu’est-ce que je suis censée dire ? Non, je veux pas. “I wish she was here now to see the look on her face.” Appelez-moi garce, mon air fier trône sur mon visage aux traits tirés de façon mesquine alors que j’observe l’océan.

L’éthanol ne manque pas de brûler mon gosier, signe que je n’en ai pas une grande habitude. Imaginer Maggie bouillonner alors que je peux embrasser Jordan autant que je le souhaite me parait très jubilatoire. Un meilleur focus que ce que je pourrai avoir. C’est plaisant. « I remember that yeah… » J’ai un sourire un peu béat alors que mes prunelles céruléennes continuent à circuler sur le mariage du ciel et de l’océan en face de nous. Je ne cille pas quand je sens Jordan boire à son tour ni s’allonger après m’avoir confié notre liqueur à mes bons soins. Mais ma main reste sur lui. La sienne retrouve la mienne aussi. Je lève de nouveau la bouteille à mes lèvres, avec une même grimace qui s’affiche sur mon visage. Ca pue, c’est dégueulasse mais ça à l’air de faire du bien à mes pauvres nerfs. “Lila t’aime bien.” Que je lui sors abruptement, sans crier gare. C’est une information importante à mes yeux. Une de mes soeurs aime bien Jordan. Sûrement parce qu’il est avec moi sans me lâcher. Sauf au lycée aujourd’hui. Mais ça, Lila n’est pas supposée le savoir. Tout comme Jordan ne saura pas à quel point je l’ai maudit de m’avoir abandonné. A croire que tout s’évapore quand il est là. Je relève la bouteille à mes lèvres. “Je sais pas nager. J’ai toujours peur de me noyer.” Il faut croire que c’est le bon moment pour donner des informations aussi randoms. Levant nos mains pour embrasser la sienne. Machinalement, comme si j’en avais l’habitude. Je le veux, en tout cas.

“I wish she was here now to see the look on her face.” Sûrement qu’elle serait prête à se jeter sur elle aussi si besoin est. Mais le ton de la voix de Birdie est différent d’un peu plus tôt et tu te dis qu’elle est en train de se calmer doucement mais sûrement. Ou du moins tu l’espères. Tu as bien évidemment capté le compliment masqué dans sa phrase. Elle est contente d’être avec toi, de t’avoir ‘gagné’ en quelque sorte. Tu as été bien fortement contre ce rapprochement entre vous deux jusqu’à ce que tu ne puisses juste plus aller contre le destin. Ca fait quelque chose de voir qu’elle retire de la fierté d’être avec toi malgré tout ce qu’il se passe. Car au fond, tu te dis que c’est forcément de ta faute si ça s’est produit. C’est toujours toi la constante dans toutes les situations qui partent en couille. Mais Birdie ne le voit pas comme ça elle et toi t’es trop dans tes pensées pour dire quoi que ce soit et puis il y a rien à répliquer. Birdie est dans ses pensées autant que toi sauf qu’elle les exprime à voix haute et cette façon de faire là te dit que la petite Birdie que tu as rencontré à la plage est pas très loin de celle qui est à côté de toi. Elle n’avait pas été tant bavarde ce soir là mais le reste de l’année ça a été autre chose. Elle et toi. Cul et chemise. Un vrai duo. Un qui parle un qui écoute.

“Lila t’aime bien.” Qu’elle dit après avoir bu encore un peu d’alcool. Tu as entendu le bruit du liquide dans la bouteille. Tu caresses doucement la main de Birdie, appréciant qu’elle parle, qu’elle dise cette information là. Que du positif sur ta personne. “Je sais pas nager. J’ai toujours peur de me noyer.” Tu vas mêler tes doigts aux siens. Tes yeux qui se focalisent sur les étoiles que tu perçois dans le ciel. Au moins tu sais que tu n’iras pas chercher à la jeter dans l’eau ce soir ou n’importe quel autre jour. « Tu te rappelles comme je suis parti énervé ? » De la plage. Parce que tu avais découvert que Ethan avait déménagé. Il était ta seule raison de continuer le lycée avant que Birdie ne se ramène… « Je vais pas finir le lycée. » Que tu lui annonces. « Je vais être embauché à temps plein au diner. » Pas le job de rêve mais pas non plus ce que tu veux faire toute ta vie. Tu continues de caresser doucement la main de Birdie que tu tiens toujours.

Ses doigts se resserrent en même temps que je ferme les yeux. Je me coupe du monde mais pas de Jordan dont j’apprécie toujours plus le rapprochement. Je pourrai songer à m’allonger pour me blottir contre lui mais je préfère couver notre bouteille, précieux sésame à cet instant. J’aurai bien l’occasion de profiter des bras du grand blond un peu après. Toute la nuit s’il le faut. Cela ne me dérangerait pas, bien au contraire. « Tu te rappelles comme je suis parti énervé ? » Oh oui, je m’en rappelle. Par contre, je ne remets plus la conversation qui a eu lieu juste avant. Je revois la scène mais je n’ai que sa silhouette s’éloignant. Une mémoire sélective, vous dites ? Certainement. Je n’ai pas pour habitude de retenir les choses futiles. La raison du départ de Jordan ce jour-là reste un mystère car je ne le connaissais pas. Je suis restée discrète sur ce sujet et je n’ai pas cherché à en savoir plus. Mais maintenant… “Pourquoi t’étais énervé, d’ailleurs ?” Maintenant, je peux et j’ose demander. Il ne m’enverra pas chier, j’en suis convaincue. Je lui fais trop pitié, en plus. Que c’est moche de penser comme ça. Je ne mesure pas l’estime que Jordan a à mon égard. Je ne suis pas dans sa tête, après tout. Mais si j’en crois ses paroles physiques, les mots dits par ses gestes et ses actions, il est clair qu’il n’a pas juste pitié.

« Je vais pas finir le lycée. » Là, j’ouvre les yeux en grand comme s’il venait de m’annoncer la pire des bombes. « Je vais être embauché à temps plein au diner. » Je déglutis. Mon intérieur vrille un peu et je préfère me dire que c’est à cause de l’alcool. Cela ne m’empêche pas de reprendre une nouvelle et longue gorgée. Si longue que je finis presque par m’étouffer. C’est le minimum pour ne pas me mettre à pleurer. Encore. Jordan veut prendre son indépendance mais tout ce que j’entends, c’est son abandon pur et net. Je me raidis instantanément et pour le coup, je suis bien heureuse de lui tourner le dos. Qu’il ne puisse pas voir que mes yeux se teintent d’une colère nouvelle. Mes phalanges s’agrippent autour de la bouteille tandis que ma pression autour des siens s'amenuise peu à peu. Je ne le lâche pas mais… Je sais que j’ai pensé tantôt à ne plus remettre les pieds dans cet établissement mais la décision de Jordan est un coup de massue malgré tout. Si j’y retourne, je n’aurai personne. Je serai comme aujourd’hui ; éperdument seule. Franchement, je ne sais même pas quoi à dire. Après tout, c’est sa vie, ses choix ; je n’ai pas mon mot à dire. Nous ne sommes que des adolescents qui s’embrassent et qui partagent quelque chose de fort au milieu de tout ce merdier. Bordel que ça commence à être flou dans ma tête qui commence à tanguer. C’est sûrement aussi pour ça que je finis par rire, nerveusement. Je me courbe et je pose mon front sur mes genoux redressés. “Evidemment.” Je décroche totalement ma main pour remettre mes cheveux en place sur mon crâne, préférant la solidité de la bouteille encore une fois. Même si elle finira bien par s’épuiser, elle aussi. “Je sais pas quoi dire… Félicitations ?” Ma voix est plutôt sarcastique et alourdie d’une amertume que je peine à dissimuler. Comme si Jordan venait de m’annoncer qu’il partait faire le tour du monde - oh non, pas ça, je ne crois pas pouvoir en survivre. Je reporte le goulot de la bouteille à mes lippes asséchées afin d’éviter de me montrer vilaine et méchante avec lui aussi. Il reste mon seul allié. Celui qui me supporte depuis trois jours. Et tout le reste de l’année. Il a été ma grande distraction, le parfait acolyte et… Oserais-je dire petit-ami ? C’est le terme qui conviendrait. Mais les circonstances font que c’est le flou total. Je tente de calmer l’eau qui menace de s’effondrer mais aussi la tempête qui rôde jamais très loin. Je prends sur moi parce que c’est Jordan. Il ne mérite pas que je m’insurge. C’est sa vie, je ne peux pas être un boulet à sa cheville. Ce n’est pas juste.

Mais qui l’est avec moi ?

“Pourquoi t’étais énervé, d’ailleurs ?” T’as un léger soupire qui est à moitié un rire que tu as laissé s’échapper. T’es pas fier de ton toi du passé. « J’avais des plans avec Ethan. » Des plans qui te faisaient du bien au moral à l’époque. Te raccrocher à un crush inavoué. Faire des conneries pour se rapprocher de lui, comme redoubler une année… Mais pour rien. Ou pas. Car tu as rencontré Birdie du coup. Y’a vraiment rien qui s’est passé comme prévu et c’est juste l’histoire de ta vie. « Des plans dans ma tête… Mais j’ai attendu trop longtemps. » Encore une fois. Vraiment l’histoire de ta vie. Tu sais pas si tu aurais réellement tenter quelque chose mais ça fait du bien d’avoir un crush et de s’en rapprocher. Etre content d’aller au lycée pour voir la dite personne… Birdie a été ta raison d’aller au lycée tous les matins.

Le lycée d’ailleurs, tu n’as que faire des études. C’est pas fait pour toi et tu veux arrêter de perdre ton temps dans ces salles de classes maintenant que tu es majeur. “Evidemment.” Tu tournes la tête vers elle quand elle défait sa main de la tienne. “Je sais pas quoi dire… Félicitations ?” Tu fronces les sourcils à son ton. Shit. Tu pensais pas que ça l’affecterait. T’es stupide ou tu le fais exprès ? « Hey… » Tu vas doucement poser ta main sur son dos. Tu te redresses pour faire ça mieux. « Sorry… I didn’t mean… I didn’t… » Tu n’as pas quoi Jordan ? Tu sais même pas toi même comment tu veux finir cette phrase. « I’m… » Tu quoi Jordan ? Tu vas les finir tes phrases oui ? Tu glisses totalement ton bras autour d’elle dan son dos, te rapprochant d’elle dans le sable. « School is not for me. » Que tu finis enfin par accoucher. T’as redoublé tellement de fois, volontairement ou non. T’as perdu assez d’année assis sur un banc comme ça. Tu aurais dû partir plus tôt même. Y’a quelques endroits où ils embauchent des mineurs.

« J’avais des plans avec Ethan. » Ethan, je me rappelle de lui par contre. C’est vrai que quelqu’un avait lâché le morceau de son déménagement. Maintenant que je resitue la scène, c’est vrai que Jordan s’est renfermé directement après cette information. J’avais juste trouvé ça étrange et un peu disproportionné comme réaction mais visiblement, il y avait une véritable raison derrière. La déception, apparemment. « Des plans dans ma tête… Mais j’ai attendu trop longtemps. » Des plans…

Tout comme ses plans de ne pas revenir au lycée. J’en suis injustement froissée. « Hey… » Même s’il ne me voit pas, il doit le ressentir dans les ondes. De mon geste absolument pas anodin de couper le lien physique entre nous. Sa main contre mon dos pour ne pas me lâcher malgré tout. « Sorry… I didn’t mean… I didn’t… » Je baisse les yeux vers la bouteille entre mes jambes que je caresse distraitement. « I’m… » Je l’ai coupé au vif. J’ai la poitrine si lourde. J’ai l’impression de manquer d’air. Entre la culpabilité et le sentiment de colère. Son bras s’enroule autour de moi et je ferme de nouveau les yeux en le sentant bouger derrière moi. « School is not for me. » Je passe ma langue sur mes lippes, mon dos se voûtant et mes épaules s’affaissant. Je vais faire quoi, moi ? “Et en quoi consistaient ces plans ?” Que je demande d'une voix qui se veut détachée mais qui est trop enrouée à mon goût. Je préfère ma curiosité qui peut être mal placée plutôt que tout ce qui se passe en dehors. Si j’y pense trop, je vais me mettre à pleurer. Je ne veux pas que Jordan se sente fautif ou quoique ce soit - même si dans un sens, j’espère qu’il le ressent un peu car il m’abandonne lui aussi. Je préfère zapper ce fait, ne pas m’y attarder. Je ne veux pas m’embrouiller avec la seule personne qui me fait du bien.

Elle ne bouge pas. Tu te demandes si tu viens de lui donner des raisons supplémentaires de boire le reste de la bouteille mais pas encore en tout cas. Elle a juste le visage baissé vers celle ci et a l’air de t’écouter plus que d’avoir envie de s’en mettre plein la tête.  “Et en quoi consistaient ces plans ?” Son ton a l’air… plus normal. Est-ce que tu as imaginé des choses ? Non. Parce que son absence de réaction ou réponses à tes excuses et ta phrase sur l’école parle plus que des mots. « Devenir potes avec lui… Amis. » Tu hausses une épaule. Tu lui réponds mais t’as un peu honte d’avouer ça. « I had a crush on him… » Tu te mords la lèvre. « A massive one… But I didn’t get any of these vibes coming from him… » Tu sous entends des queer vibes. « So… I don’t know… It was nice knowing I might be in his class for the whole year… Ou quelques cours… Comme on allait être au même niveau. » Tu parles beaucoup Jordan. Mais ouais, t’as peut être un peu peur de laisser Birdie parler au fond car tu sens que tu as fauté. Plus tu parles de Ethan et ce qui te motivait de sa présence, plus tu te dis que c’est ce qu’il se passe pour Birdie aussi vu qu’elle est littéralement devenue ta personne favorite dans le lycée. Tu déglutis difficilement sans oser rajouter quoi que ce soit, sans savoir quoi rajouter de toute façon. T’es assez stupide pour pas avoir pensé que ça allait l’affecter mais en même temps c’est ta vie et tu ne veux pas perdre une année de cours juste parce qu’elle aime te croiser dans les couloirs… Même si tu comprends. Tu aurais juste donner la nouvelle d’une autre façon et sûrement pas là tout de suite… Peut être qu’au fond c’est une bonne chose car ça l’a fait oublié Iris et cette colère là. Y’a toujours ta main dans son dos à Birdie mais… tu l’enlèves doucement. She’s better off without me anyway.

« Devenir potes avec lui… Amis. » Je pourrais presque sourire. Jordan voulait être plus qu’amis, ça se sent. Ethan était le genre que tout le monde s’arrachait. Je n’en ai jamais compris l’intérêt. Sûrement parce que je ne regarde pas de la même façon. J’en sais rien. Mes yeux étaient plus sur Rebecca mais elle… Elle avait les yeux ailleurs aussi. « I had a crush on him… » C’est étrange de l’entendre l’affirmer à haute voix. Est-ce qu’il pense avoir perdu au change ? Est-ce qu’il regrette ? Est-ce qu’il aurait préféré que ce soit Ethan à ma place ? J’ai une bouffée de jalousie qui me prend de court. L’ignorance est la meilleure des armes et je m’en rends compte un peu plus à chaque minute. Je choisis plutôt de lever ma bouteille à mes lèvres. « A massive one… But I didn’t get any of these vibes coming from him… » Je crois comprendre ce qu’il veut dire. Ma sœur tient des discours similaires. « So… I don’t know… It was nice knowing I might be in his class for the whole year… Ou quelques cours… Comme on allait être au même niveau. »

Je prends un nouveau souffle alors que je renoue mon attention sur l’horizon. Je sens sa main qui se détache - je lève le goulot encore une fois. Je crois que ma tête commence à tourner. Oh oh. C’était prévisible. Je pose ma main libre sur mon front et mon bras sur mes genoux pour ne pas physiquement tanguer. “Et tu regrettes ?” Finalement, je continue à l’interroger. Ethan a l’air d’être un sujet qui le fait parler et… Je préfère qu’il parle de ça plutôt que de me faire comprendre que je vais être seule l’an prochain. We will figure something out. Mais j’ai encore du mal à le concevoir. J’ai l’impression que je vais le perdre lui aussi. Les couloirs, nos ateliers en commun, nos raisons de se voir… Rien n’empêche pas de le refaire mais ça sera plus compliqué. “D’avoir eu moi à la place de lui ?” Je suis déjà prête à prendre une nouvelle grande gorgée dans ma gorge amorphe si la réponse ne me plait pas. Mais contrairement à Iris, je me contiens. J’ai beau faire preuve de sentiments égoïstes, je n’ai pas envie de me battre avec lui. “T’en veux ?” Je lui demande quand même en tendant la bouteille sur le côté - c’est lui qui l’a acheté, après tout.

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Que sa première action après ta confession soit de boire une gorgée d’alcool n’augure rien de bon à ton avis. Mais tu es en train de regarder un peu trop dans le langage corporel parce que tu es plutôt perdu dans toute cette soirée qui est parti dans bien des directions. Et ton langage corporel à toi Jordan est-ce qu’on en parle ? Quoi ? Tu as coupé le contact entre vous. Hmmm. “Et tu regrettes ?” Tu pensais pas qu’elle continuerait à aller de ce côté là. A vouloir en savoir plus. Tu sais même pas la réponse à cette question. Tu hausses une épaule. “D’avoir eu moi à la place de lui ?” Elle ne te regarde pas elle n’a pas vu ton haussement d’épaule Jordan. Tu es assez confus par la formulation de Birdie. De l’avoir eu elle à la place de lui. « Je peux pas dire. Je l’ai jamais eu lui.  » Tu dis en haussant une épaule de nouveau. T’as l’impression d’être assis à un tribunal près à être assaillit de questions parce que tu es forcément coupable. I’m not. Mais elle te donne l’impression de l’être là. Ce qui n’aide en rien dans ta petite tête que tu essaies de convaincre que non la mort de Rebecca et tout ce massacre n’a rien à voir avec toi qui t’es enfin décidé à embrasser Birdie pendant le bal. Il est certain pour toi que y’a toujours ton monde qui s’écroule quand tu te rapproches d’une personne mais là c’est quand même vraiment trop. Ca ne peut pas réellement être de ta faute si tous ces gens sont morts. Tu as juste été au mauvais moment au mauvais endroit, une fois de plus. Ca reste partiellement de ta faute. Birdie aurait été à la fête de fin d’année même sans moi. C’est mignon de te rassurer comme ça et ça pourrait être vrai si on savait lire l’avenir ou voir les autres dimensions qui se seraient créée si on avait choisit une autre direction à un moment donné.

“T’en veux ?” Elle te sort de tes pensées et ouais vraiment là, tu en as besoin de cet alcool. Tu es tout perdu dans ta tête. T’as l’impression de rien faire comme il faut et d’avoir des poids sur tes épaules qui ne devraient pas être là. Tu te redresses en position assise, prends la bouteille et en bois plusieurs grosses gorgées. Quand ta gorge te brûle tu t’arrêtes et tousses un peu. Tu refocus ton regard sur l’océan devant toi, essayant de mettre du sens sur tout ça mais l’ajout de l’alcool dans ton sang n’aide en rien à recalibrer tes pensées correctement. « Tu fais quoi demain ? »

« Je peux pas dire. Je l’ai jamais eu lui. » Ce n’était pas la réponse attendue. Ni souhaitée. Elle est même sûrement pire, sa réponse. Cette formulation sordide me faisant comprendre que la balle est caduc. Soyons honnête ; j’aurai préféré un avis tranché. Une réponse négative pure et nette. Mais non ; Jordan choisit de ne même pas se prononcer et je vois là comme une punition de mon dédain qui, même de dos, doit sûrement se ressentir. Pourtant, Ethan avait des amis plus idiots que les miens. Que la mienne car au final, j’en avais qu’une. Être populaire n’attire pas les gens les plus honnêtes ni les plus sincères. Il aurait été malheureux, Jordan. Sûrement déçu aussi, lui qui ne portait pas forcément Rebecca dans son cœur sans que j’en sache jamais vraiment pourquoi. Mais sa réponse me fout un petit coup au moral - comme si j’en avais besoin mais je ne peux que me blâmer pour ce coup-ci. Il ne fait que répondre à mes questions et si son honnêteté doit pincer, ainsi soit-il. En tout cas, ça a le mérite de fermer ma gueule sur ce sujet. J’ai l’impression de donner les bâtons pour me faire battre - et je déteste ce feeling.

Mais pour l’instant, je me contente de donner la bouteille à Jordan qui prend la liqueur sans hésitation. Je le retrouve à mes côtés et mon visage se tourne automatiquement vers lui, comme pour pouvoir y lire ses expressions, ses pensées. Savoir s’il m’en veut pour ce que j’ai dit ou pour ce que je ressens. Je peux m’en sentir coupable mais pas en être désolée. Je ne suis qu’une humaine qui tente de frayer son existence dans des moments compliqués. Je me rends compte aussi à quel point j’affectionne la vue du grand blond et me voilà en train de poser ma tête contre son épaule en glissant mon bras autour du sien - pardonne moi, me détestes pas, s’il te plait. « Tu fais quoi demain ? » Alors ça, je ne m’y attendais pas vraiment, mon regard surpris que je lève vers lui le prouvant. “Euh, je…” La seule chose que je prévois est de ne pas remettre les pieds dans le lycée. Après, j’en sais rien. “Je peux venir à Brisbane.” Si tu veux, ce que je ne dis pas mais que je sous-entends fortement. Mon bras glisse pour faire en sorte que ma main retourne dans le creux de la sienne alors que mon visage se plaque contre lui de nouveau. Je n’ai pas à lui en vouloir. Je ne lui en voudrais plus. Demain. Quand un nouveau jour se lèvera. Mais là, ce soir, j’ai le poids de la rancœur envers la vie sur mes épaules et j’en veux à tout le monde pour trois fois rien. Et puis, je suis las de devoir prétendre que ça va alors que non, ça ne va pas du tout. Je ferme de nouveau mes yeux en respirant l’odeur de Jordan et en priant sincèrement qu’il va me tenir rigueur sur rien. “I don’t want us to end.” Que je chuchote fébrilement, le cœur battant alors que mes doigts se resserrent autour des siens. Je veux pas le perdre, je veux pas qu’on se quitte, qu’on s’abandonne, qu’on se perde de vue. C’est impossible, pas maintenant, encore moins maintenant. Pas alors que nous venons tout juste de commencer quelque chose. Si le début est chaotique, la suite ne peut être que plus douce, non ? Quoi de pire peut arriver, à présent ?

Tu sais pas par quel miracle Birdie vient de coller de nouveau à toi mais god damn c’est exactement ce dont tu avais besoin. De sentir qu’elle n’est pas en train de s’éloigner de toi malgré tout le bordel actuel. Y’a un léger frisson qui passe dans ton dos et tu sens l’air entrer plus facilement dans tes poumons. “Euh, je…” Tu la prends de cours. “Je peux venir à Brisbane.” Et elle veut te voir demain. Elle le sous entend et tu entends par contre très nettement que le ton de sa voix n’est plus aussi amer ou en colère qu’avant. Elle est redevenue elle même. Tu bouges doucement ton bras pour aller prendre sa main et elle fait exactement pareil ce qui en résulte en vos mains qui s’accueillent à l’unisson. C’est beau. Tu t’en rends compte et ça te confirme que vous êtes complètementaire car vous deux ensemble ça fonctionne parfaitement sans chercher à faire en sorte que ça le soit. “I don’t want us to end.” Qu’elle dit alors qu’elle s’est blotti encore plus contre toi. « I don’t want us to end either… We’re only getting started. » Que tu murmures doucement. Tu sais pas de quoi l’avenir sera fait mais tu sais que tu ne veux pas que ça se termine alors que vous n’avez clairement rien vécu ensemble en tant que couple encore. « I work in the morning but you can come to the diner and I’ll give you free milkshakes. » T’es cute Jordan dear god. Tu parles de Milkshakes parce que c’est ce que tu préfères mais elle pourra demander ce qu’elle veut tu frauderas (kinda) pour qu’elle ait tout gratuit. « And then we can hang out… » Tu hausses une épaule alors que ton pouce caresse doucement sa peau. Tu veux juste passer du temps avec elle, peu importe ce que vous ferez. C’est mieux si tu peux l’embrasser au milieu et c’est mieux si y’a pas de larmes mais vous ne pouvez pas prévoir l’avenir. Vos émotions sont sans dessus dessous et c’est tout à fait normal. Tu t’attends à tout et tu te dis que tu peux tout gérer même si tu ne sais pas si c’est la réalité. Ca ne te fait pas peur là. Sûrement l’alcool qui parle pour toi. L’alcool qui te donne ce boost de confiance quant à vous deux.

Je ne pourrai pas supporter que mon monde s’écroule un peu plus. Je n’ai pas foi en moi-même et en ce que je pourrai faire autrement. J’ai déjà eu de sales pensées en trois jours, pendant ces instants où je me suis retrouvée toute seule. Ou plutôt sans Jordan. Parce que ma fratrie se faisait office de protecteur envers moi et eux, autant je les aime de tout mon cœur en étant les personnes les plus vitales de mon existence, autant j’aimerai qu’ils me laissent respirer. Il n’y a que Jordan que j’accepte à permanence avec moi, avec qui je peux rester des heures dans un silence qui sera confortable. Nous ne connaissons pas le silence, chez les Cadburry, c’est sûrement là la différence. Alors que Jordan en est le maître. Je me retrouve à mettre en application ce que j’ai pu avoir vu de lui malgré moi. Et puis, détail non négligeable, Jordan est celui dont je peux prendre la main, poser ma tête et embrasser l’épaule de mon souffle alcoolisé. Une tendresse inestimable que je lui porte qui fait qu’il est l’atout majeur de ma vie en ce moment.

Alors quand je le sens suivre le mouvement de nos mains, ça me rassure. C’est bizarre à quel point les rapports physiques sont essentiels pour nous rassurer. En tout cas, moi. Une preuve qu’il ne m’en veut pas, qu’il ne m’en tient pas rigueur, qu’il passe outre ma mauvaise humeur et cette rancœur que j’ai eu pendant quelques minutes. Oh je sais que je ne l’ai pas digéré. Je sais aussi que je vais me batailler avec Aurora car je n’ai aucune volonté de retourner dans ce lycée. Il ne me reste qu’une année avant la fac mais… Inutile de dire que je ne suis pas en état de penser à mon avenir quand mon présent est aussi déboussolé et chamboulé. « I don’t want us to end either… We’re only getting started. » Notre relation commence alors qu’une vie s’est finie - tu parles d’une ironie. La pensée me serre la poitrine une nouvelle fois mais mon nez contre son vêtement, je respire son odeur pour m’en imprégner et me rappeler que oui, s’il y a la plus horrible des réalités, il y en a aussi une très belle. Vivante et respirante, juste à côté de moi. Contre qui je me raccroche dans tous les sens du terme. « I work in the morning but you can come to the diner and I’ll give you free milkshakes. » J’ai un léger sourire même si mon estomac proteste à l’évocation de nourriture ; il a l’air noyé sous l’alcool que je lui ai donné et sans capacité à pouvoir accepter de milshakes maintenant. Mais moi, je ne dis pas non. « And then we can hang out… » Ma main caresse son poignet avant de redescendre sur sa main alors que je pose mon menton sur son épaule en le regardant. “Do you make strawberry milshake ? It’s my favorite.” A vrai dire, je ne suis pas encore allée sur son lieu de travail - question de pudeur, de ne pas le perturber, parce qu’il ne m’y a pas invité non plus - donc j’ai aucune idée de la carte. Mais je vois qu’il trouve une carotte pour me faire venir, même s'il n'en a pas besoin. “J’aime bien tes plans pour demain.” J’approuve d’une voix soft même si je me demande déjà comment je vais faire demain. Je vais sûrement errer les premières heures car ce soir, je n’aurai aucune envie de me battre contre Aurora. Je prétexterai d’aller en cours alors que je prendrai la tangente. “C’est tellement naze que j’habite aussi loin. Ce serait plus simple si j’étais à Brisbane.” Je souffle ; j’adore Elimbah de toute mon âme mais y’a visiblement mon coeur à Brisbane. C’est en tout cas ce que je ressens sous l’effet de l’éthanol dans mes veines alors que, la bouche en cœur et les yeux brillants, je les lève vers Jordan. “Can I have a kiss ?”