Plus le temps passe et moins ça devient moins difficile à supporter, c’est le genre de connerie qu’on raconte aux personnes qui ont le cœur brisé. Je dois être une exception à la règle alors parce que chaque jour qui passe je me sens un peu plus mal par rapport à cette histoire. Je me déteste, il n’y a pas un jour où je me lève en étant bien dans mes baskets. Je ne suis qu’un con, une merde, un pauvre type même pas foutu de ne pas blesser les personnes qu’il aime, et surtout le peu de personnes qui sont encore à mes côtés pour me soutenir. Même si je suis plongé dans le brouillard depuis plusieurs mois, Em était un peu comme mon phare. Avec elle je savais que je n’étais pas seul, que je n’étais pas perdu et que la tempête n’était que de passage. Depuis le début de l’année à ce brouillard s’est ajoutée une obscurité totale, j’ai perdu le dernier repère qu’il me restait. Entre l’anxiété que j’ai développé depuis le décès de Maria et le poids des regrets j’ai l’impression de n’être plus qu’une ombre. De toute façon j’ai du mal à me reconnaître dans le miroir pour les rares fois où j’y jette un coup d’oeil. J’ai perdu un peu de poids, j’ai un teint affreux et des cernes qui pourraient me faire embaucher sur le tournage d’une série avec des zombies.



Pourtant ce soir j’ai de l’espoir, l’espoir que ça puisse repartir avec Em. Le genre d’espoir qui est dangereux parce qu’à force de se faire des films comme ça on finit déçu et encore plus mal qu’au début. J’en suis conscient, je sais très bien que ça finira sûrement comme ça mais je ne peux pas m’en empêcher. Elle annonce tout de suite la couleur et mon espoir diminue petit à petit. Elle me laisse une chance de m’expliquer et je m’efforce de lui raconter la soirée. Je ne nie pas ce qui s’est passé ce soir là mais je veux qu’elle comprenne que ce n’était pas prémédité.  « Si t’as pas voulu me faire de mal alors tout va bien, on peut se réconcilier et accuser l’alcool et la drogue la prochaine fois, ce ne sera pas de notre faute après tout. » Son sarcasme me fait l’effet d’une première claque. “C’est pas ce que je voulais dire.” Je n’ai jamais dit que j’étais innocent même si je ne me souviens de rien de cette soirée. Je sais que j’ai merdé -et pas qu’un peu- mais je ne suis pas sorti avec l’envie de me trouver quelqu’un d’autre pour passer la soirée. « Juste pour que tu saches, j’ai parlé à Maisie et Murphy depuis cette soirée. » Putain. Murphy, purée je vais me la faire, si je la recroise je lui fous mon poing dans la tronche. Je ne sais pas quelle merde elle a dû lui raconter mais cette vieille sorcière a dû déformer encore plus la réalité et ça me fait chier de me faire descendre comme ça dans le dos. Mâchoire serrée j’encaisse le prénom de Maisie, Fait chier aussi. Je ne lui pose pas la question j’en suis quasiment sûr, elle a dû prendre un malin plaisir à lui raconter à quel point j’ai pu être un connard dans le passé. Mes actes me rattrapent et ça me crispe de savoir ça. « Et je suis vraiment trop conne pour avoir réussi à prendre ta défense malgré tout vu ce que j’obtiens en retour. » J’ai l’impression d’être au dojo et d’être à la place d’un sac de frappe. Je me prends des coups, je les enchaîne et le poing serré j’enfonce mes ongles dans ma paume pour essayer de rester fort. « Mais putain Cesar, pourquoi t’as fait ça ? Pourquoi t’as ruiné ma confiance comme ça ? » Je déglutis difficilement, je n’ai que des explications à lui donner, je ne suis pas excusable, c’est de ma faute et puis c’est tout. « J’ai jamais été sur ton dos. Tout ça pour découvrir sur les réseaux sociaux ton type de fréquentations et d’activités pour les soirées. Je… T’as idée de combien c’était humiliant ? » Je reste silencieux, attendant qu’elle finisse de m’attaquer avec des reproches. « Je t’avais promis que je resterais à tes côtés. Mais t’as un problème Cesar, et je refuse d’être un dommage collatéral. J’ai trop donné dans ce genre de relations. » Je hoche la tête, elle a raison. Si j’écoutais mon égo je lui lâcherais le pire des coups bas possible. Quelque chose dans le genre “je te devais rien, on était pas ensemble”. Mais aujourd’hui c’est mon cœur qui parle et pas mon égo, mon coeur plus que meurtri depuis quelques mois. “Je suis désolé, je sais que je te mérite pas.” Je baisse la tête, je n’ose même pas la regarder dans les yeux parce que j’ai honte de la situation. “Je sais que t’as toujours été là, que t’es quelqu’un de génial, j’ai jamais été aussi bien qu’avec toi et je te remercierais jamais assez” Ma voix tremble et j’essaie de me ressaisir pour ne pas craquer devant elle. Je suis plus que pathétique c’est terrible. “Je suis dans une mauvaise période, ça va passer. Je te promets que ça va changer, je vais changer.” Je n’ai pas de problème, je refuse de croire ce qu’elle me dit. On connait tous des hauts, des bas et c’est parfaitement normal. La seule chose dont j’ai besoin c’est du temps pour oublier et me reconstruire.

Les larmes aux yeux et la voix tremblante, je lui dis ce que j’ai sur le cœur. Je m’excuse, enfin c’est plus que ça, je la supplie de me pardonner même si je sais que tout ce que je pourrais dire est inutile. J’ai merdé et là la situation est irrécupérable. Mais je peux pas accepter de la voir partir, ça me fait trop mal de l’imaginer loin de moi. En fait, je crois que je suis terrifié. Je suis complètement flippé à l’idée de me retrouver tout seul. Elle a été ma bouée de sauvetage depuis le mois d’octobre, sans elle je suis pas sûr de pouvoir rester à la surface et j’ai peur de couler pour de bon cette fois. Alors je la supplie, je serais prêt à me mettre à genoux pour la supplier de rester si elle me demandait  « Tu vas changer. » Je déglutis difficilement, je sens bien que mes promesses et mes excuses sont bancales mais je suis sincère dans ce que je dis. Je suis prêt à faire des efforts, je sais que je peux pas rester comme ça. « Et qu’est-ce que tu vas faire exactement ? » Je reste silencieux parce qu’elle me prend de court. Je n’en ai aucune idée, parce que je sais pas comment je pourrais aller mieux. Je détourne le regard et je m’apprête à bredouiller quelque chose quand elle me coupe dans mon élan. « Me faire des promesses ? Me prouver que je peux te faire confiance ? » Les promesses c’est des conneries, c’est du vent et on le sait tous les deux, non je parle d’actes. “Pas de promesses, je vais te montrer que tu peux me faire confiance.” Ma voix tremble et j’ai l’air plus que pathétique. « Ta mauvaise période ne passera pas Cesar. Pas si tu ne te décides pas à te faire aider. Parce que tout ce que je vois maintenant, c’est une coquille vide. » Je secoue la tête de gauche à droite alors que quelques larmes commencent à s’écraser sur mes joues. “J’ai pas besoin d’aide, ça va aller.” C’est faux, elle a tort, j’ai pas besoin d’aide. Ca va s’arranger je le sais, j’ai juste besoin de temps, de temps pour me remettre de tout ce merdier mais je suis capable de m’en sortir. Je suis solide, je vais me relever c’est sûr. « Et t’as prouvé que tu ne voulais pas de mon aide. » Plus cette discussion avance et plus j’ai l’impression d’étouffer. Mais merde je suis qu’un con. Comment est-ce que j’ai pu en arriver au point où je lui donne cette impression ? “Mais bien sûr que je veux de ton aide, je suis vraiment désolé.” J’ai toujours trouvé les mecs sentimentaux ridicules, j’en suis devenu un. Si on m’avait dit qu’un jour je serais dans un état pareil pour quelqu’un je pense que je n’aurais pas pu le croire. « C’est moi qui suis désolée, parce que je peux pas faire ça. » Mon cœur se brise et j’ai l’impression d'étouffer. Ma respiration s’accélère au rythme de mes sanglots qui s’amplifient. “Em” C’est tout ce que j’arrive à dire à cet instant précis. Elle vient m’enlacer et je comprends plus rien à ce qui est en train de se passer. « Tu me rappelleras quand t’auras fini de jouer au con. Mais d’ici là, c’est terminé. » Je pleure sur son épaule, mouillant ses cheveux au passage. Je la serre un peu plus fort “Non s’il te plaît ne me fais pas ça” Je suis dans un putain de cauchemar, je vais me réveiller hein ? Dites moi que je vais me réveiller, c’est pas possible je peux pas avoir tout foutu en l’air comme ça. “Je suis plus rien sans toi… je… je…j’y arriverais pas sans toi.”