Greta était issue d’une bonne famille et connaissait par coeur les bonnes manières. Pourtant, le voir passer à travers une planche et se lacérer la jambe l’avait fait jubiler bien plus que cela n’aurait dû. Il était infâme, grossier, arrogant, agressif… les adjectifs pour le qualifier étaient nombreux et aucun n’était positif. Malheureusement, au milieu des décombres, au travers des eaux qui ne cessaient de monter, sur un navire où les corps mutilés à moitié dévorés s’empilaient, il était son seul point de repère. Sa présence venait combler le vide qu'avaient laissé ses parents et Owen et malgré ses menaces et sa façon de se décrire comme quelqu’un de dangereux, il était vivant et humain, ce qui lui donnait déjà deux avantages sur le bateau en comparaison aux monstres et autres individus possédés. « Ah bah tiens, j’ai hâte de te voir essayer d’utiliser la force maintenant. » Si la situation n’était pas catastrophique et que la mort ne les guettait pas, Greta aurait ajouté un rire à sa remarque. Le grand blessé avait fini par complètement détruire la planche qu’il avait traversé avec l’aide de Greta qui avait tenté de casser les quelques bouts de bois qui continuaient de le garder prisonnier. Son aide avait été spontanée et elle l’avait regretté à la seconde où il s’était retrouvé en bas, dans la pièce qui donnait juste en dessous de la fameuse trappe. Greta, sans chaussures mais avec un terrible besoin de tenter de sauver sa peau, avait dû le suivre et lui, en revanche, ne l’avait absolument pas aidé. Et pour cause, ce n’était cette fois pas son éternelle indifférence qui l’avait laissée descendre seule mais bel et bien sa blessure qui saignait un peu trop si ses calculs étaient bons. « Besoin d’aide ? Où tu vas te sortir de là en rampant comme le rat que tu es peut-être ? » avait-elle demandé une fois en bas, éprouvant tout de même une once de pitié pour le malheureux. Il était maintenant inoffensif et la proie parfaite pour les bunyip alors elle se permettait de le maltraiter un peu. Le karma ne décevait définitivement jamais, pensait-elle en commençant à chercher ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à un crâne parmi les livres.

Entre les cris qu’il étouffe depuis sa mâchoire plus resserrée que jamais, il entend à peine les moqueries et remarques de Greta. Il entend le sang pulser contre sa tempe, la tempête hurler et les Bunyip avec, mais paradoxalement pas la jeune femme qui se trouve être juste à côté de lui. Sans doute qu’il choisit de s’épargner ses remarques pour l’heure, aussi. « Ah bah tiens, j’ai hâte de te voir essayer d’utiliser la force maintenant. » Fort heureusement, elle mêle ses paroles à une aide véritable, et même s’il la déteste un peu plus encore lorsque sa jambe blessée est la premier à cogner le sol, un étage dessous, il est au moins libéré de ce piège qui aurait pu se montrer mortel. Ses remerciements prennent la forme d’un regard entendu en direction de l’inconnue, descendant à son tour d’un étage.

« Besoin d’aide ? Où tu vas te sortir de là en rampant comme le rat que tu es peut-être ? » - “C’est bon, calme toi.” Il se contente donc de grogner en soufflant, n’ayant de toute façon rien de plus à faire. Dans ce état, il devient totalement inoffensif et, surtout, inutile. “J’vais pas te demander de retirer ta chemise, on va penser que j’ai d’autres pensées.” Il continue de râler, encore et toujours, et ses grimaces ne font que s’agrandir encore lorsqu’il retire sa propre chemise pour la nouer juste au dessous de son genou, dans une maigre tentative de contrôler le flux de sang s’échappant bien malgré lui le long de sa jambe. “T’as pas une formation médicale, à tout hasard? Faut recoudre ? Ou faut cicatriser le truc avec un truc chauffé à blanc ?” Il n’aime aucune de ces réponses, mais il craint devoir passer par là ; et envisage déjà que la seconde l’emporte sur la première: il dénombre l’absence d’aiguille mais la présence des machines servant à réchauffer tout le bateau. Leur alliage métallique est sûrement brûlant, peut-être assez pour régler temporairement le problème d’une plaie trop importante. Cautériser le problème est peut-être la seule chose qu’il lui reste à faire, mais il a besoin de son avis avant de s’y résoudre.

Ils étaient maintenant un étage au-dessus et la solidité du plancher du bâteau laissait à désirer, il n’avait fallu qu’un bandit et une héritière pour en venir à bout. Mais quelque chose lui disait que le capitaine ne leur en voudrait pas d’avoir abîmé son rafiot de malheur, bien trop occupé à être possédé par le démon et tenter de les tuer par tous les moyens qu’il était. Sa femme Narelle apprécierait sûrement l’attention quand ils se retrouveraient en enfer. L’enfer, Greta s’y sentait déjà. L’endroit sentait le tabac froid et son visage grimaçait en parcourant les livres et attendant que l’inconnu daigne se réparer assez vite pour l’aider à chercher. “C’est bon, calme toi.” Elle aimerait se calmer mais c’était lui qui avait commencé à utiliser l’agressivité comme mécanisme de défense et il était évident que cela n’était d’aucune utilité pour survivre ici. L’ironie de l’entendre lui demander de se calmer alors qu’il était empreint de tant de haine à son égard depuis le début de leurs entrevues était prodigieux.

“J’vais pas te demander de retirer ta chemise, on va penser que j’ai d’autres pensées.” Il était trop infâme pour qu’elle accepte de rire à son intervention alors elle avait posé sa main sur sa bouche. Enlever son chemisier et en arracher un morceau pour faire un bandage, elle avait déjà donné et son dressing avait beau être bien garni, l’idée d’aider à nouveau un tel personnage la rebutait. “T’as pas une formation médicale, à tout hasard? Faut recoudre ? Ou faut cicatriser le truc avec un truc chauffé à blanc ?” « Oui, j’ai été infirmière dans l’armée pendant quelque temps. Viens par là. » avait-elle dit d’un air confiant pour qu’il accepte de se faire soigner par elle avant de lui montrer un fil et une aiguille dissimulés dans sa poche - déformation professionnelle d'une héritière d’une entreprise textile. « Visiblement, le capitaine adore poculer. » avait-elle commenté en constatant l'alcool présent dans le lieu. Difficile de fumer sans boire, s'imaginait-elle. Et alors, elle avait appliqué l'alcool sur la plaie avant de commencer à recoudre une plaie bien moins importante qu'il ne le laissait entendre. « Oh mais cesse de crier comme un goret, veux-tu, je te rappelle que c’est comme ça qu’on en est arrivés là ? » lui avait-elle rappelé à lui qui avait su lui dire poliment qu’elle aurait dû se la fermer. « Tu t’appelles comment au fait ? Je demande uniquement pour les papiers, tu sais, quand tu seras mort. Parce que j’ai pas de putain de formation médicale. » Le langage employé changeait parce que l’eau grimpait et venait recouvrir les livres du premier étage des bibliothèques. Greta fouillait, à la recherche d’un quelconque indice qui pourrait la mener à leur but, à une éventuelle salvation de la population de l’embarcation. « C’est quoi ça à ton avis, l’unijambiste ? » Il refusait de lui dire son prénom pour le moment alors il fallait l’interpeller comme elle le pouvait - ici pour lui montrer une carte du bâteau avec une croix en rouge à un endroit précis.

« Oui, j’ai été infirmière dans l’armée pendant quelque temps. Viens par là. » Il l’observe de ses yeux mal assurés pendant un instant, incapable de dire si elle se moque de lui ou statue effectivement la vérité. Lorsqu’elle sort du fil de sa poche et l’aiguille allant avec, pourtant, il est forcé de se rendre compte de la réalité des choses: elle ne ment pas, et cela a l’air d’être d’autant plus bizarre encore. « Visiblement, le capitaine adore poculer. » Et s’il est bien conscient qu’une partie de cet alcool finira contre sa plaie, il anticipe déjà le fait qu’il en boira à son tour, pour tenter de passer outre la douleur. Déjà, Ambrose serre les dents autant qu’il le peut et alors que tous ses muscles sont déjà contractés, il n’arrive pas à totalement retenir son envie de tuer le monde entier et laisse échapper quelques cris de douleurs lorsqu’elle passe l’aiguille à travers sa chair, encore et encore. « Oh mais cesse de crier comme un goret, veux-tu, je te rappelle que c’est comme ça qu’on en est arrivés là ? » - “Tu veux prendre ma place peut-être ?” Il s’énerve à son tour, à bout de nerfs, la douleur contre sa jambe ayant l’air de vouloir lui dire qu’il devrait tout simplement l’amputer (non, il ne le fera pas).

« Tu t’appelles comment au fait ? Je demande uniquement pour les papiers, tu sais, quand tu seras mort. Parce que j’ai pas de putain de formation médicale. » Il n’a plus vraiment envie de rire maintenant, Ambrose, alors il préfère une lente étude de tout le visage de la jeune femme plutôt qu’une réponse. Il ne sait pas s’il peut lui faire confiance, ne serait-ce pour qu’ils sortent d’ici en vie. « C’est quoi ça à ton avis, l’unijambiste ? » - “Ambrose.” qu’il se contente finalement de répondre, tout bas, avant d’avoir bien du mal à se relever, sa jambe encore patraque. “Tu crois que c’est vrai, leur histoire de crâne à retrouver ? Parce que si oui, j’suis peut-être pas un pirate, mais je noterais sûrement l’endroit où je range des objets qui valent une fortune.” Rien ne sert de le cacher: qui aurait eu l’idée de fouiller le fumoir pour savoir où se trouve un crâne ? Cela ne fait aucun sens ; rien ne fait de sens, de toute façon. “J’serai sûrement riche si on sauve tout le monde.” Et c’est la seule chose qui l’attire dans tout ça.

Elle en aurait des choses à raconter si jamais elle réussissait à sortir de là. Greta avait rencontré des monstres et avait réussi à s’échapper de toutes les pires situations possibles. Puis elle s’était retrouvée à réunir tout son courage pour recoudre à vif la plaie béante d’un parfait inconnu. Bien sûr, s’il avait été sympathique, l’idée de le voir souffrir aurait été une barrière, sa mauvaise humeur lui avait donc peut-être sauvé la vie. En quelques sortes. Difficile de savoir s’il était sauvé à ce moment précis, s’ils étaient sauvés. “Tu veux prendre ma place peut-être ?” avait-il demandé et elle aurait juré qu’il baissait la garde pour la première fois depuis leur première rencontre. Sa place, elle ne la voulait pour rien au monde, non pas parce qu’il souffrait le martyr et risquait de perdre sa jambe, mais parce qu’il ne semblait avoir aucune valeur morale et résistait dans ce monde en dérobant aux autres. Greta comprenait que le genre de richesse dans lequel elle baignait pouvait déranger, mais certaines personnes aisées avaient de l’empathie en plus de la classe et étaient enclines à aider.

“Ambrose.” avait-il dit et son prénom était bien plus doux et mélodieux que les aboiements du garçon. Celui-ci n’avait pas tiqué lorsqu’elle lui avait révélé avoir menti et ne pas avoir de formation médicale, trahissant une confiance qui n’avait finalement peut-être jamais existée. Il n’avait pas non plus demandé son prénom, mais cela ne l’étonnait absolument pas. “Tu crois que c’est vrai, leur histoire de crâne à retrouver ? Parce que si oui, j’suis peut-être pas un pirate, mais je noterais sûrement l’endroit où je range des objets qui valent une fortune.” Difficile à dire, se disait-elle. « Le capitaine avait l’air plutôt convaincant en racontant son histoire et j’ai vu plusieurs personnes chercher un peu partout sur le bâteau. » avait-elle expliqué en se remémorant un discours qu’elle aurait préféré ne pas entendre. “J’serai sûrement riche si on sauve tout le monde.” « Je pense que ça nous rendrait célèbre mais personnellement je le suis déjà un peu. » avait-elle commencé et le regard de dégoût d’Ambrose l’avait fait continuer. « On fera ça ensemble, visiblement. Alors si tu m’aides, même avec le moins de volonté au monde, je te laisserais pas continuer à voler. J’ai de l’argent que je peux te garantir rapidement ou l’opportunité de te garantir un boulot mais je doute que l’idée d’une situation stable te réjouisse. » Greta pour la première fois depuis le début de leurs discussions s’était décidée à lui sourire parce qu’il attirait la sympathie, malgré tout. Mais les négociations pouvaient attendre, il fallait chercher un crâne et la carte indiquait une porte avec des flèches sur le côté, comme si un passage secret s’ouvrait en faisant… ça. « Wow. Le karma a été rapide. T’arriveras à me suivre ? » avait-elle demandé en désignant sa jambe. Greta se sentait capable de chercher seule, mais à deux, ils seraient plus efficaces.

« Le capitaine avait l’air plutôt convaincant en racontant son histoire et j’ai vu plusieurs personnes chercher un peu partout sur le bâteau. » Les capitaines mentent comme des arracheurs de dents, cela n’a rien d’une nouveauté d’aucune sorte. Eux aussi, ont un but à poursuivre et ils le font à n’importe quel prix. Simplement, ils ont un beau chapeau , un beau navire, et tout le monde les suit pour ceux deux simples raisons: eux les premiers. “Je me disais qu’il cherchait le crâne pour son profit personnel.” Qu’il se contente donc de répondre. Il ne croyait pas aux monstres Bunyip avant d’être confronté à trois d’entre eux et de ne plus pouvoir nier leur existence plus longtemps. Ainsi, toute l’histoire est remise en question.

Alors, il aligne une seconde vérité: trouver ce crâne leur apporterait une richesse que la jeune femme connait déjà et que Ambrose prospecte depuis toujours ou presque. Riche, il pourrait épouser Zoya sans que sa famille ne s’y oppose. « Je pense que ça nous rendrait célèbre mais personnellement je le suis déjà un peu. » Il se retient de commenter ou de lever les yeux au ciel. Bien sûr, riche, belle, célèbre. La Saint Trinité des temps modernes, n’est-ce pas ? Ambrose préfère encore porter un regard contre sa jambe et s’assurer que les points tiennent le coup plutôt que de lui donner plus d’importance. « On fera ça ensemble, visiblement. Alors si tu m’aides, même avec le moins de volonté au monde, je te laisserais pas continuer à voler. J’ai de l’argent que je peux te garantir rapidement ou l’opportunité de te garantir un boulot mais je doute que l’idée d’une situation stable te réjouisse. » - “Détrompe toi.” Une situation stable, c’est tout ce dont il a envie, au fond. Mais personne ne veut donner une situation stable à un gars dans son genre, qui n’a aucune formation, aucune passion, aucune envie de quoi que ce soit en réalité. Personne ne veut d’un gars comme lui, tout court, sauf la seule personne à qui on refuse d’être près de lui. “Je te rappellerai cette promesse le moment venu. Ton nom ? Pour inscrire ça en lettre de sang quelque part.” Il relève le menton pour planter ses yeux dans les siens, plus sérieux que jamais ou presque. Cette promesse, il s’y accroche comme à une bouée de secours désormais.

« Wow. Le karma a été rapide. T’arriveras à me suivre ? »
“Ça va le faire.”

Le douleur n’est plus sa priorité, maintenant, et il fait de son mieux pour la reléguer au second plan, si ce n’est au troisième. “Il y a des salles que personne ne connaît, pour accéder à la cale. Mais tu vas mettre de la poussière sur ta jolie robe.” Il reprend déjà un ton moqueur et amusé. “Tu vas tâcher tes habits en passant par là aussi, j’imagine.” Il avance de toute façon, lorsqu’elle découvre un passage secret.[/color]” Ce n’est que la chance du débutant. “A toi l’honneur.” Quelques mètres dessus eux, ils entendent les monstres s’énerver contre le loquet de la trappe. Bientôt, ils en viendront à bout, sans nulle doute.

Depuis que son nom avait été prononcé tout haut, Greta devait s’avouer éprouver un peu plus de sympathie pour celui qui était resté un inconnu pendant trop longtemps. “Détrompe toi.” L’héritière, arquant un sourcil étonné, se surprenait à vouloir l’aider, non pas par pitié, mais parce que l’idée de se sortir de là les lier inévitablement. Ils auraient vécu tout cela ensemble et cela ne pourrait qu’effacer les erreurs d’un jeune homme visiblement tiraillé et tourné vers l’avenir, souhaitant comme quiconque réussir dans la vie. “Je te rappellerai cette promesse le moment venu. Ton nom ? Pour inscrire ça en lettre de sang quelque part.” « Greta Sighbury. Je te rappelle que tu as quelque chose qui m’appartient, alors si tu doutais que je tiendrais ma promesse, sache que ma famille te retrouvera peu importe ce que cela coûte pour reprendre ce qui lui appartient. Mais t’en fais pas, on restera sur ce deal là, plus avantageux pour toi. » Greta lui avait fait un clin d’oeil machinalement et avait regretté, de peur de s’attirer à nouveau les foudres du voleur. Mais il n’avait pas bronché, ayant changé de comportement depuis qu’elle lui promettait un avenir meilleur. Et elle était sincère. “Ça va le faire.” avait-il dit lorsqu’elle s’était inquiétée de devoir accomplir la mission seule. Il était déterminé et ne perdait pas son aplomb. “Il y a des salles que personne ne connaît, pour accéder à la cale. Mais tu vas mettre de la poussière sur ta jolie robe.” avait-il avancé, se jouant à nouveau d’elle et retrouvant son cynisme caractéristique. Mais, cette fois-ci, Greta s’était autorisée un léger rire comme réponse et se réjouissait de pouvoir lui prouver qu’elle n’était pas qu’une gamine précieuse qui se mouchait dans des billets de banque. “A toi l’honneur.” Et sans hésiter elle avait enlevé la ceinture de soie de sa jupe pour s’attacher les cheveux puis avait attrapé son jupon pour s’infiltrer avec plus de facilité dans le chemin sinueux qu’ils avaient réussi à ouvrir en suivant le chemin du plan. « J’y suis ! C’est étroit et assez long comme couloir… » lui avait-elle anticipé avant qu’il ne s’engouffre à son tour et cette fois-ci ses gémissements étaient venus lui tirer une grimace. Il fallait le dire, son côté bandit était nécessaire pour continuer la mission, beaucoup auraient abandonné. Mais leur vie était en jeu. Ils étaient à présent dans une pièce sombre et Greta était perdue. « A toi de jouer, Ambrose. » Ou time to shine i guess.

« Greta Sighbury. Je te rappelle que tu as quelque chose qui m’appartient, alors si tu doutais que je tiendrais ma promesse, sache que ma famille te retrouvera peu importe ce que cela coûte pour reprendre ce qui lui appartient. Mais t’en fais pas, on restera sur ce deal là, plus avantageux pour toi. »
“Primo, j’ai confiance en personne. Secundo, bon courage à eux: si je décide de disparaître, ils ne me retrouveront jamais.”

Ce qui se voulait être qu’une simple information se transforme sans doute quelque peu en menaces: en d’autres termes, c’est aussi à elle de faire attention. Il a toujours vécu dans la pauvreté et peut continuer ainsi ; de son côté, il doute qu’elle sache comment avancer deux pas si elle n’a pas son si précieux collier près d’elle, en revanche, et cela a quelque chose d’amusant, il faut bien l’avouer. Aussi différents peuvent-ils être et leurs avis diamétralement opposés, pourtant, ils finissent par prendre le même chemin sinueux et absolument pas rassurant, Greta ayant du mal à se frayer un passage à cause de ses habits, Ambrose grimaçant un peu plus à chaque nouveau pas, à chaque fois qu’il recommence à appuyer contre sa jambe malmenée. « J’y suis ! C’est étroit et assez long comme couloir… A toi de jouer, Ambrose. » - “J’arrive, j’arrive.” Son pas est plus lent, bien moins gracieux, encore moins balancé ou équilibré, mais au moins il avance. Il n’a pas peur du noir, après tout, et il n’y a certainement pas grand chose qui le retient de l’autre côté, en prouve le fait que sa tête émerge à son tour du couloir après de longues secondes.

“Mais c’est un cul de sac.” Il annonce, aussi outré que déboussolé alors qu’il tourne sur lui-même, ne voyant aucune issue, pas même une trappe au dessus d’eux. “L’ouverture doit être cachée quelque part dans ces putains de mur, faut chercher.” Il annonce donc, à court d’idées, ses mains tâtant le bois malmené du Narelle dans l’espoir d’y trouver un endroit qui sonne creux, ou n’importe quoi pouvant les aider à aller de l’avant. “Vite, j’pense que les Bunyip vont trouver le moyen de passer.” Mais pas de pression, bien sûr.

Le passage sinueux dans lequel elle a devancé Ambrose lui permet de lever les yeux au ciel en l’écoutant lui refaire des menaces, oubliant sûrement que plus les gens étaient riches, plus ils étaient dangereux. Greta n’avait que faire de ses menaces, elles présentaient un réel risque lorsqu’ils n’étaient qu’à deux et condamnés mais puisqu’ils avançaient peu à peu vers la salvation, elle n’avait plus rien à craindre. A l’extérieur, les Sighbury étaient intouchables et prenaient un malin plaisir à se débarrasser de leurs concurrents. Un billet de banque suffisait parfois à faire accepter l’impossible au gens et cela se prouvait à la façon dont l’idée de l’argent animait Ambrose lui-même. “Mais c’est un cul de sac.” avait-il annoncé en la rejoignant sur place. « Perspicace. » lui avait-elle répondu avec un air toujours aussi provocateur, la volonté de ne pas se laisser marcher sur les pieds par celui qu’elle découvrait peu à peu au travers de l’adversité. La solution était proche, elle en était certaine, et plaisanter ainsi lui permettait de garder sa santé mentale dans une ambiance qui l’aurait normalement fait imploser. “L’ouverture doit être cachée quelque part dans ces putains de mur, faut chercher.” Machinalement, le cou de Greta avait commencé à tourner dans chaque sens pour tenter de déceler une possible ouverture. “Vite, j’pense que les Bunyip vont trouver le moyen de passer.” « T’as vu la taille de ces trucs ? S’ils arrivent à passer par là alors que ma taille de guêpe frôlait les murs, l’affront sera tel que je les tuerais à mains nues. » Ils étaient immondes, ils voulaient manger l’ensemble des passagers mais ils ne devaient tout de même pas exagérer et venir la bafouer. Le passage était selon elle impraticable pour eux, à moins qu’ils ne sachent traverser les murs, tout semblait possible. Alors, sans se laisser distraire par les cris de terreur, les hurlements de ceux qui se faisaient dévorer vivants et les grognements mesquins des bunyip, Greta continuait de chercher et avait aperçu quelque chose au plafond. « Fais moi la courte échelle, je vais monter sur tes épaules, il y’a un truc là ! » Greta les regardait fixement, lui et sa grimace. « Je sais que t’as mal, on peut tenter de faire l’inverse, mais je doute que ton égo supporterait l’humiliation. » avait-elle conclu en levant le menton dans un signe d’impatience.

« Perspicace. » Il lui décoche un regard noir, jugeant plus que jamais que le moment est malvenu pour qu’elle ose lui tenir ce genre de remarque. Rapidement, il passe à autre chose et pense à la suite de leur périple, lui qui a encore le maigre espoir qu’ils arrivent à s’en sortir bien que tous les éléments semblent être contre eux. « T’as vu la taille de ces trucs ? S’ils arrivent à passer par là alors que ma taille de guêpe frôlait les murs, l’affront sera tel que je les tuerais à mains nues. » - “Tu crois vraiment qu’ils arriveront pas à trouver un moyen ou un autre pour accéder à leur nourriture ?” Il gronde à son tour, n’en ayant rien à faire qu’elle ait une taille de guêpe ou qu’elle puisse avoir frôlé les murs. S’ils veulent les tuer (et c’est le cas), alors ils finiront par trouver le moyen d’y arriver, sans le moindre doute.

Pourtant, Ambrose s’agace rapidement, ou tout du moins il craint de plus en plus de s’être retrouvé dans un cul de sac qui ne soit finalement qu’un immense piège ; ou un buffet pour les Bunyip selon le point de vue. « Fais moi la courte échelle, je vais monter sur tes épaules, il y’a un truc là ! » Il trouve aussitôt son regard, pris de court par une telle demande et, surtout, peu enjoué par l’idée que Greta lui soumet comme si elle était parfaitement évidente. « Je sais que t’as mal, on peut tenter de faire l’inverse, mais je doute que ton égo supporterait l’humiliation. » Il se moque bien de son ego, mais puisqu’il ne comprend pas ce qu’elle a vu, il faut que ce soit elle qui atteigne le plafond. “Fais vite.” Déjà, il tente de faire basculer le plus de poids possible sur la jambe qui n’est pas blessée, mais cela n’empêche en rien de lui faire regretter son idée à la seconde même où elle pose son pied sur ses mains jointes et grimpe finalement sur ses épaules, tant bien que mal. Entre ses mâchoires serrées, le garçon grogne en silence, les yeux fermés comme si cela allait pouvoir l’aider à supporter la douleur. “Je tiendrai vraiment pas longtemps Greta, dis moi que tu trouves quelque chose.” Il enroule ses mains contre ses chevilles pour l’aider à garder un certain équilibre, quoique précaire.

Les comportements de chacun avaient changé. Pour la plupart, l’histoire s’était très vite arrêtée puisque le pouvoir de persuasion des bunyip les avait amenés à se jeter à l’eau et à périr, bien évidemment. Ceux qui avaient paniqué et n’avaient pas su prendre de décision assez vite, eux, avaient servi de dîner à des monstres qui ne donnaient que peu de répit aux survivants. “Tu crois vraiment qu’ils arriveront pas à trouver un moyen ou un autre pour accéder à leur nourriture ?” Regard noir, soupir, agacement. Ambrose, lui, semblait rester égal à lui-même et c’est sûrement ce détachement avec ce qu’il se passait actuellement qui avait permis au garçon de continuer et de permettre à Greta, à ses côtés, d’avancer.

Ils étaient maintenant dans une enième pièce exiguë et l’optimisme de Greta reprenait le dessus, elle ne pouvait s’empêcher de sentir qu’ils étaient proches de la délivrance parce qu’ils n’avaient pas survécu jusque-là pour rien, elle en était convaincue. “Fais vite.” L’idée n’était pas de le faire souffrir, mais d’atteindre ce quelque chose qui dépassait des murs. « Ambrose ! Je l’ai ! » Greta était descendue des épaules du malheureux qui avait dû réunir le reste de ses forces pour lui permettre de trouver ce qu’ils cherchaient. Ses efforts avaient été récompensés et Greta était venue brandir fièrement le bout de squelette juste devant son visage - l’objet était immonde mais la chandelle n’était que trop belle. Tout cela semblait trop facile, pourtant, cela faisait maintenant plusieurs heures qu’ils cavalaient dans le bâteau et remuaient ciel et terre pour trouver ce que tout le monde semblait chercher. Mais chercher pour quelle raison, au juste ? Greta avait entendu qu’ils devaient ramener le crâne au bunyip, ou quelque chose du genre, mais c’était de la folie. « Qu’est ce qu’on doit faire, maintenant ? » avait-elle demandé, peu sûre de la confiance qu’elle était en train de lui accorder et craignant de le voir s’enfuir avec le crâne. Peut-être aurait-elle dû préciser qu’il ne valait rien. Malgré tout, la jeune femme se retenait de prononcer tout haut ce qu’elle pensait tout bas : ils avaient fait une bonne équipe.

« Ambrose ! Je l’ai ! » Il laisse échapper un souffle de soulagement, sa jambe ayant commencé à lui faire bien plus mal qu’il ne puisse réellement le supporter, en témoignent déjà ses maigres tremblements. Quelques secondes de plus, et il se serait sans doute écroulé, qu’elle ait trouvé ce qu’elle cherchait ou non. Il veut survivre, bien sûr, mais il ne peut pas aller contre les lois de la nature, pour sûr. Malheureusement. “C’est quoi ?” Appuyé contre un mur, il reprend lentement (trop lentement) des forces, le souffle encore court mais curieux de savoir ce qui a valu tant d’efforts.

Il ne pensait pas qu’elle allait trouver le crâne aussi rapidement, en témoignent les gros yeux qu’il affiche sous les siens. Surpris, mais surtout soulagé. « Qu’est ce qu’on doit faire, maintenant ? » - “Je…” Il n’en sait rien, il n’en sait strictement rien. Il ne s’est jamais préparé pour une telle épreuve de vie, de toute évidence. Il n’a même pas réellement écouté lorsque les bunyip ont annoncé leur plan, quand ils ont annoncé qu’ils allaient finalement faire de tous les passagers du bateau leurs victimes, ou leur repas, selon leur humeur au moment où ils se seraient retrouvés face aux humains bien incapables de faire le poids face à de tels monstres. “On doit remonter. On doit trouver leur chef. Ils doivent avoir un chef, non ?” Un genre de bunyip immense, ce serait l’équivalent animal d’une couronne sur la tête et d’un animal devant lequel ils devraient ployer le genou et surtout implorer la pitié, tendant face à eux leurs mains contenant ce crâne immonde, lequel est supposé leur sauver la vie. Et s’ils avaient finalement décidé de changer d’avis ? Et si le crâne ne les contentait plus ?