AccueilAccueil  RechercherRechercher  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Besoin d'un coup de main pour t'intégrer ?
Clique ici pour trouver un parrain et relever les défis du nouveau !
Le forum a besoin de vous pour vivre
N'oubliez pas de voter autant que possible.
Le Deal du moment : -39%
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON ...
Voir le deal
1190 €

63 résultats trouvés pour 18

AuteurMessage
Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyJeu 11 Juin - 11:25




NEVER FADE AWAY
Je n’en voulais pas de cette conversation. Dans mon idéal, elle n’avait pas lieu d’être puisque nous étions supposés, Raelyn et moi, marcher toujours plus avant, sans nous arrêter et sans opérer de machine arrière, vers un seul objectif commun : la réconciliation. Or, elle a reculé à maintes reprises, trop souvent pour mes nerfs. Et, tandis que je clos d’un baiser sur sa paume ce désagréable intermède, j’ai l’impression de me désavouer, de ne pas respecter les prescrits de mon cœur, d’agir à l’instar de ce que je reproche à ma partenaire. Reproche. Le mot est fort ! Je ne la pointe pas du doigt, je traduis surtout mon ressenti, quoique plus durement qu’à l’accoutumée pour le bien de mon amour-propre. En suis-je heureux ? Pas du tout. Ai-je traversé le pont du bateau le cœur plus léger ? Que du contraire : j’ai toujours aussi ma et, tandis que j’abandonne ma dulcinée à son désarroi et que je suis caché de son regard aiguisé, le masque de la déception couvre mes traits. Je pense même à me retourner pour lui dire d’oublier tout ça, que j’ai exagéré, que je ne pourrai de toute façon m’endormir en la sachant à quelques pas de moi sans l’entendre respirer non loin de mon corps. Je ne peux pas, malheureusement. Je m’en voudrais de m’être montré aussi faible et, cette colère que j’ai étouffée à sa source a la faveur de la raison, décuplera au petit matin, amplifiant au passage le risque que cette virée, pourtant vouée à nous rapprocher, tourne définitivement au fiasco. Est-il possible de l'éviter cependant ? Je la connais, Raelyn. À l’heure actuelle, elle doit me détester pour ce qu’elle comparera à une tentative pour renverser la vapeur. Son orgueil doit certainement la rappeler à l’ordre en lui soufflant qu’elle vaut mieux que ce retournement de situation, qu’il est injuste et que je le suis, que j’ai surjoué la froideur pour la manipuler ou la punir de ne pas céder à mes caprices. Sauf qu’il n’en est rien et que je prie pour que ses sentiments gagnent cette partie d’échecs. Je prie pour qu’elle ne se sente pas abandonnée ou rejetée, pour que sa frustration redescende en température et qu’à froid, elle se chausse de mes inconfortables bottines. Je rêve également qu’au lever, elle amorcera l’ébauche d’un pourparler qu’elle jonchera de résolutions viables, adéquates et contre lesquelles je n’opposerai aucune résistance. En attendant, j’investis la salle de bain et m’adonne au rituel du soir : un peu d’onguent sur mon hématome, un bandage mal serré – c’est toujours mieux que rien – en soutien pour la nuit et un brin de toilette qui ne suffit à égayer mes traits. Ils sont tirés. Les cernes sous mes yeux témoignent de mes perpétuelles insomnies dès lors que de vieux maux me rattrapent un peu plus chaque jour. Mes nuits sont écourtées par des cauchemars et, s’il est du positif à retenir de la précédente, c’est que sa présence les aura chassés. Est-ce une bonne raison de renoncer à ma décision ? Peut-être. Mais quelle image renverrais-je alors que j’affronte sans fierté mon reflet dans mon miroir ? Que je suis une girouette ? Je ne suis pas l’homme le plus stable de la création – Sarah et la perte de Sofia m’ont trop abîmé – mais je suis borné, assez pour faire semblant que mon coeur n'a pas sursauté lorsque je suis tombé nez à nez avec Raelyn dans la cuisine.

Et, une fois n’est pas coutume ces derniers temps, je ne sais pas quelle attitude adopter et la plaie n’en est que plus douloureuse. L’ignorer ? Il n’en est pas question. Je ne suis pas hypocrite et feindre d’être indifférent nous insulterait, tous les deux. La gratifier d’un sourire ? Je m’y essaie, quoiqu’il soit timide. La nuit, ma côte me fait un mal de chien. J’ai besoin d’avaler l’antidouleur que je détiens entre mes droits. Au contraire, la grimace aurait été plus large, autant que mes espoirs finalement, car ils sont toujours là. Ils braillent fort. Ils protestent dès lors que je me retiens de ne pas l’embrasser pour lui souhaiter une bonne nuit. Ce serait si facile. Il me suffirait de tendre la main pour la tirer contre moi, l’enlacer et lui imposer cette volonté. Je doute cependant que ça nous soit profitable. J’influencerais sa remise en question et j’en paierai les frais tôt ou tard. « Essaie de te reposer. » lui ai-je soufflé depuis le frigo. Il m’a semblé qu’une éternité s’écoulait entre le moment où je l’ai enfin quitté des yeux et où j’ai refermé le réfrigérateur, une éternité à la désirer contre moi et non pas seule, dans notre chambre. En poussant la porte de la “petite“, je ne m’y sens pas vraiment chez moi. Je peine à trouver une position acceptable,  - le matelas inconfortable - et, alors que j'éteins, mes ambitions s’évanouissent. Comment pourrais-je fermer les yeux ? Mes pensées vagabondent dans la pièce adjacente. Elles convergent vers elle et je suis gorgé d’inquiétude et de remords. Comment va-t-elle ? Prendre une douche lui aura-t-elle fait du bien ? Est-ce que je lui manque ? M’appréhendera-t-elle comme un pleutre si je frappais à sa porte ? Est-ce que, dans la cuisine, j’aurais dû la serrer dans mes bras pour la rassurer ? NOUS rassurer ? Aurait-il été de bon ton de lui chuchoter à l’oreille que tout s’arrangera ? De lui répéter que demain, c’est loin, et que tout ira pour le mieux ? Valide, je me serais retourné d’un côté sur l’autre tant je suis agité. J’ai l’impression d’être prisonnier de mon propre corps d’ailleurs, parce que si j’ai le malheur de bouger, je pourrai dire adieu à cette rupture entre la douleur de la fracture et moi. Alors, j’ai poussé un profond soupir et, fermant les paupières, j’ai attendu le marchand de sable et, si mon invité m’a boudé c’est une autre qui m’a surpris au beau milieu de ma quête, une autre que j’ai espérée.

Durant cette tranche fade de solitude, je me suis étonné à imaginer quelle serait ma réaction si elle apparaissait par enchantement sur le seuil de ma porte. J’ai été jusqu’à sourire à la nuit, convaincu que l’initiative m’ébranlerait et que je lui tendrai les bras, forcément. Or, je ne l’ai pas fait ou seulement en partie. « Non. » ai-je lancé les traits fendus d’une grimace avenante. « Je vais venir moi. » Je me suis extirpé de la couette, non sans mal, quoique je n’ai rien laissé transparaître et je me suis posté là, sur le seuil de ma porte, juste devant elle et sans réclamer une dérogation particulière – et sans doute aurais-je dû – je me suis penché sur ses lèvres pour lui dérober un baiser. Si j’outrepasse mes droits, si je sors du cadre de ce qu’elle est prête à offrir, je l’entendrai. En attendant, je profite qu’elle ne me chasse pas – pas encore – pour la pousser jusqu’à la chambre. La nôtre. Il ne s’y passera pas grand-chose de plus. Je ne suis pas en état, mais je présume que mon épaule et mon torse lui serviront de refuge et, c’est déjà ça. Je ne quitte ses lèvres que pour retrouver mon souffle et, avant qu’elle ne confronte mon audace, je lui souffle tout contre sa bouche que : « Je n’avais pas envie de demander l’autorisation cette fois. Mais, je le ferai, la prochaine. » Jusqu’à ce que ça compte parmi les cadeaux dévoués à notre réconciliation.
Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyMer 10 Juin - 23:13




NEVER FADE AWAY
Évidemment, je suis sensible à la chaleur de ses bras autour de ma taille et à celle de sa joue posée dans mon dos. Que je ne me retourne pas vers elle pour lui offrir un sourire est un miracle en soi et mon stoïcisme n’est pas avoué à la rejeter, à l’ignorer ou à la punir. C’est une torture que ne pas profiter de sa bonne composition avant qu’elle ne change d’avis. Et, c’est bien là que se situe le problème : ces sauts d’affection. Raelyn, sans le désirer vraiment m’enferme contre mon gré dans un ascenseur qui monterait rapidement et descendrait en chute libre au gré de ses caprices ou de ses envies et, quoique je ne suis pas fatiguée de l’attendre, je ne veux plus danser comme elle chante au nom de l’amour et de mon mensonge. Pour ce dernier, j’ai déjà fait mon mea culpa. Pour nous sauver – prétendre que j’ai œuvré pour elle serait hypocrite – j’ai écrasé sous mon talon ma fierté. J’ai tenu droit malgré de comportements qui ne me ressemblent pas (ou peu) quand je n’ai jamais, auparavant, autant cherché le pardon de Sarah. Mon épouse n’a pas joui du quart de ma bonne composition puisque j’avais pris le pli de laisser nos disputes se résoudre d’elle-même par l’action du temps et non de mon repentir. Et, bien sûr qu’elle n’y peut rien si je suis sorti du cadre de mes limites, Raelyn. Elle n’a pas réclamé autant d’abnégation de ma part, mais je n’aime pas sa façon de gérer sa colère et ses sentiments. J’ai l’impression qu’elle enfonce le clou pour se louanger de mon affection et c’est à mon sens injuste et peu équitable. Est-ce j’extrapole ? Est-ce que, blessé par ce qu’elle donne et reprend à la seconde, je me mets seul Martel en tête ? Peut-être. Peut-être même que je noircis le tableau sans qu’elle ne le mérite réellement. Mais, elle me fait mal, beaucoup trop, et dans ces conditions, je ne réponds plus qu’à mon instinct de préservation. C’est pour survivre à la rupture que je pressens que je me barricade derrière mes silences entrecoupés de quelques mots savamment choisis. Je ne veux plus baisser la tête lorsque je croise mon reflet dans un miroir de m’être humilié à la faveur d’une illusion et, si je la crois plus stable que moi, j’ai bien peur qu’elle ne soit avancée en me promettant sa clémence. Suis-je trop dur ? Trop rigide ? Ai-je au contraire été trop con ou trop bon ? Je ne saurais dire. En revanche, j’assume que lui accorder du temps n’est pas synonyme de la mise à mort de mon orgueil. Il n’est rien de plus avilissant que d’être la peau d’un clébard de plus dans son existence et, pourtant, j’ai peur. Je crains de la froisser et d’avoir raison. Je redoute l’idée que la pioche qui m’enfonce dans le crâne ces sombres idées soit moins le fruit de mon imagination qu’une vérité crue et indigeste. J’ai peur et j’évite son regard. J’ai peur, mais une fois encore, j’accède à son désir : je dénoue la pelote de laine de ma déception.

J’ai choisi les mots à cause de mes doutes, mais je sais que j’en ai déjà trop dit. Je le devine dès lors qu’elle se tourne vers moi tandis que je me borne à contempler le spectacle du soleil couchant. La scène est littérairement romantique, mais je n’aime pas mon rôle dans cette pièce de théâtre digne de Shakespeare. Je ne suis pas un Romeo prêt à crever pour une histoire impossible. Je ne suis pas non plus un Quasimodo sacrificiel qui s’agenouillerait devant la belle qui l’immolerait sur la place publique. Je n’ai pas un tempérament de héros et, autant je peux haïr mes failles, autant j’ai trop lutté pour finir croqué par le requin qu’est le noble sentiment. Peu à peu, j’atteins mes limites, mais c’est si douloureux que ma respiration est lourde, pesante, saccadée. La fatigue me rattrape et j’ai un nœud dans l’estomac. Fuir la conversation m’aurait presque paru acceptable si la seule présence de Raelyn n’avait pas bouté un foyer dans le brasero de mes espoirs. Je me dis que je fais erreur sur toute la ligne. Que mon virage à 360° nous précipitera droit dans un mur. Toutefois, élancé par les protestations de mon amour-propre, j’affronte et lui confronte mon ressenti. Advienne que devra, ai-je songé non sans m’en mordre les doigts puisque demain, ça ira mieux. Je le déclare et je le pense, sincèrement. Je le pense, car demain, elle m’aura manqué de nouveau de m’être endormi sans elle, par choix, quand elle reposera pourtant dans la chambre à côté. Je serais fou de m’infliger cette distance qu’elle ne respectera pas et je ne suis pas convaincu de survie à une nuit supplémentaire en tant que mal-aimé de Morphée. J’ai besoin de sérénité pour quelques heures et c’est à la faveur de cette certitude que j’opte pour cet éloignement forcé et, cette décision, somme toute raisonnable, n’est pas tissé dans le coton rêche de la punition. Mais, qu’en est-il pour elle ? Est-ce limpide à ses yeux ? « C’est vrai. » ai-je néanmoins admis malgré les appréhensions qui m’assaillent. Je ne dépose pas les armes à ses pieds. Je les dissimule seulement derrière un pavois en bois massif.

Nerveux, je tire une cigarette de mon paquet. Je peine à l’allumer à cause du vent et cette frustration souffle dans le cor de la colère. Elle se diffuse dans mes veines, mais elle n’est pas dirigée contre elle. Je maudis ma femme, sa détermination à me pourrir la vie, ma lâcheté, ce séjour qui ne se déroule pas comme je l’avais imaginé et qui me tenait à cœur. Je maudis mes emmerdes et cette sensation d’être acculé par mes maladresses parce que je sais qu’elle se sent éconduite, mon amante, et ça n’a jamais été mon but. « Mais pas contre toi, pour moi. » Et, j’en ai le droit. J’ai le droit de limiter la casse si je suis mal à l’aise. « Ton cœur ou ta fierté, Rae ? » me suis-je enquis alors qu’elle se justifie d’accusations voilées, d’un jugement qui relève à ce stade d’une hypothèse. « Parce que c’est ça le problème. Tu essaies de faire plier l’un ou l’autre et je peux comprendre que ça soit compliqué pour toi. Mais, ce n’est pas ma place d’être au milieu de ce combat comme si j’étais encore l’ennemi. Si tu ne peux pas entendre que je regrette, alors non, je ne sais pas quoi faire ou que dire de plus. Donc, demain… laisse-toi jusqu’à demain pour digérer tout ça. » Autrement dit, mes attitudes, mes silences, ces confessions sur mon état d’esprit. « Je ne dis pas que tu dois avoir pris une décision d’ici là. » Je ne répéterai jamais assez que je respecterai sa cadence. « Et je ne te demande même pas non plus d’être désolée parce que tu as eu envie d’être dans mes bras. Je te l’ai dit, ce n’est pas le problème. » En soi, ce serait rassurant si, dans son cœur, les actes et les interdictions étaient cohérents à mon niveau. « C’est juste que je n’ai pas envie d’être ton rat de laboratoire. » ai-je ponctué en écrasant dans un cendrier la sèche fumée un rien trop vite pour ma tension : j’ai la tête qui tourne. « Tu sais, je te crois quand tu dis que tu n’as pas envie de reprendre. » Pour la première fois depuis le début de cette mise au point, j'ai pivoté vers elle. J’ai même avancé d’un pas dans sa direction. « Mais, je pense que tu ne sais pas très bien ce que tu es capable de donner, alors, réfléchis-y avant que je me sente piétiné. » Et je clos l’entretien en saisissant sa main pour l’aider à descendre du bastingage et, ses pieds sur la terre ferme, je me suis penché son front pour l’embrasser. « Essaie de ne pas te prendre la tête, tu veux ? Moi, il faut que je dorme. Ça devient urgent. » Si tant est que je parvienne à trouver l’objet de cette quête et rien n’est moins sûr malheureusement. Aussi, ai-je tourné les talents après avoir posé mes lèvres sur la paume de sa main.
Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyMer 10 Juin - 20:01




NEVER FADE AWAY
Je ne la fuis par bassesse, Raelyn. Je ne me réfugie pas depuis la chambre jusqu’au pont par petitesse d’esprit ou d’avoir fomenté le dessein de la blesser sous prétexte que je suis mal dans mes baskets. Je crois que, d’une certaine façon, j’essaie de la préserver de ma mauvaise humeur, fruit de ma fatigue liée à mon insomnie et à mes combats intérieurs. Je lutte contre mon désir, contre mes émotions et contre elle également. Je bataille ferme contre son orgueil qui, lorsqu’il est aux manettes, l’éloigne et la plonge dans un bain d’inconstance. C’est ce trait que je réfute encore maintenant que je suis seul et que je m’emploie à réguler mes humeurs du matin. Qui sait, peut-être que mieux réveillé, je serai parvenu à balayer mes ressentiments. Peut-être que respirer l’air iodé de la mer réanimera mes espoirs à l’agonie, me suis-je dit naïvement. Quelle foutaise. Rien n’est arrivé. Tout est là, plus vivace que jamais, posé entre mes sentiments et ma frustration, les jambes croisées, à se prélasser sous la houlette de ma vanité qui sirote un cocktail détonant et qui menace de gâcher le séjour. Et, serait-ce de ma faute ? Suis-je l’unique responsable, à cause de mon mensonge, si j’ai la sensation que rien de ce que je dis ne l’atteint ? Si je suis blasé par l’impression que plus rien de ce dont j’ai envie n’est légitime ? Que la spontanéité n’existe plus ? Que mon ressenti ne compte plus ? Que je ne suis plus que la marionnette dont elle tire les ficelles au gré de ses caprices et de son évolution ? Je ne sais plus et je me sers un verre puisque j’ai songé à monter avec une bouteille de whisky. Je ne m’en gave pas, mais j’en déguste assez pour imposer une pause à mon cerveau, assez pour ne plus réfléchir et ressasser chacune de nos rencontres depuis Sarah. Et, ça fonctionne évidemment. Johnnie Walker n’a pas seulement pressé le bouton d’arrêt de mes tergiversations. Il a réparé mon compteur de mots, celui que Raelyn a cassé à grand renfort de douceur et dès lors que nous approchons de Fraser Island, tandis que je me suis persuadée qu’il n’est plus rien de bon à tirer de cette idée d’escapade, je la rejoins dans la cuisine sans au cœur le désir de l’inviter à admirer le spectacle. Qu’elle vienne si ça lui chante. Elle sera la bienvenue. Je crois même que j’en serais touché. Mais moi, je ne la sommerai pas de me suivre. Alors, je me contente de lui répondre par ces petites quinzaines de mots : « Au nord. Très bien. Et, demain le 4X4. » Si ça va mieux. « Mais, je ne peux pas conduire. » avant de tourner les talons, la mort dans l’âme néanmoins. J’ai soupiré d’avoir eu mal d’avoir été incapable de me raisonner, de rassembler les restes de ma patience, de me convaincre que je ne suis pas qu’un pantin.

❈❈❈❈

J’ai essayé de faire un effort pour lui adresser plus de quelques mots d’affilée à intervalles sporadiques. J’ai même forcé quelques sourires quand nous avons posé le pied sur l’ile. Elles sont belles, ces terres. Elles méritent les éloges qui l’entourent et un instant durant, j’ai cru que j’arriverais à me détendre devant l’air enjoué, quoique mesuré, de Raelyn. Je pense qu’elle a tenté une approche ou l’autre d’ailleurs, des trucs si discrets que je n’en mettrais pas ma main au feu. En revanche, ce dont j’ai la conviction, c’est que l’essayage de son maillot de bain a scellé la conclusion de mes tentatives pour renouer le dialogue. Aurait-elle choisi un deux-pièces que je m’en serais moins offusqué. Mais, cette tenue de plage, d’un blanc de nacre, échancré sur les hanches et qui suggère plus qu’il ne dévoile, il m’a assommé parce qu’il pue le châtiment à plein nez. Que dois-je comprendre ? Que ça l’amuse de me piétiner ? De me voir ramper ? J’en ai serré la mâchoire un temps infini et au terme d’un compliment d’un manque d’éloquence rare, même pour moi. J’ai serré la mâchoire et il m’a semblé que rien, si ce n’est des politesses, n’arriverait à forcer le rempart de mes lèvres. J’ai serré la mâchoire sans être courroucé ou en colère. Je suis triste, déçu et mon cœur trop gros a battu à contre temps tout au long de l’après-midi. Il a retrouvé sa cadence de forme une fois rentré sur le bateau tellement j’ai été soulagé d’être à nouveau à bord, loin du monde, loin de la foule de touristes et loin d’elle. Ça me tue de puiser dans son absence autant de réconfort, mais quel idiot serais-je de ne pas me rendre à l’évidence que cette virée au large n’a plus rien d’une bonne idée ? Quel naïf ferais-je de ne pas réaliser que j’ai épuisé mon stock de ressources et qu’il est grand temps qu’elle nous ramène vers plus d’équité ?

Bien qu’égaré dans ma contemplation et attentif au bruit reposant des vagues, j’ai reconnu dans mon dos le pas chaloupé de mon amante avant de deviner sa présence. Sauf que je n’ai pas bronché. Je n’ai pas tourné la tête dans sa direction pour l’accueillir d’un sourire et je n’ai pas non plus posé ma main sur le nœud des ses bras à ma taille. Je n’y suis pas indifférent pourtant. Je n’ai pas cessé de l’aimer le temps d’une nuit. Je crois plutôt que j’agis plus raisonnablement que d’antan en me protégeant. Et, je suis donc resté stoïque, mais pas de marbre. Au contraire, j’ai clos les paupières et j’ai respiré profondément pour chasser l’angoisse de ce qui surviendra bientôt : une discussion. C’est prévisible ! Elle n’aime pas les malentendus, Raelyn. Elle déteste également ces intermèdes où l’ambiance est si froide qu’elle congèle notre passion réciproque d’un souffle. Jusqu’alors, j’avais consenti – trop crédule, peut-être ? – que cette aversion, celle qui a motivé chaque pas vers moi, naissait de son attachement pour moi, de ce que je compte plus qu’un jour acheté sur une brocante. Aujourd’hui, quoique je n’aie pas encore transcrit mon intuition en jugement irrévocable, je me demande si elle n’est pas mue par sa soif de contrôle. Aurais-je loupé la diligence à lui consacrer les plus beaux morceaux de ma personnalité ? Aurais-je été trop doux ? Trop gentil ? Je ne regrette pas mon authenticité, je m'interroge : quand aurais-je la saveur d’un diabolo sans sucre et sans sirop. Bien sûr, ça me laisse un coup amer dans l’arrière-gorge. Je m’en veux de nourrir de telle pensée à son égard, d’autant que je croyais la question réglée depuis un moment. Mais, je jette un regard vers sa silhouette assise sur le bastingage – mon manque de participation l’aura sans doute fait fuit. – j’ignore comment accéder à sa requête d’une simplicité enfantine : lui parler, me confier, ouvrir le dialogue, encore, toujours, alors que c’est vain. J’ai essayé déjà… et pourtant… « Pour te dire quoi de plus, Rae ? » ai-je répliqué en la perdant du regard. Je ne la méprise pas, je n’ai pas envie de déchiffrer dans ses yeux de jade de quoi confirmer mes hypothèses. « Je fais que ça, te parler à cœur ouvert et toi, tu… » Tu joues, ai-je réprimé de justesse. Je n'en ai pas le sentiment et loin de moi le désir d’être accusateur quand mon timbre trahit ma détresse. « Je ne sais pas ce que tu fais, ni ce que tu veux. Je passe mon temps à essayer de deviner ce que je peux faire ou pas et quand je crois que c’est clair, ben, ça ne l’est pas, parce que tu fais l’inverse. Alors, je te laisse venir. Je te l’ai dit, c’est à ton rythme, mais pas comme ça. Ce que tu donnes, tu ne peux pas le reprendre la minute d’après sans me blesser. Et tu ne peux pas me laisser faire un truc que tu me refuseras trente secondes plus tard. Ce n’est pas équitable. » Ce n’est pas anormal non plus, mais j’ai des émotions, moi aussi. Ne valent-elles donc rien ? « Ce soir, je vais nous laisser de l’air. Je vais dormir dans la petite chambre. Demain, ça ira mieux. » Et ça résonne comme une promesse que j’entends tenir.
Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyMer 10 Juin - 16:35




NEVER FADE AWAY
Je ne suis pas un gars du matin. J’ai le réveil difficile en tout temps et si, usuellement, sa seule présence affadit ma mauvaise humeur, ce matin, elle l’amplifie. Je ne suis pas dérangé par sa quête d’affection. Qu’elle ait posé son front sur mon torse nu n’a pas vocation à me déplaire, mais je ne sais comment traduire le message envoyé tant je danse sur un pied, puis sur l’autre, au rythme de ses désirs et au mépris de mes besoins. Je n’ose plus la complimenter. Je redoute d’être débouté à l’instar d’un clandestin dès que je me risque à la toucher. Je lutte contre l’envie perpétuelle de dévorer ses lèvres et, à veiller le reste de la nuit, j’ai tiré le constat désolant que ses comportements génèrent un éphémère réconfort contre une constante frustration liée à ses hésitations. Elle oscille entre le banc – elle m’embrasse, me serre dans ses bras, favorise une caresse – et le noir – je ne peux m’endormir tout contre corps ou lui dérober un baiser de ma propre initiative – et je déteste l’impact de ses variations sur mon orgueil. Il est furieux d’ailleurs. Il se sent bridé par la laisse que Raelyn me passe autour du cou et mon insomnie n’a pas suffi à calmer son insurrection. Il n’a dicté, tout au long de mes heures impatientes, que je ne suis plus qu‘un chien sous la table de son maître au moment du repas, un chien salivant dans l’espoir que ce dernier lui proposera les restes ou laisse choir quelques miettes au nom de la maladresse.  Et Dieu que ça m’afflige. J’en ai mal partout : à la tête, dans les jambes, dans mes reins, au ventre et au cœur surtout.

C’est lui le plus meurtri, car je n’ai trouvé aucun argument pour contredire ma vanité. Je peux être là, à ses côtés, à attendre qu’elle se décide entre répondre aux besoins de son cœur ou à récolter le raisin de sa colère. Mais, je refuse d’être nourri à la paille comme un condamné en camisole d’être réputé fou ou dangereux. Je supporte de moins en moins bien d’agir selon une marge de manœuvre dont l’amplitude est réduite par je ne sais quelle émotion régissant mon amante. J’ai demandé pardon mille fois. J’ai levé ses doutes avec la sincérité dévolue d’un pape par ses fidèles. J’ai essaimé aux quatre vents des déclarations et des aveux sur mes difficultés à évoluer sans elle. Je n’ai pas non plus caché que je la désire toujours autant, aussi ardemment. Je me fais violence pour ne pas la brusquer, pour lui accorder le temps qu’elle me réclame à juste titre. J’ai fait du respect mon maître à penser puisque je n’ai pas tenté de prendre sa main dans la mienne quand, étendue sous la couette, elle m’a souhaité une bonne nuit. Je me plie à toutes les interdictions entérinées par sa volonté, en ce compris la veille, alors qu’elle me sommait d’être sage. Que puis-je faire de plus à présent ? Subir la punition et implorer sa clémence ? Encore ? Je n’ai pas l’impression de mériter d’être consacré à ses seuls caprices ou à ses desiderata quand les miens ne comptent plus. Ce qui m’est donné ne peut, à mon sens, m’être repris sans explications. Or, ce qu’elle induit en moi, c’est qu’elle avance et qu’elle recule ensuite sans que je ne puisse justifier ce virage par l’une ou l’autre de mes attitudes. Alors, si je n’abandonne pas, je choisis de moins me concentrer sur ses ressentis à la faveur des miens et, à sa question, je ne réponds que par la négative.

Bien sûr, j’aurais pu lui déclarer avec humeur que oui, elle me fait mal, non pas physiquement, mais psychologiquement. Cette nuit, elle m’a fait mal en abreuvant mes espoirs aux gouttes à gouttes d’un geste tendre qui m’a paralysé. Elle m’a fait mal d’agiter sous le nez de l’âne que sont mes sentiments une carotte inatteignable vu qu’elle a pris grand soin à les attacher à un plot. Elle m’a blessé parce que frôler sa peau du bout des doigts aurait pu être perçu comme un crime d’audace, alors que, pour moi, ça m’aurait davantage semblé naturel. Sauf que plus rien ne l'est plus et j’en mesure aujourd’hui les enjeux. Je ne suis pas braqué, je suis à court d’idées et je me sens lésé, terriblement, injustement. « Ce n’est pas le problème. Il faut que j’aille me laver et nous mettre en route. » Armer un bateau exige de la patience, de la force et je n’en ai plus beaucoup. Je l’ai gaspillée et s’il me reste un soupçon de motivation, je la préserve. Je remue un peu pour me décaler sans que la douleur enflamme mes côtes. Je déplace sa main délicatement et, les questions qui ont suivi, je les ai toutes ignorées. Toutes, sauf une. « Oui. Ça va ! » ai-je rétorqué en fouillant mon armoire pour en sortir des vêtements propres. J’ai ajouté que j’allais me laver et je suis persuadé que ce changement brusque de mes habitudes l’aura inquiétée. Ce n’est pas contre elle cependant. J’agis un peu pour moi. Je m’aide à prendre du recul et pour ce faire, j’ai besoin d’être loin d’elle. J’ai besoin d’être rasséréné grâce au jet d’eau chaude – quoique sortir du plâtre de la cabine de douche soit d’un grotesque sans précédent. J’ai besoin de me soigner seul, de me débrouiller avec mes emmerdes parce que j’assume mes fautes comme un grand garçon et que je n’en peux plus d’être le souffre-douleur de ma conscience et de sa rancœur. Je l’entends, mais l’heure est venue de prendre du recul pour moi, pour elle, pour nous, avant que je ne m’enferme définitivement dans ma coquille.

Ne lui aurais-je pas promis que je ne trancherais plus seul pour nous deux, j’aurais renoncé à cette balade. A défaut, j’ai quitté la salle de bain près de quarante minutes plus tard – bander mes flancs est un travail de dure haleine – et, si j’ai pris la peine de me servir un café, je n’ai pas jeté par-dessus mon épaule le moindre regard en direction de Raelyn. J’ai rejoint mon post, là où est mon rôle, et quand tous les détails furent sous contrôle, j’ai réfléchi. Elle doit être paumée, la pauvre. Elle doit se demander ce qui a refroidi l’atmosphère, pourquoi je suis aussi polaire. Pourquoi elle m’a senti, ce matin, lunaire au point qu’elle ne s’aventure pas sur le pont avec moi ? J’ai changé d’humeur en quelques heures, mais comment lui expliquer ? Comment lui rapporter ce qui me chagrine au point de redouter qu’elle me rejoigne ? Qu’elle m’approche ? Qu’elle me touche ? Comment lui rendre compte que, plus notre destination se dessine à l’horizon, plus je suis angoissé à l’idée de verser dans l'initiative ? J’en viens à espérer qu’elle aura pris les devants en planifiant, en bons touristes, des itinéraires intéressants et je me dis que, finalement, je peux vérifier, que ça n’engage à rien. Qu’au contraire, trente minutes pourront lui suffire puisque je ne verserai pas dans la spontanéité qui m’est pourtant coutumière. Aussi, ai-je dévalé les escaliers jusqu’à la cabine. En poussant la porte, je l’ai hélée. « On sera arrivé dans un peu plus de 35 minutes. Tu as regardé ce que tu avais envie de faire ? » Pour ma part, ça m’est égal. J’ai trop à faire avec mes émotions pour me tracasser de cette île et ses merveilles. « Te trouver un maillot de bain peut-être ? » lui ai-je lancé depuis le chambranle de la porte qui soutient mon épaule. Ma voix est blanche, absente. Je le suis. Je ne sais plus ce que je suis en droit d’attendre de cette virée à deux si bien que je m’égare dans le labyrinthe du pessimisme.  



Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyMar 9 Juin - 23:09




NEVER FADE AWAY
Trop tard, ai-je songé, le regard rieur. Pas de maillot bleu ou rouge. Pas de visite inopinée. J’en ai bel et bien fini avec ce job ingrat et, étonnamment, je suis ravi qu’elle n’ait eu vent de ma mésaventure avant ce soir.  Si j’en plaisante aujourd’hui, j’ai traîné sur la plage une tête de six pieds de long chaque seconde qu’a duré cette sentence. Mais, qu’importe, je n’ai pas envie de m’attarder plus allant sur ce sujet ou sur tout autre qui s’en approcherait. Chloe Cohen est rangée pour ce soir dans la case du désintérêt et mon alcoolisme patenté redevient une hypothèse pour les deux jours à venir. Je me mens. Je sais qu’il existe et qu’il sera bientôt un véritable problème, s’il ne l’est pas déjà. En attendant qu’éclate la bulle qui enveloppe Raelyn et moi, je choisis de ne pas y penser davantage. Je me concentre plutôt sur les préparatifs de notre voyage quoiqu’il me pèse d’abandonner notre rassurante proximité. Je ne me sens jamais aussi bien que lorsqu’elle est à portée de main. Qu’importe que l’amplitude de mes mouvements se limite aux largesses de sa vanité. De caresses en quolibets, nous tressons les maillons de notre complicité. Autant dire que j’ai grand espoir que ces deux journées tantôt en mer tantôt sur la terre ferme achève de nous rapprocher. Peut-être qu’au terme de cette escapade elle m’aura définitivement pardonné. Peut-être qu’elle sera en voie de guérison. Qui sait ? Rien n’est possible et à ce dernier nul n’est tenu. Aussi, le cœur léger, depuis le poste de commande de mon navire – mon bébé – je hume l’odeur de l’essence avec un plaisir non dissimulé à la première secousse provoquée par les moteurs en marche et je respire plus librement dès que nous fûmes loin du chenal. L’horizon et l’océan se confondent à perte de vue. L’air iodé de la mer me chatouille les narines et je clos les paupières. Je me sens entier, plus encore lorsqu’elle paraît sous mes yeux, ma poupée. Sa beauté est renversante et rester éloigné de son corps est un supplice. J’aurais trouvé délicieux de la déshabiller là, à l’étage le plus haut de mon embarcation et de lui faire l’amour éhontément, au grand air, à proximité de la barre et du poste de commande. Sauf que c’est proscrit. Blessure mise à part, elle n’est pas prête. Son regard aurait-il soulevé le poids du moindre doute en moi que son attitude m’aurait traité d’aveugle de ne percevoir tous les signaux contraires. Il existe une différence entre l’envie et l’assentiment. Une autre que le consentement. Celle-là, j’en ai conscience. La variation suivante sur le même thème, je l’apprendrai à mes dépens et à mon grand désarroi… plus tard.

Sur l’instant, nous plaisantons, encore, quoique je grimace d’imaginer le ridicule du portrait peint par sa créativité. « J’ai envie de te dire : non merci, sans façon, je n’aime pas les surprises. Enfin, pas toutes. » Les siennes sont souvent plus agréables que le contraire, mais je me méfie, pas tant pour la casquette, mais pour le maillot de bain. « Mais, je ne sais pas pourquoi j’ai le sentiment que ça ne servirait à rien. » Et, je troque l’embarras feint plus tôt pour un sourire enjoué. « Ce n’est pas grave. J’ai de la ressource moi aussi. » Autrement dit, ça pourrait se payer, tôt ou tard, en facétie licencieuse si tant est que j’en aie à nouveau l’occasion. Je le crois. Cette soirée est placée sous de bons augures. Si j’étais romantique, je déclamerais des vers en l’honneur de cette étoile qui nous guide. Terre à terre, je considère que nos cœurs, à battre à l’unisson, sont parvenus à s’entendre. J’estime que la séparation nous apparut assez incoercible pour que j’hésite sérieusement entre l’inconséquence de laisser voguer un bateau sans surveillance ou lui permettre de me conduire jusqu’à la chambre. La nôtre. Elle n’est plus rien qu’à moi depuis des mois. Elle n’a jamais été à une autre non plus. Et, c’est de cette évidence que naît mon indécision.

J’étais tant persuadé que j’investirais le couchage pour les invités – invités que nous n’avons par ailleurs jamais reçus – mille questions ricochent contre ma boîte crânienne : serait-ce une erreur de cracher sur cette veine ? Aurais-je, demain, l’opportunité de m’endormir plus sereinement à ses côtés ? Si je ne bondis pas sur la balle avant qu’elle ne touche le sol, le vivra-t-elle comme un désaveu ? Comme un abandon ? Sera-t-elle déçue ? Affligée ? Et moi, arriverais-je à ne pas effleurer ses hanches du bout des doigts ? À ne pas chercher à récolter un fruit ou l’autre entre ses lèvres roses ? N’aurais-je pas envie, au petit matin, de flatter son corps de baiser jusqu’à ce qu’elle me cède ? Jusqu’à ce qu’elle ploie sous le joug de sa propre convoitise, celle avouée plus tôt ? Ce serait la pire idée qui soit et autant pour elle que pour moi. Nous regretterions le geste au petit matin et nul doute que, malaisés, nous entamions un retour forcé à la case départ. Je décide donc de rester là, de la rejoindre une fois qu’elle reposera entre les bras de Morphée. Ce sera plus facile de me contenter d’un baiser sur son front. Or, je renonce, ma vanité furieuse de mes faiblesses. Elle me fustige, me tance, mais je l’ignore. Je la rattrape, la sert contre moi et je modifie mon cap. « Je t’ai dit que je veux que ça fasse… » Je n’ai pas reproduit d’explosion. Elle a compris. J’économise toute l’énergie utile à rester sage sans une quelconque barricade et, dans le fond, ce serait moins insurmontable si je n’étais qu’un égoïste. La réalité, c’est que j’arriverais à me satisfaire d’être un distributeur de plaisir sans rien obtenir en retard. Il n’est plus douce mélodie à mes tympans que ses feulements. Mais, je la chasse, cette idée. Je l’envoie valser aussi loin que possible pour confirmer, avec sincérité : « Sage. Comme une image. » Et j’ai obtempéré.

Du pont jusqu’à ladite pièce, je n’ai pas touché au bouton de son jeans. Je n’ai pas glissé mes mains sous ma veste – et Dieu seul sait si je ne la trouve pas terriblement sexy dans mes fringues trop grandes pour elle – ni soufflé au creux de son oreille quelques invitations salaces qui ont le don de l’échauffer. Je mets en condition en évitant de loucher trop longtemps le galbe de ses jambes alors qu’elle se change sous mes yeux et que je laisse glisser le long des miennes le denim de mon jeans. Et, une fois étendu auprès d’elle, lumière éteinte et au terme de cinq minutes épuisantes durant lesquelles j’ai cherché la position la moins douloureuse pour mes côtes – sur le dos, malheureusement – je n’ai tenté aucune approche qui me renverrait dans mes buts ou dans la pièce adjacente. « Bonne nuit. Et je suis content, moi aussi. » Le timbre de ma voix perd en volume et la suite n’est plus qu’un chuchotis faiblement perceptible. « Même si tu es loin. » Elle l’est toujours. Il est arrivé qu’elle me manque lorsqu’elle s’éveillait entre mes bras sous prétexte que l’heure de la quitter approchait à grands pas. Je l’aime, cette fille. Mais, je déteste ça. Je hais cette manie de lui tourner autour comme un papillon attiré par la flamme incandescente d'un vieux réverbère. Je ne supporte pas cette forme de dépendance que mon mensonge a rendue toxique. J’abhorre plus encore de n’envisager de partir en quête d’un remède. En existe seulement un quand je m’endors en pensant à elle, si proche, mais à des kilomètres ? en existe-t-il  un fonctionnel alors que je suis éveillé en pleine nuit par la chaleur de sa peau sur mon torse ? Certes, elle n’a pas noué nos jambes. Elle n’a pas épousé mon corps de toute sa silhouette non plus. Pourtant, l’effet est immédiat et je ne suis plus capable de me rendormir. J’oscille entre “serait-ce grave si je l’entourais de mon bras ?“, “Et si c’était un hasard produit par l’agitation de son sommeil ?“ et “puis-je poser mes lèvres sur son front ?

J’ai passé le reste de la nuit prostré, mortifié, les yeux grands ouverts, à ne pas oser à bouger. Si j’ai grapillé une demi-heure, elle m’aura semblé si courte que je suis grognon évidemment. Je le suis d’autant plus que la tension est à son comble de m’être torturé près de trois heures et, quand elle s’agite, le parfum de sa peau me serre les tripes. Je suis à deux doigts de me lever et de l’abandonner là. À défaut, je me renfrogne et ne grommelle ni un bonjour ni un bien dormi. Je suis juste bon à la détaille de mes yeux ronds, presque horrifié tant ce fut la nuit la plus compliquée de mon existence. La plus désolante aussi, car je n’ai même pas le loisir de la blâmer. Elle a été irréprochable, elle. Elle n’a pas joué, n’a pas triché. Elle n’a pas menti, Raelyn. Elle a subi et c’est à mon tour à présent. C’est ma double pénitence que l’abstinence : elle danse la gigue avec mes fractures.
Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyMar 9 Juin - 17:05




NEVER FADE AWAY
Elle a cédé si facilement pour ces deux jours que j’en aurais presque regretté de ne pas avoir poussé le vice à en réclamer un troisième, mais je me raisonne. Je tempère ma frustration en me répétant que, non seulement, j’aurais mal vécu un refus et, qui plus est, ne jouir de rien en, ensuite, de quarante-huit heures est une victoire en soi. C’est plus que passer du simple au double étant donné qu’elle envisageait plus tôt de partir sans avoir posé le pied sur le parquet de la cabine. J’apprends donc à m’en contenter. J’apprends à me satisfaire de ce qu’elle m’offre en affection et en intérêt. Outre son coup de main pour apaiser mes maux, elle s’enquiert des conséquences de mon accident et elle les allège pas des traits d’humour. Elle me taquine, Raelyn. Elle a toujours aimé titiller ma susceptibilité, car elle se sait détentrice d’un passe-droit. Il n’y a que pur elle que je tolère d’être tourné en ridicule. Au contraire, je me braque face au pauvre hère qui prendrait ses aises et malmènerait mon orgueil. Or, je m’amuse de ma sentence avec elle et je déploie mon éventail d’autodérision. « Pas rouge. Bleu. J’ai demandé une bouée assortie pour mettre en valeur mes yeux, mais ils ont préféré la pince à ordures et le chariot pour le sac poubelle. » ai-je plaisanté, noyant le vrai dans la mare du faux : je garde ma tenue de ville contrairement à certains. « Blague à part, j’ai choisi de crever de chaud dans mon jeans. La situation était déjà bien assez humiliante comme ça. » Mes yeux roulent, ils se lèvent vers le plafond dès lors que je me rappelle le nombre incalculable de fois où j’ai eu envie d’assommer d’un coup de plâtre l’activiste proécolo tant ses discours m’ont tapé sur le système. Mon mépris, flagrant, s’est accentué à l’égard de Chloe Cohen. Certes, elle a quelque chose de sympathique et de bienveillant dans l’attitude. Toutefois, je ne peux m’empêcher de voir l’ennemi en elle. Sans doute parce qu’elle a l’avantage du rôle, qu’elle détient sur ma liberté un pouvoir certain – sans permis, je serai prisonnier de mon existence – et que cette fatalité m’oblige à passer outre ma nature profonde. Je n’aime pas parler de moi. Je déteste ressasser mon histoire et tirer le constat désolant que le sort m’a littéralement changé. Chacune des questions de l’assistante sociale est traduite comme une agression et, quoiqu’elle soit plus discrète maintenant que j’ai presté l’entièreté de mes heures, je la soupçonne de prépare un assaut de taille : les AA.

Ces réunions sont aux antipodes de moi. Elles sont, à mon sens, hypocrites, anti-constructivistes, si bien que je considère gravement la proposition de Raelyn. Gravement, oui, mais le doute au cœur. Est-ce vrai que tout le monde est corruptible ? Dans l'univers de ma concubine, c’est monnaie courante, mais c’est une société parallèle dans laquelle elle gravite, une de celle où la bonne foi et l’éthique ont été troquées par la duplicité et la trahison. Je ne juge pas. Je ne blâme pas. Je ne suis pas un exemple de morale puisque mes lubies entraînent Olivia dans la spirale du parjure. Mais, je manque d’information sur Cohen. Quel serait son prix ? Si je lui graissais la patte, récolterais-je le miel de ma tranquillité ? Et si c’était pis encore ? Et si, insultée, elle me rangeait dans la case des irrécupérables ? Quels seraient les risques ? Une cure de désintoxication quand mon dossier médical est formel : je suis un alcoolique, un futur malade d’un cancer du foie ? J’ignore si elle l’aura consulté, mais ça ne me semblerait pas aussi fou qu’il n’y paraît. J’hésite, vraiment, et mes valeurs me suggèrent aussitôt de ronger mon frein. « Peut-être. » ai-je acquiescé en haussant les épaules, conscient qu’il se dissimule dans le propos une part de vérité. Le problème, c’est que je n’arrive pas déterminer si cette travailleuse sociale est un tremplin vers une possible guérison – attendu que j’accepte d’être un malade et ce n’est pas gagné – ou si je suis résolu à m’enfoncer plus allant dans mes travers. Alors, je clos le débat de quelques baisers savamment distribué de son front à ses paupières.

Partir pour Fraser Island exige un minimum de préparation mécanique et une demande d’autorisation d’accoster. Par chance, les délais sont courts. Ils peuvent se négocier au petit matin, sur place, moyennant un dossier administratif complet. Je rassemblais les documents en fumant une cigarette quand Raelyn m’a enfin rejoint. Durant son heure d’absence, j’ai largué la dernière haussière – péniblement – et j’ai manœuvré dans le port jusqu’au chenal d’accès. La houle est légère. Il n’y a pas d’obstacle. Pas même un bateau de pêche. J’abandonne derrière nous le sémaphore de Brisbane et, en mer, enfin, vu que rien ne semble entraver mon cap - pour le moment - j'ai enclenché le pilote automatique. Un regard vers elle et mon cœur a vacillé tant je l’ai trouvé ma magnifique. Mes traits, jusqu’ici tirés par la concentration, se sont détendus et, en réponse à ma spontanéité, j’ai saisi sa main. « Chiche ! Mais, je me réserve le droit de dire non si elle ne me plaît pas. » Car, elle choisira, c’est indéniable et, si elle a des goûts sûrs, nul ne sait vers quelle fantaisie l’humour la conduira. Tout comme j’ignore combien de temps elle tiendra encore debout si j’en crois les signaux de fatigue – d’alerte – traduits par ses cernes. « Par intermittence, mais il a besoin de moi. » Sous-entendu, ce bateau dont je me détourne. Elle approche et, sensiblement, sans même le réaliser, je me suis penché en avant. Je pense même avoir comblé d’un pas la distance entre nous. « Tu aurais dû. Je t’aurais laissé dormir, tu sais. » Là où ses paupières se seraient fermées. L’aurais-je souhaité que j’aurais été incapable de la porter du sofa à la chambre de toute façon. J’aurais respecté son besoin de solitude si tant est qu’elle l’ait exprimé. Or, c’est l’inverse que je devine pour quelques mots et l’envie de presser le bouton d’arrêt du pilote automatique m’a hanté. « Ça l’est, mais je suis de la vieille école. J’aime bien voir où je vais. » En cas de pépin, je serai toujours plus efficace qu’une machine, même si je suis diminué. J’ai néanmoins claqué ma langue sur mon palais, en proie à l’hésitation. Que faire ?  Me coucher avec elle ? Rester à ses côtés jusqu’à ce qu’elle s’endorme ? Je me penche vers l’AIS. Les déplacements maritimes sont rares cette nuit. Le transpondeur ralentira certainement les moteurs au premier obstacle, mais je ne suis pas rassuré. « Laisse-moi trente minutes. Profites-en pour prendre une douche et te changer si tu as envie. » Elle trouvera tout ce dont elle a besoin dans la chambre et que les vêtements soient les miens ou les siens n’a que peu d’importance. « Et j’arrive. » ai-je promis en écrasant ma cigarette dans un cendrier. Je l’ai observée s’éloigner avec au cœur l’impression de négliger une chance, quelle qu’elle soit, aussi minime soit-elle, de m’endormir, si non contre elle, au minimum bercé par sa respiration. Alors, tant pis si nous arrivons à destination un soupçon trop tard pour ma rigidité et qu’importe que durant une heure la voie semble dégagée : je coupe les vannes et je la rattrape. Je ne la hèle pas, je la saisis par la taille et la serre contre moi, pas trop fort pour le bien de ma côte. « Tu te doucheras demain matin. Je suis ko, moi aussi. » Et, je ne peux résister à l’idée d’être auprès d’elle. « Dormir ne pourra pas me faire de mal… près de toi ? Ou en tout cas, pas trop loin ? » ai-je demandé au risque d’être déçu, mais pour m’éviter d’être engourdi par le fait accompli. « Ou tu veux que je mette des coussins en barricade entre toi et moi ? » l’ai-je houspillé alors que je respire son shampoing à pleins poumons, dès lors qu’elle nous guide vers l’intérieur du bateau.
Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyMar 9 Juin - 11:31




NEVER FADE AWAY
Des jours que j’ai l’impression que nous ne vibrons plus sur la même fréquence et que je cherche désespérément le la de son diapason. Des jours que je transis à l’idée de n’être plus qu’un violon d’Ingre fissuré qui sonnera toujours faux. Dès lors, quel réconfort que d’être à nouveau raccord. Nous nous sommes rejoints sur une portée de notre partition passionnelle, enfin : je reste là et ne me laisserait pas partir ; mon cœur bat plus librement. La réconciliation n’est plus une chimère, mais un fait avéré qui ne dépend plus que de la cadence à adopter et ça me va. Ça sied mieux à mon teint que je peux égayer d’un sourire moins crispé. Il est plus lumineux que tout autre esquissé ce soir et il s’agrandit alors qu’elle entend fuir avec moi ses responsabilités. Avec moi ! L’exactitude se déclinerait surtout par un « pour nous » et puisque j’en ai conscience, je m’en galvanise. Mon honnêteté a relancé la route de la chance et elle tourne à ma faveur. Comment ne pas estimer que cet anniversaire sera le plus engageant depuis ces trois dernières années ? Comment résister à la subite envie de l’embrasser pour lui témoigner ma gratitude ? Et, comment ne pas soupire le couplet d’une sérénade qui déclamerait : “tu n’es pas mon pansement, Rae. Tu es ma source vive. Tu n’es pas non plus ma crise de la quarantaine. Tu es la jonction entre moi et le reste du monde, moi et les bonheurs simples auxquels je ne m’abandonnais plus avant toi“ ? À défaut d’un tel aveu, je joue avec ses doigts, je caresse sa paume de la mienne, je profite de la douceur de l’instant, si bien que je regrette sa question.

Que répondre ? Que la mer rebute Sarah ? Qu’une proposition en ce sens lui servait de prétexte pour relancer l’injuste et sempiternelle dispute autour de la marine et de mes missions en pleine mer ? Des missions qui m’éloignaient du foyer familial ? À l’époque, j’avais fait ce choix pour elle. Aujourd’hui, je refuse de l’évoquer et de réaliser que son égoïsme nous a traînés, Sofia et moi, à l’intérieur des terres australiennes pendant les vacances scolaires. Et, surtout, je refuse d’admettre qu’elle a jalousé la complicité évidente entre notre fille et moi. J'ignore ces considérations de l'esprit, car j’estime que l’amertume est un sentiment trop moche à installer entre Raelyn et moi. Quant à ce maudit prénom, il ne quittera pas mes lèvres tant j’ai peur de ranimer la blessure de notre plus triste souvenir post-hôpital. Alors, je me contente d’un : « Je n’ai jamais eu l’occasion. » laconique, mais néanmoins lourd de sens pour la perspicacité de Raelyn. Sauf que ce n’est pas une allusion, pas même une évocation à la harpie et, par conséquent, moins périlleux que je juge inutile. Certes, je n’en fais pas un tabou. Je considère qu’elle seule décidera s’il est bon ou non de creuser dans mon passé pour terminer de brosser mon portrait. Elle seule, si elle y trouve de l’intérêt, m’interrogera sur mon histoire. Du reste, je ne force rien : je plaisante avec elle. « Peut-être parce que tu as eu tout le reste ? » ai-je remarqué, chassant d’un revers invisible de la main la menace que représente toujours Sarah pour mon bateau. Ce faisant, je m’accroche trop furieusement au présent et à la promesse d’un mieux que me chuchote notre escapade à venir. Bientôt. Aussi vite que possible tant je redoute qu’elle change d’avis. Je la presse un peu d’ailleurs, mais elle me retient et je m’adosse au sofa. « Tu ne vas nulle part pour au moins deux jours. » ai-je répliqué à mi-chemin entre la question et la déclaration. Je ne suis pas gourmand. J’ai dit deux en pensant trois, voire plus. « Tu n’en avais pas déposé un ? » Je fronce les sourcils. Je fouille ma mémoire et je me souviens alors que nos baignades, usuellement improvisées, n’ont que rarement nécessité un maillot de bain ou un bikini. « Bah, ce n’est pas grave. On t’en achètera un. » J’ai haussé les épaules et j’ai ajouté, en chuchotant : « Je resterai loin de la cabine. Sage. Comme une image. » Autant que faire se peut…

Alors que le nuage est soufflé par un vent de meilleur augure, mon soulagement s’acoquine au désir d’une gorgée d’alcool. Je le réclame, sans réfléchir, mais il suffit souvent d’un rien pour ramener un homme diminué vers le chemin de la raison susurrée par les emmerdes. Elle tient la menotte de ma conscience et je ne le cache pas. Je confesse mes tracas à mon amante en toute confiance. Si elle a douté – et doute certainement toujours – de ma bonne fois, je ne remets pas en cause en jugement. « Ouais. Malgré mon plâtre et mes côtes. Des peaux de vache. » J’ai grimacé l’expression du dégoût. « J'ai ramassé des déchets sur la plage… tu situes ? » J’ai presque honte de le l'avouer, mais mes lèvres se rehaussent d’un sourire. « Et, elle, elle est venue de temps en temps pour me faire parler, dire des trucs sur moi, comme si j’étais un déséquilibré ou un type dangereux. Je ne prends pas la route quand j’ai bu d’habitude. » Elle le sait, Raelyn. Nous en avons appelé des taxis après nos nuits d’ivresse. Ce soir-là, j'ai suivi ma mauvaise vaine : j'ai remonté le filon de ma bêtise avec un soupçon de minutie déplacée.« Et, je suis en droit en plus. C’est moi la victime et c’est moi qui me justifie. » ai-je craché sans feindre l’agacement. « Alors, je fais gaffe à ce que je dis, j’essaie d’être sympathie, histoire d’en être débarrassé quand je pourrai à nouveau conduire. » Et, je soupire, d’abord affligé par la situation, puis rassuré par ce que je qualifierais de voix raisonnable. « J’y ai pensé, mais c’est une Saint-Thomas, la fille. Elle est venue jusqu’à la plage. Si elle décide de m’envoyer au AA, elle viendra jusque-là. C’est certain. » Au moins, les premiers temps et je n’ai pas envie de vivre ces heures, occupées autrement, en craignant que ne sonne mon téléphone. « Et, je n’en sais rien.  Je ne m’étais jamais posé la question avant ça. » Et, boire à mon verre clôt le débat sur une certitude : je l’envisage, mais je ne suis pas prêt. Ne serait-ce une perte de temps pour tout un chacun que d’essayer finalement ?

***

Il fait froid loin de ses bras, ai-je songé tandis que je les quitte – elle et le confort de ma cabine – pour le poste clé de mon bateau. Je vérifie les jauges, encode les données et je mets en branle les moteurs. Tout occupé à ma tâche, j’ai perdu la notion du temps, si bien que je n’aurais su dire quelle distance ont parcourue les aiguilles de l’horloge quand Raelyn m’a honoré de sa présence. Bien entendu, elle n’a pas ceint ma taille de ses bras frêles. Elle n’a pas non plus posé ses lèvres sur mon dos nu. Mais, chaque chose en son temps, me réprimande l’espoir afin que se taise ma déception faiblarde. Et, déjà, un rire m’échappe : « C’est parce que je n’en ai pas. » Elle n’est pas remuée par l’uniforme de toute façon. Ce n’est qu’une boutade et moi, sensible à son humour, je la dévisage à nouveau. Je la dévore d’une œillade fiévreuse tant elle est magnifique au clair de lune. Ses rayons donnent à son teint de porcelaine des allures de poupées de collection, de celles qu’on enfermerait dans une vitrine pour la préserver. Je n’ai pas su, moi, la protéger. Elle ne me l’a certes jamais demandé, mais c’est un rôle tacite écrit au préalable par mes sentiments. Or, j’ai échoué et la fatigue de ces derniers jours s’étire sur ses traits. Elle ne l’affadit, mais ne serais-je hypocrite que de l’ignorer. Ainsi, mon cœur s’est serré et, machinalement, j’ai pris sa main pour la ramener contre moi. Je n’ai pipé mot avant que l’étreinte ne s’achève par un murmure. « Il s’arrêtera dans deux heures. Je vais veiller, mais tu as l’air crevée, Rae. » Autant que moi, mais ce n’est pas le propos. Elle ne souffre pas des affres d’un accident de voiture, elle. « Tu devrais aller te coucher. Je ne bouge pas non plus, tu sais. Pour l’instant, je ne bouge pas. » Je la gratifie d’un clin d’œil tandis que je statue avec moi-même qu’à moins d’une invitation, j’investirai la « petite » chambre, celle du pénitent.




Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyLun 8 Juin - 22:56





NEVER FADE AWAY
Sa mine est soucieuse et si ce n’est ma ténacité qu’elle remet en cause, c’est quoi, dans ce cas ? Qu’est-ce qui lui pose tant de questions ? Sarah ? Va-t-elle bientôt me demander si nous nous sommes revus depuis l’hôpital ? Elle peut. Je n’en serais pas agacé. Je lui rappellerai de bonne grâce que discuter avec ma femme ne m’intéresse plus, que c’est coulé dans le marbre, que ma sentence est acquise de force jugée. Sauf que maintenant que Raelyn reforme autour de nous une bulle somme toute fragile d’intimité, à présent que je peux caresser sa peau sans souffrir d’être débouté d’un mouvement de recul, je n’ai pas envie que ma future ex-épouse trouble cette quiétude si chèrement gagnée. De plus, si j’assume avoir aidé la harpie à propulser mon couple sur la croisée des chemins vers la colère, la tendresse, la culpabilité et l’amour. Mais, la peste n’a pas lésiné ses efforts pour nous inoculer le virus. Elle a soufflé un vent mauvais dans notre dos et, malheureusement, je sais qu’elle n’en a pas terminé avec nous. Cacher dans sa tanière, le fauve lèche ses blessures et retrouve son second souffle avant de frapper et que se passera-t-il si Rae ne me concède pas ce que je mérite en bonne foi ? Qu’arrivera-t-il dans l’éventualité si elle accordait trop de crédit à la menace qui plane sur notre couple ? Car, elle n’en est une que mon confort, pour ce que j’ai construit sans elle ou pour mon développement personnel. Elle n’aura jamais aucun pouvoir sur mes sentiments et, quoique je le répéterais sans fin si c’était nécessaire, je suis rassuré que ma partenaire de galère ne s’inquiète que de l’attrait de tout homme pour la facilité. « C’est vrai, mais elles ne sont pas toi. » ai-je dès lors remarqué. L’aveu se passe de légende ou d’explication de texte. Sur trois ans, je n’ai pas raté d’occasion de refaire ma vie avec une autre. Je n’ai pas observé un train s’enfuir sans moi depuis le quai de gare d’être arrivé trop tard. J’avais décidé de rester hermétique aux questions du cœur. Le mien était fermé. Elle l’a épanoui sans crier gare, sans que je ne le réalise vraiment : je peux affirmer sans honte et sans crainte qu’elle est davantage son choix que le mien. « Et j’ai dit que je ne partirais pas. » ai-je donc ponctué non sans avoir au préalable répondu à ses angoisses en lui confiant mes appréhensions. Tout ce à quoi j’aspire, c’est qu’elle me témoigne autant de foi que l’inverse puisque malgré mes précédents comportements désarçonnant lors de nos quelques disputes, je ne suis pas moins stable qu’elle ne l’est devant cette conviction : c’est elle et personne d’autre.

C’est elle, alors je déploie des richesses de self-control pour me satisfaire de cette proximité sage. Je déplie également l’ombre d’une idée à laquelle je songe depuis quelques jours. Partir. Tous les deux. Nous isoler du reste du monde. Nous retrouver en tête à tête sans que nul ne nous dérange tandis que nous nous apprivoisons. Notre complicité d’antan, elle n’est pas loin. Elle est muselée, mais je les entends ses cris étouffés derrière son bâillon et je suis persuadé qu’il ne faudrait pas grand-chose pour tromper la vigilance de la garde des soldats rage et vanité pour le lui ôter. Je propose donc pour destination quelques îles à proximité, je cherche des solutions pour pallier mes handicaps et je fouille son regard en quête d’une étincelle d’enthousiasme. Elle est tentée, Raelyn, et elle nourrit mes espoirs pour demain. « Fraser Island. Si tu veux. Je n’ai jamais été non plus. » Mon métier m’a porté aux quatre coins du monde pourtant, mais uniquement dans des zones de guerre ou de conflit. Quant à mes dernières “vacances“, elle remonte à une éternité. Plus tard, une carte virtuelle s’affichera sur mon téléphone. J’encoderai les coordonnées géographiques de la destination qui fera fondre le cœur de ma dulcinée. Sur l’instant, je ricane : je ne suis pas coupable de ce dont elle m’accuse, mais c’est amusant. Autant que de l’imaginer en jeune fille en fleurs d’une candeur remarquable. « Tu m’as démasqué. Et, attention, parfois, je mets même la casquette. » C’est faux bien entendu. Je suis un amoureux de la mer. Posséder un bateau qui ne quitte jamais le port est une hérésie. Quant à se fier à l’électronique pour naviguer, c’est une inconscience rare. Mais, elle sait, Rae, que j’aime les grandes étendues d’eau salée. Elle sait qu'elle-seule pourrait tenir lieu de rivale. Je suis différent quand mon attention s'égare dans les mouvements des vagues et je suis comme un gosse devant un poisson qui nagerait près de la coque du catamaran. Elle sait et je ne pipe mot. Je garde plutôt ses doigts dans les miens, je mange ses lèvres des yeux et, quoique l’oppressant désir de l’embrasser à pleine bouche ne m’a pas encore abandonné, j’y suis surtout suspendu dans l’expectative d’une réponse favorable.

Je pense : "dis-moi oui." Je suis soumis à une telle pression que mon verre, sur la table, me nargue. Et, à l’instant même où elle a avalé tout de go le flacon de la tentation, j’ai soupiré. « Parfait. Alors, ce sera Fraser Island. Et on partira tout de suite. » Ou dans pas longtemps, quand je trouverais le courage de la soulever, de séparer mon corps du sien pour mettre en branle la machine. Se cache-t-elle dans le fond de mon verre, cette bravoure ? Non ! Il ne peut rien pour moi. Elle me manque, même quand elle est près de moi, et aucune goutte de whisky ne me débarrassera de cette sensation. Elle ne me rassasiera pas non plus quand je peux me gaver de sa douceur. « Ouais. Plus que je ne me l’étais imaginé, mais ça va par rapport à ce que dit la jurisprudence. » Merci Olivia, et… « Je peux dire merci à mon statut de vétéran. Des heures de TIG, que j’ai bien terminées. Un retrait de permis, provisoire, et une assistante sociale trop curieuse à mon goût, mais qui doit évaluer si je suis prêt à suivre la voie de la guérison. » Autrement dit, si je vais abandonner la bouteille au profit de ma santé, de ma sécurité et de celles des citoyens de Brisbane. « Sauf que je ne suis pas malade, mais je dois montrer patte blanche, alors j’essaie de ralentir. Mais, je n’avais pas besoin de ça en ce moment. » J’ai signé l’aveu de ma maigre motivation en trempant mes lèvres dans l’alcool, une fois, et le “pas assez“ m’a collé à la peau. « Ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle m’envoie chez les AA. » Sans me laisser d’autres options que d’obtempérer. « Et, j’en ai ma claque de l’entendre cette chanson. » Elle n’est ni douce ni entraînante à mon oreille. Elle est aussi horripilante qu’un tube de l’été. « Je ne sais pas quoi penser de tout ça. Je me dis que ça pourrait valoir le coup d’essayer. » De ralentir, d’arrêter peut-être, pas d’étaler sur la tartine de commisération des abstinents le beurre de mes emmerdes et la confiture de mes blessures. « Je n’en sais rien en fait. Je ne me sens pas prêt pour ça, pas maintenant en tout cas. » J’ai d’autres combats à mener, des batailles qui méritent que je garde les idées plus ou moins claires et non que je bouscule mes habitudes par la douleur d’un sevrage. En attendant de statuer, je pose mon verre sur la table d’appoint qui jouxte mes deux sofas. Je l’ai à peine entamé, mais n’en tire aucune fierté malheureusement. « Allez. » J’ai joué avec ses doigts une dernière fois et, me penchant sur elle, qui a comblé la distance de s’être redressée, j’embrasse son front ses paupières closes par réflexe. « On a un voyage à préparer. » Et, de ma poche, je sors mon portable. « Fraser Island, donc. » L’île est réputée pour ses merveilles. Ça nous fera de beaux souvenirs, de ceux qui nous tortureront quand la mèche de la vérité crue et nue aura fini de se consumer, de ceux qui nourriront aussi nos espoirs de nous retrouver, encore, dans les pires moments à venir de notre histoire.


Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyLun 8 Juin - 15:52




NEVER FADE AWAY
Et mes traits se fendent d’un sourire plus large que je veux rassurant. Je le suis, moi, réconforté. Malgré le grain de sable qui enraye notre mécanique, je la devine encore, mon amante. Je suis toujours capable de pressentir quand elle a peur pour nous ou lorsqu’elle s’inquiète de l’une de mes réactions. Celle à l’ordre du jour concerne ma lassitude et, pour moi, elle est impensable. Je suis au moins aussi têtu qu’elle et, Raelyn, elle n’a pas abandonné durant mes jeux de dupes où je semais tantôt l’intérêt tantôt le détachement sous mon passage. Elle n’a pas lâché prise malgré mon indécision. Elle n’a jamais manifesté le moindre signe de fatigue à la genèse de notre histoire et pas plus au terme de l’épisode Tobias. Comme moi, elle a vendu en solde sa vanité en débarquant sur mon bateau telle une furie afin d’y débusquer le fruit de son imagination. Elle m’a accusé, pointé du doigt et, par-dessus tout, elle a encaissé mes reproches enrobés de fiel. Elle a chaviré quelquefois, mais elle était si résolue à raccorder les fils de la communication qu’elle a versé dans l’excessivité motivée par sa détresse. En me postant en sentinelle devant sa porte, je n’ai pas fait beaucoup mieux. Nos divergences tiennent en deux points. La première relève de la gravité des faits puisqu’à aucun moment, avant cette perturbation, elle ne m’a promis en séance plénière l’exclusivité. La seconde n’est autre que la cylindrée du moteur : les chevaux de la jalouse pour elle et ceux de la culpabilité pour moi. Nous aurions tort de négliger ces disparités puisqu’elles rassemblent à elles seules les arguments démontrant ma thèse : je ne m’accorderai pas sur une rupture à moins qu’elle ne la désire. Et je n’y crois pas, à ce souhait. Au contraire, elle repousserait ma main qui s’est hasardée jusqu’à sa taille et qui suit les sillons de ses côtes. Elle l’aurait dégagée gentiment pour ne pas me froisser et elle aurait reposé sagement le long de mon corps, le plus loin possible du sien. Or, elle ne réagit. Elle ne tourne même pas la tête en direction de l’insolente. Je jurerais presque que cette proximité contribue à éteindre ses angoisses. « Tu doutes de ma ténacité ? » ai-je feint d’être choqué d’un haussement de sourcils. « Tu sais, moi aussi j’ai peur que tu te dises que ça n’en vaut pas la peine, que tu n’arriveras pas et qu’il vaut mieux laisser tomber, que tu finisses par te convaincre que tu le ferais pour moi en plus.» Apprendrait-elle quel genre d’idée pessimiste me traverse l’esprit parfois qu’elle ne douterait plus. Ma récente discussion avec Jack Epstein, mon comportement face à ce dernier dans le seul but d’assembler les pièces du puzzle de leur soirée en témoignerait pour moi, mais je n’en suis pas fier. Pas assez que pour l’utiliser en exemple. « Je regrette des tas de choses, Rae. Mais pas de te courir après. » Ce serait presque un donné pour un rendu finalement. J’aurais simplement aimé m’éviter l’étiquette du menteur. J’aurais préféré que notre dispute ne soit qu’une bagatelle. « C’est ça. Tu le dis mieux que moi. » ai-je donc conclu, sans étonnement : nous sommes aussi semblables par endroit que complémentaires par moment.  

Pas un instant je ne l’ai perdu du regard. Fort d’assumer mon ressenti, je n’ai pas détourné mes pupilles brillant de fièvre. Elle ne me quittera plus désormais et, quoique je lui propose une solution – si tant est qu’elle soit tentée – je suis aussi enthousiasmé qu’effrayé. Et si je lui mentais encore ? Et si je n’arrivais pas à me refroidir ? Et si, dans l’éventualité où je serais invité auprès d’elle dans mon lit – j’investirais la seconde chambre (la petite, comme nous l’appelons) -  je ne parvenais pas à lui offrir la paix exigée par sa colère ? M’en voudrait-elle ? Notre escapade deviendrait-elle un supplice pour nous deux ? Signerons-nous alors cette fin redoutée à nous rendre compte que… De quoi, exactement ? Que l’un est faible face à l’autre ? Nul ne s’est jamais séparé de s’être aimé un rien trop fort ou rien trop tôt, si ? Et après tout, qu'importe ? Je suis diminué et, quoiqu’elle confesse que la mesure est autant son épreuve que la mienne, je grimace. « Ouais. Mais, je ne veux pas d’une réconciliation sur un entre-deux. Je veux que ça soit... » J’ai imité le bruit d’une mine qui explose de ma bouche et de ma main valide et je l’ai gratifié d’un rictus un soupçon trop goguenard. Rien que d’en parler et mon sang entre en ébullition. Quant à elle, elle se redresse et, une fois de plus, je repère au fond du jade de ses iris la lueur de l’intérêt. Un départ ne la rebute pas. Je jurerais qu’elle serait prête à s’enfuir maintenant avant que l’exaltation ne s’évapore. « Je ne sais pas. Mais, il suffit de prendre une carte et de choisir : Green Island ? Saint-Helena Island ? Ou juste se perdre en pleine mer. » Mes placards de cuisine sont pleins. Elle a toujours sa brosse à dents et des vêtements dans mes armoires. « J’ai un pilote automatique. C’est sans danger. Il suffit d'encoder les données. » Longitude, altitude. Je n’ai pas encore essayé, mais j'ai un manuel. Ça doit être plus facile que du chinois. « J’aime bien prendre la barre, mais ce n’est pas indispensable. » Je pourrais aussi la guider au besoin. Ce n’est pas bien compliqué et, dans l’absolu, bien que ma proposition n’eût pas été destinée à nous faire démarrer de suite, j’ai l’intuition que je dois battre le fer tant qu’il chaud. « Tu sais quoi ? » ai-je renchéri en ramenant ma main vers la sienne pour y entrelacer mes doigts. « Je prends une carte, on voit ce qu’on a qui tenterait à proximité, tu réfléchis à si ça te tente toujours d’ici une demi-heure et on avise. Ça t’irait ? » Mes yeux sont pleins d’espoir et d’engouement, mais une fois encore, je ne veux pas lui forcer la main. Je refuse et je regrette de m’infliger la position de l’expectative. Et, pour me préparer à un non catégorique, je rêve d’une gorgée de mon whisky abandonné sur la table basse, celui servi depuis des heures, celui dans lequel je n’ai pas encore trempé les lèvres. « Tu peux tendre la main jusqu’à mon verre, s’il te plaît ? » Si je bouge, elle quittera cette place aussi confortable pour elle que pour moi. Et, si tant est qu’elle s’exécute, je sais par avance que j’hésiterai avant d’en boire une gorgée. Je regarderai le liquide ambré avec au cœur du doute et de la peur. Je l’observerai longtemps sans savoir qu’en faire.
Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyLun 8 Juin - 9:19




NEVER FADE AWAY
Elle ne s’aventure pas sur le sentier pentu et savonneux que sont ses précédents projets pour mon anniversaire. Elle respecte, mais il est trop tard. Ma créativité sexuelle la suggère dans un déshabillé affriolant en guise de cadeau. Il lui prête une danse lascive au cours de laquelle elle s’effeuillerait, m’aguicherait, repousserait mes mains enhardies, le tout au plus grand bonheur de mes pupilles avides. Je l’imagine déjà et je détourne le regarde de per de perdre pied quand j’ai pensé : que porte-t-elle comme sous-vêtement ce soir ? Sont-ils rouge passion, blanc pur ou noir sensuel ? Ont-ils été tissés dans de la dentelle fine ? De la soie sauvage ? A-t-elle préféré le confort du coton dans l’espoir de rester sage ? J’y songe et je ne peux pas : c’est interdit d’affamer ma curiosité. Elle est péril grave pour mes promesses, car elle succomberait Raelyn. Elle oublierait pour un moment sa peine si je la houspillais de quelques avances. Ô je ne doute pas que j’aurais à insister un peu, mais pas longtemps. M’éconduirait-elle qu’elle s’enfuirait à toutes jambes, et ne serait-ce pas révélateur ? La dérobade ne trahirait-elle pas qu’elle me désire encore assez que pour s’échapper par crainte de lâcher prise ? Outre mon physique, je n’ai cependant pas envie de mettre à mal ce qu’il reste de notre relation pour l’avoir déçue à nouveau. Faire fi de sa colère l’insulterait et je ne méprise pas sa peine. De plus, je me sentirais dégueulasse de la camper dans la position de celle qui “non“ par caprice. Renverser la vapeur n’est pas dans mon intérêt. Ce n’est pas une arme loyale puisque je nous blesserais, tous les deux et quand bien même : je n’assumerai pas un abandon, pas ce soir, pas maintenant que sa présence me fait tant de bien. Alors, je m’accommode de ce qu’elle m’offre :  pas un gâteau. Pas une bougie. Pas de joyeux anniversaire non plus. Juste elle, près de moi en ce jour détestable. Elle qui a fait un premier pas vers moi et qui en avance un second en me proposant son aide.

Elle teinte l’instant d’humour et si je participe, une question demeure : est-ce une stratégie ? De quel ordre ? Du repli pour son mal-être ? De l’allègement pour l’atmosphère ? Tout est possible et quoique la réponse pourrait être évidente, j’y réfléchis peu : elle me manque des yeux et il n’y que sur ceux-ci que j’arrive à me concentrer. Son regard est rassurant parce qu’il m’est familier, bien plus que sa retenue à investir le bateau en conquérante. Lorsqu’elle s’est exilée dans la salle de bain pour en sortir chargée du tube de crème, j’ai profité de cette solitude pour soupirer profondément. J’ai relâché en tension et en pression. Contrairement à mes présomptions, nous ne sommes plus si loin l’un de l’autre finalement. Ce n’est pas un précipice qui nous sépare, mais une brisure au sol, fine, étroite, qu’une enjambée suffirait à traverser. J’en apprécie d’autant plus l’idée quand elle s’est assise en tailleur sur le sofa, à sa place, celle qu’elle s’est appropriée durant ces mois de complicité. La différence avec cette ère délicieuse, c’est que nos petites attentions ne répondent plus à la volonté de notre spontanéité. Évidemment, moi, je me dois de me méfier de mes gestes, mais elle ? N’est-elle pas libre de me toucher à sa guise ? Ne peut-elle pas m’embrasser si elle le souhaite ? Me prendre la main ? Entrelacer sa paume et la mienne par plaisir ? Caresser mon avant-bras pour attirer mon attention lorsque je m’égare dans le dédale de mes souvenirs ? J’aurais affirmé à grand renfort de hochement de tête avant qu’elle n’applique l’onguent sur mon ecchymose. « Ce que je n’ai pas encore fait et que je ne sais pas faire, oui.» Je babille pour m’obliger à penser à autre chose qu’à la chaleur qui parcoure tout mon être. Sauf que l’effet de ses doigts courant sur la surface de mon hématome m’a détrompé et largement. Désormais, je suis moins certain que me toucher ne nécessite pas une dérogation, car ce contact dénué d’ambiguïté me grise. Il éveille une pulsion difficile à contenir et je statue : je me suis surestimé. Je me suis accordé trop de crédite et, afin de ne commettre aucune erreur, je l’arrête précipitamment. Aurais-je porté mon t-shirt – à l’endroit – que je l’aurais rabattu sur sa main. Au lieu de ça, je suis un rien trop brusque dans le ton et je lui concède une explication. Tant pis pour mon amour-propre. Un malentendu serait vite arrivé et Dieu seul sait comme il peut être dévastateur parfois. Je dépose donc entre nous le risque encouru et sa main divorce de ma peau. Elle se rallie – la sienne, en réalité – et je clos les paupières le temps utile à refouler mon émoi.

Bien entendu, j’aurais souhaité qu’elle plonge sur mes lèvres alors que mon corps était dangereusement penché vers sa bouche. Peut-être que je suis déçu, un peu, qu’elle n’ait pas saisi l’occasion d’outrepasser la lézarde qui nous sépare. Mais, j’entends, je respire, je m’emploie à me calmer, je m’appuie sur la certitude que je gâcherais tout puisqu’elle est là où elle a envie d’être. Et, je ne juge pas surtout. Je rappelle à moi toute mon empathie. Et, je n’ouvre les yeux, ne relève la tête, que lorsqu’elle s’approche à nouveau du fauteuil. Elle me surprend d’un baiser sur ma mâchoire et ne s’arrête pas là : elle dépose sa joue sur mes cuisses. Au départ, je n’ai pas bougé. Son visage est tourné vers mon abdomen et le souffle son chaud de sa respiration, entrecoupé par son aveu, me chatouille et anéantirait mes efforts si je n’étais pas si prudent. « Je te crois. » ai-je ponctué sans mentir. Elle me prouve à chaque instant sa double peine : celle de ma trahison et l’autre née de la peur de nous perdre. Si ce n’est pas exactement ce qu’elle déclare , c’est de cette manière que je le traduis et je m’interroge. Que veut-elle ? Que je lui rappelle que je suis là ? Qu’elle a tout son temps ? A-t-elle besoin d’entre que moi aussi j’aspire à une véritable réconciliation et que demain rien ne change par rapport à hier ? Que j’en rêve mes nuits plus calmes ? Que je ne perds pas espoir ? Que j’ai foi en elle et en ses sentiments dont elle ne parle jamais, mais qui sont tangibles ? J’hésite. Je crains de mal dire alors j’agis. Mon pouce effleure son bras, remonte jusqu’à son cou et frôle sa joue sans itinéraire précis. Il est aléatoire. Il va, il vient, s’en va et revient sans se fatiguer. « Je n’abandonne pas non plus. » ai-je articulé à voix basse pour ne pas heurter cette bulle d’intimité, celle qui nous caractérise depuis le premier jour, celle où nous sommes enfermés souvent et qui se renourrit peu à peu. Elle est maigre encore. Mais elle existe et je me lance. « On n’est pas pressés, si ? Regarde, on avance. » Un pied devant l’autre comme un bébé qui apprend à marcher. « De quoi tu as peur, Rae ? Que je me fatigue ? » C’est davantage un soupçon qu’une conviction, mais rien de ce qui ne se confesserait pas habituellement ne l’éperonnera pour qu’elle adapte son allure sur celle d’un galop. « Ça n’arrivera pas. Je refuse de rester comme con sur le bas-côté de la route tant que je serai convaincu que tu ne joues pas avec moi. Et, je sais que tu ne le fais pas. Je sais que tu es sincère. Et je sais aussi que même si c’est frustrant quand tu es près de moi, c’est pire quand tu es loin.» J’ai haussé les épaules et j’ai réalisé soudainement que ma main a achevé sa course sous son débardeur pour s’interrompre à sa taille et j’aurais pu l’enlever d’un sursaut comme si sa peau m’avait brûlé la paume. Sauf que j’ai attendu qu’elle s’insurge, ou pas, c’est au choix, au bonheur de madame. « Parfois, il suffit de petites choses, tu sais. Pourquoi on ne partira pas un jour ou deux ? Juste toi et moi. Sagement. » Parce que je n’ai pas d'autres options : en plus du reste, je suis un éclopé. « Tu ne risques pas grand-chose et ça ne peut pas nous faire de mal. Peut-être que ça nous permettra de renouer avec nos habitudes et que j’aurai moins l’impression que tu te sens plus chez toi ici. Tu l’es toujours, tu sais. » Dans mon esprit, il est à nous deux. Nulle autre n’a marqué mon bateau de son empreinte ou n’a abandonné son parfum derrière elle, dans chaque pièce ou dans mes draps. Ce n’est pas mon terrain, c’est le nôtre.


Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyDim 7 Juin - 22:28




NEVER FADE AWAY
Elle manque à ma vie, Raelyn. Chaque jour passé sans elle est un supplice tant la distance m’effraie. Et si elle érodait notre complicité ? Creusera-t-elle un fossé entre nous ? Et, le cas échéant, arriverons-nous à le combler ? Existe-t-il déjà d’ailleurs ? Est-ce par sa faute que nous nous détaillons en chien de faïence sans oser approcher ? Ressent-elle, comme moi, cette tension qui était notre marque de fabrique et qui peine à s’exprimer ? À trop la regarder, je fondrai bientôt sur ses lèvres. À trop parler, je vais finir par dire une connerie que d’être mal aguerri pour les longs discours. Pourtant, je me colle aux explications avant que n’explose la grenade lancée par ma maladresse. Je passe bel et bien mes soirées seul. Je n’invite aucune prétendante – s’il en est – dans mon quotidien pour la remplacer. Je n’aurais pu rêver compagnie plus agréable que la sienne en cette soirée d’anniversaire. Et je me détends, enfin, parce qu’elle contresigne mon contrat de bonne foi. Étonnamment, j’ai une vague idée de ce qu’elle envisageait et mes lèvres se sont pincées de déception. « J’aimerais autant ne pas savoir ce qui était prévu. » ai-je affirmé avec une pointe de malice, un soupçon seulement, il est des manivelles à ne jamais actionner. « Ça va me travailler après. » Et assumer ces quelques heures à ses côtés sans la toucher tiendra de l’ordre de l’impossible. « Et puis, c’est un jour comme autre, non ? Avec un peu de chance, tu pourras recycler ton idée dans une contre-soirée. Mais, en attendant, tu es là, oui. Et c’est bien. Parfait comme ça. » Mes lèvres s’étirent d’un sourire un peu crispé d’osciller perpétuellement entre désir et raison.

Serions-nous des héros de cinéma que les téléspectateurs, devant leur écran, auraient zappé, agacés par nos simagrées. Certains nous auraient même encouragés à nous retrouver au plus vite. Sauf que notre histoire est plus compliquée que celles rédigées par les scénaristes d’Hollywood. Elle ne verse pas dans la mièvrerie. Elle ne dégouline pas en guimauve. Nous n’avons rien de deux sensibles cherchant inlassablement leur âme sœur dans les rues de New York. Si notre relation est si rayonnante lorsque tout va bien, c’est grâce à sa complexité et à son caractère inédit. Nos deux cœurs n’étaient pas armés contre l’amour. Ils se sont terrés longtemps dans une forteresse de morosité pour moi et de glace pour l’autre. Ils ont fondu sous la chaleur de notre passion débordante et excessive et, dans ces conditions, nos disputes se calquent sur le schéma de l’intensité. Aucune de nos réconciliations n'a été simple. Rares sont nos retrouvailles soldées sur la douceur et la tendresse. Et, dans le fond, attendu que ces difficultés ont contribué à nous unir, je me prête à l’exercice de bonne grâce, fort de sa stabilité et galvanisé par la réciprocité de notre douleur. Elles se font écho à chaque mot, à chaque remarque, à chaque attention dirigée l’un vers l’autre, aussi discrète soit-elle qu’un sourire ou qu’un regard qui se dérobe. Le mien en général. Je refuse de lui inspirer de la compassion et qu’elle en baisse les poings trop tôt. Il n’est pas non plus question que mon accident et mes blessures me servent d’excuses pour l’accabler d’avaler mes couleuvres à son rythme. C’est son droit le plus légitime. Après Tobias – quoique ça n’ait rien de réellement comparable – j’ai digéré lentement et sans pression. La moindre des choses, aujourd’hui, est de persister à la respecter, à l’accueillir comme elle le mérite, à la laisse venir, doucement, mais sûrement, même si ce quotidien dénanti de nos habitudes et de ce parfum que je cherche un peu partout, que je reconnais au milieu des passants m’afflige.

Je n’ai pas hésité d’avoir jugé sa proposition comme étant déplacée. À l’hôpital, elle l’avait accepté ce rôle. Elle fit montre, par principe, d’un rien de réticence, mais je sais qu’elle aurait pris soin de moi sans l’intervention de Sarah. Blessée ou sain, elle s’y employait déjà consciemment ou non. Ce qui m’inquiète, c’est que je m'envisage mal rester indifférent à ses doigts caressant ma peau et que je n’accorde pas assez de foi à mon flanc endolori pour brider l’élan d’un baiser chargé en reconnaissance. Ceci étant, je ne me sens pas de refuser son aide. Certes, j’en ai besoin, mais le coup de main m’est bien moins nécessaire qu’elle. Je le répète : elle est ma latte de cocaïne, ma bombe d’amphétamines, mon fixe d’héroïne. Elle est mon pêché mignon, ma faiblesse et ma perte également. Et, si j’ai interrompu ma course, c’est d’avoir vainement confié ma crainte d’être intenable par la suite à ma raison. J’ai cherché auprès d’elle un peu de réconfort et de courage. Sauf que lorsqu’elle beuglé un non sonore, c’était trop tard. J’avais dit oui. Je me suis même dépêché à l’entraîner dans le sofa avant qu’elle ne renonce, de peur qu’elle perçoive l’agitation que je camoufle tant bien que mal. « Non ! Je suis sûr, tu n'étais pas à ton maximum jusque là. »  La douceur nous a souvent accompagnées, mais la délicatesse n’est pas exactement le nom commun que j’aurais choisi pour nous décrire. « Mais, là, je te jure, c’est le moment où jamais. »ai-je tenté, le timbre vêtu d’humour pour répondre au sien. En toute franchise, je ne plaisante qu’à moitié. C'est en progrès évidemment. La première semaine m’a probablement endurci. Ceci étant, j’ai réveillé le mal endormi un peu plus tôt à me démener pour la rattraper – ce que j’ignorais de surcroît – et il semblerait que ma côte ait détesté ma parade pour m’éviter un vol plané au milieu du salon. Quant à moi, c’est son quolibet qui m’a fait tiquer. Que veut-il dire ? Qu’elle n’a pas envie de me secourir à ce point ? Que la pommade sera déjà bien assez ? Est-ce ma faute ? Ai-je dit ou fait quelque chose de contraire ? Non ! Elle se réapproprie les règles de nos jeux d’antan. « Je ne porte jamais de pyjama. Mais, tu pourrais me déshabiller s’il y a que ça pour te faire plaisir. » ai-je conclu par un clin d’œil. « Et je plaisante, moi aussi. » Dans le doute, vaut mieux prévenir que guérir.

J’ai attendu sagement sur mon coin de sofa qu’elle reparaisse de la salle de bain et quand elle s’est rassisse, en tailleur, j’ai anticipé le moindre geste d’un mouvement de recul. C’est pitoyable évidemment et je me suis repris. « Ça va ! Tu peux y aller. Ce n’est pas si terrible, j’en fais des tonnes pour t’attendrir.» Mensonge. Au contraire, jamais je ne l’avouerais et j’ai serré les dents cette fois. J’ai à peine tressailli au premier contact jusqu’à ce que je finisse par débander les muscles de ma mâchoire. Ç’en deviendrait presque agréable parce que c’est elle… « Franchement, ça va mieux par rapport à ce que c’était il y a deux semaines. Mais j’ai fait un faux mouvement tout à l’heure. Normalement, je serai totalement guéri d’ici quatre , si je m’économise. » Ce qui n’arrive que rarement. « Mais je suppose que ça ira déjà mieux avant. Ça ne pourra qu’aller mieux de toute façon. » Et c’est valable pour mon ecchymose et sa source comme pour elle et moi. « Merci, Rae. » lui ai-je soufflé, un regard fiévreux braqué sur elle. Je la remercie d’être là, de s’occuper de moi malgré tout alors qu’elle n’y est pas obligée. Je la remercie, mais ses doigts sur ma peau, sensible au possible, étouffent les cris de ma fracture sous prétexte qu’ils sont trop faiblards à côté de cette envie suffocante de dévorer le fruit de sa bouche. « Ça va. C’est bon comme ça. » Et je frôlerais presque l’urgence. « Faut que tu arrêtes parce que je vais t’embrasser et que je ne sais pas si je dois, si je peux. » Si c’est bien, si c’est mal, si c’est un mal pour un bien. « Et je n’ai pas envie que tu partes… » À cause de moi, de ce malheur de n’être plus capable de résister à l’appel de ses lèvres. Je l’ai trop fait auparavant et j’aurais espéré, de tout mon cœur, ne plus jamais être soumis à cette interdiction, une dont elle serait à l’origine de surcroît.



Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyDim 7 Juin - 18:20



NEVER FADE AWAY
Décider de m’attarder sur son départ avorté, c’est prendre le risque d’avoir mal au cœur au point d’être hermétique  à ce que sa présence ici induit. Son hésitation est sans nul doute la preuve qu’elle a choisi de venir sous le coup d’une pulsion que son orgueil n’a pas réussi à ébranler. Il l’a à peine entamé puisqu’elle reste finalement. Elle m’a suivi à l’intérieur, non sans se moquer gentiment des preuves de ma précipitation, et ça m’a plu. Taquiner l’objet de nos désirs atteste plus souvent de l’affection que du mépris. C’est bon enfant et porte en étendard l’avantage d’alléger l’atmosphère. Je ne dirais pas qu’elle est lourde ou polaire. Je lui ai même souri un peu penaud d’avoir été pris en flagrant délit de précipitation. Mais, elle ne ressemble à rien de ce que nous avons vécu jusqu’alors. Nous n’étions ni amis, ni amants, ni un couple qu’elle ne m’a jamais donné l’impression de marcher sur des œufs auprès de moi. Elle m’a d’abord fait un charme et un plat éhontés. Elle m’a provoqué, y compris sur mon terrain, pour me pousser dans mes retranchements. Que je souffle le jour ou le froid n’y a rien changé. Résolue, elle ne s’est encombrée d’aucun malaise et, ce soir, cette sensation qu’elle ignore où est sa place dans cette débâcle me remue. Elle n’est pas supposée attendre au milieu de la cabine sans s’installer où ça lui chante. Normalement, Raelyn m’aurait surpris dans la salle de bain en train de me débattre avec mon plâtre et la douleur pour l’apaiser un peu. Elle n’aurait pas cogné à la porte : elle aurait frappé deux coups, serait entrée sans invite et je l’aurais bénie de tomber à pic. Je l’aurais flattée d’un baiser également et, après m’être venue en aide, elle nous aurait servi deux verres sans que ça me gêne. J’ai toujours considéré qu’elle était chez elle entre ses “murs“ et constater aujourd’hui que cette routine n’est plus qu’un lointain souvenir m’attriste, profondément. Reviendront-elles, nos habitudes ? Dans le pardon, lui arrivera-t-elle encore de me surprendre en pleine nuit ? De me sortir de mon sommeil parce qu’elle sera venue se caler contre mon corps ? De me dérober un baiser alors que je n’aurais décollé qu’un œil, mais lui aurais tout de même accueilli au creux de mes bras ouverts machinalement et avec plaisir ? S’accordera-t-elle toujours le droit de prendre une douche sans me demander l’autorisation ? M’accompagnera-t-elle toujours si un événement important, mais crispant, réclame qu’elle me soutienne ? Et moi ? Pourrais-je encore l’interrompre dans son bureau improvisé, au Club, alors que nul n’ose y pénétrer ? Me permettra-t-elle de la kidnapper le temps d’une balade en mer ? Je n’en sais rien ! À ce stade, j’ai davantage le sentiment que lui caresser la joue nécessite que je sois en possession d’un laissez-passer.

Soucieux de bien faire, je me comporte en hôte poli et Dieu que c’est compliqué. J’ai envie de lui dire : "fais comme chez toi, je t’en prie. Ne change rien à nos coutumes. Ne bouscule pas l’usage". Or, ce qui sort de ma bouche, est à des kilomètres du fond de ma pensée. Son aveu, quoiqu’il ait le mérite de répondre à l’une de mes questions, a heurté mes fragiles espoirs de plein fouet.
Dos à elle et une main dans mon placard, j’ai fermé les yeux de désarroi. J’ai lutté en me répétant inlassablement : “ne l’approche pas, ne la touche pas, pas maintenant, c’est trop tôt. Tu vas la brusquer.“ J’ai aussi combattu ma déception pour recomposer mon masque de contenance de peur que, témoin de mes émois, elle se sente pousser des ailes d’altruisme. J’ai bataillé ferme parce que je ne veux pas qu’elle s’en aille et je tente de le lui dire, à ma façon, sans mesurer l’impact de mon vocabulaire. Je n’ai plus assez d’énergie pour les trier sur le volet et combler mes faiblesses de communication. Les mots ont quitté ma bouche dans l’ordre, mais l’idée générale n’est pas respectée. Quant à Raelyn, elle analyse tout ce qui en sort puisqu’elle se justifie à peine l’envie subite de me rejoindre. Elle décortique le discours et je me sens bête et con d’avoir commis cette erreur propre à la bleusaille. « J’ai envie. Et je suis content que tu sois là. » me suis-je donc empressé de corriger avec franchise. J’ai appris, avec le temps, que c’est le seul langage qu’elle comprenne réellement. Le reste n’est que conjecture : ça compte peu à ses yeux et c’est réciproque. C’est ce que notre relation m’a permis de découvrir sur elle, sur nous deux et tandis que je lui propose un verre – Whisky ou scotch, cela va de soi – je me soumets enfin à son regard percutant. Il m’ébranle par son acuité. Elle me détaille et qu’en penser ? Qu’elle cherche à déchiffrer dans mes yeux si je suis honnête ? Si, au contraire de l’assertion, je ne la rêve pas ailleurs ? Y songerait-elle qu’elle se tromperait. L’intrigue sur mes traits dissimule mal mon aversion pour le jour de mon anniversaire et, alors qu’elle croise les bras sous sa poitrine, signe évoquant qu’elle se braquera à la seconde maladresse, je désamorce du mieux possible ce qui me pend au nez : sa vexation, son départ et plus de temps sans elle encore. « Non ! Bien sûr que non. » Pas de celle qu’elle pourrait s’imaginer en tout cas. J’ai reçu Greg, ma belle-sœur et d’autres de mes compagnons d’aventures humaines, mais pas de femme susceptible de colmater les brèches de ma solitude. Elles ne m’intéressent pas, les autres, elles ne sont pas elle ! ]« Pourquoi ? Tu en as, toi ? » ! est, de toutes mes questions, celles qui m’angoissent le plus. Mais je ne me risque pas à la poser de crainte qu’elle le vive comme de la méfiance. Dans le fond, je n’aurais cherché qu’à me rassurer, mais je prends sur moi mes inquiétudes. Ce n’est pas à moi de la soumettre à un interrogatoire : elle ne m’a fait rien. Rien, à part être là, le jour de mon anniversaire. Et je le maintiens, je suis joie qu’elle se soit déplacée et je regrette d’accumuler les bourdes parce que je souffre physiquement, pour elle, pour nous et parce que je fête une année supplémentaire sans ma fille. « Je n’ai pas envie d’être seul si c’est toi qui es là. Mais, je n'aurais eu envie de voir personne d'autres. » ai-je rétorqué en jouant avec son verre.

Bientôt, je récupérerai la bouteille qui trône sur la table basse et je lui en servirai un. En attendant, je réponds de bonne grâce à ses questions. « Et, je suis curieux, c’est tout. Je me demande comment tu as eu l’info. Ce n’est pas mon jour préféré de l’année. » Mais, il n’y a pas de gâteaux, pas de bougies. Ce n’est pas une fête surprise qu’elle a organisée, c’est parfait en l’état et je clos le débat. J’ai besoin d’un verre désormais – Mon verre – et tandis qu’elle s’avance d’un pas vers moi, un pas qui rencontre le mien, je m’arrête net, à la fois soulagé et effaré par sa proposition. « Oh ! Euh, oui, je t’avoue que ça m’aiderait bien. » Ce que je cache, c’est que j’ai bouté le feu d’un braiser dans mes côtes à courir vers elle. Je crois qu’elle s’en doute de toute façon. « Je te sers un verre avant. » ai-je néanmoins déclaré en m’exécutant. J’ai regardé le mien, j’ai avancé la main, mais je n’y ai pas touché… pas encore. J’aurais pu faire une halte par la salle de bain et récupérer la bande utile à soutenir ma côte endommagée, mais je n’ai pas osé. Je ne veux pas abuser et, j’avoue, j’ai redouté que l’attente ne nourrisse un quelconque regret. Aussi, me suis-je assis, non sans lu avoir désigné le sofa, au cas où elle se sentirait toujours moins légitime. « Tu pourrais… m’aider à remettre mon T-shirt après ? Et, être délicate ? Encore plus que d'habitude ? » La précaution vaut davantage pour elle que pour moi : je me mets en condition pour ne pas tressaillir. Mon ego n’y survivrait pas.

Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyDim 7 Juin - 13:32



NEVER FADE AWAY
Au moment même où j’ai reconnu la signature de Raelyn, l’espoir, que j’essaie tant bien que mal de contenir pour le bien de ma santé mentale s’est amplifié. Il a balayé l’angoisse systématique qui me serre l’estomac, il a accéléré la course de mon cœur, la nervosité m’a gagnée et, en plus de me sentir dans la désagréable peau du débutant, les gestes suivants se sont caractérisés par de la maladresse. Je n’ai même pas pris la peine d’appuyer sur l’interrupteur pur me rhabiller correctement ou traverser le salon sans danger. J’ai par ailleurs manqué de trébucher à cause du pied de ma table basse, mais je me suis rattrapé à mon sofa Dieu seul sait par quel miracle. Le moment aurait été mal choisi pour m’étaler de mon long. Non seulement la chance me fait défaut et de plus, je pressens que si je traîne, Raelyn renoncera à son projet, quel qu’il soit. Une réconciliation, moins de quatre-huit heures après notre dernière mise au point, je n’y crois qu’à moitié, une moitié faible plus proche du dixième. Elle l'est tant que je suis à peine surpris, en ouvrant la porte, de la trouver à l’autre bout du pont. Elle partait renonçait et je n’ai pas besoin qu’elle énonce cette vérité pour la deviner. Elle porte sur ses traits le masque de la coupable prise la main dans le sac et l’idée de nos sages retrouvailles s’envole. Elle n’en est pas une, mon amante. C’est moi qui nous ai abîmés et il est normal que j’en fasse les frais. Toutefois, je comprends de moins en moins à quoi rime cette distance. J’ai du mal à saisir pourquoi elle s’est infligé la route jusqu’ici pour tourner les talons sans même m’avoir aperçu. Mon absence lui serait-elle plus pénible que ma présence ? Est-elle plus douloureuse ? J’en serais à peine surpris. C’est l’adage qui qualifierait le mieux mon quotidien sans elle. Pourquoi serait-ce différent pour elle ? Parce qu’elle est toujours en colère ? D’histoire d’Homme, nul ne raconte que cet émoi ait relevé l’exploit de rencarder le plus noble des sentiments. Il l’altère, l’effrite, l’émiette le long des sentiers du temps, mais seul, il n’a jamais gommé les passions aussi sulfureuses que la nôtre. Pour atteindre son but, elle a besoin de l’aide de la vanité et Raelyn fait de moins en moins de cas de la sienne. Peu à peu, elle s’assourdit, lassée par les supplications d’un cœur aimant et elle lâche prise. Alors, fort de ces suggestions, je l’encourage à entrer. Je lui tends d’abord une main grasse d’Arnica que je lui retire aussitôt tant pour son confort que pour me préserver d’un refus. Cette nuit, au Club, n’a été qu’une parenthèse. Je le sais. Je me suis juré de ne pas la brusquer, de lui accorder le temps utile à me pardonner et, comme je n’ai pas oublié son mouvement de recul sur le panier, je m’emploie à respecter cette promesse qui ne tient plus à grand-chose. Serais-je altruiste que je lui rappellerais qu’elle n’est pas obligée de rester, que cette porte, je peux tout aussi bien la refermer sur elle en faisant mine de l’avoir béer trop tard. Mais, je le regretterais, je le sais. Je regretterai d’avoir laissé passer l’occasion, non pas de faire fondre sa volonté, mais de partager de son précieux temps, celui qu’elle est visiblement prête à m’accorder puisqu’elle chemine vers moi.

Ai-je soupiré d’aise ? Bien sûr ! Elle m’aurait achevée si elle avait décliné mon invitation pour mieux s’enfuir. Je lui préfère de loin cette boutade tandis qu’elle pointe du doigt mon T-shirt. « Quoi ? » Qu’est-ce qui est tout sauf joli ? D’instinct, j’ai baissé les yeux et je me suis consterné. J’en ai haussé les sourcils et ma grimace, éloquente, a trahi toute ma honte pour cette maladresse. « Ouais ! J’étais dans la salle de bain. Je savais que c’était toi. » Pour des raisons qui débordent du cadre de l’instinct. Je l'ai pressenti par la force de l’habitude. « J’ai essayé de me rhabiller le plus vite possible, mais… » Le plâtre. Ce satané plâtre qui bride ma liberté de mouvement. « Deux semaines. Plus que deux semaines à tenir et j’en serai libéré. » Parler pour empêcher le silence de s’installer. Parler parce que je suis tellement angoissé qu’étonnamment, il n’y a que ça qui arrive à me détendre un minimum. Parler et m’engouffrer dans la cabine, en enlevant mon t-shirt. Je l'ai balancé sur le plan de travail de la cuisine et plus tard, je lui demanderai un coup de main pour l'enfiler à nouveau. En attendant, je lui tourne le dos pour me laver les mains et ensuite récupérer un verre propre dans le placard. Elle, elle a profité de ce que j’étais occupé pour m’offrir des explications que je n’attendais pas réellement. Aurait-elle été déterminée à entériner un armistice que je l’aurais trouvée derrière la porte. Je suis convaincu qu’elle ne m’aurait pas permis d’ouvrir la bouche pour la saluer. Elle aurait fondu sur mes lèvres le temps d’un baiser auquel j’aurais répondu pleinement. Je m’y serais abandonné sans inquiétude. Or, elle s’en allait. Elle me fuguait, encore, et je crois que j’aurais préféré qu’elle n’enfonce pas le clou de ma certitude. L’entendre de sa bouche m’a fait mal et j’ai béni le ciel qu'elle ne puisse me voir durant ces quelques instants. Mon regard s’est assombri sous le joug de la peine et, ce soir, je n’ai pas envie d’en faire l’étalage. « J’avais compris. » ai-je soufflé avant de lui faire à nouveau face, le masque factice et emprunté du “pareil au même“ « Je suppose que du coup, tu peux décider de rester si tu en as envie. Je te sers quelque chose ? » Le verre est posé sur le plan de travail, ma main à plat, juste à côté. Quant à mon regard, il ne la quitte plus. Il la détaille, la déchiffre, parce qu’elle a insisté sur l’adverbe, Raelyn et d’après moi, cela sous-entend qu’elle m’a cru seul parce que nous sommes « aujourd’hui » et non parce qu’elle présume que je le suis perpétuellement. « Aujourd’hui ? » ai-je répété mi-figue mi-raisin. Je suis mitigé entre “C’est intrigant“ et “Comment elle sait ?“ « Pourquoi je serais seul par-ti-cu-lière-ment aujourd’hui ? » Je l’observe de biais, sourcils froncés, mais le timbre n’a rien de désagréable pour autant. Je suis étonné, rien de plus. « Tu fais allusion à ce que je pense et que tu n’es pas supposée savoir ou… » Ou ferais-je fausse route ?  « Parce que si c’est ça, je… n’aime pas ça. Enfin, que tu sois venue oui, mais… je n’aime pas ça » Le mot n’est pas un tabou, mais si mon intuition est fausse, je souhaiterais ne pas la mettre sur la piste et me griller tout seul ou me griller plus encore. Mon petit doigt me souffle que j’en ai beaucoup trop dit déjà.


Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY
Amos Taylor

Réponses: 61
Vues: 2556

Rechercher dans: mémoire du passé   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: (Amelyn #18) ► NEVER FADE AWAY    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySam 6 Juin - 21:09



NEVER FADE AWAY
J’accorde peu d’importance aux dates. Quant à la notion du temps, la mort de Sofia l’a étiolée.  Elle était mon horloge, ma fille. Je prenais surtout conscience de la vitesse de croisière de lavie à me lamenter de la voir grandir. Elle a traversé l’enfance avec fulgurance et, son adolescence s’est résumée par des heures enfermées dans sa chambre, quelques sorties entre copines et chagrin d’amour. Et moi, perclus de la sentir m’échapper de jour en jour, j’ai regretté d’être incapable de ralentir ou d’accélérer la course du temps. J’ai appris à maudire tous les anniversaires, qu’ils soient funestes ou non, et mes réflexes de préservation sont toujours les mêmes : j’enfonce ma tête dans ma carapace, j’éteins mon téléphone et j’enfile les bouteilles d’alcool jusqu’à m’écrouler dans mon lit durant quarante-huit heures ; aujourd’hui ne fera pas l’exception, si ce n’est un quelque chose de différent. C’est comme une intuition guidée par l’étincelle de ma raison. Mon verre est servi. Il trône en maître au centre de la table basse de mon salon. Je l’observe, le détaille, mais je n’ose pas y toucher. Je ne prévois pas de prendre la route pourtant. Sauf que mon plâtre, ma côte toujours aussi douloureuse – je ne m’économise pas assez – me rappelle les risques pour ma santé si je continue à consommer autant de whisky au quotidien. Si je ferme les yeux, je peux entendre la voix catégorique du médecin qui m’a annoncé froidement de son air pincé que Johnnie Walker me tuera dans moins de vingt ans et ça me crispe. Usuellement, je suis douté pour le déni. Je suis passé maître dans l’art d’occulter ce qui me déplaît. Je n’y arrive pas cependant. Je dois être trop fragile à moins qu’il ne s’agisse des preuves évidentes de mes inconséquences sur mon corps. Sur mon flanc s’étend un hématome d’une couleur violacée ou jaunâtre par endroit. ll n’est pas une nuit où je ne cherche pas une position confortable pour essayer de la rendre la plus paisible possible. Ce n’est jamais la même néanmoins. Quant à la quiétude, elle m’a quitté depuis un moment déjà. Elle m’a abandonné au profit de l’angoisse. Certes, elle me boude de moins en moins. Il est des soirs où je me souviens ce baiser prometteur échangé avec Raelyn sur notre lieu de travail. D’autres où je m’efforce de me rappeler de ce qu’elle n’a pas soumis l’hypothèse du pardon, elle l’a affirmée. Elle a confirmé qu’il viendrait tôt ou tard et moi, je prie pour qu’elle ne change pas d’avis. Elle n’a rien d’une girouette. J’avancerais sans honte qu’émotionnellement parlant, elle est bien plus stable que moi. Malheureusement, je ne serai entièrement serein que lorsqu’elle franchira cette porte pour m’embrasser sans hésiter, pour acter du plus beau des langages notre réconciliation. Mais quand ? Je n’ai pas peur de me fatiguer de l’attendre. Je suis tout à elle. Je n’arrive même plus à dissimuler l’étendue et l’intensité de mes sentiments. En revanche, je redoute de perdre patience et de rompre moi-même ma promesse. Je ne dénombre plus ces fois où je me suis imaginé la rejoindre, chez elle, au milieu de la nuit, afin de lui ravir un baiser et de la déshabiller là, sur le seuil, après avoir fermé le rempart de bois du bout du pied. Sa chance, c’est que je suis assez diminué physiquement pour ne pas m’y risquer. Les sacrifices de mon ego se bornent à des limites que j’ai déjà franchies. Je ne peux pas non plus céder tous les pouvoirs à Raelyn sur mon moral. Je n’ai aucune certitude pour notre avenir. Je me dois d’apprendre à vivre sans elle. Je dois la balayer de mes pensées, au moins pour ce soir, et je fais fi de mes réticences à flirter avec l’ivresse.

Je me suis penché trop vite pour attraper mon verre et la douleur m’a paralysé. Elle fut si fulgurante que j’en aurais bien hurlé. Est-ce un signe du destin ? Est-ce l’avertissement supplémentaire ? Celui qui me manquait ? Pas exactement ! Je le boirai, ce verre. J’avalerai tout de go avec des ibuprofènes rangés dans la cuisine. Je l’ingurgiterai dès que j’aurais trouvé la force pour rejoindre la salle de bain pour me soulager à l’aide d’un onguent d’arnica et un pansement bien serré pour maintenir mes flancs. Ça me prendra des heures avec un bras en moins, mais qu’à cela ne tienne : ça aide, alors je chemine vers le lieudit pour me débattre avec mon t-shirt, mes pansements, ma douleur et mon tube de pommade. Même lui me ramène Rae vers mes pensées et ça me désespère d’être autant obsédé par cette femme. J’ai soupiré, épuisé et je suis resté là, assis sur le rebord de la baignoire, perdu dans notre histoire, ma main chargée de crème en suspension au-dessus de ma blessure. J’ai buggé, je suis ailleurs, autohypnotisé, si bien que j’ai sursauté au premier coup de poing contre la porte d’entrée. Qui est-ce ? Quel irréductible s’essaie à profaner mon silence ? Comme à l’habitude depuis qu’elle est en ville, je m’inquiète d’ouvrir et de tomber nez à nez avec Sarah. Ce serait la preuve qu’elle a découvert l’existence de mon bateau et que si je ne cède pas à ses tentatives de sabotage sur mon couple – ou presque – elle dépensera des sommes et une énergie folles pour m’en déposséder. Alors, je n’ose m’essuyer les mains pour autoriser à pénétrer dans ma tanière. Je ne m’y colle pas d’ailleurs. Je me soigne – à peu près – enfin, mais on insiste et cette fois, je suis convaincu que je ne trouverai pas une intruse devant la porte. C’est Raelyn. Maintenant que je suis attentif, je reconnais la force et le rythme du martèlement et je lâche tout. Je me relève avec précipitation, je me cogne et je peste. J’attrape mon t-shirt, j’essaie de l’enfiler en la hélant, mais je suis si empressé – et passablement handicapé – que j’accumule les bourdes. Je me ralentis tout seul, mais quand j’ai enfin ouvert, franc battant, la porte de la cabine, elle est toujours là. « Je suis là ! » ai-je lancé d’une voix forte, mais essoufflée. Elle s’apprêtait à partir, lasse d’attendre, s’imaginant sans doute qu’il n’y avait personne puisque je n’ai pas allumé. « Viens. Entre. » Je lui ai tendu la main, mais je l’ai retiré de son champ de vision aussitôt. « Mauvaise idée. Elle est grasse. Mais viens. Je vais aller me laver les mains. » Elle a fini par ouvrir la marche et, juste derrière elle, déjà entêté par son parfum, j’ai enfin allumé. J’aurais aimé lui dire que je suis heureux qu’elle soit là. J’ai également subi  le besoin de la prendre dans mes bras et de l’embrasser, mais j’ignore la raison de sa visite et je refuse de mettre la charrue avant les bœufs. Ma seule certitude,  c’est qu’elle n’est pas disposée à fêter avec moi mon anniversaire. Je n’ai pas souvenir de lui avoir confié la date du jour de ma naissance et, si j’ai dû mal à croire aux coïncidences, je me dis que si ç’en est une, elle fait drôlement plaisir. Il n’y a que pour elle que je ne nourris aucun besoin de vivre en ermite.



Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 YV4dgvCSujet: Caleb ≈ We're far from the shallow now
Caleb Anderson

Réponses: 107
Vues: 7469

Rechercher dans: tisser des liens   Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptySujet: Caleb ≈ We're far from the shallow now    Tag 18 sur 30 YEARS STILL YOUNG - Page 4 EmptyMer 1 Mai - 10:31


Répertoire des sujets



RP's terminés
Spoiler:





RP's en attente
∆ pseudo.




Évolution du personnage
1989 ∆ naissance-enfance-adolescence
Caleb est né le 20 Avril 1989 à Warwick en Australie. Pas grand-chose à dire sur les premières années de sa vie. Il a une petite sœur @"Primrose Anderson" qui a cinq ans de moins que lui, et deux autres petites sœurs (des jumelles) Candlynn et Bailee. Il avait des bonnes notes à l’école, il travaillait beaucoup et était toujours dans les premiers de la classe. Il a vécu dans la petite ferme familiale avec toute ma famille jusqu’à ses 18 ans

2007 ∆ 18 ans
Dès la majorité Caleb a choisi de prendre son indépendance et de quitter le domicile familial. Il a étudié la cuisine à Brisbane et avait un petit studio juste à côté de l’école.

2010 - 2011 ∆ 21-22 ans
En Janvier 2010 Caleb a rencontré une fille dont il est très vite tombé amoureux. @Alexandra Anderson. Très vite, ils ont formé un coupe très amoureux l'un de l'autre. Elle était son premier amour. Mais du jour au lendemain elle a disparu sans plus jamais lui donner de nouvelles. Cette rupture lui a complètement brisée le coeur. Tellement qu'il en a un peu perdu qui il était et pendant une période de quelques mois, il enchaînait les relations d'un soir. Dans l'espoir d'oublier cette fille qui lui avait fait atrocement mal.

2012 ∆ 23 ans
Besoin de prendre l’air et de quitter le sol Australien, il est parti un an en Europe pour deux stages de cuisine. Le premier en France. Huit mois à Paris. Là-bas, il y a rencontré une jeune française, Victoria, dont il est tombé amoureux. Et puis après il part quatre mois en Italie à Rome. Caleb est donc bilingue et parle couramment de français tout en ayant un excellent niveau en Italien (bien que son apprentissage de l’Italien a été plus que laborieux au début)

2013 ∆ 24 ans
Le retour à Brisbane. Victoria (la fille rencontrée en France) a accepté de tout abandonner pour venir vivre avec lui en Australie.

2014 ∆ 25 ans
Caleb rachète un restaurant en plein centre-ville de Brisbane. Après beaucoup, beaucoup de travail, d’argent investi et de nombreux mois de travaux il devient patron et chef cuisinier d’un restaurant de gastronomie française situé à Spring Hill : l'Interlude. Il a fallu encore plusieurs mois pour que le restaurant commence à bien marcher et à devenir rentable.

2017 ∆ 28 ans
Sa vie s'écroule cette année-là. Le restaurant marche très bien, il est maintenant fiancé à la femme qu'il aime. Mais un accident de voiture est venu tout bouleverser. C’est lui qui était au volant. Caleb s'est fait opérer d’urgence à cause d’un hémothorax ayant entraîné une hémorragie massive. Et Victoria est morte à l'hôpital quelques heures après l'accident.

2017-2019 ∆ 28-30 ans
De longs mois de rééducation étaient devant lui mais on ne peut pas dire que Caleb ait été le plus rigoureux quant à ses séances de kinésithérapie. Il a inquiété sa famille et ses proches ces années-là et pour cause : il n'arrivait pas à se remettre de la perte de Victoria et plonge dans une profonde dépression jusqu'à tenter de mettre fin à ses jours courant 2017. Une hospitalisation de plusieurs semaines dans un service de psychiatrie et il finit par ressortir avec un antidépresseur et un anxiolytique qu'il prendra pendant à peu près un an et demi. La guérison a été longue mais Caleb a fini par retrouver l'envie d'avancer tout en laissant son passé derrière lui. En ressortant de son hospitalisation, il maintient un suivi par un psychiatre et une psychologue durant des années-là.

Avril 2019 ∆ 30 ans
Retrouvailles avec Alex dans un bar. Elle refuse de lui expliquer les raisons de son départ : elle était enceinte et ayant peur de la réaction de Caleb, elle a préféré fuir et ne jamais rien lui dire. Elle a accouché d'un petit garçon qui a presque onze ans ans : Nathan.

Août 2019 ∆ 30 ans
Après avoir repassé une nuit avec Alex, Caleb recommence rapidement à avoir de nouveau des sentiments pour elle avant qu'elle ne lui explique les raisons de son départ si soudain huit ans plus tôt.

Octobre 2019 ∆ 30 ans
Il finit par pardonner à Alex et se remettent enfin ensemble.

Mars 2020 ∆ 30 ans
Alex lui annonce qu'elle est enceinte.

Avril 2020 ∆ 31 ans
Fausse couche partielle, Alex attendait des triplés et ils auront donc des jumeaux dans quelques mois.

Mai 2020 ∆ 31 ans
Caleb retourne voir une psychologue pour redémarrer une nouvelle thérapie.

Juillet 2020 ∆ 31 ans
Caleb apprend de la part de Birdie que Victoria était enceinte de lui alors qu'elle a perdu la vie.

Octobre 2020 ∆ 31 ans
Alex accouche de deux petites filles en parfaite santé : Lucy et Lena. Caleb lui demande en mariage le même jour et elle accepte. Ils sont donc maintenant fiancés.

Octobre 2021 ∆ 32 ans
Caleb et Alex se marient le 23 Octobre sur la plage sur laquelle ils ont vécu tous les deux beaucoup de moments importants dans leur couple.

Décembre 2021-Janvier 2022 ∆ 32 ans
Le jeune couple part un mois en Europe en compagnie de leurs filles et des parents de Caleb, parcourant ainsi plusieurs pays différents.

Février 2022 ∆ 32 ans
Alex tombe de nouveau enceinte. Ce même mois, Caleb et Alex apprennent que le petit garçon qu'ils ont eu il y a dix ans est atteint d'une leucémie et qu'il a besoin de toute urgence d'une greffe de moelle osseuse.

Mars 2022 ∆ 32 ans
Caleb est compatible, il fait un don de moelle osseuse à Nathan.

Avril 2022 ∆ 33 ans
Caleb rencontre pour la première fois Nathan.

Juin 2022 ∆ 33 ans
Caleb entame des démarches pour une reconnaissance de paternité afin de récupérer tous ses droits sur Nathan et que celui-ci puisse venir vivre chez eux.

Septembre 2022 ∆ 33 ans
Naissance de Mael, le petit dernier de la famille.

Revenir en haut 
Page 4 sur 5Aller à la page : Précédent  1, 2, 3, 4, 5  Suivant
Sauter vers: