Ta tante a été d’accord à ce que tu passes le weekend chez Birdie à Elimbah. Elle a vu à quel point elle était retournée par tout ça et à quel point ta présence l’apaise. Tu as été cherché des cafés le lendemain, au diner où tu travailles et laisser Birdie même pendant un cours laps de temps n’a pas été une bonne idée. Tu as littéralement envie de fusionner avec elle. Tu n’as aucune idée si tu vas vraiment pouvoir rester avec elle tout le temps. Vous avez vos vies respectives, vos familles respectives. Est-ce que vous allez retourner à l’école ? Ca pour l’instant, c’est un grand non en ce qui te concerne. Tu en avais déjà rien à foutre avant mais là en plus, l’année est quasiment terminée, tu vas demander à passer en temps plein au diner. Tu veux gagner ton argent et pas faire une année de plus dans ce fucking lycée.

En attendant, c’est le lendemain de la tragédie et il fait bon de se retrouver si loin de Brisbane. La soeur de Birdie qui est venu la chercher et tu as pris un petit sac à dos avec toi pour y mettre quelques affaires. Tu passes la nuit avec elle, chez elle, ce soir. Tu pourrais t’en réjouir si les circonstances étaient différentes. Tes mains toujours en contact avec elle, comme pour qu’elle se sente rassuré par ta présence très proche. Mais la vérité c’est que peut être tu es celui de vous deux qui est le plus apaisé par ce contact. Tu découvres sa maison et l’immense jardin. Tu as vu la grande cabane dans le jardin et tu serais curieux d’y aller faire un tour mais tu comptes juste la suivre dans ce qu’elle veut. Tu aimerais aussi visiter la ville qui est minuscule. T’as l’impression d’être dans le village de la belle et la bête. T’as cru voir une enseigne d’un shop d’instruments de musique, comme si tes yeux avaient un radar à ce genre de truc car vous n’y êtes passé que très brièvement en ville en voiture.

Ta main dans celle de Birdie, ton sac à dos sur le dos, tu restes silencieux parce que tu ne connais pas sa soeur. Tu ne sais pas ce qui est bon de dire ou faire vis à vis de Birdie qui est encore énormément sous le choc et tu comprends. Toi aussi tu l’as encore ce cri qui résonne dans ta tête alors que vous étiez en train de vous embrasser… Il n’empêche que tu te sens bien dans cette maison que tu pénétres pour la première fois.

@Birdie Cadburry

Tu n’as pas vu les heures écoulées jusqu’à l’arrivée de Lila. C’est elle qui se dévoue à chaque fois pour te conduire, mais il y aussi Aurora qui est venue. Mais toi, t’as pas quitté Jordan d’une semelle. T’as l’impression que tu peux t’effondrer à tout moment si jamais il s’éloigne, si t’as le toupet de le laisser partir. Lui seul peut comprendre, lui seul était là, lui seul peut compatir. Et lui seul a la présence qui t’apaise. Tu appréhendes déjà quand il faudrait que Jordan reparte de son côté parce que ça finira bien par arriver. Malheureusement, tu ne peux pas te permettre de le garder avec toi indéfiniment. Tu n’es même pas la compagnie la plus agréable. Et pourtant, il est toujours là.

Et il est encore là le lendemain quand tes sœurs arrivent. Parce que sa tante a accepté qu’il vienne le week-end, personne n’a eu le coeur de te dire non. Dans d’autres circonstances, tu t’en serai amusée. Mais là, tu es loin d’avoir le cœur à la fête et l’esprit rempli de jolies blagues tordues. Lila t’a directement prise dans ses bras et Aurora, plus calme, plus retenue, est venue s’ajouter. T’es une foutue poupée de chiffon qui se laisse faire, mais les prunelles cherchant toujours la forme de Jordan comme pour t’assurer qu’il est toujours là. Ta main va chercher la sienne pour être certaine qu’il vient avec vous et une fois dans la voiture, tu te mets sur la place du milieu que t’affectionne tant dans l’unique but de te coller à lui. Tu regardes le paysage défiler par la vitre d’un air absent alors qu’y a tes sœurs qui semblent parler. Mais comme tu n'écoutes pas, tu ne sais pas ce qu’elles racontent. Tes oreilles bourdonnent des cris et des paroles d’Iris. Du sang, de la peur, des hurlements.

“C’est gentil d’avoir pris soin d’elle, Jordan. On est très reconnaissantes.” que prononce Aurora d’une voix bienveillante en se tournant légèrement. Lila regarde la scène via le rétroviseur intérieur alors que ton aînée passe sa main sur ta cuisse. "Ça va aller, Bird. Je te le promets.” mais cette dernière grogne légèrement en fourrant un peu plus ton museau contre le cou de Jordan. “Il semblerait que tu te sois trouvé un petit oiseau collant, Jordan.” que prononce Lila, d’un ton amusé, toujours prête à détendre l’atmosphère. Le pire est qu’elle n’a pas tort ; tu le colles et tu ne veux pas le quitter, de n’importe quelle façon qui soit. “Tais-toi, Lila, c’est pas le moment.” la gronde Aurora. “Oh, au contraire, c’est le meilleur moment!” chantonne Lila en souriant encore plus. Elle veut voir le positif dans cette histoire et préfère souligner ça plutôt que d’avoir un air compatissant et larmoyant qui te rappellera seulement à quel point tu leur fais pitié.

Une fois arrivés, c’est Elwyn qui te prend dans ses bras, avec ses dix têtes de plus que toi, pas aussi grand que Jordan, mais presque, t’as pu le constater au fil des mois. “Ma petite crevette impériale, je t’avais dit que faire des expérimentations est dangereux. On a jamais convenu qu’il fallait que tu teste Carrie, mon petit pois sucré!” qu’il prononce. Tu te laisses faire, t’enroule même brièvement tes bras autour de lui avant de racler ta gorge en te détachant. “Jordan peut dormir dans ma chambre ?”

“Bien sûr.”
“Tant que vous faites pas de bêtises.”
“Comme faire fondre le dressing.”

Aurora roule des yeux en t’entrainant toi qui entraîne aussi Jordan derrière toi dans la maison. “Viens, je vais te montrer.” que tu murmures à ton ami. “Je vais vous faire du chocolat chaud. Avec plein de chamallows.” annonce Aurora en restant dans l’entrée alors que vous montez les escaliers. Une fois dans la chambre, t’as le regard hagard au sol, frottant ton front. “J’aurai préféré que tu vois ma famille dans d’autres circonstances… Ça va, ça te donne pas envie de fuir ?” que tu demandes d’une voix plate à faire peur. Jamais tu n’as été aussi peu vive, ça donne envie de pleurer de te voir comme ça. Il va falloir que tu songes à te changer. T’es toujours dans les fringues que la tante de Jordan t’a prêté.

“C’est gentil d’avoir pris soin d’elle, Jordan. On est très reconnaissantes.” Tu sais pas trop quoi répondre à ça, toute cette situation est inédites pour bien du monde et tu n’es pas le plus bavard qu’il soit. Tu restes silencieux. "Ça va aller, Bird. Je te le promets.” Ca te touche beaucoup de voir combien ses soeurs prennent soin d’elle. Mais c’est contre toi qu’elle est toute blotti et tu ne comptes pas la lâcher non plus vu comme elle est collée à toi. “Il semblerait que tu te sois trouvé un petit oiseau collant, Jordan.” Lila qui le souligne à juste titre d’ailleurs. Tu ne sais pas quoi répondre, tes yeux qui se baissent sur Birdie qui s’est nichée encore plus contre toi avant de retourner regarder le paysage tout en consolidant - comme s’il y avait besoin - ton bras autour d’elle. “Tais-toi, Lila, c’est pas le moment.” “Oh, au contraire, c’est le meilleur moment!” Un peu de malaise quand même de les entendre se répondre de la sorte alors que tu n’es pas du tout familier avec elles.

Quand vous sortez de la voiture y’a son frère qui est là et damn, t’es encore plus intimidé de tous ces Cadburry.  “Ma petite crevette impériale, je t’avais dit que faire des expérimentations est dangereux. On a jamais convenu qu’il fallait que tu teste Carrie, mon petit pois sucré!” T’es pas trop sûr que ce soit des mots judicieux même si tu approuves le fait de rire du pire, il est peut être encore trop tôt pour Birdie. Ca l’est pour toi en tout cas, mais c’est de voir Birdie dans cet état là qui te rend encore plus sensible. Tu veux la protéger encore plus mais tu ne pourras jamais empêcher les gens de dire ce qu’ils veulent, encore moins à sa propre famille. Ils se connaissent mieux que toi. “Jordan peut dormir dans ma chambre ?” Gosh. Car ça tu l’avais pas vu venir comme ça d’un coup. Tu as les joues qui prennent une teinte rosée.

“Bien sûr.”
“Tant que vous faites pas de bêtises.”
“Comme faire fondre le dressing.”

Bizarrement c’est Lila qui dit la phrase la plus gênante sur le papier et pourtant, elle est celle que tu oses regarder avec un minuscule sourire amusé. Tu esquives bien le regard des deux autres Cadburry qui t’impressionnent grandement. “Viens, je vais te montrer.” Ton sac à dos avec toi, tu la suis plutôt deux fois qu’une, préférant être isolé qu’avec toute sa famille. “Je vais vous faire du chocolat chaud. Avec plein de chamallows.” Oh. Ça ça te plait. « Merci. » Que tu dis à l’adresse d’Aurora par dessus ton épaule car Birdie ne décélère pas le pas.

“J’aurai préféré que tu vois ma famille dans d’autres circonstances… Ça va, ça te donne pas envie de fuir ?” Ton visage qui devient encore un peu plus rosée de part cette remarque. Elle t’expose Birdie, mais elle sourit pas pour autant. Elle ne te regarde même pas. Tu t’approches d’elle pour aller la reprendre contre toi, l’enveloppant de tes deux bras. « Non ça va… Ils ont l’air sympa. » Parce qu’ils ont tous été unanime pour répondre à la positive à la question de Birdie. Tu poses ta tête contre le dessus de la sienne et t’es vraiment tout triste de la voir si mal… Tu restes silencieux parce que tu ne sais pas quoi dire et qu’il y a juste rien à dire. Rien ne pourra changer le passé. Tu respires plutôt profondément essayant de gérer tes émotions et puis quand tu ouvres les yeux tu vois au travers de la fenêtre de sa chambre dans ton champ de vision, la cabane que tu as aperçu en arrivant en voiture. « J’avais jamais vu une si belle cabane de mes propres yeux. » Que tu lui avoues. Faut dire qu’il y a la place ici par rapport aux maisons en ville. Y’a pas de si grands arbres dans lequel s’appuyer. Tu te focalises sur la cabane car ça te fait penser à autre chose que le drame de la situation actuelle.

Ton regard au sol alors que tu relèves tes cheveux sur ton crâne, tu ne vois pas Jordan qui s’avance vers toi. Par contre, tu sens très bien ses bras autour de ta silhouette qui t’encerclent et automatiquement, les tiens s’enroulent autour de sa taille en soupirant légèrement. « Non ça va… Ils ont l’air sympa. » tu secoues légèrement la tête. “Ils le sont.” dans d’autres circonstances, tu l’aurai mis en garde. Tu lui aurai dit de ne pas prendre en compte les remarques de ta fratrie, tu l’aurai prévenu qu’ils sont tous un peu originaux à leur façon. Vous êtes les Cadburn, évidemment que vous l’êtes. Mais ça ne se fait pas parce que t’es partiellement muette, le cerveau complètement atrophié de toute pensée. Comme si tu n’étais qu’une coquille vide, un mécanisme de défense des plus protocolaires pour ne pas repenser aux images qui continuent cependant à te hanter.

Le calme et le silence s’abattent entre vous, mais rien d’anormal car au final, c’est comme ça que ce sont déroulées ces dernières heures. Seul le paysage change. Pas tes émotions. Pas le sentiment de réconfort que te procure l’odeur de Jordan. « J’avais jamais vu une si belle cabane de mes propres yeux. » tu tournes légèrement la tête pour voir ce qu’il regarde. “On pourra aller la voir de plus près si tu veux.” que tu dis en gardant ta joue contre lui. L’odeur et la vision de la maison font du bien à ton âme aussi. Tu te détaches de lui pour l’entraîner vers la banquette contre la fenêtre. Ton endroit préféré pour lire, dessiner, rêvasser. “On pourra aussi visiter la ville et les alentours.” que tu proposes en posant son front contre la vitre, les jambes repliées contre ton buste avant de dériver ton regard vers lui. “Merci d’être là, Jordan.” tu murmures doucement, emmêlant un peu plus vos doigts entre eux. Tu es vraiment reconnaissante et c’est pour cela que tu t’approches pour l’embrasser doucement. Seulement, si le goût de ses lèvres est doux, tu ne peux pas t’empêcher d’avoir de nouvelles et silencieuses larmes qui coulent le long de tes joues car ça ravive des souvenirs encore plus trop proches et difficiles à encaisser. Mais Jordan est là, t’es à Elimbah, tout va bien.

“Ils le sont.” Jamais. Jamais tu ne t’habitueras au ton monotone de la voix de Birdie. C’est pas elle, c’est pas normal. Tu te demandes vraiment si tu retrouveras celle que tu connais. Il va falloir laisser le temps faire son oeuvre, tu sais. Apparemment elle veut t’avoir contre elle en attendant et t’as pas de problème avec ça. Ce serait cool de pouvoir rester à tout jamais avec elle par contre. T’es pas prêt à la laisser et elle non plus, c’est d’ailleurs pour ça que tu passes le weekend entier chez elle.

“On pourra aller la voir de plus près si tu veux.” « I’d love to. »  C’était l’effet escompté de ta phrase et tu es content qu’elle prenne cette perche là. Elle n’est pas au point de vouloir rester cloîtrée. Tu veux faire des choses avec elle, changer ses idées autant que les tiennes. Tu la suis jusqu’à la banquette. “On pourra aussi visiter la ville et les alentours.” Ton regard posé sur elle qui est toute contre la vitre. « Yes please. » Tu es curieux de voir les environs. C’est loin de Brisbane et du lycée. Elle a rien à craindre ici. En plus vous avez eu des nouvelles, le tueur a été retrouvé mort dans la nuit. Maintenant tu espères juste qu’il était bien tout seul. Oui bien sûr tu as toujours du mal à imaginer que le pire est derrière vous alors que vous êtes encore bien au milieu de votre enfer tous les deux. “Merci d’être là, Jordan.” Elle refait le contact entre vous avec vos mains et très vite vos lèvres. Oh. Y’a ton coeur qui part comme une fusée. Ca te ramène dans ce coin des backstages où vous étiez confiné et à l’abris en train de vivre votre premier émoi romantique avant que ça ne vire à la tragédie.

Ta main qui se serre dans la sienne alors que le baiser a un rythme tout ce qu’il y a de plus lent. Ça tombe bien tu n’es pas pressé. Quand tu te détaches pour respirer, tu rouvres les yeux et voit les larmes sur ses joues. Ton coeur se serre plus fort que jamais. Tu vas la prendre contre toi sans chercher à aller goûter ses lèvres de nouveau. Trop de mixed feelings. Pourquoi il faut que l’évolution de vous deux soit lié à quelque chose d’aussi douloureux que la perte de sa meilleure amie et autres cris terribles qui vous ont sorti de vos petits nuages d’insouciance. Tu as véritablement jamais de chance avec aucune des personnes avec qui tu te lies plus que juste d’amitié… Tu es certain d’être voué à ne jamais avoir une vie simple et tranquille. T’es peut être plus chez ton père mais tu souffres toujours d’une façon ou d’une autre. Tu caresses doucement le dos de Birdie alors que c’est sur tes joues à toi que des larmes roulent à présent. Tout aussi silencieusement qu’elle. Tu donnerais bien des choses pour qu’elle ne soit pas en train de souffrir autant. Mais tu peux absolument rien faire. I fucking hate this.

« I’d love to. » tu l'espéres. Parce qu’Elimbah apaise ton âme. Combiné avec Jordan, l’effet devrait être double. En tout cas, l’univers va le prier très fort. Personne n’aime te voir comme ça. Aussi peu vive, avec un manque totale d’énergie et de sourire. Mais tu peux au moins montrer à Jordan ton univers, ton chez toi, ta maison, ton monde. Loin de Brisbane, loin de l’école, loin des… Cris et des traumatismes. Oh non, malheureusement, les traumatismes sont ancrés en toi et ne vont pas te quitter. A part si tu choisis le déni. « Yes please. » tant mieux, tant mieux. Jordan est si doux, si prévenant, il ne te dit pas non, il ne réfute rien, tu te sens chanceuse de l’avoir. Depuis tous ces mois, il a été un de tes meilleurs alliés. Il est le seul qui reste à présent.

Alors naturellement que tu l’embrasses. Comme pour lui dire merci. Et aussi parce que… T’en as envie. Tu te raccroches à ton lien avec lui parce qu’au final, c’est le seul qui importe à ce moment précis. Le moment est suspendu et c’est tout doux, tout mignon, tout lent. C’est aussi humide parce que tu pleures, silencieusement et modérément. Quand vous vous séparez, ce n’est que pour mieux vous serrer l’un contre l’autre. Tu fourres ton museau contre le shirt de Jordan en reniflant légèrement. Tu pourrais rester comme ça encore longtemps mais on toque à la porte et tu tournes légèrement la tête pour voir Aurora arriver avec un plateau où deux mugs fumants trônent dessus. “Je vous laisse ça ici.” elle est pudique et sur la retenue, Aurora. Elle a aussi le coeur brisé de voir sa petite soeur dans un tel état. Mais sa cadette semble tellement s’accrocher au grand blond qu’elle se rassure en se disant qu’elle est entre de bonnes mains. Elle a entendu parler de Jordan depuis le temps que vous vous fréquentez - amicalement. Elle sait qu’il est un ami. Et sans même le connaître, elle tente de lui faire confiance. Parce qu’il a dans ses bras une des choses les plus précieuses de sa vie. “Merci ‘Rora.” que tu murmures alors qu’elle fait un signe de la main avec un léger sourire tout en s’éclipsant. Tu te redresses en regardant Jordan avant de voir ses joues humides. “Nooo… Don’t cry, Jor, please.” assez pour que tu murmures dans une voix toute penaude alors que tes pouces vont caresser ses joues. T’es un peu injuste, là, mais s’il pleure, tu vas pleurer aussi. T’es épuisée de pleurer.

Tu commences à être habitué à l’avoir dans tes bras dans un silence de mort pendant de longues minutes, voir des heures. Tu n’as pas de problème avec ça mais tu préférais quand même quand vous étiez toujours à parler, chanter, faire la course et autres conneries de jeune qui ne savent pas tenir en place. Y’a la soeur de Birdie qui entre dans la chambre, tu l’entends bien mais tu n’oses pas tourner la tête vers elle parce que tes yeux sont pleins de larmes. Tu essaies de tempérer tes émotions mais c’est dur… Tu n’as pas pleuré depuis toute cette tragédie et t’as besoin de laisser la pression s’évacuer. “Je vous laisse ça ici.” Tu déglutis difficilement, tes yeux focalisés sur ce qu’il se passe dehors par la fenêtre. “Merci ‘Rora.” Tes yeux se ferment un bref moment. “Nooo… Don’t cry, Jor, please.” Si Birdie s’en est rendu compte tu te dis que Aurora aussi… Tu n’as pas honte c’est juste que y’a rien qui va là. Birdie qui ne veut pas que tu pleures alors que tu as besoin d’évacuer. What’s the point of anything? Voilà que tu es en train de partir dans le mélo. Mais c’est vrai. Tu prends bien garde de rester silencieux parce que tu ne veux pas lui faire peur avec tes pensées. Tu te fais peur toi même en réalité là. Tu sais pas si tu te retiens ou si tu laisses tout sortir… Tu sais que ça te fera du bien mais la vérité c’est qu’il faudrait certainement ne pas ouvrir les vannes devant elle. Tu pourrais attendre de te retrouver sous la douche par exemple. Là où tes larmes seront mélangées à l’eau et où tu pourras garder l’illusion que tout va bien (not really).

Tu te frottes les yeux, essuyant tes larmes un peu mieux au passage. « Can we go outside? » Que tu demandes en espérant fortement qu’elle sera ok. T’as besoin de bouger, de faire quelque chose plutôt que de laisser tes pensées bien trop noires t’envahir. Tes yeux qui tombent sur les mugs que Aurora vous a apporté. « Can we take these outside? » Tu sais pas trop en réalité, mais tu veux juste sortir tout autant que tu ne veux pas froisser Aurora de ne pas boire les chocolats qu’elle a préparé pour vous.

Tu t’en veux de lui faire subir ça. Tu te sers de Jordan comme soutien, comme pillier, comme béquille mais lui, qui le soutient ? Certainement pas toi car t’y arrives déjà pas avec toi-même. Alors que tes pouces passent sur ses joues, tu murmures un doux “I’m sorry” en chuchotant car l’univers peut maintenant bien explosé que t’en aurais rien à faire mais pas lui. Pas Jordan à qui tu n’es qu’un poids sur ses épaules et sur son mental, qui n’a rien demandé de tout ça et qui est un dommage collatéral de tout ce merdier alors qu’il n’appréciait même pas Rebecca. Ça n'aide pas le mal être qui te ronge mais d’un autre côté, ton ami est le seul qui te reste, et t’as beaucoup trop d’estime et d’amour envers lui pour ne pas te sentir coupable de t’imposer comme ça dans son existence. Personne ne peut te blâmer, petit oiseau, et Jordan aurait pu refuser de venir s’il avait voulu. Tu ne lui as pas mis le couteau sous la gorge, il a accepté de son plein gré de venir. Parce qu’il tient à toi en retour. Parce qu’il a compris que tu n’es pas prête à te détacher du seul être sur cette planète qui donne un sens à ta petite vie à toi.

Alors t’es désolée quand il se frotte les yeux, tes épaules sont affaissées et t’as le visage tout penaud alors que tu te blâmes d’avoir été aussi égoïste. « Can we go outside? » tout a l’air si lourd et l’idée de sortir te parait être un défi colossal à cet instant précis mais t’as pas non plus le coeur de lui dire non. Alors tu secoues la tête à la positive. « Can we take these outside? » Jordan a les yeux sur les mugs et les tiens ne le quittent pas d’une seconde. Tu hoches la tête pour la deuxième fois. “Yeah, sure.” on ne sait plus vraiment qui réconforte qui mais vous en avez tous les deux besoin alors pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups ? Malgré tout, tu déposes un baiser rapide sur ses lèvres avant de te lever. Tu vas prendre les deux mugs et tu lui tends le sien. “Je vais te montrer le jardin.” et les environs sûrement. Marcher à l’air frais de la campagne dans ton quartier natal ne pourra que te faire du bien. Tout ce qu’il faut pour vous sentir bien. Quand Jordan prendra son mug, tu profites de ta main libre pour aller prendre la sienne. Impossible de briser le contact. T’es en train de créer une véritable dépendance.

“I’m sorry” Tu fais non de la tête car elle n’a pas à être désolé de quoi que ce soit. Toute cette situation n’est pas de sa faute. C’est juste la merde de manière générale mais tu n’as pas les mots pour le dire là et puis à quoi bon ? Birdie sait déjà au fond, non ? Tu es sûr que si. Tu es content de voir qu’elle est pour sortir de cette chambre et aller à l’extérieur. Juste être dehors ça t’a toujours beaucoup aidé. Tu peux marcher pendant des heures ou juste être assis quelque part où y’a une vue qui te rappelle combien tu es petit dans ce monde et qu’au fond rien n’est si important… Non ? “Yeah, sure.” Tu hoches la tête comme si tu étais en train de te mettre en tête que vous allez sortir. Allez Jordan on se bouge maintenant. Mais voilà qu’elle dépose un baiser sur tes lèvres et le temps de quelques secondes tu oublies tout ce qui était dans ta tête. Elle s’est défait de toi et a filé vers les mugs trop rapidement à ton goût. Tu la regardes différemment alors que tu prends la tasse. Tu te lèches les lèvres pour essayer de sentir Birdie dessus. “Je vais te montrer le jardin.” Elle te fait redescendre sur terre car oui, aller dehors c’est la meilleure chose à faire là.

Main dans la main vous vous retrouvez dans le jardin et tu es déjà en train de boire quelques petites gorgées de ton chocolat. Juste ce qui est en surface qui n’est pas trop chaud. Ta main qui ne lâche pas la sienne une fois que vous avez descendu les marches pour retourner au niveau inférieur. Tu es plutôt maladroit il vaut mieux que tu tiennes ta tasse et la rampe pour éviter le massacre. Un bien plus doux que celui qui vous a traumatisé tous les deux.

Tu prends une grande inspiration de l’air frais. Tu apprécies grandement le climat de l’Australie. De Brisbane surtout. Vous pouvez limite passer votre vie dehors et c’est ce que tu as fait la plupart du temps dans ton enfance et adolescence. « I like it here… » Y’a des bruits d’oiseaux et les feuilles au milieu du vent. C’est paisible. C’est parfait. Tu bois une nouvelle gorgée de ton chocolat.

Avoir le contact et la présence de Jordan t'aident à ne pas perdre pied. Descendre dans le jardin familial, c’est presque la sensation d’être dans un monde parallèle. Différent. Contrairement à Jordan, tu n’as pas encore goûté le nectar qu’a concocté ta soeur. Elle ou Lila doit sûrement être en train de vous regarder d’une des fenêtres. Tu ne cherches pas à savoir. T’as les yeux rivés devant toi. Ton cerveau n’enregistre pas forcément tout. Il a encore du mal. Il a des moments de deuil et d’autres moments où il s’interroge. Il revient en arrière, il remet à zéro et il repasse la scène. Tu le détestes quand il fait ça. Et puis il y a les autres moments, ceux où il crée le vide. Le silence. Tu sens ton corps aller mal mais ça n’atteint pas ta tête. Comme deux entités différentes. Tu déglutis avant de lever ton mug à tes lèvres alors que vous marchez abstraitement dans une direction.

« I like it here… » ton visage se tourne vers Jordan. Tu te rappelles ? Tu veux lui montrer le jardin. Et plus encore si vous en avez besoin. Il y a de quoi marcher jusqu’à se perdre - impossible de se perdre, tu connais les trajets par coeur. Même avec l’esprit en vrac, tu as une boussole spéciale Elimbah en toi. Tu retrouves toujours ta maison. “The best place.” t’affirmes sans aucune objectivité mais qu’importe. C’est chez toi, c’est là que tu te sens bien. “C’est dommage d’avoir attendu… Ça pour que je t’invite.” t’es si bête. Tout comme pour vous embrasser. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? L’un d’entre vous aurez pu y rester et vous n’auriez que regrets et remords parce que vous n’en aurez pas profité. Tes doigts se serrent autour de sa main alors que tu lèves ton mug de nouveau à tes lippes. Ton cerveau est inerte. Vous vous dirigez vers l’ancien tracteur transformé en mini attraction pour les gosses que vous étiez. C’était à ton grand-père pour les champs à côté. Ils sont là. Les âmes de tes ancêtres. Mais c’est contre Jordan que tu peux te blottir. “I don't want to lose any more time.” Ta main qui le lâche pour porter le bras autour de sa taille. T’as besoin de sa proximité. C’est une question de survie.

“The best place.” Des mots que tu aimes entendre dans sa voix même si le ton n’est pas le plus joviale. Tu l’imagines tellement dans ce même endroit à sautiller dans tous les sens mais pas aujourd’hui. Un jour peut être. Tu espères plus tôt que tard. “C’est dommage d’avoir attendu… Ça pour que je t’invite.” Tu fais non de la tête. Tu trouves pas que ce soit dommage. Tu n’es même pas sûr si t’aurais accepté avant votre baiser. Car tu étais stupide à vouloir garder les distances avec elle. Tu as bien échoué vu comme vous vous êtes rapproché au fil de l’année entière malgré tout. Elle est venue plein de fois chez toi mais faire une heure de route pour aller jusque chez elle ça sonne comme quelque chose de bien plus significatif que tout le reste qui s’est passé entre vous. Oui tu es stupide mais non tu regrettes pas. Tu as la preuve une nouvelle fois que quand tu es plus proche de quelqu’un, le monde s’écroule.

Mais ses doigts s’enroulent autour des tiens et tu sens ton petit coeur battre plus vite aussitôt. Tu la suis jusqu’au tracteur, tu trouves ça grave cool. “I don't want to lose any more time.” Et elle se blotti contre toi. Ton coeur se serre car t’as l’impression que c’est de ta faute. « I’m sorry it took me this long… I shouldn’t have… waited. » Ton coeur qui bat fort dans ta poitrine. « Bad things always happen when I’m with someone… » Tu déglutis car c’est encore ce qui est en train de se passer là. Tu n’as pas besoin d’explications supplémentaires. Ton visage est triste et tu essaies vivement de changer cette expression en allant passer ton bras autour d’elle tout en regardant autour de toi. Toute cette nature te fait du bien. Le tracteur est vraiment trop cool, tu iras monter dessus avant que vous ne soyez sur le départ. C’est sûr.

Ce n’est pas évident d’être contre Jordan et de tenter de boire du chocolat en même temps mais tant pis, le chocolat peut bien refroidir, tu n’en as rien à faire. C’est la proximité avec Jordan que t’as besoin, pas de cacao et de chamallows même si les intentions de ta sœur sont nobles. Les jours à venir vont être compliqués, tu as l’impression que tu vas avoir ta fratrie sur tes côtes et surtout Aurora. Mais tu n’y penses pas. Tu respires la présence de ton ami et c’est tout ce qui compte pour l’instant. « I’m sorry it took me this long… I shouldn’t have… waited. » tu ne déloges pas ton visage contre lui alors que vos pieds vous amènent doucement mais sûrement vers le fameux tracteur où vous avez pu jouer étant gosses. « Bad things always happen when I’m with someone… » ton coeur gonfle avant de se serrer dans ta poitrine alors que tu déglutis légèrement. “T’as déjà été avec quelqu’un ?” la réponse est oui, apparemment. Mais tu demandes quand même en toute innocence. Il faut dire que Jordan est plus âgé donc il doit avoir connu d’autres expériences donc tu n’as pas encore idées pour l’instant. Mais ce n’est pas de sa faute. Y’a rien qui est de sa faute, c’est juste le karma qui est à chier. Le seul coupable est celui qui a commis tous ces meurtres. Ce n‘est pas Jordan. C’est ce psychopathe. Et Iris qui a été la raison même du décès de Rebecca. Tu la déteste tellement. Tu bois une gorgée de ton chocolat avant de t’arrêter devant le tracteur pour poser ton mug au sol. “Tu veux monter ?” s’il dit oui, tu le laisseras faire avant de demander “je peux venir aussi ?” à la place assise disponible : ses cuisses. Dans ton havre de paix avec ses bras autour de toi. Tout ce dont t’as besoin.

“T’as déjà été avec quelqu’un ?” Tu hoches la tête pour dire oui. T’as pas envie d’en parler plus que ça car les deux personnes avec qui tu as été ont vraiment changé ton monde entièrement pour le bon autant que pour le pire. Tu n’es qu’un petit con t’as pas encore guéri de tout ça même si vivre chez ta tante t’a donné un nouveau souffle. Comme si le passé avait pu être effacé totalement et tu recommençais tout frais. Ton plan initial était de te faire des rêves dans ta tête pour le reste du lycée à propos de Ethan le quarterback mais à la place y’a des vrais baisers et une vraie connexion qui s’est fait avec Birdie… Pas juste des illusions et des jolies histoires imaginaires dans ta petite tête blonde.

“Tu veux monter ?” Tu confirmes d’un mouvement de tête de nouveau. Tu termines ton chocolat qui est à présent bien assez tiède. Tu poses la tasse par terre avant de monter. Tu fais les choses sans trop réfléchir. Tu sais que tu as besoin de te changer les idées et tu sais aussi que ce tracteur te faisait de l’oeil juste avant alors oui. Tu montes dedans. Il est à présent question de se changer les idées et monter sur un engin pareil tu ne l’as jamais fait. “je peux venir aussi ?” Tu comprends pas trop sur le coup car y’a qu’un seul siège et puis tu comprends et y’a un léger sourire qui se forme sur tes lèvres. « Yeah… Tu peux… » Et au lieu de mettre tes mains sur le volant c’est sur Birdie qu’elles se retrouvent. Vos visages proches l’un de l’autre, y’a ton coeur qui bat bien plus vite alors que tu vas - enfin - poser tes lèvres sur les siennes. Première fois que tu inities ce mouvement depuis le tout premier baiser au bal de l’horreur. Tu n’amplifies pas le baiser comme vous l’aviez fait ce soir là. Tu laisses juste tes lèvres sur les siennes un peu trop longtemps. Une de tes mains dans le bas de son dos, l’autre sur sa cuisse.

Jordan se contente d’hocher la tête mais sans développer davantage. Ça n'augure jamais rien de bon quand quelqu’un ne veut pas parler mais t’es un peu frustrée qu’il ne le fasse pas quand même. Voilà des mois que vous traînez ensemble et jamais il n’a évoqué de relations passées. Non pas que ça aurait changé quoi que ce soit. Mais il y a des pièces qui manquent. Tu aurais pensé que Jordan te ferait assez confiance pour cela. Pas encore, visiblement. Cependant, tu n’as pas le temps ni l’énergie à être déçue ou frustrée. Tu laisses tomber pour cette fois, et sûrement un paquet après à venir.

Par contre, Jordan ne se fait pas prier pour monter dans le vieux tas de ferraille de la famille Cadburry. Son enthousiasme de garçon des villes est mignonne mais toi, tu ne penses qu’à la mélancolie que l’engin te provoque alors que tu passes ta main dessus. Avant que ton attention ne soit reprise par Jordan, là-haut, encore plus grand qu’il ne l’est déjà. Un sourire aux lèvres. « Yeah… Tu peux… » alors tu rejoins ce que ton corps et ton âme ont décrété la meilleure place du monde : les jambes de Jordan. Avec les bras de Jordan, les mains de Jordan et aussi les lèvres de Jordan. Tout ça sur toi. Un de tes bras autour de son cou et l’autre sur sa main qui est posée sur ta cuisse. Tu quittes ses lippes à regret pour pouvoir respirer - ce que tu fais, lourdement. “C’était à mon grand-père.” que tu dis murmures presque à voix basse. En parlant du tracteur, évidemment. “I’m glad you’re here.” est-ce que tu le lui as déjà dit ? Tu ne t’en rappelles plus. Ta sincérité n’est pas à remettre en doute. De toute manière, ça se voit dans ta façon de t’accrocher à lui. Et pas seulement là maintenant. Mais depuis vingt-quatre heures.