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AUTUMN GALLOWAY & @ARCHIE KWANTEEN

Ce n’était pas du tout le plan de la soirée. Tu t’étais une fois encore – surprise surprise – prise à la dernière minute et tu avais trois tonnes de planification à rattraper avant la reprise des cours dans quelques jours à peine et tu n’étais absolument pas prête. Tu voyais les semaines de ton dernier stage défilées à toute vitesse et malgré toute ta volonté de ne pas t’auto-saboter une fois de plus, tu trouvais de plus en plus difficile de t’appliquer. Ce soir, ou plutôt cette nuit, ne ferait pas vraiment exception à la règle puisque même si Archie t’avait explicitement (aussi explicitement que pouvait le faire un homme en état d’ébriété) fait comprendre qu’il ne voulait pas que tu viennes le voir, tu étais assez inquiète pour que les messages en vaillent le déplacement. Quitte à laisser derrière la préparation, quitte à ne pas dormir du tout cette nuit, quitte à probablement le regretter demain matin. Ça faisait un moment que tu n’avais pas vu le Kwanteen. Un moment que la vie avait une fois de plus repris le dessus, que la distance des dernières années avait su avoir raison de ce que vous aviez autrefois partagé. Malgré tout, tu considérais toujours le brun comme l’une des personnes les plus importantes dans ton univers et les messages envoyés, bien que sous l’effet de l’alcool, relevaient quelque chose à laquelle tu ne t’étais pas attardée depuis de nombreuses années. Votre histoire, celle qui avait eu lieu il y a si longtemps de ça maintenant que tu avais l’impression que ça appartenait à une autre vie. Tu ne regrettais pas ce que vous aviez vécu, tout comme tu ne regrettais pas votre séparation, consciente que vous aviez toujours été bien plus compatibles amicalement qu’autrement. Et de le lire remettre tout ça en question, out of the blue, ça ne lui ressemblait pas, au Archie que tu connaissais. À celui qui ne regrettait jamais rien et qui ne regardait jamais derrière, bien trop occupé à voir comment il pourrait bénéficier du prochain jour.

C’est comme ça que tu t’es retrouvée derrière le volant de ta voiture, cadeau récent de papa et maman face à ta graduation à venir, tâches de marqueurs sur le bout des doigts à traverser la ville d’un bout à l’autre. Tu n’avais pas eu l’occasion de mettre les pieds bien souvent dans la maison que possédait le millionnaire à Bayside, mais ça ne t’empêchait pas d’agir comme si tu connaissais parfaitement les lieux, stationnant ta voiture derrière la sienne, et allant même jusqu’à te permettre de passer la porte d’entrée sans prendre la peine de témoigner de ton arrivée. C’est Bucky qui t’accueille d’abord, jappant à peine, et abandonnant rapidement le projet de protéger son maître dès l’instant où tu te mets à lui gratter le derrière des oreilles, le chien toujours aussi peureux que lorsque tu l’avais rencontré quelques mois plus tôt. Bien vite, tu le délaisses pour finalement mettre les pieds dans le salon, prête à appeler Archie que tu n’auras finalement pas besoin de chercher bien longtemps. Sur la table basse du salon gît plusieurs corps morts de bouteilles en tout genre, témoignant parfaitement de ce que tu t’étais déjà imaginée sur la route qui te menait jusqu’à lui. Sur le divan toutefois, allongé de tout son long, dans un état qui semble être semi-comateux à première vue, se trouve le Kwanteen, flambant nu. La vue n’a rien de nouvelle malgré les années qui ont passé, et si d’autres auraient sans doute rougit face à la scène, tu ne fais que hocher vaguement la tête alors que tu t’approches de lui, posant tes mains sur son torse pour le secouer un peu et tenter de le réveiller, ou du moins t’assurer qu’il est encore bel et bien conscient. « Archie, réveille-toi et va t’habiller. » Ta voix porte assez fort sûrement pour que quelques secondes plus tard sorte la fameuse blondasse du soir de ce que tu devines être l’une des salles de bain de la demeure. « C’est qui elle? » qu’elle demande en regardant Archie avant de porter son attention sur ton et de te lancer un regard noir, ce qui ne fait qu’étirer un sourire mauvais sur le bord de tes lèvres. « Le meilleur coup de sa vie. » que tu réponds avec toute l’arrogance qui te revient naturellement quand tu es dans la vicinité du Kwanteen, et ça ne t’en prend pas plus pour que tu ne sois plus petite et fragile Autumn. Non, près de Archie, tu redeviens cette version confiante, puissante, à la limite intimidante que tu n’as jamais su qu’être près de lui, même quand il ne reste pas grand-chose de ton mentor dans le moment actuel. « T’attends quoi pour te pousser? » que tu ajoutes alors qu’elle reste immobile et silencieuse. Peut-être qu’elle attend une réaction quelconque d’Archie, qu’il la défende ou tu ne sais quelle connerie. Oh, c’est qu’elle ne sait pas encore elle, que tu as toujours été sa préférée, au Kwanteen, qu’importe ce qui s’est passé ou ce qui peut bien se passer actuellement.

C’est plus facile de boire. C’est plus facile de noyer sa peine dans les millilitres d’alcool fort. La bouteille à cinq-cents dollars devient un coussin amortissant. L’autre, offerte par un client satisfait, lui servira de matelas. Ses mains se baladent sur la peau de la jeune femme qui le surplombe. Le monde tourne. Il coince ses seins au creux de ses paumes. Il ne reconnait plus ce plaisir qui fourmille dans son ventre. Il lâche un râlement. Son orgasme est plat mais, surtout, lui aussi noyé dans les millilitres d’alcool. Son cœur bat dans sa poitrine pour les mauvaises raisons. Tête à l’envers, yeux rivés vers le mur couvert d’œuvres d’art dont il ne connait pas l’artiste, il ne remarque pas que ses mains lâchent leur prise pour se poser sur son propre torse. Il déglutit, ravale sa nausée. « C’est tout ? » Se plaint la blonde en cessant le vas-et-viens. Archie reste silencieux. Il ne lui doit rien. Si elle l’a suivi jusqu’à chez lui, c’était pour profiter de son trop plein de richesse. Elle n’est pas amoureuse, il n’est pas amoureux. Ils ne se doivent rien. Elle ne peut qu’espérer.

« Tu peux toujours faire le tour de ma baraque et chercher un truc à me voler. J’te conseille de repartir avec une statuette quelconque, j’remarquerai jamais son absence. » Archie bredouille en appuyant sur ses paupières brûlantes avec ses pouces. Il n’a qu’à moitié conscience de ce qu’il raconte. Il pense à voix haute, peut-être. « Je pensais que tu me donnerais quelque chose de plus… personnel. » Elle répond en se penchant vers son visage pour lui voler ses lèvres. Le nez du garçon se retrousse et il la repousse sans honte. « Lâche-moi. » Se plaignant encore, elle se décolle de lui, se relève et enfile sa culotte en soufflant des soupirs pour bien faire comprendre à Archie qu’elle est vexée. M’ouais. L’est-elle réellement ?

« Où est ta salle de bains ? » Elle demande, le ton ennuyé. Archie ne fait pas l’effort d’utiliser ses cordes vocales. Il se contente de soulever le doigt en direction des toilettes les plus proches. Il se sent terriblement lourd sur son canapé et il sait que de fermer ses paupières serait une erreur fatale : il s’endormirait pour le reste de la nuit, laissant l’inconnue fouiner dans tous les recoins de la maison sans que Bucky ne fasse quoi que ce soit pour l’en empêcher. La vérité, c’est qu’il se ficherait bien de la voir repartir avec une statuette à la valeur inestimable. C’est plutôt son ordinateur portable, à l’étage, qu’il vaudrait mieux préserver. Toute sa vie se trouve à l’intérieur. Alors, pour ne pas tomber endormi, il tend la même vers son téléphone et, malgré sa vision fatiguée et brouillée, il défile dans ses contacts comme s’il allait voir un nouveau message à deux heures du matin. Il tombe sur le prénom d’Autumn. Son cœur se serre. Il jette un coup d’œil en direction de la salle de bains dont la porte a été fermée et il fait une connerie. Il la contacte, son ex, sa meilleure amie, celle qui l’a sauvé, celle qu’il a sauvée. Il ne sait pas exactement ce qu’il dit. Il bafouille tout ce qui lui passe par la tête et ne remarque pas toutes les fautes de frappe, oubliant momentanément son côté perfectionniste et professionnel. Les emojis fusent. Il appuie sans penser. Encore, encore, encore. Autumn. S’ils étaient encore ensemble aujourd’hui, tout serait plus simple. Elle répond. Il empire la situation. Mais, bien rapidement, il n’obtient plus rien de sa part et il jette son téléphone à l’autre bout du salon (heureusement sur un tapis moelleux) pour mieux bouder. Il ne se rend pas compte qu’il s’endort ainsi, un filet de bave coulant sur son menton probablement. Pathétique.

« Archie, réveille-toi et va t’habiller. » La lumière pénètre ses rétines et le brûle. Il ne voit pas tout de suite le visage d’Autumn. Il attrape l’un de ses poignets par réflexe. La mer est agitée autour de lui et son navire est prêt à chavirer. S’en suit une guerre entre deux voix féminines qui se distinguent bien l’une de l’autre. Il est complètement perdu. Va-t-il  se mettre à pleurer ? Ce serait fort probable, mais préférablement à éviter. « T’attends quoi pour te pousser? » Enfin, son circuit électrique se ferme et une petite lumière s’allume dans sa bouillie de cervelle. « Autumn ? » Il demande. « Qu’est-ce que… » Il a déjà oublié qu’il l’avait contactée. Elle est venue le sauver ? Ils vont se remettre ensemble et il pourra à nouveau faire semblant que tout va bien ?

Oh, Autumn. Tu ne sais pas à quel point je suis content de te voir. Mes parents t’adoraient. Papa sera fier d’apprendre que je t’ai retrouvée. Nous aurons des enfants. Nous nous marierons. Nous deviendrons ces gens qui postent fièrement des photos de leur famille sur Facebook.  

Tout sera parfait.

« Je pourrais te poser la même question. » Oh merde, il y a l’autre fille aussi. Celle dont il ne connait pas le prénom. « Oh, vos gueules. » Archie grogne sans vraiment s’en rendre compte. C’est sa migraine qui l’oblige à être aussi stricte : un mot de plus et sa tête explose. Il se redresse dans le canapé, réalise sa nudité, attrape son boxer avec le bout de son orteil, l’enfile difficilement, le met peut-être à l’envers, il saura seulement le lendemain matin. Il accroche une bouteille d’alcool vide qui roule sur le sol jusqu’au pied de son ex qui est venue à sa rescousse. Il se relève et boite jusqu’à Autumn, bras ouverts pour l’enlacer. Il niche son visage au creux de son cou et referme ses paupières, déjà prêt à se rendormir. « Tu m’as manqué. Tu es là… J’arrive pas à croire que tu es là. Je pensais justement à toi. » « Archie ?! » S’exclame l’autre fille. Le petit hamster dans sa tête court plus rapidement. Il se décolle de son amie, la regarde de bas en haut puis s’exclame. « Oh, oui, je ne vous ai pas présentées. » « Autumn, voici… euh. » Il rigole. « Je ne sais pas. J’ai oublié. » Puis il rit de plus bel avant de soupirer en contemplant à nouveau la rousse. « C’est mon ex et elle a raison de dire qu’elle a été le meilleur coup de ma vie. » À tâtons, il se dirige vers la table basse pour s’emparer d’une bouteille de vodka à moitié pleine. « Avec elle aussi tu ne tenais que deux minutes ? » L’autre crache en croisant ses bras sur sa poitrine seulement couverte de son soutif. Archie ne fait que rigoler à nouveau, s’étouffant presque avec sa gorgée d’alcool. Comme la vie est belle.  

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Tu ne savais pas vraiment à quoi tu t’attendais en te rendant chez Archie à une telle heure et après de telles messages, mais la scène sous tes yeux ne devrait pas te surprendre. Malgré tout, tu aurais aisément préféré retrouver un Archie dans un meilleur état, et habillé aussi, plutôt que son être dans un état second semblant complètement insoucieux de la scène qui est en train de se dérouler dans son salon entre sa conquête du soir et toi. Oh, ça ne t’empêche pas d’être verbalement acerbe avec la blonde d’ailleurs, tu sais parfaitement que d’ici une poignée de minutes, elle sera partie et tu pourras rester pour la fin de cette nuit. Si dans l’immédiat tu es occupée à t’assurer qu’Archie est encore conscient et qu’il se mette quelque chose sur le dos, il y a déjà un fond d’inquiétude qui bourdonne dans ta tête, pleins de questions sur le comment du pourquoi. Vous n’avez pas assez gardé contact récemment, lui et toi, tu en es parfaitement consciente. Le rappel par texto était nécessaire, de ça non plus, tu ne doutes pas vraiment. Mais le reste? Les messages sur votre histoire passé? Ça te laisse grandement dubitative. Surtout que tu n’as pas l’habitude de le retrouver après de tels excès. Est-il seulement le genre de personnes qui se permet autant d’excès? Connais-tu encore l’homme ivre complètement nu sous tes yeux? Tu veux croire que oui, mais tu n’as plus ta certitude d’autrefois. « Autumn? » Il est encore en vie, c’est déjà ça. Tu t’approches de lui, ce qui semble agacée la poufiasse qui continue de te dévisager alors que tu attends encore qu’elle disparaisse. Tu n’as pas de temps et d’énergie à lui consacrer. « Qu’est-ce que… » Tu fronces les sourcils, il n’a pas l’air de comprendre pourquoi tu es là. Peut-être qu’il a oublié qu’il t’a envoyé des messages, vu son état ce ne serait pas si surprenant. « J’t’expliquerai. » que tu te contentes de répondre doucement avec un sourire sur tes lèvres avant de retourner ton regard vers la blonde semble mettre bien du temps avant de comprendre un message pourtant très simple.

« Je pourrais te poser la même question. » Oh ce qu’elle est chiante, putain. « Oh, vos gueules. » Il grogne, ton meilleur ami et tu rigoles alors que la blonde semble être choquée par sa réaction. Elle espérait quoi? Une demande en mariage peut-être? Archie s’habille maladroitement, lentement alors que l’autre conne soupire et toi tu te retrouves au beau milieu d’un tableau qui fait de moins en moins de sens, surtout quand Archie s’approche de toi, bras ouverts pour te serrer contre lui. « Tu m’as manqué. Tu es là… J’arrive pas à croire que tu es là. Je pensais justement à toi. » Tu ricanes alors que tes mains se posent dans son dos, l’odeur d’alcool émanant de sa personne t’arrachant tout de même une légère grimace. C’est à peine si tu entends la blonde s’indigner; qu’est-ce qu’elle fait encore dans le décor sérieux? « Je sais, tu m’as envoyé des messages. Tu m’as manqué aussi. » que tu le rassures, tes doigts caressant doucement son dos alors qu’il semble se faire de plus en plus lourd contre ton corps, tenant à peine sur ses propres jambes avant qu’il ne se redresse soudainement, à ton plus grand soulagement. « Oh, oui, je ne vous ai pas présentées. » « C’est pas nécessaire… » que tu murmures plus pour toi que les autres alors que Archie poursuit. « Autumn voici euh… Je ne sais pas. J’ai oublié. » Il rit Archie, comme s’il venait de dire la blague la plus drôle de l’année, ce qui franchement, vu le look de sa conquête du soir, n’est pas loin de la vérité. « C’est mon ex et elle a raison de dire qu’elle a été le meilleur coup de ma vie. » « Awww, mon chéri. » que tu souffles dans un rire, en posant une main sur son torse juste pour bien faire rager la conne qui semble décidé à prolonger ce moment jusqu’au bout. « Avec elle aussi tu ne tenais que deux minutes? » « En même temps, il avait pas grand-chose avec quoi travailler. » que tu réponds du tac-o-tac alors que Archie rigole, une bouteille d’alcool en main que tu ne l’as pas vu prendre. Avec l’idée de lui épargner un mal de crâne absolument déchirant demain matin, du moins pire que celui qui s’annonce déjà, tu lui retires la bouteille des mains que tu poses à quelques mètres de là.

Tu t’approches finalement de l’autre fille, ramassant ses vêtements au passage avant de les pousser contre elle. « Maintenant, tu dégages. » Tu ouvres la porte, t’en as absolument rien à foutre qu’elle soit encore à moitié nue et qu’elle n’ait peut-être pas de moyen de se rendre chez elle. Tu la pousses dehors, ignores ses protestations et refermes la porte derrière elle, la barrant au passage. « Pourquoi est-ce qu’il faut toujours que tu choisisses les plus connes, Archie? » Tu roules des yeux et fais les quelques pas qui séparent le salon de la cuisine, là où tu ramasses une bouteille d’eau dans le frigidaire que tu ramènes à ton meilleur ami. « Qu’est-ce qu’on célèbre ce soir, un nouveau million? » que tu lances à la blague, ressentant que tout ce qui vient de se passer n’est pas simplement un vendredi soir comme les autres pour le Kwanteen. « Tu sais que si je te manque tant que ça, tu peux toujours m’appeler quand le soleil est levé et que l’alcool prend pas toutes tes décisions à ta place. » Tu places une main dans son dos et tu l’invites à venir se rasseoir sur le divan et tu décides judicieusement de plutôt t’asseoir sur le fauteuil qui y fait face, n’ayant pas particulièrement envie de t’installer là où il était nu avec une autre femme il y a quelques instants à peine. « Qu’est-ce qui se passe? » que tu demandes un peu plus sérieuse, un regard doux posé sur le brun alors que l’une de tes mains vient naturellement se placer sur son genou.

Archie n’a jamais assisté à un spectacle d’humour aussi hilarant. Il se sent lourd et léger à la fois. Ses pieds se décollent lentement du sol pour retomber aussi lourds que des ancres balancées à la mer. Dans sa main, la forme de la bouteille d’alcool le rassure à sa manière. « En même temps, il avait pas grand-chose avec quoi travailler. » Nouveau rire à gorge déployée. Il applaudirait s’il n’avait pas les mains pleines. Autumn a gagné la guerre en seulement une répartie. Il lui a bien appris à se battre avec les mots. Entre deux souffles épuisés, et deux pas étourdis, il rapporte la vodka à ses lèvres mais la bouteille disparait, happée en plein vol par la jeune femme qui la lui confisque. Il fait une moue agacée mais n’objecte pas à voix haute, se contente de faire les cents-pas dans le deuxième quatre cents pieds carrés du salon tandis que celle dont il ne connait pas le nom se fait chasser à coups de pied au derrière. « Elle a pas pris sa statuette… » Il marmonne inconsciemment en observant d’un œil malade la toile suspendue au mur juste sous ses yeux. « J’ai acheté ce truc ? » Il pense à voix haute. Il laisse son ongle glisser le long de la peinture à l’huile et il arrache volontairement une feuille de l’arbre peint au centre. « Hum. » Il se hisse sur la pointe des pieds pour décrocher le cadre. Il le laisse tomber lourdement au sol et la chute est à moitié amortie par le tapis qui couvre la majorité de la salle. « Pourquoi est-ce qu’il faut toujours que tu choisisses les plus connes, Archie? » Il se tourne vers la voix d’Autumn et ignore complètement sa question. Après tout, il l’avait choisie, elle aussi, et elle n’était pas conne : « J’devrais engager un artiste peintre pour qu’il fasse ton portrait et je le mettrai à la place de cette toile-là. » Oui, celle qu’il vient de fracasser au sol et qui git dans une position diagonale en attendant de se faire jeter à la poubelle. Du coin de l’œil, il remarque qu’elle lui tend une bouteille et il l’attrape aussitôt, s’attendant à retrouver la saveur de l’alcool. Il se rend compte qu’il s’agit d’eau seulement après la troisième gorgée et il grimace comme si cette dernière avait un goût amer, voire fort. « Qu’est-ce qu’on célèbre ce soir, un nouveau million? » Il lâche un soupir dégoûté. « J’ai arrêté de compter après cinq. » Et ses pas, comme si Archie était somnambule, le guident partout à la fois. Il approche une autre toile, celle représentant une figure abstraite humanoïde aux traits masculins et il la décroche elle aussi sans ménagement. « Et ici, un autre portrait de toi. » Ce sera parfait. « Tu sais que si je te manque tant que ça, tu peux toujours m’appeler quand le soleil est levé et que l’alcool prend pas toutes tes décisions à ta place. » De sa gorge s’échappe un semblant de ricanement à l’allure maladive. Il s’empêche de dire ce qui lui passe par la tête. Pour le moment. Elle pose sa main sur son dos et le contact lui envoie un choc électrique dans l’échine. Il la suit comme un robot automatisé dont les piles sont presque vidées. Il se laisse tomber dans le canapé et soulève un ouragan au contact du cuir. Long râlement d’inconfort. Le goût absent de l’eau semble lui rappeler la migraine qui le clouera au lit le lendemain. Il regrette ? Non pas encore. Il sourit à nouveau quand Autumn l’interroge. « Il doit se passer quelque chose pour que j’me bourre la gueule comme ça ? Tu me connais mieux que ça. » Il joue avec l’élastique de son boxer, geste inconscient, alors que ses yeux se perdent au plafond, prêts à se retourner dans leur orbite. « Tu m’as toujours pas dit ce que tu faisais ici… » Il se rappelle, regardant la main qu’elle a posé sur son genou. Son œil capte une étrange ligne rosace à l’intérieur de son poignet. Il rit. Il ne devrait pas rire. Mais c’est plus fort que lui. Il attrape un coussin pour le jeter sur la toile de l’homme abstrait. Elle se décroche de son cadre. Il rit encore. « Ahah… Ah… Ahahah… Autumn… » Il enfonce ses ongles dans le canapé. « Tu t’en rends pas compte, hein ? » Il demande. Devant son regard perdu et hébété, il éclaire sa lanterne : « T’es devenue un vrai bordel quand on s’est séparés. » Et, toujours, il devrait faire taire ce ricanement incontrôlable qui le secoue mais il en est incapable. Varan à la salive toxique. Il lui arrache la gorge, lui brûle la langue et les gencives.  

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« Elle a pas pris sa statuette… » C’est à peine si tu l’entends, Archie. Il y a encore cette dose d’adrénaline qui coure dans tes veines d’avoir réussi à te débarrasser de la blondasse en deux temps, trois mouvements. Mais Archie semble avoir besoin d’une supervision constante alors que son attention divague ici et là dans son salon, son regard soudainement attardé sur l’une des œuvres d’art accroché sur le mur. « J’ai acheté ce truc? » Tu hausses les épaules. Il ne s’adresse pas vraiment à toi, il ne fait que narrer tout ce qui lui passe par la tête en ce moment. La peinture en paie le prix, mais tu ne doutes pas un seul instant qu’il pourra faire arranger le tout dès demain matin s’il en a envie, ce ne sont jamais les ressources qui manquent avec Archie. La toile tombe sur le tapis, et peut-être que d’autres auraient essayer de préserver le truc qui vaut sûrement plus que l’entièreté de ce que tu possèdes, mais tu es plus concentrée à essayer de comprendre ce qui peut bien se passer dans sa tête en ce moment. Il ne répond pas à ta question sur sa compagne de la soirée, peut-être que lui aussi, a décidé de ne pas vraiment accorder trop d’importance à ce qui sort de ta bouche. « J’devrais engager un artiste peintre pour qu’il fasse ton portrait et je le mettrai à la place de cette toile-là. » « Oui, bien sûr. » que tu réponds sarcastiquement, de plus en plus troublée par toutes ces allusions sur votre passé en tant que couple et cette soudaine obsession de te faire comprendre que ça n’aurait jamais du s’arrêter alors que vous avez toujours été bien mieux en amis qu’autrement. Du moins, tu crois? Ce n’est pas comme si on pouvait se fier sur tes choix et tes émotions, de manière générale. « Tu ferais peur aux autres filles avec ça. » Personne n’a envie de baiser avec un mec qui a le portrait d’une autre dans l’entrée après tout.

« J’ai arrêté de compter après cinq. » La touche d’humour n’a pas tout à fait l’effet escompté alors qu’il soupire et continue d’admirer les murs de son salon comme si c’était la première fois qu’il y posait les yeux. « Et ici, un autre portrait de toi. » « T’as vraiment peur d’oublier à quoi je ressemble. » que tu soupires alors que tu voudrais qu’il se pose et qu’il t’offre ne serait-ce qu’un indice de ce qu’il peut bien lui avoir pris ce soir. Les messages d’abord, et puis maintenant, comme si soudainement il réalisait que peut-être, t’étais la femme de sa vie alors que vous vous ne êtes jamais aimés comme ça. Il s’échoue enfin sur le divan et toi, tu continues de l’observer et d’attendre d’enfin avoir droit à des phrases plus ou moins intelligibles de sa part. Ça n’arrivera peut-être pas ce soir, mais au moins, tu vas t’assurer qu’il trouve le chemin de son lit sans laisser un trop gros bordel derrière. « Il doit se passer quelque chose pour que j’me bourre la gueule comme ça? Tu me connais mieux que ça. » « Peut-être, mais ça vient pas généralement avec des grandes révélations qui font pas de sens. » Pas que tu n’apprécies pas l’attention qu’il t’offre, mais tu n’as pas encore compris pourquoi. « Tu m’as toujours pas dit ce que tu faisais ici… » « Tu m’as texté… » Mais ça ne semble pas le satisfaire comme réponse alors qu’il se met à rire de manière incontrôlée. Peut-être que la voix dans sa tête dit des trucs drôles, tu n’en sais rien, mais tes sourcils arqués et ta mine intriguée laisse savoir que tu n’es que de plus en plus troublée par la scène qui se joue sous tes yeux. Surtout lorsqu’il lance un coussin contre l’une des toiles sur son mur et que cette dernière ce décroche dans un bruit sourd qui te fait sursauter. « Tu t’en rends pas compte hein? » Ça y est, il semble au moins avoir compris ça. « T’es devenue un vrai bordel quand on s’est séparés. » La surprise laisse place à l’incrédulité. « C’est toi qui boit comme un trou, mais c’est moi le bordel? » Il y a même un rire qui s’échappe de ta gorge, comme si tu essayes de rendre le tout plus léger, mais c’est loin d’être efficace, surtout quand tu réalises que Archie ne cesse de fixer ton poignet dont les cicatrices sont apparentes sous ta manche longue légèrement relevée. « C’est pas ce que tu crois. » C’est exactement ce qu’il croit, mais tu n’es certainement pas sur le point de t’engager sur ce terrain au beau milieu de la nuit alors qu’il est ivre et complètement incohérent.

C’est l’heure à l’éloge. Les esprits d’Archie ne suivent plus un seul fil, ils empruntent toutes les directions possibles et, pour canaliser ce trop-plein de pensées, il s’attaque à tout ce qui traverse son regard. Il commence par les toiles sur ses murs, qui sont en réalité là pour cacher le vide de son mur et le vide dans sa personnalité. Il se cristallise dans sa maison à force d’y régner comme un roi dénué de morale, devient une statuette à son tour, perd toute sa saveur, mais il a espoir que de retrouver certaines personnes de son passé pourraient le faire retourner en arrière, quand tout était plus facile et moins sculpté dans la pierre. Autumn fait partie de ce passé dont il n’a toujours pas fait le deuil, et, par sa présence dans les parages, elle paye le prix de son breakdown. « Oui, bien sûr. » Elle affirme sans convictions quand il propose d’accrocher son portrait à la place de l’autre toile qui décore maintenant le sol en plusieurs morceaux. Il lui jette un regard étourdi, la voix trois fois, se concentre pour que les trois silhouettes ne deviennent plus qu’une. Une seule et magnifique Autumn qu’il aurait dû marier pour que leur couple se fige dans le temps et les protège de ce présent qu’il n’apprécie pas. « Tu ferais peur aux autres filles avec ça. »  Mais il n’y a pas d’autres filles, justement. Personne n’est comme son amie. Elle n’a jamais glissé sa main dans sa poche pour récupérer son portefeuille. Elle recevait ses cadeaux mais n’en demandait pas. Il n’avait pas besoin de l’impressionner parce qu’il le faisait avec sa seule personnalité, forte et carrée, qui lui a permis de trouver un repère dans son monde plein de nuages. Il a envie de chialer, putain. Qu’est-ce qu’il a envie de se coucher près de la toile cassée sur le tapis pour se réveiller à l’âge de vingt-cinq ans et partager un café avec Autumn, seulement vêtue d’une petite tenue qui la rend tellement belle. Mais il se contentera de contempler un futur dans lequel ses murs sont entièrement garnis de la chevelure flamboyante de la jeune femme. « T’as vraiment peur d’oublier à quoi je ressemble. » « Je me demande à quoi auraient ressemblé nos enfants. » Il bafouille, au milieu de la réalité et de la rêverie, imaginant maintenant des petites têtes, orangées elles aussi, qui courent autour de lui. Et, pourtant, il n’a jamais voulu fonder une famille.

Autumn se doute que quelque chose cloche – sans grande surprise – et pense naturellement que l’état d’ébriété dans lequel se trouve Archie résulte d’une célébration. « Peut-être, mais ça vient pas généralement avec des grandes révélations qui font pas de sens. » Il n’a pas l’impression d’avoir fait de grandes révélations simplement parce que cette comédie n’était pas préméditée. Il a d’ailleurs déjà oublié certains passages de ses éloges et, maintenant installé dans son canapé, d’autres questions lui montent à la tête. La jeune femme est apparue comme dans un rêve et il aurait presque juré qu’il était accompagné d’une autre quelques instants plus tôt ; mais, le visage de celle-là, il ne pourrait pas le peindre puisqu’il s’est tout simplement effacé de sa mémoire. « Tu m’as texté… » Il ne l’écoute que d’une oreille parce que ses yeux ont capté des cicatrices au poignet de son amie. Il réagit de la pire des façons, agité par un rire incontrôlable dont il ignore la véritable source, certainement alimenté par cette aversion qu’il ressent à l’égard de la perte de contrôle. Son égo parle pour lui, un peu comme d’habitude, mais plus austèrement, tandis que les reproches prennent pour cible celle qui devrait pourtant être considérée comme la victime dans la situation. « C’est toi qui boit comme un trou, mais c’est moi le bordel? » Elle ne changera pas de sujet. Archie secoue la tête, ferme son poing devant le visage de la jeune femme comme le ferait un maître qui ordonne à son chien de se taire. Ce n’est pas à elle de rire. C’est lui qui pose les questions. « C’est pas ce que tu crois. » Et elle ne lui dira pas croire. « Uh uh. » Il acquiesce de manière ironique en plongeant ses yeux dans les siens, écarquillés par une fausse interrogation. « Tu es tombée dans les escaliers, ça se voit. » Il dit en passant sa main dans sa barbe, lâchant un autre énième rire qu’il étouffe en plaquant sa paume sur ses lèvres. Il attrape la main d’Autumn pour soulever sa manche le long de son poignet afin de mieux examiner les coupures. Il ne fait preuve d’aucune délicatesse, ses capacités motrices amoindries. « Alors, c’était qui, cette fois ? Un autre mec incapable de te dompter ? » Comme si elle était un animal. « Il va falloir que tu fasses un peu d’efforts, Autumn, sinon ce n’est pas à l’hôpital que tu vas te retrouver mais bien à la morgue ! » Comme si c’était le moment de rire. Il lâche un long soupir rempli de faux remords : « C’est ma faute, aussi. C’est moi qui ai proposé qu’on se sépare. Je n’avais pas appréhendé cette fin-là. Je pensais que t’avais appris comment le monde fonctionnait réellement. » Qu’il susurre en relâchant sa main sans réaliser qu’il y exerçait une pression considérable. Son poids s’écrase à nouveau contre le dossier de son siège, il contemple Autumn comme si elle était une œuvre loupée, un coup de pinceau en trop ou une couleur obsolète. « T’as laissé les autres te piétiner… » Le garçon geint ensuite, soudainement écrasé par le poids d’une fatigue qu’il n’avait pas sentie jusqu’à présent.      

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AUTUMN GALLOWAY & @ARCHIE KWANTEEN

« Je me demande à quoi auraient ressembler nos enfants. » Tu fronces les sourcils. Tu ne te la poses jamais cette question parce que tu n’as jamais imaginé ce genre de futur avec lui. Même quand vous étiez ensemble, toutes ces années en arrière. Tu ne comprends pas ce qui se passe et plus tu tentes de le faire, moins ça te semble cohérent. Peut-être que c’était une erreur finalement, de venir ici en pleine nuit. Tu pensais qu’Archie avait besoin de toi, comme il t’est arrivé si souvent d’avoir besoin de lui dans le passé, mais tu ne sais pas quoi faire de la scène qui se joue sous tes yeux. Tu ne l’as jamais vu comme ça, Archie. Ou du moins, tu ne l’as jamais vu comme ça envers toi. Tu as toujours été sa protégée, cette petite chose si précieuse qu’il veillait à protéger de tout et de tout le monde, l’armant de ses meilleures techniques pour faire face au monde cruel. Tu n’avais jamais réalisé avant ce soir à quel point c’était lui, le plus cruel de ton monde. Son rire continue de résonner dans la maison silencieuse, son regard se rempli de dégoût alors qu’il ne cesse de fixer les traces de ses cicatrices sur ton poignet. Les marques de cette rechute lors de ton anniversaire, et de bien d’autres soirées depuis. Un mal-être qui t’emprisonne, qui t’empoissonne mais que tu ne sais pas exprimer, préférant te cacher derrière un bien-être qui est aussi faux que tout ce qu’Archie a pu dire sur vous, sur votre couple et ce que vous auriez pu être, si vous étiez restés ensemble. Le rire est mauvais, méchant, contredit absolument tout ce qu’il a dit depuis que tu es arrivée ce soir et c’est un mélange de gêne, de honte et de désespoir qui t’habitent alors que tu aimerais tant qu’il oublie ce détail, qu’il continue de délirer sur tous ces tableaux de toi qu’il voulait accrocher sur tous les murs de sa demeure.

« Uh uh. » Son regard se fait toujours plus intense alors que tu peines à le soutenir, tes yeux se baissant machinalement sur ses pieds nus. « Tu es tombée dans les escaliers, ça se voit. » « Ce sont de vieilles cicatrices. » que tu tentes, naïve. Il est complètement saoul, mais certainement pas complètement con. Mais il est brusque Archie, d’une violence dont il n’avait jamais fait preuve envers toi auparavant. Il s’empare de ta main brusquement, relève ta manche pour mieux exposer les marques de ta faiblesse, de ta détresse. Cette nuit est pleine de nouveautés, les plus laides qui existent. « Alors, c’était qui cette fois? Un autre mec incapable de te dompter? » « Tu m’fais mal Archie. » que tu plaides, sans que jamais ses doigts ne relâchent sa poigne sur toi. « Il va falloir que tu fasses un peu d’efforts, Autumn, sinon ce n’est pas à l’hôpital que tu vas te retrouver mais à la morgue! » Il rit encore, et tu ne sais pas ce qui te fait le plus mal dans tout ça. Ses mots, ses doigts qui continuent de serrer ou ce rire atroce qui continue de résonner partout, encore et encore. Tes yeux chauffent, mais sous la détresse qui s’empare de ton être gronde une colère qui te force à relever les yeux, à te tenir debout, comme il te l’a toujours montré. « C’est ma faute, aussi. C’est moi qui ai proposé qu’on se sépare. Je n’avais pas appréhendé cette fin-là. Je pensais que t’avais appris comment le monde fonctionnait réellement. » « Lâche moi! » que tu t’exclames, alors qu’il te lâche enfin avant de se laisser tomber sur le divan, comme si de rien était. Comme s’il n’était pas en train de briser les quelques morceaux de toi qui tiennent seulement à l’aide de papier-collant mal-placé. « T’as laissé les autres te piétiner… » Tu secoues la tête, rageuse. « T’as pas la moindre idée. Tu m’connais pas. » Non, de toute évidence, Archie n’a pas la moindre idée de celle que tu es vraiment, de ce que tu vis, de tout ce que tu peux ressentir. Comme tu ne reconnais pas celui qui fait face devant toi aujourd’hui. Ou a-t-il toujours été comme ça et tu étais seulement aveuglé? Admirative de son caractère, de ce que tu croyais être une force alors qu’il ne s’agit que d’une faiblesse extrême. « Tu penses que tu peux me dompter en me faisant mal? Tu penses vraiment que j’irais mieux avec un homme comme toi? » C’est à ton tour de rire, même s’il y a des larmes qui coulent sur tes joues, même si ça te fait mal, de te retourner soudainement vers celui qui a si longtemps été l’un de tes piliers. « Regarde-toi. T’es pathétique. » Le retour de l’ascenseur. La blessée qui blesse. C’était la première leçon qu’il t’avait offerte, après tout. « T’es pathétique et t’es tout seul Archie. Parce que tu sais pas aimer. » Pas toi, encore moins les autres. Peut-être qu’il ne s’aime même pas lui-même, tout compte fait.

Du blanc au noir. Du rouge de l’amour à celui du sang.

À bord de sa voiture imaginaire, Archie vient de se jeter du haut d’un précipice, emportant avec lui dans sa chute la personne qu’il avait jusqu’à présent aimée de tout son cœur dans que jamais ses sentiments à son égard ne soient remis en question. Autumn n’était pas comme les autres. Autumn méritait plus que l’or qu’il avait offrir, et son parfum était celui de la saison à laquelle elle avait emprunté le nom, et ses pluies étaient salvatrices, et ses orages délicieux.

Mais rien n’est plus pareil parce que les deux amis ont emprunté un chemin différent, se sont salués à l’intersection comme s’ils n’avaient jamais formé un couple, ou plutôt comme si leurs sentiments n’avaient jamais été réels. Archie et Autumn ne sont plus, et c’est bien là le problème pour celui dont le sang a été remplacé par la vodka pure. « Ce sont de vieilles cicatrices. » On ne ment pas, pas à Archie, qui détecte la moindre imperfection dans le ton de la voix de la jeune femme tandis qu’elle tente d’esquiver le sujet qui fait aussi mal que son cœur. Il ne peut simplement pas camoufler ses réactions ou se poser un instant avant de balancer la première chose qui lui passe par la tête. « Menteuse. » Qu’il râle en lui lançant des éclairs, parce qu’il peut lui aussi décider du beau et du mauvais temps.

Il veut en apprendre plus, et il insiste en serrant le poignet déjà abimé d’Autumn. Il ne réalise pas la pression qu’il exerce parce que, au fond, il n’est pas bien grand ou bien épais, Archie et ses bras finement dessinés. Il ne se rend pas compte qu’il pourrait broyer l’os duquel il s’est emparé comme un chien enragé. « Tu m’fais mal Archie. » Et elle a beau se plaindre de la douleur, il ne l’écoute pas, ses oreilles complètement bouchées par le surplus de colère qui lui sort par tous les pores. Il vomi des conclusions insensées, mitraille son amie de reproches tranchants, parce que c’est tout ce que l’alcool lui permet de faire. « Lâche moi! » Elle crie assez fort, cette fois, réveillant Bucky qui s’extirpe de son panier pour les rejoindre au trot, et l’aboiement qui réverbère dans le salon réveille Archie seulement une seconde, permettant à Autumn de se défaire de sa prise de fer. Il lâche un juron, se redresse par réflexe, alors que l’autre impose une distance entre eux. Le chien se place à ses pieds pour l’empêcher de bouger mais, surtout, pour le protéger des atrocités qu’il pourrait faire sans personne pour le plaquer au sol. « T’as pas la moindre idée. Tu m’connais pas. » Il rigole à nouveau. Bien sûr, qu’il la connait. Il l’a sculptée à sa façon, de manière consciente, mais parfois inconsciente, quand leur complicité devenait trop naturelle. « Tu penses que tu peux me dompter en me faisant mal? Tu penses vraiment que j’irais mieux avec un homme comme toi? » Qu’est-ce qu’elle veut dire ? Évidemment qu’elle serait mieux avec un homme comme lui. Il peut lui offrir tout ce dont elle rêve, et tous les deux formaient la meilleure des équipes. « Regarde-toi. T’es pathétique. » Il perd son sourire parce qu’Autumn le lui vole. Elle lui arrache son rire de sa bouche pour mieux l’expulser à son tour. L’œil noir, il la dévisage, serrant le poil de Bucky à la base de son crâne afin de s’accrocher à quelque chose pour ne pas tomber ou, pire, se jeter sur celle qu’il croyait posséder. « T’es pathétique et t’es tout seul Archie. Parce que tu sais pas aimer. » « Va te faire foutre. » Encore des mots qu’il n’a pas pensés assez longtemps avant de les jeter à la figure de celle qu’il ne veut pas perdre. Non… Ça le tuerait, de la perdre. Mais il ne s’en rend pas compte, pas encore. « Je t’ai sorti de ta merde, Autumn. Tu n’étais rien du tout avant de me rencontrer. » Il veut faire un pas vers elle mais Bucky l’en empêche, balançant sa tête vers l’arrière pour enfoncer son long museau dans le creux des reins de son maître. Il le laisse faire, redresse les yeux vers la jeune femme, crache son venin de varan : « Je préfère encore ne pas savoir aimer plutôt que de me faire détruire par ceux que j’aime trop. » Tu entends ça, Autumn ? « Vas-y. Retourne poursuivre tes démons si ça t’amuse, mais ne compte pas sur moi pour te ramasser à la petite cuillère quand tu tomberas en enfer. » Il faut croire que l’alcool lui donne l’âme d’un poète. « Retourne courir après ta perte, ça m’est égal. » Il répète en levant les bras en l’air. « C’est toi qui avait besoin de moi, ça n’a jamais été le contraire. Alors vas-y. Vas-y, Autumn. Va te tuer si c’est ce que tu souhaites. Tu ne pourras plus rien regretter lorsque tu seras morte. » Puis il retrouve son sourire ainsi que sa bouteille de vodka sur la table basse. « Seulement à ce moment-là, on verra qui est réellement pathétique. »        

 

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AUTUMN GALLOWAY & @ARCHIE KWANTEEN

« Menteuse. » Bien sûr que tu mens. C’est lui qui t’a appris comment, après tout. Ça n’a simplement jamais fonctionné avec le Kwanteen parce que tu n’as jamais eu à lui mentir. Pas comme ça, pas jamais, pas pour quoique ce soit. Les choses ont changé, pourtant, Bien trop changer, dans ces années qui vous ont éloignées l’un de l’autre, dans ce temps passé qui vous a forcé à prendre des chemins aux directions complètement opposés. Tu ne comprends pas comment la situation prend un tournant inattendu, quand Archie serre ton poignet avec force et que tu ne reconnais pas les traits de celui que tu as longtemps considéré comme ton meilleur ami. Tu es venu ici parce que tu t’inquiétais pour lui, tu es venu ici pour l’aider sans même savoir s’il avait vraiment besoin de quelque chose en particulier et voilà que tout se retournait contre toi dans une violence que tu n’aurais jamais su préméditer. Il te faut lever la voix pour réussir à te défaire de son emprise, c’est à peine si tu entends les aboiements de Bucky qui semble alarmer par toute cette situation. Tu ne lâches jamais Archie du regard, tu refuses de lui montrer une autre faiblesse de ta part, ça lui ferait bien trop plaisir, lui qui semble s’amuser des cicatrices sur ton poignet, de la douleur et du mal-être qui les ont causés. C’est qu’il n’a pas la moindre idée de la spirale de laquelle tu es prisonnière depuis plusieurs mois, de la chute imminente qui t’attend au détour, quand la réalité te rattrapera et que les fantaisies dans lesquelles tu veux vivre n’existeront plus. Quand l’évènement de trop te mettra au tapis. Et si c’était cette nuit, que la goutte de trop tombait?

À défaut de pouvoir lui parler de ta détresse, tu rentres dans son jeu, de celui qui saura faire le plus mal à l’autre. Ça fonctionne, quand son sourire s’efface de sur ses lèvres, que tu sais que tu as visé juste avec tes paroles. « Va te faire foutre. » Tu continues de ricaner alors qu’il devient silencieux. Les rôles se sont inversés, mais pour combien de temps encore? Tu le connais assez pour savoir que l’élève n’a pas surpasser le maître, que peu importe les atrocités que tu peux lui cracher au visage, Archie saura toujours trouver bien pire. « Je t’ai sorti de ta merde, Autumn. Tu n’étais rien du tout avant de me rencontrer. » Tu secoues la tête, incrédule. C’est drôle quand même, à quel point les versions d’une même histoire peuvent différer selon celui qui la raconte. « Tu dois être déçu hein, quelle expérience ratée que je suis. » Il a voulu te modeler à sa façon, et s’il a réussi jusqu’à un certain degré, il est désormais évident que toutes les leçons du monde ne feront pas de toi une Archie 2.0, qu’il y aura toujours tes problèmes de santé mentale pour t’empêcher de devenir celle qu’il aurait tant voulu que tu sois, celle qu’il continue d’idéaliser, celle qui aurait pu le sauver de cette solitude qui l’étouffe. Il aurait voulu que tu sois sienne à nouveau, il n'arrête pas de le dire depuis que tu es arrivée, mais la version devant lui n’est pas satisfaisante. Elle ne le sera jamais. « Je préfère encore ne pas savoir aimer plutôt que de me faire détruire par ceux que j’aime trop. » Évidemment. C’est bien moins dangereux de ne jamais s’ouvrir à qui que ce soit que de prendre la chance de se faire mal.

Vous êtes deux extrêmes à ce niveau-là, mais qui est vraiment le plus pitoyable des deux? En ce moment, tu ne saurais vraiment dire, mais Archie lui, semble persuadé de la réponse. « Vas-y. Retourne poursuivre tes démons si ça t’amuse, mais ne compte pas sur moi pour te ramasser à la petite cuillère quand tu tomberas en enfer. » « Tu saurais pas faire preuve d’assez d’empathie pour aider qui que ce soit de toute façon. » Il ne pourrait pas t’aider, il ne saurait pas comment faire. L’évidence est juste là sous tes yeux : il a ta détresse sous les yeux et il te donne la pelle pour creuser ta tombe. « Retourne courir après ta perte, ça m’est égal. » Il s’est assuré de rendre ça très clair ce soir. « C’est toi qui avait besoin de moi, ça n’a jamais été le contraire. Alors vas-y. Vas-y, Autumn. Va te tuer si c’est ce que tu souhaites. Tu ne pourras plus rien regretter lorsque tu seras morte. » Les mots te frappent de plein fouet cette fois-ci. C’est une chose de les penser, de les ruminer sans cesse, d’idéaliser une mort que tu imagines à chaque détour. C’est autre chose complètement de les entendre dans la bouche de quelqu’un à qui tu tiens, à qui tu tenais. « Seulement à ce moment-là, on verra qui est réellement pathétique. » Pour toute réponse, c’est ta main qui rencontre sa joue avec force. Le pincement dans ta main est douloureux, mais pas aussi douloureux que celui dans ton cœur alors que tu le regardes avec dégoût, Archie et son rire et sa bouteille de vodka. « Tu seras toujours le plus pathétique des deux. Peut-être que j’coure à ma perte, mais t’auras qui pour répondre à tes textos à la con, quand j’serais plus là? » Personne. Il n’aura plus personne. Et ça, c’est une réponse qui ne changera pas, que tu sois morte ou non. Parce que son numéro, il n’existera plus dans ton répertoire. Ça, c’est une promesse que tu lui fais, là tout de suite.  « T’inquiète pas, personne t’enverra de messages pour mes funérailles. » Ou pour rien du tout. La tombe qu’il a creusée, elle n’est pas pour toi finalement. Elle est pour votre amitié sur laquelle il vient de tirer une croix. Tu lui offres un dernier regard et un énième rire sarcastique avant de prendre la porte et de quitter la demeure. Tu trembles comme une feuille, tu refoules un sanglot d’une main posée contre ta bouche et si tu mets quelques minutes avant d’être en mesure de démarrer ta voiture, jamais tu ne te retournes pour savoir si Archie a tenté de te retenir ou non.

La température est passée de vingt degrés Celsius à cinquante en l’espace d’un claquement de doigt. La fureur d’un Archie complètement bourré lui serre les poings, l’enlaidit, noircit son âme comme le ferait la gangrène. Si hier c’était Autumn et lui contre le monde, cette nuit, il se bat seul, et contre lui-même aussi. Il sait comment froisser puis briser, il s’est pratiqué toute sa vie à amoindrir les autres afin de les piétiner et de les utiliser comme une marche pour se hisser plus haut. Il n’a pas besoin de réfléchir à ses réparties qu’elles se propulsent hors de sa bouche comme les cartouches d’un fusil, ou le boulet d’un canon. Détruire les autres pour paraître moins démoli à côté d’eux. Voilà sa stratégie de cinglé au cœur de pierre, alors qu’il croit perdre le contrôle de la situation ne serait-ce qu’une seconde. Une seule petite seconde durant laquelle Autumn devient son ennemie, parce que c’est plus facile de repousser les gens qui ont les bons outils pour percer sa carapace. La jeune femme les possède, parce que c’est son ex qui les lui a tendues quand leur duo était le meilleur duo.

Une époque révolue, qu’Archie préfère arracher lui-même du mur plutôt que laisser le destin lui dérober. Ce destin qui l’a fait naître différent, malade selon ses parents, et aussi ce destin qui lui a volé sa sœur quand il n’était pas encore prêt à prendre les rênes pour diriger le reste de la fratrie dans ces eaux agitées. Putain de destin. « Tu dois être déçu hein, quelle expérience ratée que je suis. » Elle parle pour lui et c’est tant mieux : ça lui évite de prononcer les pires mots, quoique ça ne l’empêche pas de renchérir pour avoir le dernier mot. Une guerre d’égo qui ne se terminera qu’avec des larmes et du sang mais jamais ô grand jamais il ne laissera Autumn voir la douleur dans son visage qu’il arme encore et toujours d’un sourire provocateur.

Pour ne pas regarder son reflet dans le miroir, il le met face à la jeune femme. Elle sait déjà qu’elle se détruit, parce qu’elle est futée, Autumn, il l’a bien vu quand il l’a rencontrée. Et c’est l’un des plus gros problèmes. Il a peur d’elle et de ce qu’elle pourrait lui administrer comme coup. Un fatal, peut-être. Alors il doit frapper en premier. Il ne s’agit que d’un combat de boxe duquel il doit sortir triomphant et acclamé. « Tu saurais pas faire preuve d’assez d’empathie pour aider qui que ce soit de toute façon. » Des paroles qui passent bien au-dessus de sa tête gonflée, parce que les garçons ne sont pas empathiques comme les filles, on lui a bien dit et redit : ce n’est pas dans son ADN. Du moins, ça ne devrait pas l’être. Il n’est pas malade, il n’est pas malade… Il est l’assaillant ou le bourreau, attaque le plus fort, confronte la jeune femme à une réalité qui est bien trop réelle, tandis que ses propos dévient vers les pires atrocités qu’un homme ne puisse jamais prononcer. La paume qui se plaque contre sa joue le fait à peine siller, il ne prend pas la peine de frotter sa joue qui pétille d’engourdissement, préfère se cacher derrière sa bouteille d’alcool qu’il pourra utiliser comme un alibi une fois qu’il réalisera qu’il a complètement merdé. « Tu seras toujours le plus pathétique des deux. Peut-être que j’coure à ma perte, mais t’auras qui pour répondre à tes textos à la con, quand j’serais plus là? » Il ne la laissera jamais deviner qu’elle mise tout à fait juste. Archie n’a plus personne. Il a creusé sa tombe bien avant Autumn. Son épitaphe sera insignifiante, puisée dans le recueil des phrases par défaut. Les seules fleurs qui se poseront sur sa pierre tombale seront des mauvaises herbes. Son nom s’érodera à chaque nouvelle pluie, chaque nouveau crachat.

Et ça fait mal. Bien plus que la gifle ou n’importe quel combat de boxe qu’il n’a jamais tenu. Ça le bouffe, comme il bouffe l’alcool pour ankyloser son esprit trop plein. « T’inquiète pas, personne t’enverra de messages pour mes funérailles. » Il ne la regarde pas quand elle prend le chemin de la sortie, il retrouve sa place sur le canapé dont le cuir est devenu glacial. « Je n'y aurai pas assisté. » Puis le silence lui tombe sur les épaules, ses yeux virent dans leur orbite, le cri – beuglement – qu’il pousse est d’ordre primal, et son pied fait décoller sa table basse vitrée, il s’en brise les os, les cordes vocales, le verre éclate en mille morceaux sur le sol pour lui renvoyer cinquante fois son reflet dégoûtant. Il réalise. Il l’a toujours réalisé, en fait.

Il est le seul qui a maintenu Autumn au bord du précipice parce qu’il s’agissait d’une punition. Pas pour la punir, elle. Pour le punir, lui, et l’amour qu’il n’a jamais pu lui offrir de la bonne façon, parce qu’il est malade, et qu’il l’a rendu malade à son tour. Ils n’étaient pas amoureux. Archie était une malédiction. Autumn s'est fait happée.