Quand Barbie l’a appelé en urgence, Primrose n’a pas caché son soupir d’exaspération. Elle n’avait pas prévu de sortir ce soir, elle qui était déjà emmitouflée dans son pyjama, qui a déjà planifié le film de la soirée et qu’elle comptait sur Nutella pour lui réchauffer les doigts de pied alors qu’elle se gavera de pop-corn. Mais voilà que Barbie ne peut pas faire un enterrement de vie de jeune fille, que c’est la panique générale parce que c’est “un gros client”, ce que Primrose entend comme “bon show, bon billet”. Elle a beau grommeler dans sa barbe parce que vraiment, Barbie, t’es chiante, alors que toute sa soirée chill tombait à l’eau, il n’empêche que la jolie brune finit par sortir de son lit. Elle n’aime pas les soirées privées, en général, parce que cela veut dire qu’elle va être seule face à une foule et que ça la tétanie d’avance. Alors la première chose qu’elle se rassure d’avoir quand elle fouille dans son sac, c’est son sachet de poudre magique. Avec ça, elle va pouvoir affronter absolument tout - ou au moins s’en convaincre et réussir à traverser la soirée sans se mortifier sur place.

Barbie a de la chance que l’appât du gain soit intense et que la jolie fleur ne rechigne jamais à gagner de nouveaux billets ; autrement, elle lui aurait simplement dit non et serait retournée à ses occupations. Mais Primrose veut faire bonne figure, elle veut aussi se montrer à la hauteur de Barbie et c’est donc pour cela qu’elle subit les commentaires de Will ainsi que les interrogations d’Adèle sous le regard suspicieux de Moana en traversant l’appartement pour en sortir. “J’ignore à quelle heure je rentre”, “Je vais à une soirée à Bayside”, “Ne donne pas à manger à Nuts” et la voilà qui claque la porte derrière elle avec délicatesse parce que les voisins risquent de râler (encore) vu l’heure qu’il est.

La jeune femme troque ses chaussures plates pour ses talons vertigineux tout en prenant soin de ne rien laisser paraitre aux yeux du conducteur du taxi, d’où le manteau bien trop grand mais qui camoufle à la perfection ce qu’il y a en-dessous - autrement dit, beaucoup de peau et pas beaucoup de fringues. Il ne manquerait plus qu’il la prenne pour une prostituée lui aussi et qu’il lui demande d’avoir sa part en nature. Primrose a déjà le nez qui s’est rempli de poudre avant de partir, elle a remis le reste dans son sac qu’elle a avec elle afin de pouvoir en reprendre si nécessaire, ayant la sensation que les effets s’estompent de plus en plus vite - ce n’est peut-être que son imagination mais en tout cas, sa consommation double toujours un peu plus, proportionnellement avec sa nervosité.

Mais c’est détendu comme jamais que la jeune femme sort du véhicule après avoir payé le chauffeur, qu’elle sonne et qu’elle se retrouve dans l’appartement de la future mariée. “Il parait que j’ai été appelé pour égayer la dernière soirée de liberté du future promise.” qu’elle dit avec un ton suave tout en ôtant la ceinture de son manteau. Heureusement qu’elle a pris un fortifiant car il y a du monde, qu’elle est toute seule et visiblement très attendue. Il n’y a cependant pas à chercher très loin pour voir qui est la personne star de la soirée ; c’est celle qui a la couronne sur la tête, qui hurle et qui se cache les yeux en même temps. Le fait que ce soit une femme, une assemblée de femmes même, complique un peu la tâche parce que Primrose est beaucoup plus habituée aux regards et aux attentes masculins. Mais elle va se montrer pro alors qu’elle jette de façon magistrale la veste sur le côté pour révéler sa tenue minimaliste qui ne laisse peu de place à l’imagination - quand bien même ses courbes ne sont pas voluptueuses, il n’empêche que ses muscles sont soulignés et tous ses traits s’harmonisent parfaitement. Le minois surmaquillé de la jolie brune détient une moue charmeuse alors qu’elle s’approche de la future mariée, son regard déviant quelques instants sur l’assemblée et notamment vers une personne avec de vulgaires lunettes décoratives complètement absurdes. Primrose fronce rapidement les sourcils, ayant le sentiment de reconnaître vaguement cette forme, mais la lumière se tasse, la musique se fait entendre et la future mariée a déjà ses mains sur elle pour la ramener à ce qu’elle doit faire.

Alors Primrose fait ce qu’elle sait faire de mieux ; s’oublier pour enflammer le public. Se soustraire de sa propre carcasse pour ne devenir que le jouet d’autrui. Elle se trémousse donc sur le corps de la belle, accentuant à outrance les expressions coquines, remontant lascivement, redescendant pareillement, bougeant son bassin contre le sien, lui offrant absolument tout ce qu’elle veut. Parce qu’elle n’est qu’un objet et que malgré son sourire et ses éclats de rire, parce que l’ambiance est survoltée, cela n’empêche pas qu’elle maudit Barbie au plus profond d’elle-même. Quand on lui demande de faire le tour de l’assemblée, Primrose attend l’aval de la maîtresse de la soirée pour le faire. Et là, elle arrive aux lunettes absurdes, à califourchon sur ses cuisses, et la réalisation qui la frappe au visage. “Heather ?” Oh non non non non non. Heureusement qu’il y a trop d’agitation autour pour qu’on puisse entendre sa surprise et voir son visage. Heather, c’est Heather, qui voit tout ça, qui contemple tout ça, et elle est sur ses genoux et c’est encore pire que tout ce qu’elle aurait pu songer. Si elle s’est arrêtée une micro seconde, Primrose reprend tout de même ses esprits en se relevant rapidement pour passer à la personne suivante. “Qu’est-ce que tu fais ? Heather n’a rien eu !” Oh dammit. “Elle n’a pas l’air très encline pour une danse privée.” Elle tente de s’en sortir comme elle peut et elle espère qu’Heather suivra sa ligne de conduite. “Et alors ? Allez, Heather, c'est fun, laisse-toi faire!” Et surtout, qu’elle va réussir à tenir tête à toutes ses amies qui chantonnent en cœur et à répétition son prénom comme si c’est l’évènement du moment.

Elle regrette vraiment sa soirée chill.

“Oh gosh no, it’s a fucking nightmare.” Primrose n’aurait pas mieux dit. Même ses rails de coke ingérés quelques minutes plus tôt ne suffisent pas à passer outre la surprise, le désarroi et surtout la gêne immense qui l’envahit quand elle reconnaît ses traits même derrière ses lunettes complètement absurdes qui l’auraient fait rire dans d’autres circonstances. Mais là, elle a juste les joues en feu, signe que c’est bien la présence d’Heather qui la perturbe et non son job qu’elle maîtrise et qu’elle connaît dans tous ses rouages aussi osés que téméraires. Il suffit qu’une tête connue soit là et elle perd totalement bien, la Anderson. Alors ce n’est pas pour rien qu’elle passe directement à la personne suivante, certaine qu’Heather ne voudra de toute façon pas qu’elle danse sur elle de façon aussi provocante, même si Primrose sait qu’elle ne pourra pas agir avec elle comme elle le fait avec les autres. Parce qu’il y a ce frein naturel quand c’est avec une personne qu’elle connaît personnellement, et encore plus quand c’est avec quelqu’un avec qui elle s’est embrouillée suite à des mensonges pour mieux manipuler. Heureusement qu’elles se sont revues devant le restaurant de Caleb quelques mois plus tôt parce que si ça aurait été là leurs retrouvailles, Primrose serait encore plus mortifiée qu’elle l’est déjà.

“Non mais elle a raison Amy, c’est toi la reine de la soirée, c’est toi qui devrait profiter.”
“Mais non tu verras c'est drôle, profite aussi !”

Drôle, drôle, drôle, non, ce n’est pas drôle, Amy. Ce n’est pas drôle d’avoir les mains d’Heather sur ses hanches. Ce n’est pas non plus drôle quand on la force à faire quelque chose même quand le cœur est anesthésié par la drogue. Primrose ne s’y fera jamais. Mais Heather la ramène quand même sur elle et c’est absolument stressant et angoissant. Sûrement que ça se ressent dans les gestes ; elle se fait être assurée mais elle ne l’est pas du tout. Elle ne l’a jamais été, de toute façon, Poppy n’est qu’un écran de fumée. Mais il suffit d’une épreuve surprenante comme celle-là pour que l’écran se brise et qu’elle perde de sa superbe. Visiblement, elle n’est pas la seule parce qu’Heather n’est pas plus à l’aise au point où elle finit par la planter sur le côté en se levant précipitamment. “Non non je suis désolée Prim ou je ne sais pas qu’est-ce qu’est ton fichu prénom mais je ne peux pas c’est trop, je me sens pas bien.” Pourquoi elle dit son prénom ? Parce qu’elle ignore le tien, celle que t’es là, à ce moment-là, puisque tu l’as si bien caché. Primrose a le regard perdu alors qu’Heather s’enfuit (il n’y a pas d’autres mots pour décrire ce qu’il se passe). Amy a l’air d’avoir loupé quelque chose - oui, beaucoup, Amy - parce qu’elle semble complètement prise de court. “Qu’est-ce qu’il lui arrive ?” La brunette se masse la nuque dans un geste pas très rassurée, ne sachant pas si elle doit dire ou faire quelque chose. “Bon allez, continuez, je vais aller la voir!” Donc Amy s’échappe de la pièce pour aller voir Heather et Primrose se retrouve à devoir continuer son parcours en essayant d’être aussi enjouée et séductrice qu’elle peut malgré les circonstances.

Quelques paquets de minutes plus tard, Poppy a repris de sa splendeur, Amy et Heather n’étant toujours pas revenues, mais les autres amies s’amusant toujours aussi fort. Elle est en train de montrer à deux filles comment séduire en se dandinant sans avoir l’air absurde et c’est absolument hilarant de voir qu’elles grossissent les gestes. Poppy y trouve un peu d’amusement face à cette bande de copines. Elle tente d’oublier Heather qui n’est pourtant pas si loin - à part si elle est partie depuis ? Mais Amy serait revenue si c’était le cas donc sûrement que non. Primrose est en train de remettre les gestes d’Emma en place en riant avant que les deux autres jeunes femmes reviennent, Heather vers le buffet et Amy vers eux, qui tape dans ses mains.

“On s’amuse bien, à ce que je vois!”
“Poppy nous montre comment bouger sans avoir l'air d'une pétasse!”

Des rires fusent et Primrose a un léger sourire gêné tout en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille. “Ce n’est pas le mot que j’aurai choisi mais l’idée est là. On peut affirmer son corps sans en avoir honte, après tout.” C’est Poppy qui dit ça alors que même Primrose n’en est pas convaincue. Mais là, elle est face à ses clients et il faut bien qu’elle traîne un peu les pattes, l’amas de billets n’en sera que plus conséquent. “Est-ce que tu as soif ? Ou faim ? Tu peux aller te servir avant de me montrer tout ça, ça peut toujours servir pour séduire ma future moitié!” Amy rigole et les autres aussi tandis que Poppy hoche la tête tout en se dirigeant vers le buffet. Là où se trouve Heather. Elle garde la tête baissée, se racle légèrement la gorge alors que ses doigts picorent dans les mini sandwiches, ses yeux sillonnant les boissons à disposition. “Ca va mieux ?”

C’est embarrassant au possible. Primrose ignore ce qui est le pire ; de danser de façon langoureuse sur Heather ou bien être forcée à la rejoindre au bar parce que la reine de la soirée le lui a demandé. Elle n’a pas l’air de prendre non comme réponse mais la jolie brune est véritablement en manque de liquide. Alors elle juge sagement ses choix - elle ne prendra pas d’alcool parce qu’elle a déjà de la coke dans le sang et qu’elle ne compte pas faire un mauvais mélange - alors qu’Heather reste plantée à observer le buffet. Deux idiotes qui se parlent sans se regarder, c’est vraiment embarrassant. Heureusement que les autres sont trop occupées à danser et à rire pour s’occuper d’elles deux. “Tu sais je crois que… en fait je… Non…” L’actrice bug et bute sur les mots, cela doit bien être la première fois que la brunette la voit agir de la sorte. En même temps, Anderson, à quoi tu t’attendais ? Qu’elle t’accueille chaleureusement, qu’elle te prenne dans les bras ? Non, elle ne s’attendait pas à cela, Primrose, parce qu’elle ne s’attendait même pas à la voir ici. Ni à Brisbane il y a quelques mois et encore moins à une soirée d’enterrement de vie de jeune fille. Ou en tout cas, pas celle pour laquelle elle a pris la relève de sa collègue. Si elle avait su, elle ne serait pas venue, cela est clair.

Primrose n’est pas rassurée de beaucoup de choses mais qu’Heather fasse un scandale et la blâme de nouveau à coup de cris et de reproches n’est pas quelque chose qui lui frôle l’esprit. Elle respire de nouveau alors qu’il n’y a rien à sniffer à part l’air lourd des environs. Puis l’actrice ouvre la bouche, elle prend la parole et la brunette hasarde sa main sur le premier petit four salé qui lui passe sous la main, n’ayant pas encore décidé sur la boisson à prendre. Primrose se décompose de l’intérieur un peu plus à chaque mot, partageant le même effet même si c’est désolant et triste au possible d’être catégorisée dans les “moments embarrassants”. Pourtant, elle lui avait dit que son métier ne posait pas de problème à la blonde. Oui mais tu sais bien que les gens disent toujours ça avant d’y être confronté réellement. Et là, il est clair qu’Heather “je m’en fiche de ton métier” compte boire pour oublier ce qu’il se passe et que ce n’est pas vraiment la réaction de quelqu’un qui accepte la situation. Est-ce que tu ne peux pas te dire que ce n’est pas ton job mais juste toi, Primrose, ou plutôt Poppy, voire les deux, le problème ? Non, parce que la coke t’abrutit pour éviter de m’entendre alors que je suis rationnelle. Joue l’idiote, Anderson, c’est le meilleur rôle dans lequel t’es naturelle.

Elle n’aurait pas pensé qu’Heather aurait réagi de la sorte. Même si elle a (grandement) fauté, la brunette n’a pas conscience de l’ampleur de ce qu’elle a provoqué chez l’actrice. Des doutes et des fermetures de portes qui étaient grandes ouvertes avant qu’elle arrive dans sa vie, des mensonges à portée de lèvres et des étoiles plein les yeux qui lui ont fait perdre l’essentiel. D’autant que maintenant, Primrose sait qu’Heather connaît Caleb ; combien de temps avant qu’elle ne lâche le morceau ? Son frère aurait honte, il serait furieux et si jamais cela venait aux oreilles d’Alex… La petite brune ne préfère même pas y penser. A la place, elle écoute Heather lui demande comment elle va - alors qu’elle ne s’en soucie pas et en insistant sur ce surnom ridicule - tout en enchaînant sur la prestation qu’elle continue à donner. Primrose hausse les épaules en jetant un coup d’œil derrière elles. “Elles sont funs. Elles étaient bien trop intéressées par mes leçons pour me poser des questions. Ta gêne n’a pas été remarquée par les autres, si c’est ça qui t’inquiète.” Et puis Primrose a fait en sorte de reprendre vite de sa contenance pour ne pas laisser paraître la sienne - oh que la cocaïne est une poudre véritablement magique qui lui donne les nerfs pour supporter tout ça. Les doigts vont attraper un gobelet pour se servir ensuite du punch qui ne sent pas l’alcool. “Tu as de la chance d’avoir un groupe d’amies comme celui-là.” Elle est envieuse, Primrose, même si elle ignore complètement si Heather est proche de ces filles, juste d’Amy ou de personne. Elle qui se sent éternellement seule, la pauvre enfant. “Je suis désolée de gâcher ta soirée. Ce n’était même pas moi qui était prévue à la base. Si j’avais su…” Tout le monde sait ce qu’elle aurait fait si elle avait su. Elle soupire légèrement, prend un nouveau petit four et se tourne vers Heather pour regarder son profil - la coke a des effets puissants quand il le faut. “Tu les connais depuis longtemps ?” Une simple question pour détendre ses propres nerfs. Et aussi pour espérer qu’Heather ne finisse pas la tête à l’envers. Cela serait un risque pour qu’elle ajoute une nouvelle complainte à son encontre, en plus ; autant l’éviter autant que possible et qu’elle puisse repartir de la soirée de son amie avec de doux et joyeux souvenirs. Même si tu restes toujours la tâche indésirable, Anderson, comme d’habitude.

Il est certain que Primrose ne serait pas forcément très enthousiaste à l’idée que son comportement à Los Angeles envers Heather soit connu à Brisbane, même si ce n’est que pour un troupeau de filles qu’elle ne connaît pas. On ne sait jamais, d’ailleurs, untel peut connaître un autre qui fréquente autrui et ça se répand comme une traînée de poudre. La jolie brune compte sur l’égo d’Heather de retenir ce qu’elle considère comme un écart, une mésaventure qui serait à oublier le plus rapidement possible pour le bien de la soirée notamment. L’actrice est si connue qu’elle ferait raisonner le scandale sur une échelle que Primrose ne peut imaginer, ce qui suffira à ruiner sa vie sous tous ses aspects. Déjà que la brunette est en difficulté constante pour garder un pied devant l’autre sans flancher, qu’elle a déjà frôlé le scandale dans le passé, il est hors de question de poursuivre dans cette direction, elle ne s’en remettrait sûrement pas. D’autant que la faute est grave et qu’Heather aurait même pu porter plainte contre elle - est-ce qu’elle pourrait encore maintenant ? Primrose espère qu’il y a prescriptions et que le tout sera enterré rapidement. La jeune femme voit du coin de l’oeil Heather se resservir de nouveau tout en lui demandant comment elle fait pour ne pas boire d’alcool. “Je suis en service.” Une réponse simple, claire et efficace. En service et sous l’emprise de la drogue, mais ça, inutile de le préciser. “Je ne peux pas me permettre d’avoir la tête à l’envers. Je suis là pour distraire, pas pour m’amuser.” Parce qu’au final, elle ne s’amuse jamais vraiment beaucoup, Primrose. Même si le fait que ce soit un groupe de filles change un peu la donne. C’est différent, elle se sent un peu moins en danger. Même Heather ne lui paraît pas aussi dangereuse que n’importe quel homme qu’elle peut croiser au club. L’actrice est inquiètante pour autre chose et ne pas savoir à quoi s’attendre, surtout qu’elle enchaîne les verres, c’est sûrement aussi angoissant, ceci dit.

Heather s’en fiche de ses excuses et Primrose se contente de secouer la tête ; d’accord, elles vont faire avec et rendre la future mariée heureuse. Elle est payée pour cela et franchement, elle aimerait bien repartir avec quelques billets bonus. Une sorte de compensation silencieuse face à cette situation gênante dans laquelle on l’a foutu sans aucun scrupule. L’actrice se tourne vers le groupe de filles avec un léger sourire et Primrose porte son verre à ses lèvres en écoutant le récit. Est-ce qu’elle est censée se sentir désolée pour Heather qui n’en connaît que la moitié ? La concernée n’a pas l’air de s’en plaindre donc sûrement que non. La brunette aurait bien envie de demander si l’anglaise s’est faite des amis dans le coin avant de se rappeler que oui, Caleb. Avant ou après Brisbane, elle ne se rappelle plus si elle a l’information mais c’est une amie à son frère ; rien que pour ça, elle ravale sa question. De toute façon, ça serait déplacé de lui demander quoique ce soit, n’est-ce pas ? Néanmoins, elle se permet un sourire amusé à sa dernière phrase. “Les aléas d’être connue, je suppose.” Oh, elle suppose mais elle sait, puisqu’elle a été aux premières loges à Los Angeles.

Amy revient vers elles mais cette fois, elle les pousse à venir danser. Ce qui fait qu’Heather se retrouve à tendre sa main vers Primrose, qui aurait sûrement envie d’être englober par la terre à cet instant précis. “Et bien Poppy je crois que c’est à nous de faire le show maintenant.” La petite brune ignore ce qu’elle est censée faire dans le cadre de son travail à présent, mais elle finit son verre rapidement avant d’attraper le bout des doigts d’Heather avec un léger sourire - autant y croire, ça finira bien par devenir réel. “Elles ont de l’énergie à revendre, visiblement.” On clappe dans les mains en les accueillant sur la piste, sûrement que tout le monde se rassure de voir que chaque tête pouvait trouver sa place par ici, même celle qui n’est pas une invitée mais qui est payée pour être là.

Au bout de la quatrième chanson, Primrose se détache du groupe compact en secouant les mains pour signaler qu’elle a besoin de respirer un peu. Il y a sûrement le manque qui se fait sentir, en même que l’adrénaline qui court dans ses veines, se prenant visiblement au jeu et partie intégrante de la partie qui se déroule actuellement. Elle va se servir un verre - toujours sans alcool - avant d’aller se poser sur le canapé. Ses prunelles bleutées se dirigent naturellement sur Heather, constatant qu’elle est encore plus jolie à l’époque, avant qu’une présence se déclare à côté d’elle.

“Tu connais Heather Harris ?” “Euh, non, je viens juste de la rencontrer, là, maintenant, pourquoi cette question ?” “Ah, je pensais que tu la connaissais vu que je vous ai vu discuter. J’ose pas aller la voir pour lui demander une photo et un autographe. Je n’ai pas envie de me la jouer groupie à l’enterrement de vie de jeune fille de ma cousine, mais bon… C’est Heather Harris!” La voix toute excitée fait doucement sourire Primrose qui hausse les épaules. “Elle ne va pas te manger.” toi au moins. “Je pense même qu’elle se doute que tu viennes la voir un moment ou un autre.” “Vraiment ? Oh non, elle m’a vu la fixer, c’est ça ? Oh la honte!” Primrose se mord la joue de l’intérieur ; elle est vraiment nulle. “Non non non, t’inquiètes pas. Je suis persuadée qu’elle a l’habitude.” Après tout, les fans font partis du quotidien des célébrités, non ? Primrose l’ignore, elle ne peut qu’envier et admirer de loin. “Et tu ferais mieux de lui demander avant qu’elle n’ait trop bu.” Parce que l’alcool ne rend pas le teint vraiment joli et ça, qu’on soit connu ou non, ça ne change pas. “Okay, d’accord, cool, je vais aller la voir! Enfin, maintenant, je suis pas sûre… Mais plus tard, oui, voilà!” L’enthousiasme hésitant filant, la jolie brune se retrouve de nouveau à cogiter ; elle passe trois doigts sur ses yeux pour étouffer le sentiment de solitude qu’elle a. Heather réussit à être aimée par des inconnus parce qu’elle joue des personnages qui n’existent même pas ; et elle, en attendant, elle galère toujours autant dans ses propres relations, aussi peu nombreuses soient-elles. Où est la justice, franchement ?

Heather n’a pas l’air de croire que Primrose puisse passer une soirée comme ça sans avoir le nez qui tombe dans l’éthanol et cela l’agace un peu. Son visage se renfrogne un peu, son nez se plissant sous la contrariété des propos tenus par la blonde et elle lèverait presque les yeux au ciel mais se retient de le faire dans un simple souci de ne pas montrer plus qu’il ne faut à quel point ce manque de confiance en son professionnalisme la froisse quelque peu ; même si c’est clairement hypocrite. Car non, Heather, ce n’est pas de l’alcool qu’elle utilise pour se détendre mais autre chose. Mais ça, bien sûr, ce n’est pas à l’actrice qu’elle va le dire. Alors Primrose préfère soupirer tout en secouant légèrement la tête, les yeux qui s’en vont sur les petits fours pour combler le manque de poudre par la nourriture. “Je ne compte pas devenir alcoolique avant mes trente ans pour joindre “l’utile à l’agréable”. J’ai plus l’habitude que toi de ce genre de situations.” Même si faire un lap dance à son ex est assez inédit en soi, tout le reste est assez familier - même si à la place d’hommes, ce sont des femmes qui sont copines et qui ont l’air de passer le meilleur moment de leurs vies, contrairement aux deux qui squattent le buffet avant qu’on ne réussisse à les déloger. “Tu sais très bien combien de fois cela peut m’arriver de me faire accoster en soirée pour une photo.” Oh oui, elle le sait. Elle l’a vu à Los Angeles ; même si ça pouvait être irritant par moment, il n’empêche que ça avait l’air flatteur. Et puis, elle-même a été dans les chaussures des fans ; le sourire d’Heather, aussi faux que narquois, lui donne l’impression que c’est une réflexion avec un sous-entendu très clair sur ce qu’elle veut dire. Message reçu, Heather, inutile d’insister.

Assise sur le canapé après s’être un peu dandinée, un verre à la main et les bras croisés, Primrose observe la nuée de corps qui continuent à se mouvoir sur la piste alors qu’une conversation improptue vient entacher sa solitude précaire. Elle a une bouffée d’angoisse devant les questions de la cousine et apparemment fan d’Heather, ses veines réclamant leur dû un peu plus activement mais la jolie brune tient bon en resserrant simplement ses doigts autour de son verre, le sourire figé sur ses lèvres alors qu’elle visualise la jeune femme qui est venue lui parler aborder Heather. De là où elle est et avec la musique, elle n’entend pas vraiment tout ce qui est dit alors elle finit par balancer sa nuque contre le dossier du canapé et regarder le plafond tout en battant du pied au rythme de la chanson qui passe. Seulement, Heather l’interrompt dans sa plénitude en lui fourrant son verre dans les mains et Primrose fronce des sourcils, s’apprêtant à poser le gobelet sur la table parce qu’elle n’est pas son assistante. L’actrice peut être vexée mais ce n’est pas une raison suffisante pour la prendre pour un porte gobelet. Heather vient s’asseoir, Heather reprend son verre et Heather se met à lui parler ; dans quel monde elle évolue, là ? D’autant que les paroles de l’actrice ne sont que des ramassis sordides, qu’elle ne cherche visiblement qu’à tirer sur les cordes qui font mal. Primrose porte son gobelet à ses lèvres en continuant à regarder droit devant elle. “Tu es bien placée pour savoir qu’il suffit de prétendre pour que les gens apprécient.” Après tout, pour une actrice, ça serait un comble que de prétendre que ce n’est pas qu’un jeu, n’est-ce pas ? “Je suis surprise que t’es pris la peine de me chercher sur Insta. Comment t’as réussi à me trouver ?” Elle n’a pas pu passer par Caleb - qui n’est sur aucun réseau social, même si elle a tout d’un coup une petite vague de panique qui l’envahit mais qu’elle camoufle en tournant la tête vers Heather. “T’as pas demandé à Caleb ?” Tu lui as dit quelque chose ? Demandé autre chose ? Des informations ? T’es allée gratter, Heather ? Est-ce que t’as foutu ton égo de côté juste pour essayer de me détruire ? “Tu comptes me faire du chantage ?” Elle serait en droit - presque.

Primrose roule des yeux en secouant la tête, mais gardant les lèvres closes face à la question de l’actrice. Elle n’a pas le cœur de réfuter ses paroles, pas plus qu’elle souhaite étaler le simple fait qu’elle n’a pas eu assez d’ex dans sa vie pour pouvoir tomber sur eux à chaque coin de rue. Ce qui est triste est sûrement le fait qu’elle a plus l’habitude de croiser des clients que des exs. Mais ça, Heather ne le saura pas. C’est bien trop honteux pour la jolie brune pour qu’elle offre ça à une de celles qui s’en amuseraient beaucoup trop si elle avait connaissance de cette information. Au moins, la présence d’Alex a été positive ; elle a permis à Primrose de mieux être sur ses gardes quand elle parle et même sous l’influence tangible de la cocaïne dont les effets ont l’air déjà se dissiper lentement mais sûrement, la stripper arrive à garder ses paroles pour elle et à faire couler la remarque sous forme de questions de son interlocutrice. De toute façon, elles sont vite rappelées par la soirée elle-même, aucune place pour plus d’interactions, pour le moment, dieu merci.

Même si la prochaine qui suit, la brunette s’en serait aussi bien passée. Elle en viendrait presque à regretter leur moment près du buffet. Heather a décrété vouloir utiliser tous les moyens les fourbes et les plus discrets pour se venger de ce qu’elle a pu lui faire subir - la pilule n’est donc vraiment pas passée. Primrose ne devrait pas être si surprise et pourtant, cela ne l’empêche pas de l’être quand même. Elle roule légèrement des yeux quand elle sous-entend que la spécialiste, c’est elle. “Oui, je suis une affreuse personne, on me l'a déjà fait comprendre.” Sans aucun amour propre, qui ne peut pas se respecter elle-même, qui n’a jamais été digne de fouler le même monde qu’Heather Harris. Si l’actrice continue, la jolie brune risque de prendre de la voix et le ton réservé ne sera plus si jamais elle la pousse dans ses retranchements. Elle est certes calme et maîtrisée mais cette situation ne l’enchante pas plus qu’à elle et même si elle est en tort, ce n’est pas une raison qui justifiera qu’elle continue à se faire marcher sur les pieds.

Une amie d’Heather la suit et Primrose grimace en montant son verre à ses lèvres. Le monde est incroyablement petit, celui des réseaux sociaux encore plus ; elle n’est pas étonnée mais plutôt dégoûtée. De toute façon, tout ce qui se passe sur son instagram est réel ; elle possède bien les pièces qu’elle y expose et elle est la créatrice des compositions qu’il y a. Son autre talent caché est simplement de masquer la réalité, les fonds et les paysages bien plus idylliques qu’ils ne le sont réellement. “Crois les photos que tu vois ou non, je m’en fiche. Je ne mens ni sur ce qui compose ma garde robe ni mes créations. J’édulcore un peu la réalité mais ce n’est pas le principe même des réseaux ?” Après tout, chacun y montre ce qu’on veut que le monde pense qu’on est. C’est le même principe pour la brunette qui au final se demande pourquoi elle se justifie ; elle n’en a pas besoin et certainement devant Heather. “Ton meilleur ami ? Mmh, ça doit être pour ça que je l’ai jamais entendu t’évoquer, alors.” Si elle veut jouer à ça, Primrose peut aussi la piquer dans l’autre sens, sa patience s’éteignant un peu plus au fur et à mesure.

Aux dernières paroles de l’actrice, autant dire que c’est la dégringolade d’émotions. Le fameux rejet, le sentiment de n’être qu’une moins que rien, insignifiante, jamais à la hauteur de personne, indigne à en croire les paroles d’Heather. Là, la jolie Anderson sent que le point de non retour est atteint et ça la touche beaucoup trop pour ne pas laisser ses émotions l’envahir et prendre le contrôle. Elle pourrait prendre s’effondrer en larmes mais il est hors de question ; la coke semble la retenir dans ce sens et c’est tant mieux. Non, à la place, elle sert son verre entre ses doigts tout en regardant l’actrice en biais. “Je sais que j’ai mal agi dans le passé, Heather, que j’ai eu un cruel manque de jugement mais ça ne te donne aucun droit d’être aussi cruelle. Ma vie n’est peut-être pas à la hauteur de la tienne mais ça reste ma vie quand même et t’es absolument personne pour la juger.” Elle aussi n’est rien. Elle n’a été qu’un fantasme passager, un semblant de rêve, un idéal imagé. Mais l’actrice est juste affreuse ce soir et le regard dur ainsi que ses mots tranchants de Primrose n’y changeront sûrement rien du tout. “L’alcool ne te réussit vraiment pas, Heather.” qu’elle finit par conclure avant de détourner son attention sur le groupe de filles qui danse. Elle devrait bouger, sortir s’aérer mais il faut croire que la curiosité de la réponse est suffisante pour la faire rester. Masochiste, vous avez dit ?

“C’est bien au moins tu le reconnais toi-même.” Il n’y a pas à le reconnaître ; Primrose n’a jamais prétendu le contraire en premier lieu. Elle vit avec ses remords et ses culpabilités jour après jour, elle porte le fardeau de ses choix hasardeux et terribles sur ses minces épaules mais pour autant, elle n’en crache pas son venin sur la terre entière. Elle est pudique, elle est renfermée, elle se tait, elle se noit dans le silence car comme ça, au moins, personne ne peut venir la blâmer de vouloir dire des grossièretés, une rebellion qui ne lui irait pas et qu’elle sera incapable d’assumer. Elle n’est pas parfaite, loin de là. Caleb s’en rapproche dangereusement. Ses sœurs le sont certainement plus proches qu’elle. Mais elle, la brune aux teintes pâles et laiteuses, elle est le vilain petit canard. Elle a les reproches de sa mère qui se lamente de voir sa fille désespérement seule, qui s’inquiète qu’elle ne mange pas assez, qui lui demande sans arrêt si elle a quelqu’un. Elle ne demande jamais si le boulot lui convient, maman. Elle ne se questionne jamais sur la relative distance que sa fille creuse un peu plus entre elle et ses géniteurs, volontairement, pitoyablement, honteusement. Brisbane était synonyme d’indépendance mais au final, Anderson s’est pris les pieds dans des spirales infernales. Et à Los Angeles aussi. Heather est bien là pour le lui rappeler. Le problème n’est pas le lieu ; le problème est la personne. Et c’est dur de réaliser que changer d’endroit n’aide en rien ; que c’est son esprit qui a besoin d’être remis en place, et non la terre. Alors Primrose ne dit rien, elle laisse couler ; inutile de monter des armes factices quand elle se sait en faute. Heather ne lâchera rien et l’intérieur décuplé par l’alcool ne va certainement pas aider en la faveur de la brunette. Choix de prudence que de se muer dans le silence. Cela ne sert à rien de rajouter des reproches à ceux déjà cumulés, même si cela ferait énormément plaisir à Heather de pouvoir continuer, elle en est persuadée.

“Oh non je n’ai jamais dit que je ne croyais pas ce que tu mettais dessus. Effectivement on enjolive notre vie sur les réseaux sociaux mais je sais que tu as un métier qui te permet d’acheter tout ce que tu montres.” Primrose hausse les épaules, ne prenant qu’à peine compte sur clin d’oeil de l’actrice car ses yeux sont tournés vers le groupe au milieu de la pièce qui continue à danser et qui ne voit rien de ce qu’il se passe ; tant mieux, Primrose - Poppy - préfère que ça reste comme ça. “Effectivement, autant en tirer profit.” et cela sera la seule réponse qu’elle lui fournira, à l’anglaise. Elle ne se plaindra pas à quel point c’est dégradant, elle ne dévoilera pas les marques qu’elle a pu avoir, aussi bien extérieur qu’intérieur. Non, Primrose se contente de croiser les bras contre elle et de ne pas donner l’opportunité à Heather de la noyer d’un coup de savate dans l’eau la plus proche. “Je préfère être la meilleure amie dont il ne parle jamais que la sœur qu’il n’a jamais mentionné.” Et si je te dis que j’aurai préféré ne pas être sa sœur ? Elle se mord furieusement la joue pour ne pas laisser son amertume qu’elle ne devrait pas avoir dépassé son jugement ; c’est dans ce genre de situations que Primrose se rend compte qu’elle a un minimum de fierté et d’amour propre, assez pour être vexée malgré tout des propos de l’actrice, même si elle n’est pas surprise. “Je ne parle pas non plus de mon frère à tout va.” bien au contraire. Parfois, elle s’est déjà faite passer pour une enfant unique. Comme auprès d’Heather. C’est bien plus simple que d’assumer qu’eux sont bien, qu’eux réussissent et qu’elle, elle est la roue branquebalant qui fait tout capoter.

“Tu as surement raison mais quand tu es à une soirée qui est censée célébrer l’amour et que tu tombes sur la personne qui t’as tellement brisé le cœur, que tu as arrêté d’y croire… Excuse-moi de ne pas vouloir t’accueillir avec une grosse accolade.” Primrose a sûrement manqué des chapitres et c’est en cela qu’elle se mord la langue avec autant de ferveur ; garder le contrôle pour ne pas exploser en plein vol, le manque de sa drogue qui commence à se faire (déjà) sentir. “Ce n’est pas une raison pour me faire sentir plus misérable. J’ai pas besoin de toi pour ça. Tu joues les petites américaines parfaites pour avoir la vie de rêve donc je me passerai bien de tes jugements.” Primrose peut s’applatir mais Primrose ne la laissera pas être méchante envers elle ; elle a déjà Alex et son mordant à supporter, il est hors de question qu’Heather s’invite à la partie aussi. “Si tu ne veux pas me voir, tu peux aller ailleurs. L’endroit est assez grand pour que tu puisses m’éviter. Rien ne t’oblige à rester sur ce canapé. A part le poids de ton égo, sûrement.” et ça, c’est quelque chose dont elle se mord d’avance la lèvre. Tant pis, c’est la vérité. Même Heather ne pourra le nier.