Viva Las Vegas turnin' day into nighttime

  @Ugo De Luca

Mes paupières se relèvent, puis se referment, cédant sous le poids de cette barre qui instantanément est venue se loger dans le haut de ma tête. Cette douleur me fait grimacer, ayant bien du mal à deviner sa provenance de si bon matin. Quelques secondes avant de réitérer l'expérience, le reste du corps restant parfaitement immobile dans ce lit. Un décor qui ne me semble pas si familier et qui pourrait presque me faire flipper. Je puise dans mes souvenirs, parvenant à me rappeler que cette moquette beige n'est autre que celle de cette chambre d'hôtel, dans laquelle je loge durant mon séjour à Vegas. C'est déjà un bon début. Il y a pourtant un vêtement qui jauge sur le sol et qui devient une énigme à lui seul. Un tissu bien loin de l'élégance que cette robe qu'il me semble avoir emporté dans ma valise. Des froufrous à m'en donner la nausée. Je l'observe plusieurs instants, cherchant à en deviner sa provenance. Puis, comme une soudaine illumination, j'ai des images qui me reviennent en tête. Des images bien précises, mêlant cet ami qui fait parti du voyage. Tournée vers l'extrémité du lit, mon bras s'étend finalement, découvrant du bout de la main, le corps chaud et nu de ce dernier dans mon propre lit. Fini le réveil en douceur, c'est la stupéfaction qui s'empare de moi, éveillant mon corps comme une sorte d'électrochoc. J'ai couché avec Ugo. Si cela pourrait suffire à me convaincre que ce voyage fût à son apogée de mon exubérance, je suis pourtant complètement paniquée, en proie à des doutes qui pourraient provoquer la chute de mon monde. Ni une ni deux, je m'extirpe le plus silencieusement possible des draps, cherchant à ne pas réveiller le grand brun à mes côtés alors que je me dirige jusque dans la salle de bains. Ca tangue, bien trop fort, et l'impression qu'on me martèle le crâne se fait d'autant plus forte maintenant que je me tiens debout. Je ferme la porte, et me place devant cette dernière, profitant de ce moment de solitude qui m'est offert pour rassembler mes idées, mais surtout faire appel à mes souvenirs. Je croise mon reflet dans le miroir qui se dresse face à moi, l'occasion de constater les dégâts d'une soirée bien trop alcoolisée, alors que persiste ce goût hargneux dans ma bouche. Dépitée et barbouillée, je me passe une main sur le visage, découvrant sur celle-ci la présence d'une bague en plastique, digne d'un jouet acheté dans un distributeur pour enfant. Bon sang, je vais vomir. Je me précipite vers les toilettes, ayant à peine le temps de relever la cuvette. Je me suis mariée! Une constatation qui suffit à relancer de plus belles les hostilités au sein de cette pièce plutôt moderne et à la décoration soignée.

Viva Las Vegas turnin' day into nighttime

  @Savannah Williams
gif amanitacaplan

Las Vegas. 14 février 2024.

Ugo est allongé sur le ventre, joue dorée par le soleil qui a trouvé un chemin entre les rideaux de cette chambre d’hôtel. Dans cette position, il est à son aise. Il est dans une espèce de cocon confortable et rien ne semble pouvoir le perturber. Quand on zoome sur son visage, on pourrait même y voir un sourire. La soirée a été bonne apparemment et sa tenue d’Adam ne peut pas nous contredire. Quand il ouvre un œil, c’est parce qu’il y a du mouvement à côté de lui. Cependant, il ne bouge pas encore. Il est au ralenti. Heureux mais au ralenti. Ses paupières s’ouvrent et le rayon de soleil apaisant et rassurant devient soudainement une attaque du Ciel. Un juron prononcé dans sa langue natale et il se retourne pour lui tourner le dos et apercevoir le lit vide. Savannah. Il a passé la nuit avec Savannah, c’est vrai. Une main se passe dans ses cheveux non pas pour remettre en place sa crinière mais pour la maintenir en place, cette tête devenue trop lourde. De position allongée, il se met en position assise. Progressivement. A ses pieds, une drôle de tenue … il penche la tête sur le côté et tire le bras pour finalement saisir ce morceau de tissu qui ressemble davantage à un objet de carnaval. Du bout des doigts, il le place devant lui en s’imaginant Savannah le porter.

Une claque en pleine tête. C’est l’effet du souvenir. Il la voit devant lui dans cette tenue. Son sourire adorable. Son rire rassurant. Et il se voit la prendre dans ses bras tout en déposant des baisers bien trop prometteurs dans son cou alors qu’elle enroule ses bras autour de son cou. Il secoue la tête pour finalement reposer le morceau de tissu sur le sol. Le géant se lève du lit. La tête tourne trop vite. Il grimace. La main est toujours posée sur sa tempe alors qu’il marche doucement, très doucement, se fraie un chemin entre les vêtements dispersés sur le sol.

« Sav’. Sav’. », qu’il dit en frappant à la porte de salle de bain, uniquement deux fois car il en a mal au crâne … mais surtout parce que sa main gauche est différente. Différente ? Il a une bague élastique idiote sur l’annulaire … Son cœur s’arrête. Son regard fixe cette idiotie. Et, il se revoit un genou au sol, en train de lui passer la bague au doigt. Il se revoit en train de lui dire que c’est un voyage dans le temps, en rigolant. Rire ? Vraiment ? Est-ce que les mariages à Vegas étaient valides ? Il entend alors la jeune femme vomir … et c’est sans doute la réaction la plus juste à un tel réveil.

Alors, il retrouve place sur le bord du lit avant de se laisser tomber en arrière.

« Il faut que j’appelle le room service. »

Idée de génie. Prendre un petit déjeuner complet. C’est plutôt une bonne idée pour commencer la journée, non ?

Viva Las Vegas turnin' day into nighttime

  @Ugo De Luca

Ce qui aurait pu s'apparenter à un rêve complètement fou prend vie dans cette pièce qui paraît tournoyer autour de moi, comme si je me trouvais sur un navire en pleine tempête, alors que cette chambre semble avoir été témoin d'une certaine forme de décadence.  Des morceaux de cette soirée, de laquelle il m'était impossible de me souvenir les premières secondes où mes paupières se sont ouvertes, me reviennent. Une étrange sensation. Celle d'avoir été spectatrice de toutes les aberrations possibles dont je peux être capable. Cette folie n'a rien d'inédit, je ne suis pas tellement connu pour être un petit être innocent et pur déposé sur la terre pour propager un vent de sagesse absolu.  Cependant, les effets de l'ivresse m'ont véritablement poussé dans le vice, m'enlevant toute conscience et état d'esprit. J'ai couché avec Ugo. Une pensée qui aurait pu être acceptable dans d'autres circonstances, à la seule différence, c'est que ce rapprochement résulte d'un lâcher prise extrême lié à une forte consommation d'alcool, d'une envie extrême de s'emparer de l'autre, après des années où tout ça nous avait été impossible. Une pulsion sexuelle, un instinct presque animal, que de saisir ma proie quoiqu'il advienne, mettant à bas la frustration d'avoir dû attendre si longtemps pour le faire. Il vient de divorcer, subit probablement encore à ce jour l'effet déroutant et peu agréable qu'entraîne la fin d'une longue relation, et moi, je me suis littéralement jeté dessus sans me soucier un seul instant des répercussions qu'il pourrait y avoir ensuite. Je suis une traînée. Ma mère va probablement me renier si elle vient à l'apprendre, et Auden…Je n'ose imaginer un instant la réaction démesurée qu'il pourrait avoir. Son meilleur ami, posant les mains sur sa petite soeur, avec toute la perversité que ça inclut. Je pourrais très bien prétendre qu'il s'agisse d'une erreur, même pour moi même. Malheureusement, la fréquence de l'acte sur une nuit dépasse sans aucun doute le simple malentendu.

Trop tard pour m'apitoyer, je n'ai d'autres choix que de devoir affronter la réalité. Seulement, dans celle-ci, il n'était pas encore question de bague de mariage en plastique. Ma vision me joue des tours alors que je tends la main pour m'assurer que le reflet de mon miroir n'est rien d'autre qu'un monde parallèle dans lequel on cherche à me jouer des tours pour me faire payer ma désinhibition de la veille. Mais non, elle est là, plus colorée que jamais, plus ridicule que jamais. Je me suis mariée avec Ugo au beau milieu de la nuit, et le seul témoignage d'affection qui reste ce matin est cette stupide bague qui va probablement me brûler l'annuaire après plusieurs heures par sa matière.« Sav’. Sav’. » Sa voix, reconnaissable depuis l'autre côté de la porte, est bien trop réelle. Je me précipite, me retrouvant bien vite là tête au-dessus des toilettes, afin d'extirper le démon qui somnole en moi. Un réflexe corporel qui devrait suffire à me soulager, mais qui n'enlève rien à cet état pitoyable dans lequel je me trouve. Mon bras s'appuie sur l'abattant, mon visage enfoui dans le creux de celui-ci, me foutant bien des nombreuses règles d'hygiène qui régissent ma vie à cet instant précis. Je me suis mariée. Je peux désormais contracter une quelconque infection, ça sera toujours mieux que de devoir assumer ma stupidité légendaire. En attendant, l'effet ne sera probablement pas immédiat, alors…« Il faut que j’appelle le room service. » J'ouvre la porte de la salle de bains, enroulée d'une serviette, ayant trouvé le courage de ne pas rester enfermée dans cette pièce jusqu'à la fin de ma vie, et retrouve rapidement la silhouette du jeune marié allongé sur une partie du lit, les pieds dans le vide. "J't'en supplie, ne mentionne pas un quelconque petit dej'" Ce simple mot suffit presque à relancer les hostilités. Mon regard se baisse sur cette charmante robe oubliée sur le sol. Celle qui n'est pas la mienne, mais qui à cet instant précis me revient en mémoire. J'ai troqué une robe de luxe pour ce bout de tissu bas de gamme d'une boutique de souvenirs. "Si j'dois me marier, je dois le faire dans une jolie robe blanche immaculée" C'est exactement ce que je lui ai dis en l'emportant dans la cabine d'essayage. Pour le blanc immaculé, on y repassera. Une chose est sûre, elle mêle mauvais goût et dépravation de façon certaine. L'air blasé qui illumine mon visage pétillant de cette douce matinée se détourne pour croiser son regard. "On s'est mariés" J'ai besoin de le dire à voix haute. Besoin de m'entendre dire silencieusement combien je peux me comporter comme une abrutie inconsciente. Je m'avance, venant finalement m'allonger à ses côtés, les mains liées sur mon ventre, les yeux perdus sur ce plafond quelques secondes, avant d'oser tourner le visage pour croiser les siens

Viva Las Vegas turnin' day into nighttime

  @Savannah Williams
gif amanitacaplan

Las Vegas. 14 février 2024.

Il relève la tête légèrement quand il la voit apparaître de nouveau dans la chambre et prendre place à côté de lui. « J't'en supplie, ne mentionne pas un quelconque petit dej' » Il laisse échapper un léger éclat de rire qui lui donne néanmoins mal au crâne et le contraint à se taire, venant plaquer une main contre son crâne. Donc apparemment rire cause des nausées et des migraines, c'est génial. Le regard retrouve le plafond qu’il se met à fixer avant de finalement retrouver le regard de Savannah quand elle finit par lâcher : « On s'est mariés » Un soupir s’échappe de ses lèvres alors qu’il acquiesce d’un signe de tête. Ils se sont mariés et il n’aucune idée du comment, du pourquoi, … ou plutôt, il ne veut pas les entendre ces raisons. C’est tout simplement de la folie pure et dure. « Apparemment. On a fait et rempli le moindre des clichés de Las Vegas. Bravo! », dit-il avec ironie, de cette voix rieuse parce qu’il essaie de dédramatiser la situation qui est pourtant bel et bien dramatique.

Un silence s’installe entre eux. Un court silence au cours duquel ils doivent être en train d’essayer de refaire le suivi de leur soirée … « Après, ça aurait pu être pire … », il tourne la tête vers elle, « tu aurais pu te réveiller dans la chambre d’un inconnu, marié avec un abruti … tu as, au moins, chopé le gros lot … malgré l’alcool … » Un sourire idiot et complice prend place sur ses lèvres et son coeur rate un battement en s’imaginant ce que devrait représenter le premier jour d’une union avec Savannah. Ils étaient loin du matin idéalisé. « En plus, » sa main vient s’enrouler autour de son poignet pour relever sa main et admirer le bout de plastique qui lui sert d’alliance. Ses lèvres s’étirent, « je suis un vrai gentleman. » Il lâche un soupir étouffé par un juron prononcé dans sa langue natale.

« J’ai soif —- faut que je boive un truc … de l’eau … », il se redresse brusquement - trop puisqu’il vient poser une main sur sa tempe - et se retrouve en position assise sur le bord de ce lit.