I just wanna make you smile

Savannah Williams & @Ugo De Luca

“Pourquoi j’peux pas venir avec toi?” J’observe Mathis depuis le rétroviseur central, le pied appuyé sur la pédale de frein. “Tu sais pourquoi..C’est le moment à papa, et j’suis sûre que tu vas t’éclater, il a prévu une superbe balade à vélo. Et j’suis persuadée qu’en forçant un peu, tu parviendras à le convaincre de te payer une glace en chemin.” La moue boudeuse du petit garçon est perceptible, visiblement peu enthousiaste par l’idée, alors que je sais combien il aime passer du temps avec son père, particulièrement dévoué pour son fils. Mais pas aujourd’hui. “J’voulais voir mamie moi” Un tendre sourire s’empare de moi, touchée qu’il puisse garder ce lien particulier avec celle qui l’aura accompagné dès ses premiers instants sur cette Terre, lorsque moi je n’étais pas en mesure de le faire. Le feu passe au vert, me poussant à accélérer alors que je tente de lui apporter un peu de réconfort en détournant le problème. “Tu sais quoi, la prochaine fois, elle viendra à la maison, et on f’ra une super fête, avec des bonnes gaufres” Les bras croisés, il finit par se montrer plus intéressé par ma proposition “Avec du chocolat?” me demande-t-il avec une pointe d’espièglerie, comme si ce simple détail parviendrait à tout faire basculer. “Tu plaisantes?! Avec pleiiiin de chocolat!” Je le vois, chercher à dissimuler ce sourire en se pinçant les lèvres fermement, en vain. Et ça me fait fondre “Et plein de chantilly aussi!” Il lâche un rictus face au côté théâtral que je lui offre par mon attitude. La voiture vient s’immobiliser sur le bas côté de la route, alors qu’il détache sa ceinture, s’approchant de mon siège pour annoncer avec entrain “T’es la meilleure” Je pivote légèrement sur mon siège. “C’est parce que j’ai le meilleur garçon du monde ça” Son rire qui fait écho dans mes oreilles, un son dont je ne me lasserais décidément jamais. “Bisou esquimaux” Son nez vient se frotter contre le mien tendrement, avant que je dépose mes lèvres sur le bout de ce dernier pour un baiser volé. Et il s’échappe, me laissant à peine le temps de pouvoir lui avouer  toute la sensibilité que j’éprouve sur le moment “Je t’aime mon coeur”. La portière claque dans un bruit sourd. Mais je parviens à deviner un “Moi aussi”, qu’il accompagne par un signe de la main, avant de remonter les marches du péron pour rejoindre son père, qui l’attend impatiemment devant la porte d’entrée. La main sur le volant, le regard figé sur la scène, j’ai toujours cette sensation étrange en moi. Ce pincement au coeur à l’idée de devoir passer quelques jours sans lui. Un sentiment que je ne parviendrais jamais à appréhender j’imagine, mais que je me dois d’accepter silencieusement.

Je passe la porte de l’appartement, qui est bien loin de l’immense demeure dans laquelle ma mère a pu passer le plus clair de sa vie. “Les secours sont là!” m’écriais-je dans le but de l’amener jusqu’à moi. J’observe la pièce, comme si tout ce que je pourrais y trouver parviendrait à me conforter dans l’idée qu’elle aille bien. La disparition de mon père deux ans auparavant a été compliquée, mais d’autant plus pour cette femme, qui aura continuer à l’aimer, même lorsque sa maladie le poussait à se montrer particulièrement ignoble avec elle. Et c’est dans une décoration presque oubliée que je trouve ma réponse, comme si elle peinait à s’y retrouver sans lui. Comme si elle n’était plus véritable…elle. “Savannah…” Mon prénom s'élève avec douceur jusqu’à moi alors qu’elle vient m’enlacer tendrement, veillant à transmettre par cette simple étreinte la joie de pouvoir me retrouver. “J’suis contente de te voir…” répliquai-je en fermant quelques secondes les paupières. Je me redresse finalement. “Auden n’est pas encore arrivé?” Une constatation qui se confirme. “J’suis surprise, souvent, c’est moi qui suis en retard”. Quelques minutes, avant que quelques coups donnés sur la porte d’entrée attire mon attention. “J’y vais” annonçais-je, laissant ma mère vaquer à ses occupations pour accueillir le vilain petit canard. J’ouvre, avec un certain entrain, puis me retrouve soudainement figé en découvrant un visage familier, mais qui n’est définitivement pas celui de mon frère. Un “Oh” que je parviens à intérioriser, alors que je reste pourtant parfaitement immobile, un air surprit sur le visage. Je n’étais pas prête à le retrouver, pas ici, pas dans ce contexte. Je songe un instant à cette tenue peu élégante que je porte, un legging noir, une paire de basket et un vieux tee-shirt tâché par de vieilles traces de peinture, ce qui est loin de gonfler mon potentiel beauté, dont je ne devrais pourtant pas me soucier. Ugo, c’est le garçon qui s’est moqué de mon appareil dentaire à notre première rencontre alors que je n’étais qu’une adolescente paumée dans son estime de soi. Celui qui a gagné l’amitié de Auden depuis bien longtemps, et qui est parvenu à se faire une place au sein de la famille Williams par ses bonnes manières - pas auprès de moi - et sa bonne humeur. Il a participé à de nombreux repas ou moments forts, anniversaires, mariage, et plus récemment l’enterrement de mon père. Il reste aussi l’homme avec lequel j’ai partagé un baiser plus de quinze ans auparavant au beau milieu de la cuisine de mes parents. Un baiser que je ne parviens toujours pas à expliquer, à déterminer. Il m’a semble t-il méprisé depuis le premier jour, brisant l’image du mec parfait dont j’aurais pu parfaitement tomber amoureuse par un simple sourire, avec toute ma naïveté de l’époque, malgré qu’il était plus âgé. Mais il a suffit qu’il m’adresse la parole pour que je comprenne qu’il était l’ami de Auden -un fait qui aurait dû prendre tout son sens- et qu’il avait lui aussi hérité de cette capacité à pouvoir me rendre dingue en se montrant agaçant et taquin. Chaque fois que nous nous croisions, c’était un enchaînement de répliques. Il voulait me faire sortir de mes gonds, et y arriver malgré tous mes efforts pour ne pas y céder. Puis il y a eu le départ de Auden pour l'Australie, et les choses ont semble t-il…changées. Ce départ nous a amené à nous rapprocher, un moyen de se réconforter l’un et l’autre de cette absence qui mine de rien devait peser, et que nous voulions inconsciemment combler. Nous y étions arrivés, pouvant presque prétendre à une certaine amitié. Mais ce baiser, lui, était venu perturber toutes nos convictions et créer le chaos. Je n’avais eu de cesse que de le nier, croyant fortement à une sorte d’impulsivité du moment. Chose qui s’était confirmée dès lors qu’il avait prit le soin d’annoncer à la famille Williams son envie de retrouver son grand copain, sans avoir daigné échanger avec moi de l’incident. De quoi confirmer mes doutes. Il était comme Auden, et se comportait comme le plus grand des crétins quand il le voulait. “Auden nous a envoyé sa caricature.” Est-ce un vieux mécanisme qui s'enclenche ou cette vieille colère jamais avouée qui me pousse à me montrer si peu chaleureuse face à de nouvelles retrouvailles. Je ne sais pas, ce que je sais, c’est que cette fois-ci, il n’y aura pas grand monde pour apaiser nos chamailleries. J’ouvre un peu plus la porte, un faux air las pour lui permettre d’entrer. “J’suis surprise, ta femme t’a signé une autorisation de sortie pour que tu puisses venir?” demandais-je en lui passant devant. Il y a des choses qui ne changeront visiblement jamais. Au plus grand damn dee ma mère qui me rappelle à l’ordre en soupirant. “Savannah…” Je fronce les sourcils, feignant l’indifférent. “Quoi? j’lui dis juste bonjour” lâchais-je en souriant pour enlever ce petit côté démoniaque qui s’empare naturellement de moi. Une réflexion pour lui faire remarquer qu’il se fait bien discret dans la famille contrairement à toutes les fois où nous pouvions le voir avant? Ou peut-être était-je seulement la seule qu’il s’avérait à éviter….

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Savannah Williams & @Ugo De Luca

Je ne sais pas si je peux prétendre être la bricoleuse idéale, mais cette indépendance, souvent contrainte, il faut l’avouer, m’a souvent poussé à devoir me débrouiller par mes propres moyens. La réussite n’a pas toujours été à la clé, mais j’avais au moins le mérite d’avoir essayé…et de savoir me servir d’un marteau ainsi que d’un rouleau de peinture! L’idée de devoir m’y atteler avec l’un des enfants Williams inclut déjà un sacré handicap. Qu’importe nos compétences dans le domaine, cela terminera certainement dans de grands désaccords, un ton dédaigneux de toute part, et peut-être même un abandon de l’un des protagonistes. Une probabilité qui se voit tripler face à l’acolyte en question, ce cher Auden. La mauvaise foi, une caractéristique dont nous avions tous les deux hérité et qui allait rendre cet instant de partage particulièrement électrique, tout comme lorsque nous nous attelions à devoir jouer ensemble à un jeu de société en étant enfant. Devoir partager ce moment avec lui, si l’on en oublie la mission de départ, signifie aussi devoir évoquer nos vies privées, et cette phase est de celle qui m’inquiète le plus. Au-delà des mots, qui sont presque maladroits, balancés à la volée, ou passer sous silence d’en peur d’en dire trop, il y a cet échange de regard, qui pour ma part, me trahit à tous les coups. Il me connaît. Bien trop pour que mes yeux bleus ne viennent à rester innocents. Comme si le simple fait de croiser son regard pouvait lui donner ce pouvoir magique de lire en moi, et les choses à découvrir ne sont généralement pas à la hauteur de ce qu’il peut attendre de sa cadette.  Alors il cherchera à soutirer quelques infos, à deviner au travers de légères moues faciales dans un moment de faiblesse, mais je trouverais encore le moyen d’être évasive, ayant bien compris par toutes ces années d’expérience combien ma vie personnelle et ma vie familiale ne devait pas être liée. J’en viens d’ailleurs à regretter la présence de Mathis qui aura à coup sûr, amené toutes les diversions possibles pour mener à bien le projet de percer à jour mon quotidien…Ou au contraire, ce dernier se serait chargé de me balancer.

Heureusement pour moi, ou pas, ce n’est pas ce cher Auden qui se trouve devant la porte, mais son vieil ami. Figure emblématique, quand bien même il ne porte pas le nom Williams, il est souvent considéré comme tel. Et si on considère cette terrible énergie qui réside dans les rapports qu’il mène avec chacun de nous, on peut dire qu’il a définitivement le profil pour le devenir. C’est cependant notre lien à tous les deux qui est parfaitement incompréhensible. On a donné l’impression de se détester la plupart du temps, et pourtant, il n’était pas rare de nous retrouver à traîner ensemble, sans même oser y songer. J’aurais pu prétendre qu’il était alors devenu mon ami, mais ce baiser qu’il m’a presque volé, sans que je n’ai eu la présence d’esprit de le repousser durant ces quelques secondes de perdition, est venu contredire toutes mes convictions. Les années ont passées, et malgré une maturité largement acquise, si l’on tente de rester objectif sur le sujet, nous donnons toujours l’impression de ne pas avoir changé. Cet homme farceur, charmeur et provocant est devenu un homme accompli, qui mène la vie de famille que je ne suis jamais parvenu à atteindre, papa deux deux enfants dont j’entends parfois parler lors des discussions familiales. J’en serais presque devenue jalouse, enviant largement cette réussite sur tous les plans, alors que moi, je restais laissée pour compte chaque fois que j’osais y croire. Il me toise dès les premières secondes, me donnant l’abominable impression de ne pas être à la hauteur de son élégance par mon accoutrement, et je peste presque intérieurement qu’il gagne cette première bataille. Fort heureusement, s’il y a bien une chose dans laquelle j’excelle, c’est un besoin d’employer les mots pour le poignarder en plein coeur, cherchant encore du haut de mes trente-trois ans à trouver sa petite corde sensible. « Moi aussi je suis ravi de te voir, polpetta », Je lui lance un regard noir, ayant preque oubliant ce surnom débile qui a toujours eu le don de m’agacer, et dont l’écho s’était fait bien plus rares ces derniers temps, puisque nos rencontres l’étaient tout autant. A y chercher, je suis pourtant incapable de me rappeler de l’annecdote qui l’avait poussé à m’appeler ainsi, une chose est sûre, il avait su déceler dès sa première utilisation combien il m’était insupportable. « J’suis surprise, ta femme t’a signé une autorisation de sortie pour que tu puisses venir ? » Intérieurement, je jubile de cette réplique, qui notifie à elle-celle toute la perversité de mon esprit. Un fond de vérité qui ne manquera pas de le faire tilter, il faut dire que monsieur parfait se fait plutôt discret depuis qu’il est rentré dans les rangs. Sa réaction me fait sourire, satisfaite qu’il reconnaisse combien je pouvais me montrer factieuse. Malheureusement, ce moment de reconnaissance ne trouve grâce chez ma mère, qui est forcée de me rappeler à l’ordre, comme si je n’étais encore qu’une pauvre enfin à qui l’on pouvait encore peaufiner l’éducation. “Quoi ? J’lui dis juste bonjour.” Est-elle pour autant surprise? Pas le moins du monde apparemment, alors qu’elle cherche à effacer toutes mes impolitesses par un vent de bienveillance et de reconnaissance. « Oh non pas la peine de la reprendre, tu sais tout comme moi que c’est sa manière de me saluer et de dire combien elle est ravie que je sois de la partie. » Elle sourit, presque soulagée qu’il ne m’en tienne pas rigueur, alors que de mon côté je roule les yeux face à l’absurdité de cette scène. « T’es pas censée être accompagnée d’un prince charmant ? Pas disponible pour aider la meilleure ? » Damn it. Il vise le centre de la cible sans même que je n’ai eu le temps de le voir arriver. Pourquoi cette simple question sonne-t-elle comme un moyen de m’abattre? Parce que le prince charmant ne partage désormais plus ma vie, et que me rappeler de façon si ouverte face à ma mère est clairement la pire chose qu’il pouvait arriver. Comme tous les autres, Il n’en sait pourtant rien. Il a certainement été témoin de quelques apparitions subtiles de ce couple que je formais encore quelques mois auparavant, notamment lorsque mon père a été enterré, mais il a aussi certainement été le confident idéal d’Auden qui a toujours manifesté une certaine animosité envers celui qui est devenu mon ex. Fort heureusement, il n’attend pas ma réponse pour se manifester à nouveau. « J’suis pas accompagnée de la meilleure des aides mais on va s’en sortir, je crois. C’est quoi le projet alors ? » Je relève les sourcils, attendant bras croisés contre ma poitrine, les volontés de la doyenne avec une certaine lassitude. “Il faut juste mettre un coup de peinture dans ma chambre, et accrocher deux trois trucs au mur…” lance t-elle avant de reprendre, mais de façon plus ciblée auprès de Ugo. “Oh, et j’ai un problème avec le robinet dans la salle de bains, tu pourrais jeter un coup d’oeil?” Elle sait y faire, ce sourire qu’elle arbore ressemble à un piège que je mets souvent moi même en place pour me garantir d’obtenir ce que je veux. Le charme Williams. Je lâche pourtant un rire, qui suscite sans plus attendre une certaine perplexité chez les deux individus. Je tente de le dissimuler derrière ma main, souriant pourtant de toutes mes dents face à ce qui ressemble à une plaisanterie. “Sérieusement?” Je relève les sourcils, ayant l’impression que l’évidence n’est valable que de mon côté “Tu vas lui demander de se servir d’une clé à molette ou d’un truc du genre? Tu t’souviens pas que c’est lui qui a trouvé l’idée de boucher le trou du mur que Auden avait fait dans sa chambre en glissant un cadre devant?” Un air quelque peu moqueur, alors que je me souviens parfaitement qu’Auden n’avait pas manqué de se dédouaner en accusant son compère pour cette astuce, qui avait pourtant permis de dissimuler ses propres conneries. “Vous pensez que j’peux vous laisser seul tous les deux? Vous allez savoir vous tenir?” Elle nous connaissait trop bien. Mon regard amusé croise pourtant celui du jeune homme, cherchant à deviner à quelle intensité allais-je devoir subir ses attaques aujourd’hui. “Vas y, t’en fais pas pour nous….Au pire, je chercherais sur google comment nettoyer du sang sans éveiller les soupçons.” Elle soupire, déjà fatiguée par tant d'exubérance.

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Les vieilles habitudes reviennent, bien assez vite. Comme si rien avait changé, comme si l’âge adulte n’avait eu aucun effet sur notre puérilité de l’époque. Nous ressemblons à deux ados qu’il est presque impossible de canaliser. Un fait qui ne surprend pas tellement la mère de famille, elle soupire, tâche de me reprendre subtilement, mais sait déjà que c’est peine perdue. Nous aimons bien trop ça, et je dois reconnaître que derrière cette attitude pour le moins ingrate, et quelques signes d’agacement perceptibles sur mon visage, ça m’avait manqué. Il m’avait manqué, même si je m’évertuerais à nier cette abominable vérité au premier qui l'énoncerait, mais surtout à moi-même. L’incertitude d’une relation négligée, abandonnée durant toutes ces années, indique que je n’y ai rien à gagner. Un avis probablement partagé par le protagoniste en question. Ce moment que nous nous apprêtons à passer ensemble n’est cependant t-il par une sorte de parenthèse dont nous pouvions profiter, sachant pertinemment qu’elle amènera de nouveau à une forme d’indifférence dès lors que nous regagnerons notre quotidien? «Vous pensez que j’peux vous laisser seul tous les deux? Vous allez savoir vous tenir ? » Elle nous connaît assez pour savoir que nous n’allons nous contenter de quelques phrases bateaux, elle a déjà été témoin à de nombreuses reprises de nos échanges, comme la plupart des membres de la famille Williams, elle s’est sûrement persuadée avec les années que notre relation ne pourrait déboucher sur une grande amitié sincère et assumée, bien que nous l’avions pourtant touchée du doigt avant son départ de l’Italie. « Vas y, t’en fais pas pour nous….Au pire, je chercherais sur google comment nettoyer du sang sans éveiller les soupçons.» Toute perche tendue représente une tentation à laquelle je ne peux que me soumettre. «Tu vois. T’as pas à te faire de souci : Polpetta a absolument tout sous contrôle …» J’adresse un large sourire, le plus faux du monde afin de répondre à ce compliment qui, je le sais, n’en est pas un. Un air désabusé de celle qui se sent définitivement en décalage dans ces fameuses retrouvailles, et qui finit par disparaître de notre vue. Et c’est là, à cet instant précis que je prends conscience de l’étrangeté de la scène. Nous, livrés à nous même dans ce chaos, avec toutes les choses que cela implique. Un sentiment étrange en songeant que la dernière fois que nous avions pu connaître un moment d’intimité, nous nous étions perdus en chemin, jouant avec une limite normalement infranchissable. Les choses avaient cependant changées, les jeunes adultes que nous étions avaient évolués, de quoi laisser entrevoir une sorte de raison qui nous avait manquée à l’époque. Un léger silence s’installe face à la véracité de cette scène, nous n’étions pu forcés de prétendre que nous nous détestons à ce point, à qui s’en était persuadé. J’attrape quelques outils que ma mère a pris le soin de préparer «J’constate que tu t’es même armée de ta tenue de pro … ça donnerait presque l’impression que tu t’y connaisses … » Je m’approche de lui, relevant finalement les sourcils tout en plaquant ce que je tiens dans les mains contre son torse, afin qu’il prenne d’une certaine façon les devants. “Il y a encore beaucoup de chose que tu dois apprendre sur moi De Luca” Un air quelque peu sérieux alors que je lui passe devant pour rejoindre la chambre qui nécessite les fameux travaux. Une façon de lui rappeler qu’il ne me connaissait pas, ou du moins, il ne connaissait pas la nouvelle version de moi. J’étais devenue complexe, plus exigeante, plus inaccessible qu’à l’époque.

En poussant la porte, je découvre des murs blancs, qui dénotent toute l'impersonnalité de cette pièce. Je me tourne finalement vers lui, mains posées sur les hanches. «Prête à faire équipe avec le plus doué des hommes à tout faire ou est-ce que tu vas me planter un couteau dans le dos une fois que j’aurais le dos tourné ? » Une légère hésitation alors que mon bassin bascule sur chacune de mes jambes. «Juste pour que j’sois au courant de ce qui m’attend… » Je me pince finalement les lèvres, cherchant à le priver de mon amusement sur le moment. “J’sais pas… Faut que j’y réfléchisse. Je pourrais commencer par enfoncer un clou dans ta nuque, juste pour m’assurer que tu sois bien un humain capable de ressentir des émotions” Mes traits s’étirent sans que je ne quitte son regard, cherchant à le soumettre à cet humour pour le moins douteux. “Alors monsieur le plus doué des hommes…Par quoi commence t-on?” Je connaissais très bien les différentes étapes pour réaliser ce genre de chose, mais puisqu’il se vante régulièrement de ses compétences, autant m’assurer que je ne me retrouve pas avec un parfait amateur. Je retire l’emballage du rouleau de peinture, ajoutant finalement. “J’avais dans l’idée que tu faisais partie de ceux qui ne prenaient pas le temps de réaliser ce genre de chose eux-même. Le genre bien trop riche tu sais, qui préfère payer pour obtenir ce qu’il veut… Et râler ensuite pour toutes les malfaçons, avec toute l'arrogance que ça demande.” Mes traits s’étirent doucement, poursuivant bien malgré moi dans les taquineries. “J’peux savoir pourquoi c’est toi qui a répondu présent pour cette grande journée et non Auden? Ou est-ce un prétendu secret auquel je ne peux avoir accès, une sorte de pacte caché… ? Il t’a promis un joli p’tit chèque? Ou t’as voulu montrer que tu étais toujours le parfait petit garçon prêt à rendre service et faire bonne figure auprès de ma mère?” Je pouvais lui trouver beaucoup de défaut, il n’empêche que sa bienveillance légendaire envers les membres de notre famille m’avait souvent rendu admirative et reconnaissante.

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« Il y a encore beaucoup de choses que tu dois apprendre sur moi De Luca » Il connaissait pourtant mieux que personne une partie de mon fonctionnement. Il avait passé des années à tester ce caractère qui avait émergé à l'adolescence, à le forger aussi, en me poussant régulièrement dans mes retranchements. Nous nous étions adonnés à ce jeu puéril tellement de fois. Mais même si nous passions notre temps à taquiner l'autre, à chercher à le piquer, il n'avait jamais été question d'être méchant à travers des vérités difficiles à entendre, malgré que ma susceptibilité de l'époque n'avait pas été en mesure d'en prendre conscience parfois. Il avait pourtant pu déceler que derrière ce besoin permanent de provoquer, de jouer cette fille insolente, souvent sur la défensive, se dissimulait une sensibilité qu'il m'était souvent difficile d'exposer. Un fait qui n'avait pu lui échapper après le départ de Auden, c'est certainement ce qui nous avait poussé à baisser les armes momentanément pour combler cette déception, et surmonter la morosité de la situation ensemble. Aujourd'hui, les choses sont différentes, et je ne lui laisse pas un seul instant l'opportunité d'apercevoir un quelconque état de faiblesse de mon côté, ayant bien appris par le passé qu'il n’avait pas su s'en montrer digne par certains de ses agissements.

« J’sais pas … faut que j’y réfléchisse. Je pourrais commencer par enfoncer un clou dans ta nuque, juste pour m’assurer que tu sois bien un humain capable de ressentir des émotions » C'était diabolique, mais pour le moins amusant, preuve en est puisque lui aussi ne tarde pas à réagir avec légèreté alors que je suis pourtant dans la menace. « Outch ! Tu vois, j’ai des émotions, tu viens de me blesser. Bravo ! » Je plie les bras, repliant mes doigts pour former le poing avant de donner un coup de coude en arrière, pour marquer l’effet de victoire, avec une grimace de circonstances. « Alors monsieur le plus doué des hommes … Par quoi commence-t-on ? »Je sais exactement comment m'y prendre, mais j'ai tellement hâte de savoir s'il en est de même pour lui, juste pour avoir du contenu afin de pouvoir une fois de plus me moquer. « Oh mais c’est moi ou est-ce que j’entends une once de sarcasme dans ta voix ?! »Je fronce les sourcils, perplexe. «Du sarcasme? Qu'est ce que c'est qu'ça?» Un sourire vient souligner mes mots, ne cherchant même pas à jouer l'innocente. Alors que je déballe les différents outils jamais utilisés, je l'observe s'occuper de la peinture. Un vert sauge, qui apportera à coup sûr un peu de gaieté et de chaleur à cette pièce.« J’avais dans l’optique que tu faisais partie de ceux qui ne prenaient pas le temps de réaliser ce genre de chose soi-même. Le genre bien trop riche tu sais, qui préfère payer pour obtenir ce qu’il veut… Et râler ensuite pour toutes les malfaçons, avec toute l'arrogance que ça demande. J’peux savoir pourquoi c’est toi qui a répondu présent pour cette grande journée et non Auden ? Ou est-ce un prétendu secret auquel je ne peux avoir accès, une sorte de pacte caché… ? Il t’a promis un joli p’tit chèque ? Ou t’as voulu montrer que tu étais toujours le parfait petit garçon prêt à rendre service et faire bonne figure auprès de ma mère ? » Si mon arrogance paraît faire des merveilles à travers toutes ces répliques et insinuations que je débite depuis le début, j'empiète subtilement sur un sujet plus personnel en évoquant sa présence, qui vient pallier à l'absence de mon frère. Est ce que tout ça avait été comploté de part et d'autre? Ugo était-il au courant que je serais de la partie pour oser s’y risquer? Pour ma part, sachant que Ugo serait de la partie, je me serais empressée de trouver une excuse pour ne pas avoir à le confronter, pour autant, je dois reconnaître qu'à cet instant précis, j'apprécie de partager un moment avec lui…comme avant.« C’est vraiment comme ça que tu me voyais ? A mon tour alors de sortir la fameuse réplique : il y a encore beaucoup de choses que tu dois apprendre sur moi … Polpetta.» Je relève les sourcils, provocante avant de succomber à un délicieux rire face à une réplique dont je me suis moi-même emparée quelques instants plus tôt. Des préjugés que nous nous devions sûrement d'effacer. "Et bien je suis tout ouïe. Viens donc casser l'image "parfaite" que j'ai de toi" Une ironie des plus assumées par ce sourire qui l'accompagne. « Auden m’a expliqué que ta mère avait besoin d’un coup de main et ouais, il se trouve que je suis du genre à rendre service … gratuitement en plus, tu imagines !?» Je hoche successivement de la tête, une moue de la bouche qui dénote la stupéfaction ressentie par de tels aveux "Je vais finir par croire que les miracles existent "Non. Ma vie actuelle en était là preuve indubitable, mais peut-être que cette dernière peut malgré tout encore me surprendre sur certains points et surtout de façon générale. « J’avais prévu de ramener le plus grand avec moi histoire d’avoir une paire de mains en plus … mais j’avais oublié que les ados étaient difficiles à convaincre. » Je lâche un rire sincère à ses dires, ayant en tête l'image peu flatteuse de l'adolescent sous sa meilleure forme. Un passage par lequel je ne tarderai pas à passer et que je redoute sans plus attendre.. Non, les claquages de porte et l'ignorance à pleine dose ne me vendaient pas du rêve. Durant un court instant, mon regard sur lui paraît changer, laissant entrevoir une légère admiration, ayant déjà eu échos de son implication dans son rôle de père. Je tente cependant de me ressaisir en m’occupant du matériel de nouveau, qui s’avère paré pour la suite. “Ah, ces adolescents...J’voulais faire la même chose avec Mathis. Mais cette découverte artistique du haut de ses six ans se serait sûrement limitée à dix minutes d’amusement… Et il aurait fini par s’en plaindre auprès de son père, qui m’aurait balancé sans détour que j’exploite son fils” je lâche un léger rictus, exagérant sûrement la scène, bien que mes désaccords avec James s'avèrent de plus en plus fréquents.

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Savannah Williams & @Ugo De Luca

«Six ans ?! Profite ! Je te jure qu’elle va te manquer cette phase une fois que tu seras confrontée à la crise d’adolescence, aux hormones ingérables et la perpétuelle mauvaise humeur … » Je souris, ayant bien conscience de ce qui allait m’attendre d’ici quelques années. Avoir manqué les premières années de la vie de Mathis aura au moins eu le mérite de me rendre particulièrement attentive à son évolution. Je savoure chaque moment passé en sa compagnie, cherchant probablement et inconsciemment à rattraper ce laps de temps qui aura signé mon absence au  début de sa vie. J’ai besoin de nous créer des souvenirs communs, qui seront à tout jamais gravés dans nos mémoires. Ou peut-être que je cherche à ce qu’il n’oublie pas combien il compte pour moi à travers toutes les attentions que je lui témoigne au quotidien, qu’il sache tout ce qu’il représente pour moi, avant qu’un jour, il ne vienne à relever mon absence sur les photos de son enfance. Une idée qui me glace le sang et qui sera difficile à supporter s’il vient à me le reprocher, sans que je ne puisse lui en vouloir "Entendre les portes claquées par simple frustration, et subir inévitablement cet air dépité du jeune qui a tout le poids sur ses épaules… J'suis pas certaine de survivre à ça" Un air pourtant amusé pour accompagner mes mots. Je dois cependant voir les choses du bon côté, contrairement à ma propre famille, il ne sera pas en mesure de se livrer à une guerre constante avec l'un de ses frères et sœurs, c'était déjà ça «Mais après, ce n’est pas si mal de se retrouver entre personnes compétentes – tu vois, je suis même sympa et je nous mets tous les deux dans le même paquet, celui des personnes compétentes» Je lâche un rictus "Et qui te dis que je peinds pas comme un gamin de quatre ans?" Je relève les sourcils, un léger sourire sur les lèvres. "J'pourrais te laisser t'en charger, et prétendre aux yeux de tous que j'ai tout fait, pendant que toi tu pianotais sur ton petit téléphone." Je relève les épaules, j'aurais effectivement beaucoup à y gagner dans l'histoire, la distraction de le voir se démener, et la reconnaissance de ma mère..

Je m'attèle pourtant à l'aider pour la pose du ruban qui offrira une meilleure finition. «Et, comment il va Mathis ?» Mon air surpris ne lui échappe pas. Nous n'avions pourtant jamais pris le temps de s'intéresser à la vie de l'autre depuis bien longtemps. Était-il sûr de vouloir se lancer là-dedans? «Maintenant qu’on est là et qu’on va passer les prochaines heures ensemble, autant qu’on en profite et qu’on se comporte comme des êtres humains civilisés, non ?» Je plisse les yeux, faussement suspicieuse. "J'sais pas…Ca ressemble presque à un piège….Tu veux peut-être lui faire vivre un enfer à lui aussi?" Mes traits s'étirent doucement, ce qui provoque un rire chez lui. «Non vraiment ça m’intéresse. Il ne t’en fait pas voir de toutes les couleurs ? … j’espère qu’il n’a pas chopé le caractère des Williams …» Je lâche un rire, m'accordant un bref moment de réflexion. J'aurais pu me sentir vexé,, mais il fallait avouer que nous n'étions pas connu pour notre grande sagesse ou docilité. Il était bien placé pour connaître le tempérament de chacun de nous, mais ça ne l'avait pas fait fuir pour autant, appréciant de façon générale le spectacle auquel nous nous livrions quotidiennement par le passé. Quelque chose qui n'avait pas changé avec les années, malgré que nos retrouvailles étaient bien moins récurrentes dans le présent."On va dire que pour l'instant, il est plutôt épargné… Mais je dois avouer que sa curiosité m'amène parfois dans de sacrés malaises. Et je parle pas de sa capacité à vouloir avoir raison!" ajoutais-je en relevant les sourcils. "Il peut me rendre dingue avec tout un argumentaire qui tient la route. On dit que la vérité sort de la bouche des enfants, mais non, elle sort surtout de celle de Mathis Beauregard! En tout cas, lui en est persuadé!"Des caractéristiques qu'il ne pouvait avoir hérité que de moi, et qui nous promettaient encore de grands moments à venir. Je m'empare d'un rouleau, que je viens rouler dans la peinture avant de m'attaquer au mur, appréciant déjà particulièrement le rendu d'une peinture qui n'en est pourtant pas à son rendu final, penchant légèrement le visage pour observer plus attentivement la nuance. Je me pince les lèvres, reprenant rapidement le remplissage par des mouvements qui se veulent appliqués et fluides à la fois. "Valencia n'était pas d'humeur à se joindre à nous?" demandais-je finalement, jetant un bref coup d'œil à Ugo. "Ou ton côté sexiste l'a poussé à vouloir se dispenser de cette épreuve?" De l'humour, un moyen infaillible de marquer nos rencontres. Peut-être n'avait t-il pas pris la peine de lui proposer ce petit atelier? Je ne pouvais pas prétendre la connaître, je l'avais pourtant croisé plusieurs fois, notamment lors de leur mariage, et elle m'avait semblé plutôt sympathique et souriante.                                

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L'évocation de cette phase particulière que représente l'adolescence a de quoi faire naître cet étrange sentiment en moi. Ugo est probablement bien placé pour le savoir, puisque ses deux enfants sont bien plus âgés que Mathis, et qu'il s'y heurte donc tous les jours, devant probablement forger sa patience et se montrer bien plus indulgent avec ces jeunes en devenir. Pour ma part, et heureusement pour moi, cette période compliquée n'est pas encore à l'ordre du jour, et j'aurais la chance de pouvoir attendre  quelques années, avant de devoir l'affronter. «Et qui te dit que je peins pas comme un gamin de quatre ans ? J'pourrais te laisser t'en charger, et prétendre aux yeux de tous que j'ai tout fait, pendant que toi tu pianotais sur ton petit téléphone» «Tu pourrais mais est-ce qu’on te croirait, c’est ça la question ? On sait tous que je suis un ange super serviable … je suis la voix de la raison, personne ne te croira. J’en mets ma main à couper » Je relève les sourcils, ayant presque cet air surprit, alors qu'un vent de défi semble vouloir s'emparer de moi, comme à chaque fois que quelqu'un ose douter de mes capacités à pouvoir le surprendre. Mes cordes vocales ont cependant à peine le temps de sortir un premier son pour rétorquer, qu'il me coupe dans mon élan pour m'en empêcher «et ce n’est pas pour te tenter. N’essaie même pas ! » Mon rire se mêle au sien alors que mon regard vient un instant croiser celui du jeune homme, avec cet amusement contagieux. Il me connaît assez pour savoir que je ne vais pas lui accorder la victoire sans rien dire. "Je la sens d'ici…Ta peur! T'as les chocottes, parce que même si tu as l'image d'un être irréprochable et angélique, tu sais que je peux montrer bien plus persévérante et convaincante que toi!" Un faux air supérieur pour accompagner ses mots, alors que traits s'étirent légèrement. "Ne doute pas de moi, j'n'ai rien perdu de mon espièglerie." Au contraire, la jeune femme que je suis devenue est plus confiante que jamais, et n'a aucun scrupule à pousser le vice plus loin. C'est pas comme si mes parents pouvaient encore me priver de portable ou me faire la morale avec un discours qui me fera rouler les yeux après plusieurs minutes et me donnera envie de me réfugier dans ma chambre.

«Non vraiment ça m’intéresse. Il ne t’en fait pas voir de toutes les couleurs ? … j’espère qu’il n’a pas chopé le caractère des Williams … » Si dans un premier temps je laisse entendre qu'il n'a rien à voir avec les énergumènes que représente chaque membre de cette famille, je viens cependant par creuser un peu plus, et relever certaines similarités qui ne peuvent provenir que de ma personne. « On va dire que pour l'instant, il est plutôt épargné… Mais je dois avouer que sa curiosité m'amène parfois dans de sacrés malaises. Et je parle pas de sa capacité à vouloir avoir raison!» Sa réaction ne se fait pas attendre, témoignant silencieusement un avis qui me pointe comme la responsable de ce caractère qui se forge au fil des années, et dont je ne peux qu'assumer les défauts. Il cherche à s'innocenter en levant les mains alors que je suis forcée de reprendre, avec un naturel assez désarmant. «Il peut me rendre dingue avec tout un argumentaire qui tient la route. On dit que la vérité sort de la bouche des enfants, mais non, elle sort surtout de celle de Mathis Beauregard! En tout cas, lui en est persuadé!» Ca me dépasse la plupart du temps, et il y en a toujours un qui fini frustré par une issue qui ne lui est pas favorable. Surtout moi, pour dire vrai. «Tout ça me semble plutôt familier … il me fait penser à la petite soeur d’un ami qui pensait toujours avoir raison sur tout et qui adorait être au courant de tout, tout le temps … non ?» Une fausse réflexion avant de lâcher à mon tour. "Elle me dit quelque chose cette fille…Il me semble qu'elle est devenue une femme sublime et qui a percé dans la vie par ce soi-disant caractère. Un vrai p'tit bijou" Je relève les sourcils, avant de lâcher un rire, pas vraiment convaincante "Écouter derrière les portes m'aura permis de comprendre qu'on peut en tirer bien des avantages… J'suis devenue la reine du chantage après ça, chacun des protagonistes était prêt à payer pour pas que j'balance ses petits secrets" Je ris à nouveau, me rappelant très bien m'être pourtant fait prendre par mes parents en pleine négociation pour que l'autre veuille bien acheter mon silence. Aujourd'hui, les méthodes étaient quelque peu différentes, mais ce besoin de connaître inlassablement les secrets des autres persistait malgré tout.

«Valencia n’était pas d’humeur à se joindre à nous ? Ou ton côté sexiste l’a poussé à vouloir se dispenser de cette épreuve ? » Ma curiosité trouve sa place une fois de plus, alors que je viens à évoquer cette femme qui partage sa vie depuis bien longtemps, et dont je ne connais pourtant pas grand chose, n'ayant jamais eu dans l'idée de m'en faire une réelle amie. «Valencia ? Elle se serait tenue à l’écart en trouvant une bonne centaine d’excuses pour ne pas avoir à se mettre au boulot ; du génie !» Je lâche un rire, effectuant des mouvements croisés pour parvenir à recouvrir la blancheur de ce mur. " La perversité des femmes… On a de quoi vous égaler parfois." C'est l'idée que je m'en faisais en tout cas. «Elle s’est absentée. Voyage d’affaire ou quelque chose comme ça --- ne me pose pas trop de questions sur la raison. Il se pourrait que je n’ai pas été très attentif. Ouais, elle m’a laissé les monstres pour quelques jours. Je suis joie.» Mon regard se détourne un instant du support pour se poser sur Ugo,ayant peut-être ce petit quelque chose qui titille mon attention sans pouvoir le déceler pour autant. Est-ce le manque d'intérêt qu'il paraît lui porter qui  éveille une possible faille dans ce couple? Ou se complaisent-ils mutuellement dans ce mode de vie, sans réellement penser à y remédier?  "Oh…" lâchais-je simplement, par peur de dire des mots maladroits en guise de réponse. Je peux mieux faire tout de même…Et je m'y atèle par le sujet des enfants, qui est bien plus accessible. "C'est pas le moment parfait pour tenter de nouvelles choses? Les amener faire une balade de jet ski, par exemple….Ou leur apprendre à sortir les poubelles sans râler?" Un rictus s'extirpe de mes lèvres, sachant très bien que se confronter à des adolescents était aussi évident que d'avancer dans le noir. On se prend les pieds dans ce qui traîne au passage, et on en ressort blessé, et contrarié. «Ma femme a une excuse mais qu’en est-t-il de ton super partenaire ? Il n’a pas passé le test de la madre ou tu en as honte peut-être ?» A peine ai-je le temps d'y songer que son bassin vient me bousculer, me forçant à riposter en le poussant de la main, mais pas assez rapidement pour que ça soit bien efficace. La question reprend rapidement sa place dans mon esprit, alors que la réponse n'est malheureusement pas si évidente, et enlève soudainement l'enthousiasme jusqu'alors présent sur mon visage. Le sujet est délicat. "Il avait réussi à charmer ma mère…Mais…Nos chemins se sont séparés il y a de ça quelques mois." Je viens trouver son regard, me rappelant un instant de ce lien qui le lit à mon frère, et qui pourrait rapidement me pousser à devoir me justifier auprès de ce dernier, s'il venait à l'apprendre. Je reste méfiante, n'ayant pas envie de supporter une quelconque remarque ou jugement de l'un des membres de la famille. Je sens pourtant son regard insistant, attendant probablement une suite à cette annonce pour justifier ce changement de situation. "Disons juste que nous n'attendions plus les mêmes choses l'un de l'autre" avouais-je simplement en relevant les épaules. Un fait qui n'avait rien d'inédit, puisque dès le départ de cette relation, nos attentes n'étaient pas les mêmes. Mais durant bien, longtemps, ça m'avait paru assez suffisant pour que je veuille me battre.
                                 

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Depuis cette chambre, je cherche inlassablement à le taquiner, comme si mes vieux réflexes ne connaissaient aucune faille, et que j'éprouvais un certain plaisir à les redécouvrir à ses côtés. J'aime découvrir chacune de ses réactions sur son visage, j'aime entendre son rire percer dans cette pièce presque vide, et j'aime constater qu'il y trouve lui aussi un certain plaisir. « Je la sens d'ici…Ta peur! T'as les chocottes, parce que même si tu as l'image d'un être irréprochable et angélique, tu sais que je peux montrer bien plus persévérante et convaincante que toi! Ne doute pas de moi, j'n'ai rien perdu de mon espièglerie. » Perfide, j'ai souvent prouvé que je pouvais faire preuve d'une certaine sournoiserie dès lors que je pouvais en tirer quelque chose. Si ce fait s'avère plus rare par une certaine maturité acquise par les années au compteur, je parviens pourtant encore à m'en servir dans un cadre professionnel. Je suis cependant disposée à faire une exception pour les beaux yeux de l'Italien, qui ne manquera certainement pas de répliquer avec des armes de taille, capable de remettre en doute toute la sagesse que je sais faussement jouer, mais surtout avec exagération auprès de ma mère, qui me voit encore parfois à ce jour comme le parfait petit ange. « Oh mais je n’en doute pas la moindre seconde. » J'en suis rassurée, et m'incline légèrement pour le remercier de reconnaître ce prétendu talent.  « Est-ce que tu es en train de me mettre au défi ?  J’ai vieilli, Polpetta. J’abandonne bien trop vite aujourd’hui » Cet aveu prête à rire, et je m'abstiens de le faire ouvertement. A moins que…"La vieillesse…Quelle tristesse. T'étais bien plus fun auparavant." Une réplique qui se veut drôle, mais qui pourrait pourtant le frustrer par un sujet bien plus sérieux qu'il n'y paraît. Je peine pourtant à imaginer que l'homme qu'il était est sagement rentré dans les rangs, et qu'il se contente désormais de suivre le moment sans avoir la sensation de s'être éteint en chemin. Pour ma part, ce caractère n'a connu aucun répit, rythmant sans plus attendre une vie sans dessus-dessous, une vie dans laquelle il m'est souvent difficile de me concilier avec d'autres. Peut-être que finalement, c'est lui le grand gagnant de l'histoire. Se soumettre sagement est peut-être la clé du bonheur.

Un caractère particulier dont il a gardé beaucoup de souvenirs, puisqu'il fait rapidement le lien avec le portrait que je dresse de Mathis, qui apporte quelques similitudes avec le mien. « Elle me dit quelque chose cette fille…Il me semble qu'elle est devenue une femme sublime et qui a percé dans la vie par ce soi-disant caractère. Un vrai p'tit bijou. »  Je plisse les yeux, ne pouvant m'empêcher de savourer cet air las dont il s'empare, et qui laisse rapidement place à un sourire malgré tout. «Je ne vais pas te contredire, je suis un homme poli » J'acquiesce par un signe de tête. "Merci. Comme quoi, ça peut avoir quelques avantages parfois." Il l'a très peu fait auprès de moi, mais quand bien même il s'agit d'un costume d'hypocrite, je ne cherche à penser à l'autre possibilité, bien moins gratifiante à mon goût. « Écouter derrière les portes m'aura permis de comprendre qu'on peut en tirer bien des avantages… J'suis devenue la reine du chantage après ça, chacun des protagonistes était prêt à payer pour pas que j'balance ses petits secrets » «Je vois … un vrai petit bijou, en effet » Je ris un instant, prenant le temps de croiser son regard pour apprécier l'instant.

L'évocation de sa vie de famille, qui me donne cette impression étrange de subir certaines failles, est presque une première entre nous. Nous n'avions jamais prit le temps d'échanger sur nos vies respectives, et j'étais loin d'imaginer que la sienne puisse connaître également son lot de problèmes. Une famille somme toute normale, mais qui pourrait pourtant subir bien plus qu'il n'y paraît certains tumultes de la vie. N'ayant pas envie de le lui faire remarquer de façon abrupte, je m'engage sur le sujet des enfants, qui offrent fort heureusement de nombreuses possibilités à leur âge et un espoir infini par des humeurs plus ou moins variables « Oh ne t’en fais pas pour eux, ils arrivent très bien à m’occuper --- Maya a décidé de me rendre complétement fou et décide de changer de hobbys selon la saison. L’humeur du moment, c’est la musique. J’croyais qu’on allait avoir la paix si on les inscrit dans des clubs de sport ou de musique … détrompe-toi … ça te prend encore plus de temps … » Mon sourire s'étire à ses mots. "Elle fait un très bon choix…C'est important la musique à son âge" Ça l'avait été pour moi, j'y avais souvent trouvé refuge et l'avait parfois laissé guider ma vie à travers les différents styles que j'écoutais à l'adolescence. «Je dis ça mais je t’avouerais que j’en suis pas mal fier de la voir nous briser les tympans avec des morceaux impossibles à reconnaître » Je le sens, dans son regard, dans sa façon d'en parler…. Si je n'aurais pourtant pas misé sur sa capacité à être un père irréprochable, je décèle tout l'amour qui peut leur porter, et c'est un sentiment que je partage bien trop à travers la relation que je vis avec Mathis pour y rester insensible.  

C'est à présent mon tour d'être sondé, et malheureusement, le tour est rapidement fait lorsqu'il s'agit d'évoquer ma vie sentimentale. L'absence de Cade à mes côtés révèle malheureusement un grand changement dans ma vie, et même si cela remonte à plusieurs mois, devoir en parler à voix haute ne peut m'enfermer dans une forme d'indifférence. «Mieux vaut que vous vous en soyez rendus compte maintenant et pas après avoir passé dix ans ensemble … » Cette réplique, qui devrait m'apporter une sorte de réconfort pour sa logique indéniable, et une trop grande véracité, me pousse à acquiescer brièvement d'un signe de la tête. "J'imagine, oui." Est-ce cependant si simple? Ce besoin de me concentrer sur ce dont j'ai vraiment besoin à émerger après une multitude d'événements dans ma vie. Elle a soulevé les différents problèmes que je m'affairais inlassablement à oublier depuis le début, comme si cela pourrait permettre de les faire disparaître. Malgré tout, si je m'obstine à vouloir penser avant tout à ce qui me paraît indispensable et nécessaire pour trouver un profond évanouissement personnel, cela n'efface pas pour autant cette douleur, dictée par des sentiments profonds que je me dois désormais d'ignorer après tant d'années, et bien trop de souvenirs.

                                 

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Si l'on a souvent démontré les bienfaits de la peinture, de mon point de vue, ces derniers n'ont pas les effets escomptés. Peindre me pousse à ressasser mes problèmes, à les faire tourner inlassablement en boucle dans mon esprit, alors que mon corps effectue les gestes nécessaires, devenus après quelques minutes mécaniques. Peut-être que ces théories sont infondées, ou peut-être que se contenter de redécorer une pièce ne rentre pas dans les statistiques. Fort heureusement, la présence d'Ugo à mes côtés m'empêche de plonger dans les tumultes d'un esprit en ébullition. Et quand bien même, j'appréhendais sa présence, je réalise finalement que pouvoir rattraper un peu le temps perdu avec lui n'est pas si désagréable, aussi surprenant que ça puisse paraître. Quand bien même certains sujets ne sont pas toujours les plus faciles à évoquer. Contrairement au rital, ma solitude ici n'a rien à voir avec un stupide contre-temps, ou un refus d'aider ma mère de la part du bien aimé, non, elle témoigne d'un choix, d'une décision que j'ai prise plusieurs mois plus auparavant, et dont je cherche encore à épargner mes proches en leur dissimulant la nouvelle. Me résoudre à l'évoquer avec cet homme que je semble connaître depuis toujours témoigne d'un sacré courage, ou au contraire, d'une grande stupidité. Il peut très bien se charger d'apporter cette information auprès de Auden, qui se fera un malin plaisir de me cuisiner pour connaître les détails de la rupture, et s'assurer que je n'ai pas été bafouée au passage. « Mieux vaut que vous vous en soyez rendus compte maintenant et pas après avoir passé dix ans ensemble … » Cette réplique, particulièrement juste, ne suffit pas à me convaincre, alors que les choses sont malheureusement toujours plus compliquées lorsqu'un profond attachement est en jeu. Devoir réapprendre à vivre sans l'autre,  repartir sur la case départ avec le fardeau d'un coeur brisé n'a rien d'une partie de plaisir, mais je l'ai fait en connaissance de cause, je me dois d'assumer et de garder la tête haute, pour espérer un jour pouvoir prétendre à ce que j'ai toujours voulu. Perdue dans mes propres tourments, je ne devine pas un seul instant que cette situation, il puisse possiblement la vivre auprès de sa femme, gardant en tête que lui soit parvenu à s'épanouir au sein d'une famille qu'il ne quittera probablement jamais. Ce genre de couple qui ne connaît pas de faille, le destin se sera chargé de faire croiser leur chemin par le plus grand des hasards pour qu'ils ne se séparent plus jamais….Et relèvent les statistiques sur les mariages ratés. Une relation qui sonne comme une évidence, et que je lui envie tellement. En attendant, il est plus facile d'imaginer que je suis la seule à subir l'échec d'une relation. « J'imagine, oui » Je manque de conviction, et je ne cherche presque pas à le cacher. « Bien sûr que oui. Bien sûr que j’ai raison » Mon visage se tourne vers le sien, stoppant mon geste pour croiser son regard, qui cherche à m'en persuader. « Tu finiras par trouver chaussure à ton pied, polpetta … » Une légère moue hésitante. J'y avais cru à plusieurs reprises, et il y avait toujours eu ce petit truc pour faire flancher la relation idyllique du moment, comme si dans mon cas, cette issue était presque inévitable. «… après tout, tu es un petit bijou, non ? » Mes traits s'étirent dans un sourire spontané face à cette réplique, n'ayant pas prévu un seul instant que mes vantardises largement exagérées puissent se retourner contre moi dans un tel contexte. "Mouais…Il semblerait que cette évidence échappe à certains" lâchais-je avec une fausse prétention, cherchant à lui faire oublier cet état de vulnérabilité dont je viens d'être victime à ses côtés, en reprenant un masque qu'il ne connaît que trop bien. Le sourire qui persiste sur mon visage exprime une forme de remerciement pour ses mots, ou du moins, pour sa volonté de souffler un vent de positivité, n'ayant pas dans l'idée qu'il puisse partager cette vision des choses, qui s'avère particulièrement exagérée à mon sens, peu importe qui elle puisse concerner. Mes yeux se détournent des siens, cherchant peut-être à fuir l'authenticité du moment alors que je sens une certaine bienveillance à travers son regard. Un sentiment qu'il était parvenu à faire émerger avant son départ, et qui s'était dilapidé dès lors qu'il avait annoncé son intention de partir sur un autre continent.

« On se débrouille pas si mal en fin de compte … » Mon regard scrute le travail, forcée de constater que pour une fois, il a plutôt raison. « Comme quoi, on peut encore faire équipe ensemble … » Mon regard se perd sur lui, qui semble particulièrement impliqué dans sa mission. "J'te l'ai peut-être pas suffisamment dit…Mais merci pour c'que tu fais pour elle."  déclarais-je en relevant un instant les épaules. Les compliments ne sont pas choses acquises dans cette famille, mais la présence de Ugo ce jour prouvait qu'une fois de plus,il était un homme extrêmement généreux et dévoué pour ceux qu'il aime. Un sourire pour ponctuer cette réplique. Je m'apprête à rejoindre un autre mur lorsque mon corps se retrouve soudainement face au sien, manquant de le percuter. Un amusement que je ne parviens à dissimuler alors que nos différents mouvements, effectués dans la même direction nous empêche de pouvoir nous libérer de cet affront durant quelques secondes. Je secoue la tête pour moi-même face à ce mur blanc, gardant ce sourire presque niais sur les lèvres. "Ca manque cruellement de musique". Le silence de la pièce est trop pesant pour moi. "Tu veux pas nous chanter un p'tit truc?" Un coup d'oeil en arrière, cherchant à savoir s'il est prêt à se prêter au jeu.