Did i do that

 @Ugo De luca  ft. Savannah

Installée confortablement dans la baignoire, je me prélasse dans l'eau mousseuse, bouquin entre les mains, et verre de vin glissé innocemment sur le rebord de cette dernière. Ce soir, pas de travail, pas de bar. Si l'absence de Mathis me glissait inévitablement vers ces deux issues, je cherche petit à petit à me reprendre en main, à chasser ses habitudes qui, avouons-le , ne sont que des exutoires au véritable problème. Etonnement, le calme qui m'entoure est plutôt reposant et signe de réconfort, preuve que je puisse être capable de me faire face à nouveau sans craindre de broyer du noir et remettre en question une vie que je ne semble maîtriser qu'à moitié, et échouer de façon générale. Ce moment de plénitude est cependant interrompu par la sonnerie de mon téléphone, dont je ne suis pas réellement parvenue à me priver durant ce besoin de déconnexion, en le gardant à proximité. Un message que j'aurais pu chercher à ignorer, et reporter la lecture à plus tard, mais qui par cette heure tardive, me pousse à en connaître l'auteur sans plus attendre. Mon regard curieux observe l'écran éclairé, y découvrant avec surprise un expéditeur auquel je n'aurais pas songé un seul instant. La surprise se lit sur mon visage, alors qu'une certaine appréhension s'installe. Mon dos vient à nouveau se plaquer sur la paroi, cherchant probablement à m'enfermer dans une sorte d'ignorance complètement absurde, alors que nerveusement, je mordille l'intérieur de ma lèvre pour tenter de m'en convaincre. Quelques secondes avant de céder à ce besoin d'en savoir plus, refoulant mon objectif premier.  Les quelques messages qui sont envoyés avec Ugo sont aussi troubles qu'évasifs, et je perçois rapidement que quelque chose cloche. Ca ne lui ressemble pas. C'est pas lui. Et c'est certainement ce qui me pousse à devoir creuser davantage ce mystère. Pourquoi se tourne-t-il vers moi, alors qu'il n'a jamais pris la peine de le faire auparavant? Du moins, pas depuis son départ de l'Italie. Cette relation de confident semble pour le coup inédite. Est-ce les retrouvailles partagées depuis l'appartement de ma mère qui m'a ramené au devant de la scène dans son esprit? Qui a possiblement éveillé des souvenirs de nous, et l'importance que j'avais pu tenir durant un moment de sa vie, pourtant fort lointain à l'heure d'aujourd'hui? Un appel à l'aide que je pense percevoir, et qu'il m'est impossible d'ignorer, qu'importe les antécédents, qu'importe l'heure.

Mes iris bleus scrutent l'écran de mon téléphone de façon régulière pour suivre l'itinéraire indiqué, alors que la lumière des réverbères reflète sur mon visage durant le trajet. J'observe autour de moi, cherchant à y découvrir la silhouette du jeune homme d'un moment à l'autre, sans véritablement savoir le lieu dans lequel il aura trouvé refuge. En remontant la rue, point de destination finale, je viens cependant à me rappeler de la présence de ce bar, dans lequel j'avais déjà eu l'occasion de me rendre à plusieurs reprises, et qui laisse entrevoir de grandes chances de le retrouver. J'anticipe, me gare sur le bas côté, avant même d'avoir eu l'occasion de découvrir l'enseigne éclairée qui se trouve un peu plus loin. Le calme qui réside autour de moi est contradictoire à l'ambiance dans laquelle je vais me plonger d'ici quelques minutes. J'observe machinalement autour de moi, comme pour m'assurer de ma sécurité alors que la sensation d'être seule fait naître un sentiment désagréable en moi. C'est pourtant en redressant le visage que je remarque la silhouette du jeune homme un peu plus loin, tenant à peine sur ses jambes. Une vision de lui qui est à l'opposée de celle à laquelle il m'a habitué, et qui dénote surtout un grand fossé avec celle de l'homme rangé et raisonnable qu'il est devenu avec les années. « Polpetta ! »  Je prends sur moi pour ne pas laisser apparaître cet air décontenancé sur mon visage en constatant son état, en vain. "Eh bien…On dirait que tu m'as pas attendu pour abuser des mojitos" Une réplique ironique pour tenter de ne pas le brusquer et risquer de le perdre en chemin. Je ne suis pas là pour jouer les donneuses de leçon, mais pour l'aider, quand bien même il estime ne pas avoir besoin de moi. "T'avais besoin de prendre l'air, ou on t'a demandé de crécher ailleurs pour les heures à venir?" La réponse, je la devine inévitablement par son accoutrement, quelque peu négligé, et ce visage qui semble avoir subi quelques coups. "Tu sais quoi…Ca tombe super bien, je commençais à mourir d'ennui chez moi…Ta soirée à l'air bien plus amusante que la mienne." J'en doute clairement. Ce qui l'a amené ici n'a probablement rien que je puisse lui envier, et ma soirée était plutôt agréable en soi, pourtant j'éprouve le besoin de prétendre le contraire afin qu'il ne ressente pas une certaine culpabilité de m'imposer ses problèmes en cours de route. Je réduis la proximité entre nous, optant pour une attitude plutôt banale au vu du contexte, et viens m'appuyer contre le mur, comme si je n'avais pas l'intention de déserter les lieux si lui n'en avait pas l'intention non plus. Mon regard se perd sur lui. "Depuis quand tu fumes?" demandais-je finalement, surprise de le voir cigarette suspendue à lèvres. Est-ce un détail qui avait fini par m'échapper, ou un vice qui accompagnait celui de la boisson pour l'occasion?

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Je ne sais pas trop ce qui m'amène ici, la seule chose dont je sois sûre, c'est que je me dois d'être là pour lui. Comme ce dernier a pu l'être lorsqu'Auden a quitté l'Italie pour vivre de nouvelles aventures. Il ne s'en était peut-être pas aperçu, mais sa présence avait mêlé réconfort et légèreté dans un moment où tout m'avait semblé quelque peu compliqué. Les choses entre nous avaient changé depuis, de façon pour le moins drastique, il n'empêche qu'il reste le même à mes yeux, cet homme sur lequel je sais que je pourrais compter, cet homme qui se serait empressé de venir me rejoindre si je m'étais trouvée à sa place et que j'avais fais moi aussi le choix de le contacter. Alors peu importe. Qu'importe la raison qui l'aura poussé à m'appeler moi plutôt qu'un autre, j'éprouve le besoin de l'accompagner dans ce qui semble être une soirée compliquée. Les effets de l'alcool sont à leur apogée, venant contredire cette détresse qu'il ressent certainement au vu de ses messages. Je n'ai cependant pas envie de me la jouer voix de la raison, et c'est avec quelques précautions que j'engage une conversation pour le moins banale et dénuée de tout sens de responsabilité. « Eh bien…On dirait que tu m'as pas attendu pour abuser des mojitos » Ce vent de légèreté n'est cependant qu'un leurre pour l'amadouer, et bien vite, en l'observant tituber, s'acharnant à vouloir allumer sa cigarette avec une complexité notable, je suis foudroyée de le voir ainsi. L'image qu'il renvoie aurait pourtant de quoi faire rire bon nombres de personnes, mais moi, elle me déchire, ne devinant que trop bien l'intensité des problèmes qu'il rencontre, qui l'auront poussé à vouloir les oublier à travers un alcool fort. « T'avais besoin de prendre l'air, ou on t'a demandé de crécher ailleurs pour les heures à venir ? » « Tsss » Je devine la réponse, et imagine plus ou moins l'animosité qui aurait découlé de possibles échanges manqués. Une brève inspiration pour faire preuve de détachement et rendre notre rencontre plus agréable que ce qu'il a pu traverser ce soir. « Tu sais quoi… Ca tombe super bien, je commençais à mourir d'ennui chez moi… Ta soirée à l'air bien plus amusante que la mienne » Mes épaules se relèvent avec nonchalance, ignorant volontairement les conséquences de son attitude critiquables « Sur qu’avec moi tu ne vas pas t’ennuyer »

« Depuis quand tu fumes ? » De tous les souvenirs que j'avais de lui, à aucun moment il ne m'avait semblé l'observer avec cet autre vice entre les lèvres. « Depuis quand ? » Je relève les sourcils, cherchant à me donner plus de contenance. « Aucune idée. Peut-être plusieurs années ; le genre de vice qui me colle à la peau … » J'acquiesce finalement d'un signe de tête, préférant balayer cette révélation comme si elle n'était pas digne d'importance. « C’est pour mon côté bad boy » Il y parvient, malgré cette pression que je m'inflige pour tenter de le sortir de l'eau, il me sourire un rictus. "Aaaah! Je comprends mieux" Mon sourire persiste quelques secondes, mes bras se croisent sur ma poitrine. « je ne suis pas le mec parfait, polpetta. T’avais peut-être jusqu’à là une mauvaise image de moi …. » Je tente de le garder quelques secondes, malgré les propos pour le moins négatifs de mon acolyte. "On t'a jamais demandé de l'être… Qui peut prétendre l'être d'ailleurs?" Le voir dans cet état d'ivresse, tentant de rendre plus supportable une situation compliquée à gérer ne le rendait pas imparfait, juste…humain. « j’ai encore foiré » Le voilà. Ce moment où il accepte de considérer à nouveau ce qui l'avait amené jusqu'ici, et dont il était visiblement prêt à m'offrir quelques esquisses pour commencer. Je me mordille l'intérieur de la lèvre, songeant un instant aux mots qui seraient le plus apte à rendre des possibles aveux plus supportables. Le "Encore", je l'associe à des erreurs qu'il aurait déjà commises, mais dont je n'aurais pas été dans la confidence à l'époque, et surtout pas concernée. Je soupire doucement, appuyant mon dos contre le mur en tournant le visage vers lui "Quel genre de foirage? T'as oublié d'éteindre la lumière en quittant ton bureau ou de sortir le chien?" Cette ironie pourrait s'assimiler à une sorte de moquerie, mais mon air sérieux lui fait savoir qu'il n'en est rien, et que je lui laisse le temps de pouvoir amorcer ça quand il sera prêt à le faire.

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Je ne connais pas la raison qui m'a poussé jusqu'ici, mais surtout celle qui a amené le jeune homme à se retrouver dans cet état. Pourtant, j'ai ce sentiment étrange qu'il ne s'agisse pas là d'une simple baisse de moral, ou d'une envie soudaine de se perdre dans le tourbillon enivrant que représente l'alcool. Son attitude laisse entrevoir une certaine insouciance, une indifférence dont je ne parviens à croire, et qui est avant tout causée par son ivresse du moment. Je ne peux prétendre comprendre ce qu'il traverse, sans avoir les tenants et les aboutissants. Pourtant, j'éprouve un sentiment qui m'est familier en l'observant. Le grand, l'inébranlable, cet homme qui s'efforce d'affronter quotidiennement les problèmes sans éprouver un seul moment un sentiment d'hésitation ou de peur, voilà qu'il se retrouve désemparé, au sol, abattu par ce que la vie a décidé de mettre sur son chemin, ou qu'il aura lui même causé par des choix avant tout humain. Ce n'est pas une machine. Tout le monde a déjà connu à un moment de sa vie, cette étrange sensation de ne plus être à la hauteur, de perdre pied, de se perdre dans ce qui semblait auparavant un quotidien savoureux. La solitude est le mot clé de cet instant, qu'importe qui se trouve autour de nous, et leur capacité à nous forcer à donner le meilleur de nous même dans le quotidien, rien ne paraît suffisant. Ce moment est d'autant plus dévastateur pour des personnes qui s'affaire à toujours donner le meilleur d'eux même, à ne jamais faiblir face aux autres. Je n'ai pas l'intention de le bousculer, ce n'est pas ce qu'il attend de moi. Et même si ça doit signifier l'observer décuver toute la soirée, je suis prête à passer les heures à venir en sa compagnie, espérant pouvoir lui apporter un bref réconfort, même si ce dernier ne suffira pas à effacer tous ses problèmes. Il n'est pas obligé de parler s'il n'en a pas le cœur. , je n'ai pas l'intention de l'abandonner pour autant.

Contre attente, il lance une brèche, me forçant à l'observer attentivement pour déceler la moindre réaction sur son visage capable d'exprimer des émotions profondes, qu'il cherche probablement à fuir désespérément depuis plusieurs heures, si ce n'est plus.  « Quel genre de foirage? T'as oublié d'éteindre la lumière en quittant ton bureau ou de sortir le chien? » Mon approche peut laisser entrevoir que je sous estime quelque peu les problèmes qu'il peut rencontrer. J'essaie pourtant juste de l'amener avec douceur sur une discussion qui risque de lui brûler les lèvres face à certaines confessions. « T’as raison, ma vie entière est un putain cliché de sitcom … et il se passe quoi la plupart du temps dans les sitcoms quand on passe la quarantaine … » Si je soupire malgré moi à ces premiers mots, mon regard bleu se fige dans le sien, imaginant mille et un contexte à une devinette dont je ne parviens à trouver la réponse, ayant bien trop peur de viser juste en énumérant des sujets sensibles. Je reste de marbre, malgré ce sourire qu'il adresse, certainement juste pour contredire l'aspect dramatique de ce qu'il s'apprête à me balancer. « Valencia a demandé le divorce. » Bien malgré moi, je relève légèrement les sourcils, abasourdie par cette nouvelle.Je n'avais pas eu la chance de connaître ce schéma de la famille parfaite, je m'étais affairé à le fuir dès lors que la dépression s'y était mêlé. Mais lui, il le connaissait par coeur, s'était battu chaque jour de sa vie pour qu'il perdure sous les meilleurs auspices. Il avait construit une foyer dans lequel il représentait l'un des piliers, et voilà qu'il s'effondrait sous ses yeux, sans qu'il ne puisse faire la moindre chose pour le sauver. Des années de bonheur dilapidées par une décision, dont il n'était pourtant peut-être pas responsable. "Merde….J'suis désolée Ugo" Le haut de ma tête vient s'appuyer sur le mur, redressant le visage pour laisser mon regard se perdre face à moi, et lui éviter une réaction qui pourrait ajouter de l'huile sur le feu qui embrase cette maison, dans laquelle il trouvait refuge depuis tant d'années. "Elle t'a dit pourquoi?" La réponse ne changerait sûrement rien à la donne. Ce lien particulier qui les unissait était sur le point de s'achever définitivement.  « Et le pire dans tout ça, je crois qu’on aurait dû faire ça beaucoup plus tôt … » Surprise par de tels aveux, je viens tourner le visage vers lui pour l'observer avec insistance. "Tu dis ça parce que t'es en colère?" Il semblait heureux. Il en avait l'air en tout cas. Mais peut-être qu'il n'avait fait que jouer le rôle qu'il s'était lui-même imposé durant trop longtemps. L'amour est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Rien n'est véritablement acquis, et il arrive que la vie s'affaire parfois à nous le rappeler. "Tu crois qu'y a vraiment plus rien à sauver?" Qu'importe ce qui les avait amené jusqu'ici, certaines histoires méritent parfois d'être sauvées, même si cela demandera des efforts considérables pour arriver de nouveau à une relation saine et apaisée.

« J’pensais pas que t’allais venir … » Mes traits s'adoucissent un instant. "Moi j'pense qu'au contraire, au fond tu le savais…" Sa fierté n'aurait peut-être pas pris le risque de subir un échec supplémentaire ce soir. "T'as été là pour moi par le passé, j'te dois bien ça." Derrière ce prétendu service rendu, se cache pourtant un sentiment bien plus fort qu'il n'y paraît. Une sorte de lien qui nous avait unis depuis bien trop longtemps, et que les années n'étaient pas parvenues à briser malgré un éloignement certain. Je soupire finalement, forcée de constater que la vie peut être particulièrement merdique. "T'y aurais cru toi? Si on t'avait dit il y a 10 ans qu'on se retrouverait là toi et moi, plus seuls que jamais? A se lamenter sur ce qu'on aurait du avoir, ou faire?"

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La vie de Ugo paraissait pour le moins stable. Il menait celle que beaucoup enviait, moi y compris. Une personne pour partager son quotidien depuis des années, un métier dans lequel il s'épanouissait, des enfants pour parfaire le tableau…Le schéma d'une vie irréprochable. A aucun moment je n'avais eu l'impression que ce petit bonheur n'était qu'un leurre et qu'il pouvait lui aussi rencontrer des problèmes, comme la plupart des gens. Peut-être était-il devenu un comédien hors pair pour tromper tout le monde, pour parvenir à donner le change alors que tout semblait pour le moins maussade autour de lui, et que derrière tous ces artifices, il lui arrivait à lui aussi de ressentir une certaine solitude. Il me faut quelques secondes pour assimiler l'information et tâcher de savoir quoi en faire. Le discours à avoir ne sera pas le bon, quoiqu'il arrive. Parce qu'il n'y aura jamais rien d'objectif qui sortira de ma bouche. Mon expérience, et mes propres tourments pourraient me pousser à l'entraîner dans le fond, alors que la partie rêveuse, et diantrement naïve qui somnole en moi pourrait lui dire de se battre pour sauver ce couple qui représente une grande partie de sa vie. Je ne peux pas être objective. Particulièrement avec lui. Mais je m'efforce de trouver ce qu'il souhaite peut-être entendre, même si ça ne paraît pas si évident sur le moment. Mon regard ne le quitte pas, cherchant inlassablement à trouver des réponses sur les traits familiers de son visage, pourtant faussés par les effets de l'alcool.   « Et le pire dans tout ça, je crois qu’on aurait dû faire ça beaucoup plus tôt … » Je ne parviens pas à me convaincre de la véracité de ses mots. «Tu dis ça parce que t’es en colère ? Tu crois qu’ya vraiment plus rien à sauver ? »  La question mérite d'être posée. Il se doit de se la poser tant qu'il est encore temps, même si les émotions trop vives peuvent troubler sa réflexion et l'amener inlassablement dans la même direction.  «Je ne suis pas – je ne suis plus en colère » Je hoche la tête brièvement. "J'te crois. Mais ça t'a quand même amené jusqu'ici, j'ai du mal à me dire que ton ivresse du moment est une façon de célébrer la nouvelle" fis-je remarquer avec douceur, ne cherchant pas à me liguer contre lui pour autant, mais le forcer à se poser certaines questions "Peut-être que ça te touche plus que tu n'veux te l'avouer" Je relève les épaules pour appuyer cette supposition, qui reste malgré tout discutable.  «Y’en a un autre dans l’équation » Une lutte s'engage pour rester parfaitement stoïque, fermée à la moindre émotion, alors qu'intérieurement, tout semble prendre sa place pour comprendre la chute de ce couple mythique.. Le sourire qu'il esquisse, et qui n'a rien de sensé, me torture le palpitant. Cette envie de l'étreindre un instant pour lui apporter un sentiment de réconfort me surprend, je suis pourtant incapable d'y céder pour autant, ayant trop peur d'alimenter un mal-être auquel il souhaite échapper. «Il n’y a plus rien à sauver. Nous faisons partie des statistiques, de ces mariages qui finissent tôt ou tard par s’étioler. Je n’ai pas l’arrogance de dire pouvoir changer la donne … elle a eu le courage d’affronter la vérité en face » Je soupire finalement, me redressant à mon tour pour laisser mes yeux bleus se perdre dans le vide. Si ma vie amoureuse était chaotique, je réalise que rien n'est jamais acquis, et que les années passées ensemble ne suffisent pas à consolider un couple pour qu'il devienne inséparable. C'était donc ça la vie? Nous battre pour au final arriver à cette issue qui mêle souffrance et grande désillusion?

 «J’pensais pas que t’allais venir … » Pourtant, j'aurais été incapable d'ignorer cet appel à l'aide, même si notre lien s'est quelque peu retrouvé écorché depuis un long moment. «Moi j’pense qu’au contraire, au fond tu le savais » Je relève légèrement les sourcils, cherchant probablement à gagner en contenance  «J’pensais pas mais je l’espérais » Cet aveu me surprend, suffisamment pour que je sois incapable d'y apporter une réponse. Ugo avait évolué. Son entourage également. Nul doute qu'il avait eu le temps de nouer des liens bien plus fort pour pallier à ceux qu'il avait perdu en route. Alors pourquoi ne s'était t-il pas dirigé vers eux? Pourquoi m'avoir appelé moi plutôt qu'Auden? Est-ce l'absence de réponse qui avait fait de moi un choix par défaut, ou est-ce que nos récentes retrouvailles l'avaient poussé à se rappeler de la profondeur d'une relation négligée depuis trop longtemps?"J'peux savoir pourquoi tu m'as contacté moi? Pourquoi ne pas t'être tourné vers Auden?" Si le tempérament des Williams dénotait de nombreuses similitudes, est-ce la sensibilité d'une femme qu'il souhaitait avant tout retrouvé pour se relever de cette chute vertigineuse?  «T'as été là pour moi par le passé, j'te dois bien ça. » Ma fierté me pousse à justifier ma présence comme un rendu, parce que c'est bien plus simple de penser ainsi.  «T'y aurais cru toi? Si on t'avait dit il y a 10 ans qu'on se retrouverait là toi et moi, plus seuls que jamais? A se lamenter sur ce qu'on aurait dû avoir, ou faire? » Le constat d'une vie bien médiocre. J'avais pourtant eu l'impression de pouvoir atteindre de nombreux objectifs à certains moments de mon existence, il n'empêche que je me retrouvais inlassablement propulsée sur la case départ. Le rire qui émane de sa bouche me pousse à reposer mon regard sur lui.  «Tu nous dépeins de manière bien pathétique … » Je feigne une moue, forcée de reconnaître que j'y allais probablement fort.  «En plus, je dois te corriger … on n’est pas plus seuls que jamais » Je fronce les sourcils brièvement, cherchant dans ma mémoire un élément qui visiblement m'échappe.  «on n’est à deux, non ? » Cette vérité est difficilement avouable. Elle fait naître une sensation bien trop étrange en moi, comme si je refusais de m'en accommoder. Je refuse de m'y soumettre, me rappelant que trop bien que la dernière fois que j'avais osé y croire, il avait fini par m'abandonner lui aussi. Ce "à deux" laisse entrevoir un lien qu'il m'est difficile de concevoir, parce que bien trop fragile et incertain Son regard fuit un instant le mien, suffisamment pour me laisser le temps de l'observer dans les moindres détails. «si on m’avait dit que tu allais être celle qui serait à côté de moi à ce genre de moment … il y a dix ans … j’aurais sans doute dit de ne pas me donner de faux espoirs » La brise vient caresser ma peau, balayant une mèche blonde sur mon visage l'espace d'un instant.  Je me mordille l'intérieur de la joue. "J'ai pourtant eu l'impression que tu cherchais à me fuir à l'époque." Son départ avait été bien trop précipité. J'avais cru subir une certaine indifférence de sa part, un besoin de s'éloigner de moi après un moment d'égarement. Regrettait-il ce qu'il s'était passé? S'était-il laissé bien trop entraîné par sa volonté de prendre soin de moi, afin de respecter ce qui était peut-être à ses yeux un simple devoir?  Un manque de considération qui me pousse à rester prudente sur ce qui peut sortir de sa bouche. J'appréhende, j'ai peur de me lancer sur un terrain bien trop dangereux sur le moment, et mon regard qui se perdait jusqu'alors dans le sien se veut finalement fuyant. "J'vais te raccompagner chez toi si tu veux bien… Sauf si tu avais d'autres projets?" Vivait-il encore sous le même toit que sa femme?

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 @Ugo De luca  ft. Savannah

Je ne pourrais jamais comprendre ce qu'il doit vivre à cet instant précis, ce que je sais, c'est que malgré l'aspect fataliste qu'il m'impose par des sages paroles, il doit probablement être frappé par une certaine déception. Ca fait mal. Je n'avais pas eu la chance de poursuivre ce chemin aux apparences idylliques, mais je l'avais tout de même touchée du bout des doigts. Une relation aux allures plus ou moins parfaite, une naissance à venir, une demande en mariage… Le rêve d'une vie. Mais la dépression survenue soudainement dans ma vie m'avait empêchée de reconnaître la perte sur le moment. Il m'aura fallu un long moment pour comprendre que j'avais sûrement manqué la chance de ma vie, celle que je ne retrouverais peut-être jamais. Un échec qui m'a souvent hanté, mais qui à l'heure d'aujourd'hui n'a plus du tout la même saveur. Cette relation que j'avais avec James, aussi belle était-elle n'était qu'un leurre, nous étions pas réellement disposés à vivre un amour fort et inconditionnel. Cet amour avait été probablement une façon de garder la tête hors de l'eau après l'accident. Il avait donné le change, me laissant penser qu'il était pur et sincère, alors que finalement, il avait juste été la lumière dans ce tunnel aux allures bien sombres, une mission sauvetage qui m'avait permis d'oublier mes fautes pour tenter de me racheter. « Les enfants … Ce sont les gamins qui me manquent ... » La moue qui s'invite sur mon visage témoigne de la compréhension que j'éprouve sur le moment, mais aussi la tristesse qu'il se doit d'éprouver ce sentiment lui aussi. Je sais combien ça fait mal de les voir partir, le coeur lourd, et ce pour plusieurs jours. Une habitude que je supportais depuis plusieurs années, mais qui parfois me paraissait encore bien douloureuse. "J'aimerais pouvoir te dire que tu vas t'y faire, qu'un jour t'y seras indifférent… Ca deviendra juste un peu plus supportable avec le temps" Ma bouche se glisse sur le côté, cherchant à lui apporter un peu de réconfort malgré la cruauté de cette nouvelle vie qu'il s'apprête à vivre.

La question que je lui lance ne trouvera pas de réponse. Et c'est probablement ce qu'il y a de plus frustrant alors que je cherche à comprendre les raisons de ma venue. Là où lui s'affaire à s'enfermer dans une sorte de mutisme, j'éprouve toujours le sentiment de vouloir entendre les choses pour guider mes pensées. « Si on m’avait dit que tu allais être celle qui serait à côté de moi à ce genre de moment … il y a dix ans … j’aurais sans doute dit de ne pas me donner de faux espoirs. » Et voilà que derrière toutes ces interrogations apparaissent des aveux qui me laissent dans une parfaite incompréhension. Il souffle le chaud comme le froid, et je tente inlassablement de déchiffrer ce qui se passe dans son esprit. « J'ai pourtant eu l'impression que tu cherchais à me fuir à l'époque. » Une vérité qu'il cherchera probablement à ignorer une fois de plus, alors que j'ai tout de même l'occasion de croiser son regard, assez longtemps pour tenter de deviner les mots qui n'osent franchir ses lèvres. Un silence que je décide cette fois de lui accorder, avant de le ramener à cette dure réalité qui l'a amené ici. . « J'vais te raccompagner chez toi si tu veux bien… Sauf si tu avais d'autres projets? » N'ayant pas envie de froisser un homme possiblement entêté par son ivresse du moment. « T’as raison. » Je me redresse, m'apprêtant à m'éloigner de l'ambiance festive, qui se déroule derrière ce mur. « J’ai jamais eu le courage de te poser la question ni même de me poser la question … » Je pivote légèrement sur moi-même, croisant ses yeux avant qu'il ne me faille quelques secondes pour tenter de comprendre à quoi il fait illusion. "Quelle question?" Prudente, j'ai besoin de savoir quel est le sujet. « j’ai fui. » Je soupire doucement, piétinant sur place. "Peut-être que t'avais toutes les raisons de le faire". Peut-être que la tournure qu'avait pris notre relation était bien trop étrange pour chercher à l'approfondir, et qu'il nous avait sauvé d'un possible chaos en osant seulement y songer. Le changement avait été si important, passant de personnes paraissant ne pas se supporter pour finalement nous retrouver à passer du temps ensemble, et à partager un baiser des plus surprenants lors d'une soirée.

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 @Ugo De luca  ft. Savannah

"Peut-être que t'avais toutes les raisons de le faire." Les mots qui sortent de ma bouche paraissent si naturels. Je me souviens pourtant parfaitement de ce que j'avais ressenti lorsqu'il avait balancé au beau milieu d'un repas familial, sa volonté de rejoindre Auden sur le continent australien. Je me souviens de la douleur que j'avais éprouvé, principalement dû à mes mâchoires  qui s'étaient fermées si fort, que j'avais été incapable d’émettre le moindre son jusqu'à la fin du dîner. Ma mère s'était empressée de sourire, probablement soulagée de savoir qu'il rejoindrait Auden, et se chargerait de veiller sur lui, chose qu'elle ne pouvait plus faire à cause de la distance. La tristesse l'avait pourtant rapidement gagné alors qu'elle s'était empressée de l'enlacer, parce qu'il représentait un membre de cette famille, et qu'elle en perdait un à nouveau, malgré qu'il n'en ait pas le sang. Et j'étais restée muette, presque figée, comme si le temps ne m'appartenait plus. Mon regard n'avait su se détacher de lui, cherchant probablement le moment où il aurait fini par révéler la supercherie. Mais il ne l'a pas fait. Pire encore, il n'est pas parvenu à m'adresser un seul regard. Incapable de m'accorder la moindre attention après ce temps que nous avions partagé ensemble, après ce baiser que nous avions échangé au beau milieu de cette cuisine. Peut-être aurais-je préféré qu'il me balance que c'était une erreur, que son impulsivité l'avait poussé à vouloir poser ses lèvres sur les miennes dans un moment d'insouciance, un besoin primaire, que je n'étais qu'une gamine, et que je ne l'intéressais pas. Peut-être que ça aurait été plus facile qu'il m'avoue me détester. Au lieu de ça, il s'était montré d'une indifférence totale, me ramenant au point de départ, ce moment où je l'avais rencontré pour la première fois, et qu'il s'était empressé de casser l'image du type parfait en m'ignorant lorsqu'il m'avait croisé au détour d'un couloir de la demeure. J'avais certainement été celle qui l'avait amenée à quitter le pays, et pourtant, j'étais celle qui tentait de lui apporter du réconfort ce soir. Un paradoxe qui m'échappait à moi-même, mais auquel il m'était impossible de songer, surtout pas maintenant.

Cette discussion, je cherche probablement à la fuir. N'ayant pas envie d'élucider un mystère de plus de dix ans. Je m'y étais faite. J'avais fini par accepter la réalité, et à fermer toutes les idées qui avaient pu émerger innocemment dans mon esprit jeune et vif de l'époque. Pourquoi vouloir mettre des explications sur un sujet si sensible? Est-ce l'ivresse qui le rend soudainement accessible et nostalgique? « Si j’avais des raisons de le faire, ce n’était pas les bonnes » Mes iris bleus se posent sur lui, attendant une fois de plus l'aveu d'une blague de mauvais goût alors que je me sens littéralement perdue. Une partie de moi dispose d'assez de recul pour saisir un aveu, passé jusqu'alors sous silence. L'autre a pourtant appris avec le temps que je ne devais plus me laisser berner par des faux semblants, particulièrement avec un taux d'alcoolémie considérable dans les veines. Il me balance ça avec un tel naturel, fourrant ses mains dans ses poches comme s'il évoquait un sujet complètement banal. Je déglutis, détournant mon regard pour tenter de ne pas me laisser engloutir par une quelconque émotion. « J’ai jamais eu le courage de te le demander, de te poser la question car la réponse me terrorisait plus que de raison. » Je baisse les yeux, éprouvant ce même sentiment sur l'instant présent. Il fait persister le suspens, et l'appréhension se fait plus forte au fil des secondes. « Est-ce qu’il voulait dire quelque chose pour toi … ce baiser ? Est-ce que tu penses que les choses auraient été différentes si j’étais resté … ? » Ma gorge se noue irrémédiablement. J'avais eu tellement de temps pour songer à cette question. Pourtant, à chaque fois, la réponse avait été différente. Et un jour, j'avais arrêté d'y penser, préférant m'en tenir à la réalité, celle dans laquelle il avait fermé la porte, et scellé notre destin. Ce soir, ça me parait presque interdit de me replonger dans ce passé que je m'étais affairée à oublier. Appuyée contre ce mur de briques rouges, je viens pourtant à considérer sa demande, à y songer avec bien plus de détachement qu'à l'époque, plus d'objectivité et moins d'insouciance peut-être. Ça ne me semble pourtant pas plus évident. Ce que je sais, c'est que je n'ai pas envie une fois de plus le laisser empiéter dans mon espace pour le laisser le piétiner ensuite. "Peut-être… Ou peut-être qu'on était juste deux jeunes idiots incapable de reconnaître qu'ils ont merdé" soufflais-je en relevant les épaules, tâchant de minimiser les faits alors que le silence qui suit devient presque pesant "C'est étrange, je pensais te détester depuis le début, mais il aura fallu que tu me balances ton départ pour que je sache c'que c'était vraiment que de te mépriser" Mon visage fini par pivoter et mes yeux se perdent l'espace d'un instant dans les siens. "...Mais aussi de te perdre. T'es parti, et j'me suis sentie plus seule que jamais." La sincérité se lit dans mes mots, et il ne peut y échapper, qu'importe le regard embué qu'il m'adresse. L'envie de lui retourner la question m'oppresse, un besoin d'assouvir des questions laissées sans réponse. Mais je ne le fais pas. Pas plus que je m'affaire à perdurer cette ambiance particulière. La blessure est encore visible sur ma peau, et je m'empresse de la dissimuler au tortionnaire.  "Mais tu as fais le bon choix" lâchais-je en reprenant mon souffle, balayant d'un revers de la main toutes les confidences auxquelles je venais de me livrer. "T'as réussi ta vie professionnelle, tu as gardé un oeil sur ce bougre d'Auden, et tu as fait les deux magnifiques créatures que sont tes enfants. C'est ce qu'il faut retenir, qu'importe si à l'heure d'aujourd'hui ton mariage est un échec, tu ne peux pas le renier en te demandant si tu aurais pas mieux fait de songer à l'idée de rester auprès de moi". Je me pince les lèvres. "Surtout que l'un de nous aurait p't'être fini par tuer l'autre" Un brin d'ironie qui me semble indispensable pour sortir de mon esprit cette question, à laquelle il n'aura finalement pas de réponse concrète. Demain, la nuit aura fait son travail et effacer avec un peu de chance de son esprit cette discussion ...

Did i do that

 @Ugo De luca  ft. Savannah

Que je me souvienne, les discussions sérieuses n'ont jamais fait partie de nos priorités. Il nous était bien plus facile de nous perdre dans ce jeu interminable qu'était de se chamailler avec l'autre, comme si c'était finalement la seule chose que nous étions capable de faire convenablement. Est-ce la maturité qui nous pousse désormais à rectifier le tir? Si je pense être apte à répondre à chacune de ses questions, celle qu'il m'impose finalement est diantrement cruelle. Il aura fallu plus de dix ans pour qu'il veuille évoquer ce baiser, mais surtout savoir ce que j'avais pu en penser. Mon coeur manque un bond. Si ce souvenir a été classé depuis bien longtemps dans la case "passé", l'image de nos lèvres se découvrant pour la première et unique fois me vient instantanément en mémoire. Je me souviens perceptiblement du torrent d'émotions qui m'avait embarqué, me laissant finalement perplexe dès lors que nous avions été forcé de nous détacher l'un de l'autre. De nombreuses idées m'étaient passées en tête, passant d'un acte impulsif et inconscient à l'évolution d'une relation que nous avions peut-être sous estimé. Et si toutes les choses que nous avions pu vivre ensemble avait fini par nous lancer sur un chemin que nous n'avions jamais prit le temps de considérer. Il n'avait pas été en mesure de m'offrir des réponses, et pire encore, c'est son besoin d'évasion qui s'était chargé de me fournir le fin mot de l'histoire. Et maintenant, il veut des réponses. Maintenant, il s'y intéresse, comme si l'échec de son mariage le poussait à réévaluer un terrain qu'il avait lâchement abandonné. Par un besoin de me protéger, je ne peux me laisser aller à quelques confessions, et préfère amplement me satisfaire d'une excuse pour le moins banale. Une soirée, une bonne entente, et un besoin aussi surprenant qu'éphémère de se soumettre à l'euphorie du moment. « Peut-être… Ou peut-être qu'on était juste deux jeunes idiots incapables de reconnaître qu'ils ont merdé » C'est plus simple ainsi, même si la probabilité qu'il s'agissait de quelque chose de bien plus complexe survole au-dessus de moi. Je l'observe, incapable de déceler sur son visage s'il ressent une quelconque émotion à mes aveux. A défaut de parler ouvertement de ce moment d'égarement, je m'affaire à lui faire savoir combien son départ avait pu m'affecter « C'est étrange, je pensais te détester depuis le début, mais il aura fallu que tu me balances ton départ pour que je sache c'que c'était vraiment que de te mépriser » Une façon de lui faire comprendre subtilement qu'il avait compté pour moi, et que la façon dont il m'avait abandonné justifiait peut-être un besoin de me protéger là maintenant en le laissant sans réponse. Prenant conscience que son état actuel ne lui permettait pas de saisir l'impact de ces mots, je poursuis. « … mais aussi de te perdre. T’es parti et j’me suis sentie plus seule que jamais. » Je me sens vulnérable. Étrangement, je ressens pourtant une sorte de soulagement d'oser lui avouer aussi. Peut-être parce qu'il est ivre et qu'il n'aura aucun mal à saisir ses mots comme il l'entend, de quoi lui donner peu de crédibilité ensuite. Il pourra aussi possiblement les oublier dès le lever du jour, mais les aura tout de même entendu

«… C'est ce qu'il faut retenir, qu'importe si à l'heure d'aujourd'hui ton mariage est un échec, tu ne peux pas le renier en te demandant si tu aurais pas mieux fait de songer à l'idée de rester auprès de moi.» Je ne veux pas être sa bouée de secours, celle à laquelle il s'accroche maintenant qu'il se retrouve seul, celle qui exprime une sorte de second choix. « Surtout que l'un de nous aurait p't'être fini par tuer l'autre » Cette note d'humour parvient à nous ôter du côté dramatique que je nous ai malheureusement infligé, et l'écho de son rire parvient à me soutirer un rire à mon tour, consciente de la chance de l'avoir dans ma vie, malgré des apparitions bien moins fréquentes sur les dernières années. « T’as toujours été beaucoup plus maline que moi … la preuve une fois de plus, Polpetta. Tu parles comme une … adulte » Je souris largement à ses mots, pas peu fière de l'entendre le reconnaître. "C'est p'têtre parce que j'en suis devenue une, va savoir…" Une haussement d'épaule qui laisse malgré tout planer le doute. Derrière une sagesse plus affirmée, je n'en reste pas moins une jeune femme impulsive, et définitivement agaçante quand elle s'y met. « Ça m’a manqué … ta voix de la raison … tu m’as manqué. » Ces quelques mots suffisent à illuminer mon regard. Alcool ou pas, je devine la sincérité dans ses mots, et je ressens étrangement cette étrange sensation dans ma poitrine, d'une douceur infinie. J'ai envie de lui dire combien ce sentiment est partagé, j'ai soudainement envie de lui dire plein de choses. Mes lèvres se détachent pourtant l'une de l'autre qu'il se redresse, mettant fin prématurément à un échange sincère et sans retenue. Le possible signe que je dois me résoudre à y répondre? Je cherche à m'en convaincre en me redressant finalement à mon tour, tâchant de reprendre mes esprits. « J’crois que j’ferais mieux d’rentrer ... » Mon regard se repose sur lui, constatant la mauvaise direction qu'il semble vouloir répondre. Un éclat de rire s'échappe de mes lèvres, alors que ma main vient s'agripper à son poignet pour le tirer en arrière. "C'est pas par là…" lançais-je en souriant, face à son air pour le moins perplexe. Un problème d'orientation qui me pousse à le prendre sous mon aile. "J'te raccompagne…J'ai pas envie de te retrouver dans les faits divers demain De Luca." Me glissant à ses côtés, je viens passer mon bras sous le sien, l'aidant à garder le cap jusqu'à ma voiture. Cette dernière est rapidement à portée de main, alors que je lui ouvre la porte passagère pour qu'il s'y installe. Je la contourne finalement pour prendre place au volant. Je viens glisser ma ceinture de sécurité, croisant finalement son regard. "Bien. Interdiction de vomir dans ma voiture. Si ça vient, tu m'le dis rapidement pour que je m'arrête. Et interdiction de changer la musique aussi. Ma voiture, mes règles." Un air supérieur pour tenter de le dissuader d'y passer. Démarrant le moteur, je finis par me retrouver sur la chaussée. "Tu t'souviens encore de ton adresse?" Mon regard s'aventure un instant sur son visage, cherchant à deviner si l'endroit vers lequel je dois me diriger n'est pas celui de la maison qu'il partage encore avec sa future-ex-femme. La possibilité qu'il ne veuille pas s'y rendre, particulièrement dans cet état, serait des plus recevables.