Sa pratique intensive de la danse n'était déjà pas suffisante lorsque tout allait pour le mieux autour de lui, alors Eddie s'est évidemment jeté tout entier dans le moindre sport qu'il pouvait en parallèle pratiquer pour compenser les récents chamboulements de sa vie. C'est libérateur, bien sûr, compte tenu des mauvaises énergies qu'il ressent le besoin d'évacuer mais solliciter aussi durement son corps est peut-être bien aussi une punition qu'il s'inflige, celle de ne pas avoir su éviter une situation de crise dont son couple pourrait cette fois ne pas parvenir à sortir. Eddie n'irait pas jusqu'à dire qu'il cherche à se faire du mal quand bien même ses entrainements s'enchainent certains jours à une cadence tout simplement infernale, combinant aussi bien des répétitions de danse à son studio, d’intenses séances de cardio que de longs footings – sa nouvelle drogue, dirait-il. S'il a depuis longtemps l'habitude de courir pour entretenir son corps et son endurance, Eddie est aujourd'hui animé par la volonté de repousser sans cesse ses limites comme il se contentait de le faire jusque là sur un parquet, désireux d'exceller à présent dans la course à pied comme s'il préparait en secret le prochain marathon de la ville. En vérité, il pourrait avouer courir sans véritable but ou seulement après la résolution de ses problèmes, bien mal partis pour connaître l'amélioration souhaitée tant qu'un certain magazine ne rétablira pas la vérité sur sa relation présumée avec Ruby. C'est aussi la frustration de n'être cru par personne, et surtout pas par la femme partageant sa vie, que le jeune père entreprend d'éliminer en courant de toutes ses forces là où ses pieds peuvent le mener mais le footing du jour promet toutefois d'être particulier, pour la simple et bonne raison qu'Eddie n'est cette fois pas le seul à chausser ses baskets.

Cette histoire le poursuit bien malgré lui mais elle n'a au moins pas eu que des conséquences négatives, car le fait d'avoir logé quelques temps chez Gabrielle a tout naturellement remis la petite sœur de celle-ci sur sa route en admettant qu'ils se soient réellement éloignés après leur rencontre au casino en septembre dernier. Meryl ne gravitait déjà pas bien loin mais il dirait que sa propre venue chez l’avocate a d'autant plus facilité les choses, l'occasion d'apprendre d'ailleurs que la benjamine Strange traverse elle aussi une sorte de tourmente médiatique et que dans l'art de faire parler d'eux ces temps-ci, elle et lui ne sont pas loin de passer experts. Eddie a néanmoins évité de se perdre sur la toile à la recherche de détails la concernant car si Meryl veut lui parler de ces articles circulant sur son compte, il préfère qu'elle en saisisse elle-même l'occasion – dans l'hypothèse où sa curiosité ne le trahirait pas la première, entre deux litres de sueur versés aujourd'hui. C'est sur les quais du fleuve qu'Eddie retrouve la jeune infirmière, l'étendue d'eau se voulant suffisamment grande pour représenter un parcours intéressant et c'est après un échauffement conformément mené qu'il annonce, d'une voix déterminée : « Bien. Maintenant qu'on est préparés et qu'on a déjà un peu transpiré, je te propose de suivre tranquillement mon rythme. » Publicité mensongère ou presque, car Eddie n'est justement pas du genre à entreprendre quoi que ce soit tranquillement alors Meryl ferait mieux de savoir lire entre ses lignes pour ne pas en être trop surprise. C'est d'autant plus vrai quand il s'emploie à courir pour oublier, prêt à défier les limites de sa résistance aussi grande soit-elle car après toutes ces années, il va sans dire que le danseur n'est pas de ceux ployant facilement sous le poids de l'effort. « Allez Meryl, pas question de laisser nos jambes refroidir. » Il est évidemment le premier à s'élancer à peine ces mots formulés et s'il fait en sorte de ne pas trop mentir sur les premiers mètres parcourus, Eddie ne tarde pas à intensifier sa course autour du fleuve en appréciant notamment que le soleil soit de sortie. « Accélération et montée dans quelques mètres, hop hop. » annonce-t-il sans même observer ce qui se passe derrière, convaincu que Meryl n'a aucun mal à le suivre tandis que devant eux, un pont se profile. Ce n'est qu'après celui-ci franchi – et de nombreux mètres supplémentaires – que le duo pourra s'autoriser une pause quand bien même le jeune père préfère penser qu’ils n'en auront pas vraiment le besoin l'un et l'autre. Eddie se montre particulièrement confiant vis-à-vis des capacités de Meryl et ce, plus ou moins à juste titre.

Sans chercher à se jeter des fleurs, Eddie estime lui aussi que l'exercice du jour ne pourra qu'être bénéfique à Meryl pour sortir de son esprit tout ce qui peut actuellement le polluer. Elle a besoin autant que lui de cette adrénaline qu'ils iront chercher tout autour du fleuve aujourd'hui, un parcours que le danseur peut se vanter d'assez bien connaître et qu'il se réjouit de ne pas entreprendre seul, convaincu que le rythme qu'il peut habituellement s'imposer ne posera pas de difficultés particulières à la jeune Strange. L'échauffement a le mérite de très bien se passer, sans révéler le moindre signe qui pourrait laisser penser que les choses viendront assez rapidement se corser. Car pour l'heure, Eddie prétend débuter leur course en douceur ou du moins, à un rythme qu'il associe comme étant relativement tranquille afin de ne pas risquer la surchauffe à peine lancés – et pourtant, un départ survolté aurait pu le tenter compte tenu de toute l'énergie qu'il a à dépenser. « Pas de problème, je te suis ! J’ai pas une grande foulée, mais ça devrait le faire. » Et bien sûr qu'Eddie est le premier à croire que Meryl est amplement capable de relever un tel défi, considérant pour sa part que cette séance n'est vraiment pas la plus intense qui puisse exister. Un jeu d'enfant ou presque pour un danseur à l'endurance forgée par plus de quinze années de danse, de quoi lui conférer un avantage dont il a à peine conscience. « J'en doute pas et puis tu sais, c'est pas comme si on préparait un marathon alors ça reste chill. » Un terme plutôt trompeur, là encore, quand il est prononcé par un jeune homme surentraîné et chill, leur course ne le reste véritablement que quelques instants avant qu'Eddie ne vienne déjà augmenter sa vitesse, dans une évolution des choses qu'il juge parfaitement naturelle.

Le parcours en lui-même n'a pas de quoi le faire souffrir, mais le jeune père insiste peut-être bien pour imposer à son corps des efforts que ce dernier pourra ressentir car c'est une façon comme une autre d'évacuer son immense frustration. Cette course n'aura pas servi à grand-chose s'il ne la sent pas vibrer dans chacun de ses membres, mais à trop vouloir flirter avec ses propres limites Eddie en oublie de s'assurer que celle qui l'accompagne parvient à se dépasser elle-même. Meryl le suit encore de près lorsqu'il accorde une petite pause à leur duo, tenant sur ses deux jambes malgré un souffle court qui se remarque autant qu'il s'entend. Rien qui ne soit tellement anormal, et rien qui ne l'alarme non plus. « La vache, j’imaginais pas ce petit dénivelé... il est fourbe ! » Ces mots l'amusent et lui arrachent même un léger rire, car il n'avait pas menti sur la survenue imminente d'une montée. Fourbe, ce parcours tend effectivement à l'être et c'est bien tout l'intérêt que le danseur lui trouve, s'il faut être honnête. « Et attends de voir les autres, ils sont pas mal aussi. » glisse-t-il en se disant que les choses seraient affreusement plates et sans saveur si ces obstacles n'existaient pas. Ils ne sont pas ici pour se donner à moitié et Meryl partage forcément son avis, quand bien même celle-ci ressent le besoin de s'hydrater malgré le peu de distance parcourue selon lui. « Tu me laisses une petite minute ? Je sais que j’ai l’air essoufflée, mais... ça va je suis ! » Elle va bien, c'est une évidence car elle l'affirme après tout la première face à un Eddie croyant durement en ses capacités. « T'es un peu rouge surtout mais t'as bien tenu la cadence jusqu'ici. Avoue juste qu'il y a pas mieux pour se défouler, et dis-toi au pire que c'est de la bonne fatigue. » Un mot qu'il est toutefois interdit de prononcer avant la ligne d'arrivée et c'est pourquoi le danseur se reprend bien vite, comme pour poser les limites de l'exercice : les battants comme eux ne connaissent pas la fatigue. « Mais pas tout de suite, on a clairement pas assez couru pour être épuisés alors prépare-toi à reprendre Meryl. » Leur pause ne doit pas durer plus de deux ou trois minutes, au risque de voir leurs muscles refroidir. Eddie est prêt lui, bien assez préparé pour pouvoir enchainer car cela aide, bien sûr, d'exercer un métier qui l'amène à être constamment en mouvement et où le terme « repos » lui semble un peu trop inconnu. « T’as plutôt une belle foulée, j’ai l’impression d’être un peu rouillée, mais ça fait du bien... » Il ne partage pas son avis et ce, parce qu'il ne soupçonne pas que Meryl est actuellement dans le mal. Elle prétend le contraire et c'est ce qu'il désire lui-même voir en elle, sans réaliser qu'il en demande sans doute trop à celle qui n'a pas signé à l'origine pour une telle intensité. « On peut se fixer ces petites séances quand tu veux, tiens, pourquoi pas deux fois par semaine pour commencer ? » Sous-entendant que cela peut être plus car il ne crachera jamais sur la moindre compagnie pour courir, et c'est en attendant à peine sa réponse qu'Eddie déclare : « Allez, c'est reparti. »

C'est officiel après ça, il est bien trop absorbé par sa course pour prêter attention à ce qu'il se passe derrière et durant plusieurs minutes, le jeune père maintient son rythme en le ponctuant d'accélérations de plus en plus poussées qu'il ne se donne même plus la peine d'annoncer. Meryl le dirait si c'était trop pour elle, c'est ce qu'il préfère se dire mais pour ça, il faudrait déjà que la jeune femme soit encore en mesure de le suivre et à force de ne rien entendre d'autre que sa propre respiration, Eddie commence à se demander si elle se trouve bien toujours à ses côtés. « Meryl ? » Elle n'est pas derrière lui lorsqu'il se retourne et cette vision l'interpelle, suffisamment pour qu'il revienne sur ses pas et constate finalement que la blonde se trouve quelque peu à la traine. Plus rouge qu'elle ne l'a jamais été, plus essoufflée aussi, mais visiblement pas encore assez épuisée pour qu'Eddie y perçoive le moindre mal. « J'étais convaincu que tu me suivais, laisse-moi deviner : c'est un vilain point de côté ? » Ça ne peut tout simplement pas être autre chose, et c'est sûrement aussi la seule vraie raison de ralentir de son point de vue. Cela arrive même aux meilleurs, et il ne doute après tout pas que Meryl en fait partie tout comme lui. « Contrôle ta respiration, ça va passer et dès que c'est le cas, on s'y remet. » Le fait qu'il ne sache pas garder ses jambes au repos et s'emploie à sautiller sur place en dit long sur son irrépressible envie de reprendre, car Meryl aura forcément retrouvé ses pleines capacités d'ici quelques secondes, il ne veut cette fois encore que s'en persuader.