22 mars

Il avait certes imaginé célébrer le premier anniversaire de son fils de bien des façons, mais certainement pas dans un climat comme celui-ci. L'atmosphère tend à être lourde et la communication pour le moins difficile au 68 St Paul's Terrace depuis que les frasques parisiennes d'Eddie l'ont rattrapé jusqu'en Australie, et c'est presque en colocation qu'Halston et lui vivent même depuis. Plus en couple, non, car l'américaine n'a pas manqué de lui rendre sa bague de fiançailles tout en le gratifiant de paroles que le jeune père ne parvient pas à digérer, à croire qu'il n’aura fallu qu’un baiser volé pour détruire leur petite famille et tout leur équilibre. S'il vit assurément très mal cette distance qu'Halston s'est empressée de mettre et le fait de ne plus rien partager avec elle à commencer par leur chambre à coucher, Eddie s'inquiète surtout des conséquences sur leur fils qu'il considère bien trop jeune pour voir ses parents se déchirer. Sasha mérite qu'ils fassent des efforts pour qu'il ne soit au moins pas amené à en souffrir, mais pourront-ils préserver le jeune enfant d'une situation qu'eux-mêmes ne contrôlent pas vraiment ? Certaines questions restent après tout en suspens comme le fait de rester sous le même toit dans de telles circonstances, le refuge trouvé chez Gabrielle n'ayant pas empêché Eddie de revenir vivre dans cette maison qui est aussi la sienne et dont il ne conçoit pas de partir, car cela reviendrait à la fois à baisser les bras sur son couple et à disparaître du paysage quotidien de son fils, une chose tout bonnement intolérable pour lui. Eddie n'a pas enterré quoi que ce soit lui, il est encore moins disposé à accorder autant de pouvoir à Ruby quand son principal tort reste de ne pas avoir su mettre de limites, mais il a l'impression de se répéter encore et encore en affirmant sa vérité autour de lui. Un discours que le danseur se fatigue à avoir quand bien peu de personnes semble prêtes à l'écouter, et une peine qu'il ne se donnera pas autant aujourd'hui alors que l'anniversaire de Sasha est la seule chose qui puisse présentement compter. Pour lui, Eddie tient à sauver les apparences et il espère qu'Halston y sera tout autant disposée, car il ne tient qu'à eux d'agir en parents responsables pour le bonheur de leur enfant – ce dernier n'ayant pas signé pour pâtir de leurs histoires comme des tensions animant désormais leur relation, et cette date s’avérant bien assez symbolique pour que des efforts soient aussi entrepris.

Dans un monde où son couple ne serait pas au plus mal, Eddie aurait évidemment consulté sa fiancée pour l'achat des cadeaux de Sasha et c'est ensemble qu'ils auraient même parcouru les magasins pour y dénicher de quoi gâter leur trésor. À la place, c'est avec Callie que le jeune père a honoré cette mission, récoltant volontiers ses conseils car décider seul ces temps-ci, autant avouer qu'Eddie n'en est plus tellement capable. Son choix s'est alors porté sur un cheval à bascule, quelques jeux d'éveil comprenant un boulier et des blocs sensoriels, un attirail de jouets de bain et un premier kit de dessin, le tout emballé avec soin. Il ne faudrait simplement pas qu'Halston ait de son côté eu les mêmes idées mais ce n'est pas vraiment la principale inquiétude d'Eddie en ce vingt-deux mars, pas quand la perspective d'une fête d'anniversaire en petit comité devrait les forcer à respirer le même air et donc à se parler le temps d’une journée. S'il ne demande pour sa part qu'à profiter d'un moment avec elle, il doute en revanche que l'américaine soit très fan de l'idée et s'attend même à ce qu'elle daigne à peine le regarder, une triste routine ancrée entre eux depuis déjà plusieurs semaines. Par volonté évidente de se racheter, Eddie a endossé la responsabilité de l'achat d'un gâteau personnalisé pour ravir les petits yeux de leur fils, laissant à Halston la décoration de leur intérieur ainsi que le choix de la tenue de Sasha pour ne pas non plus s'imposer. La fête en elle-même s'annonce sans grande prétention, quelques uns de leurs proches ayant promis de passer mais pas avant le milieu de journée, signifiant donc qu'ils devront composer avec leur seule présence pour deux bonnes heures le temps de finir de préparer ce qui doit encore l'être. Et tandis qu'Eddie rejoint son domicile pour s'assurer de mettre le gâteau en lieu sûr, c'est en passant par le salon qu'il remarque qu'Halston est en pleine installation des banderoles, une part de lui rechignant à passer son chemin sans lui proposer au moins son aide. « Je peux prendre le relai si tu veux, ou me charger de gonfler le reste de ballons. » suggère-t-il, avec bien plus de prudence qu'il ne l'aurait autrefois fait car ces choses-là n'ont plus rien de vraiment naturel, et Halston semble aussi bien moins portée à se tourner vers lui. Eddie conserve pourtant l'espoir d'un minimum de cohésion aujourd'hui, à défaut de parvenir à retrouver avec elle une complicité et une tendresse qu'il semble être le seul à encore rechercher. « Le gâteau est au frais, tu verras qu'il est vraiment mignon. » Et c'était bien la principale condition pour être digne du premier anniversaire de Sasha, le choix en boutique s'étant avéré assez vaste avant que le danseur ne se dirige vers un lapin et des couleurs bien plus originales que le traditionnel bleu qui n'a jamais été particulièrement plébiscité pour leur petit garçon. Ce gâteau sera ainsi assorti à sa chambre, et le vert est également la couleur que l'on retrouve sur la plupart des décorations. « Je voulais te dire, au fait. » reprend-il, son regard cherchant à capter celui d'Halston quand bien même un tel contact devient aussi difficile que le reste. Ce sera plus simple de se comprendre si elle accepte de le regarder ne serait-ce qu'un instant, et c'est une fois ce contact visuel initié qu'Eddie s'autorise à ajouter. « J'aimerais vraiment que Sasha passe une bonne journée alors peut-être qu'on pourrait tenter de faire semblant ne serait-ce qu'aujourd'hui, non ? » Il ne prétend pas que ce sera facile et il ne demande pas non plus à l'américaine d'agir faussement avec lui, uniquement de se fendre de quelques sourires et de tolérer sa présence à ses côtés pour que leur fils ne ressente pas à quel point les choses ont changé.

Si on lui avait dit qu'il en serait un jour réduit à collecter n'importe quel moment avec Halston dans leur propre maison car ces derniers en deviendraient terriblement rares, Eddie ne l'aurait pas cru. Deux mois déjà que cette situation perdure, deux mois à se demander ce qu'il pourra exactement sauver d'une relation à laquelle l'américaine semble de son côté avoir d'ores et déjà renoncé et deux mois à ne dormir aussi que d'un œil, dans une chambre d'ami aussi froide que vide. Il ne s'est pas fait une raison pour sa part, bien incapable d'accepter une rupture dont le seul nom lui retourne le bide car la femme qu'il aime ne peut pas devenir une étrangère, cette idée a évidemment tout pour lui déplaire et même pour le consterner. Une chance qu'il n'ait pas recroisé Ruby depuis leur retour de Paris compte tenu des paroles qu'il s'est plus d'une fois imaginé lui adresser, des reproches en très grand nombre mais également des questions qui demeurent pour l'heure sans réponse, Eddie n'ayant pas souhaité que sa frustration le mène à venir la confronter si cela signifie devoir la recontacter. Son nom est même le dernier que le danseur souhaite voir s'afficher sur l'écran de son téléphone, espérant à la place que la mère de son fils retrouvera l'habitude de lui écrire car ses messages sont les seuls qu'il se prend à guetter chaque jour, pour n'en recevoir bien souvent aucun. Ce n'est plus comme avant, Eddie n'est pas censé l'ignorer mais admettre sa défaite lui est toujours impossible, et c'est particulièrement vrai le jour du premier anniversaire de son fils. Une journée ô combien symbolique durant laquelle ils peuvent encore prétendre former une famille car la seule chose que rien ni personne ne pourra détruire est bien son rôle de père, qu'Eddie endosse avec la plus grande fierté depuis l'arrivée de leur petit miracle sur terre. Il n'est peut-être plus un homme dont Halston souhaite partager la vie mais il reste malgré tout celui auquel elle sera éternellement liée vis-à-vis de leur fils, de quoi lui garantir une place dans son paysage même si elle doit être minime et cette place, précieuse comme on le devine, Eddie a très précisément à cœur de l'honorer aujourd'hui.

Il n'a pas attendu que son couple soit conjugué au passé pour s'appliquer et se rendre utile, mais autant avouer que sa participation a cette fois le but caché de lui permettre d'exister un tant soit peu aux yeux d'Halston quand il parvient à peine à obtenir un mot, un geste ou un regard de sa part. Ce silence n'est pas seulement invivable, il est aussi incroyablement frustrant après trois merveilleuses années passées ensemble mais ce n'est pas en s'imposant qu'Eddie retrouvera celle qui occupe aussi bien son cœur que ses pensées, et cela sous-entend qu'il doit avant tout la laisser respirer. Il s'interdit donc de revenir à la charge sur une séparation qui ne lui convient pas et économise sa salive de façon générale, conscient que le moindre échange se doit à présent d'être amorcé avec la plus grande prudence et c'est ce qu'il s'emploie à faire en lui offrant son aide. Elle est libre de ne pas la considérer ou de l'inviter à se contenter des tâches qui lui ont été attribuées mais elle ne semble à l'inverse pas contre, quand bien même les trois mots qu'il récolte trahissent un manque d'enthousiasme qu'il peut aisément ressentir. Elle tolère qu'il prenne le relai mais ne se formaliserait pas non plus du contraire, c'est en tout cas ce qu'Eddie croit lire entre les lignes alors qu'elle ne réagit pas beaucoup plus à ce qu'il lui confie ensuite. Un mot, un seul pour rebondir sur le gâteau dont il s'est personnellement occupé et qu'Halston n'a de toute évidence pas prévu d'aller contempler tout de suite, ce qui vaut à Eddie de retenir un léger soupir. Pourquoi est-ce que dialoguer est devenu aussi compliqué, et pourquoi faut-il aussi que sa prochaine remarque soit aussi mal comprise ? Lui demander de faire semblant pour préserver l'innocence de leur fils n'était en aucun cas une façon de la présenter comme la mauvaise mère qu'elle n'est pas, des mots qui trouvent même le plus désagréable des échos en lui. « Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, et c'est aussi la dernière chose que je pense de toi. » lui assure-t-il, sentant bien qu'Halston est sur la défensive. Il garde autant de respect que d'amour pour elle, et cela passe aussi par une profonde admiration pour la mère qu'elle peut être. « Je ne voulais pas te froisser. » Mais il l'a manifestement fait, plus maladroit qu'il ne le voudrait depuis que son escapade parisienne s'est retournée contre lui car Eddie marche sur des œufs au sein de son propre foyer, au point de souffler la suite d'une voix presque inaudible. « Tout ce que je veux c'est vous voir tous les deux sourire. » Et si ce sourire pouvait ne pas être forcé du côté de l'américaine, il en serait le premier soulagé car cela voudrait dire qu'elle profite sereinement de cette journée sans trop subir le fait d'être à ses côtés. Il hoche doucement la tête face à ce qu'elle suggère ensuite, adhérant à l'idée d'immortaliser cette fête d'anniversaire d'un ou plusieurs clichés. « Je trouve justement qu'on ne prend pas assez de photos depuis qu’il est né. Sasha mérite de garder un souvenir de son premier anniversaire et je crois que nous aussi. » C'est même l'un de ses souhaits les plus chers, et le laisser entendre permet à Eddie de ne pas rester sur le regret qu'il a avant ça exprimé. Ce sont plus généralement leurs moments à trois qui viennent à manquer depuis le début de l'année et c'est une autre chose que le jeune père déplore de son côté, souffrant depuis deux mois en silence pour ne pas réclamer à Halston des moments dont il a terriblement besoin en tant que père, et en tant que conjoint refusant d'en perdre le titre. Une poignée de minutes et tout autant de ballons gonflés plus tard, Eddie tourne sur lui-même pour décréter que sa mission est en passe d'être accomplie. « Si je peux aider à autre chose, tu n'as qu'à me le dire. » Il a en l'occurrence deux mains à nouveau libres et pas mal de temps devant lui, même s’il semble surtout chercher à prolonger ce moment avec elle. Halston lui manque elle aussi, le simple fait de se tenir à distance relevant parfois de la torture comme ici. « Je pensais d'ailleurs me changer pour revêtir quelque chose d'un peu plus habillé mais si je te demandais ton avis sur une tenue, est-ce que tu me le donnerais ? » Ce n'est pas une question piège, simplement un moyen de vérifier si cela a aussi pu changer car autrefois, Halston était la première à bénéficier d'un droit de regard sur ses tenues en tant que femme dotée d'un goût certain. Une part de lui continue de rechercher son approbation mais Eddie tâche malgré tout de rester réaliste, c'est pourquoi il finit par calmement ajouter : « Je peux entendre que la réponse est non. » Que cela ne l'intéresse plus ou qu'elle ne veut plus prendre part au moindre choix qui le concerne même s'il doit être vestimentaire, au même titre que tout le reste.