Ma disparition au sein de la cuisine est calculée. Je tente de me défaire du regard interrogateur et insistant de Cade. Sa réaction est probablement justifiée, surtout venant de quelqu'un qui a un œil si avisé sur la justice, je me retrouve coincé dans une sorte d'interrogatoire dans lequel la fuite est la seule solution pour m'en échapper. J'ai tenté de rester évasive sur le sujet, mais sans grande surprise, je ne suis pas parvenue à satisfaire sa curiosité. Et je me doute très bien qu'il ne se contentera pas de si peu, preuve en est, il me rejoint bien assez vite, suscitant un certain agacement chez moi. Je sais qu'il ne pense pas à mal, mais je n'ai clairement pas besoin de parler de tout ça, surtout pas maintenant. Je sens à travers ses propos certaines menaces,  et il ne réalise pas un instant que ce sont bien ces dernières qui vont me pousser à nier clairement tout ce qui a pu précéder mon départ. Mon regard plongé dans le sien, la colère me permet d'oublier ces mensonges dans lesquels je m'apprête à me lancer. "– Brave, peut-être pas. Je risque de n’pas me montrer très honorable sur ce coup-là !" Je laisse échapper un souffle, qui s'apparente à une sorte de rire ironique.  C'est pour ça. C'est exactement pour cette raison qu'il ne doit rien savoir. Je ne souhaite pas lui attirer des problèmes, d'autant que j'estime que ça ne mérite pas tant d'importance. Cet homme n'a jamais tenté de me violer. Il sait peut être montré insistant parfois, lorsque je souhaitais quitter les lieux et qu'il voulait me récompenser au travers d'un repas improvisé avec lui. Les propositions parfois directes qu'il avait énoncé avaient toutes été lancé sur un ton provocateur et amusé, afin de me tester, enfin je pense. Mais ce soir là, où il s'était avancé vers moi, bloquant mon corps entre le sien et ce mur dans lequel je priais pouvoir m'enfoncer et disparaître, avait définitivement fait pencher la balance. Il avait tâché de capter mon regard, alors que mon visage tenter de garder l'espace nécessaire avec le sien, pivotant de gauche à droite comme si ça me permettrait d'être dispensé d'un baiser. Il avait deviné mon refus, cela ne l'avait pourtant pas empêché de glisser son index sous mon menton, afin d'accompagner son geste. Il n'avait pas eu le temps d'apprécier le goût de mes lèvres que je l'avais repoussé, n'ayant pas la force de lutter plus longtemps. Sa réaction ne s'était pas faite attendre, la mâchoire serrée, il m'avait clairement fait comprendre quel genre de fille j'étais, une pauvre fille qui aimait se balader en petite tenue, chauffer son supérieur, pour finalement changer d'avis...Une fille qui ne méritait même pas de franchir la porte de son bureau. Patron ou non, je m'étais détachée de son emprise avec ce regard noir, prête à lui coller mon poing sur la figure si je n'avais eu un instant le doute qu'il puisse se montrer plus virulent, profitant de l'absence totale des autres employés ce soir là. Et j'étais partie, le coeur battant, bouleversée mais à la fois soulagée de cette issue. J'avais bien évidemment attendu l'heure de pointe du lendemain pour récupérer mes affaires, ignorant les questions de mes collègues, croisant une dernière fois son regard avant de quitter cette boîte... Il n'y avait rien de plus à ajouter à cette histoire, elle méritait d'être clôturée, n'en convienne à l'agent. Je me tourne vers le dessert, tentant d'oublier le sujet fâcheux qui me rend soudainement plus fragile et inaccessible. "– Okay…" Mon corps se relâche doucement, soulagée qu'il veuille bien se satisfaire de mes explications. Sa main attrape la mienne, me faisant remarquer que je m'en prends à la mauvaise personne, mais ca me dépasse. "– Hey…" lance t-il avec une extrême douceur. Mon regard se balade à travers le sien, restant pourtant sur la réserve, comme si la rechute n'était pas bien loin. – Je sais ce que tu vas dire… « Tout le monde a son petit jardin secret, n’est ce pas Cade ?! » Je baisse les yeux, ne pouvant le contredire sur ce point. "– Je sais aussi que si t’as laissé tomber ce poste, c’est pas pour rien. Ce connard a besoin d'une bonne raclée...Mais t’es aussi butée que moi, donc tu vas continuer de prétendre que c’est pas important !" Je soupire à nouveau, me demandant si ce n'était pas une nouvelle tactique pour parvenir à me faire avouer. Sa main relève doucement mon visage, soufflant un vent bien plus agréable sur moi. "– Parles moi quand c’est nécessaire." Je déglutie, presque coupable d'oser lui cacher les faits. Je préférais peut être lorsqu'il se montrait autoritaire finalement. Je réalise surtout sa bienveillance à mon égard. J'ai toujours tâché d'affronter mes problèmes toute seule, et pour la première fois depuis longtemps, je remarque que la personne à mes côtés se sent concerné par ce que je peux ressentir. "D'accord" soufflais-je doucement, luttant pour ne pas me laisser convaincre par son regard sincère et profond de tout lui balancer. Ses lèvres viennent attraper les miennes dans une infime tendresse, renforçant cet apaisement passager. Sa présence me fait du bien, il n'a pas idée à quel point. Ce besoin de se retrouver enveloppé dans notre petite bulle se fait plus fort, nous faisant oublier tout ce qui nous entoure instant. Le confort de ses lèvres est bien trop tentant pour que je cherche à le rappeler à l'ordre, il efface même les propos échangés quelques secondes plus tôt avec lui. La voix de Mathis va cependant me faire redresser soudainement alors que la séparation de nos corps est effective en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire. Je passe les doigts frénétiquement devant ma bouche, comme pour faire diversion face au regard bien figé de Mathis sur ma personne. Nous avons l'air de deux ado, prient en plein flagrant délit. Sauf que là il s'agit d'un enfant de quatre ans, qui pourrait vite se montrer curieux sur ce rapprochement entre deux amis, ou qui pourrait s'empresser de le balancer à son père. "Eh bien on y va justement" répondis-je avec un air enthousiaste bien trop surjoué. "Cade m'aidait justement à préparer tout ça". Je me tourne pour attraper la tarte déposée sur un plat et la tendre à Cade, me pinçant les lèvres pour ne pas me laisser envahir par un rire nerveux.                                                                          
"Merci" murmurais-je avec une certaine éloquence, et un regard quelque peu charmeur pour lui faire savoir combien j'avais apprécié notre échange, aussi court fut-il.Mathis s'approche de moi, que je soulève de façon espiègle afin de le distraire et de le faire rire. "Tu sais ce qui va être encore plus chouette? On va ajouter une bonne petite boule de glace...Qu'est ce que t'en pense?" Sa réponse est bien évidement sans appel, il s'agit tout de même de son pêché mignon. Je dépose un baiser sur le haut de sa tête avant de le relâcher. J'attrape à nouveaux quelques assiettes et les rejoins quelques secondes plus tard avec le pot de glace à la vanille, parfait pour accompagner cette tarte aux pommes. "Dis donc, qui est ce qui a déjà mangé un bout?" demandais-je en remarquant un léger trou dans la pâte cuite. Mathis, penché par dessus la table hausse les sourcils, désignant de son index son voisin comme coupable, parvenant à me soutirer un rire.

L’impulsivité de Cade agissait fréquemment pour lui. Mais elle était capable de faire des ravages lorsque le problème le touchait de près. Sans s’en rendre compte, son attitude parlait pour lui quand il s’emportait. Savoir que Savannah avait pu se retrouver coincée physiquement ou même perturbée moralement par un abruti qui pense pouvoir profiter de son statut de boss pour obtenir des faveurs d’une de ses employées… la nervosité était montée en lui, révélant que, quoi qu’il puisse dire, la jeune femme avait prit une place évidente dans sa vie. Il s’était déjà vu attraper l’autre par le col et le menacer de lui faire la peau s’il lui revenait à l’idée de s’en prendre à elle. C’était l’atmosphère de cette cuisine, le regard las de Savannah en le voyant ruminer à haute voix, et son silence sur les faits qui eurent le don de le faire redescendre petit à petit. Pas sûr cependant qu’une fois dehors et après un ou deux verres, il ne mette pas ses plans à exécution contre la volonté de la blondinette. Il misa pour le moment sur un discours plus posé et il consentit à faire un effort pour ranger sa fureur. Il se rapprocher de Savannah pour lui faire comprendre qu’il était tout disposé à l’écouter sans foncer dans le tas à la première occasion. "D'accord" Chuchota-t-elle sensiblement alors que les yeux de Grimes s’étaient perdus sur sa bouche, qui l’attirait à présent comme un aimant. Il s’empara doucement de sa lèvre inférieure, se délectant lentement de son gout et appréciant cette chaleur qui lui parcourait le corps. Et puis, il reprit, posant maintenant sa bouche sur la sienne sans trop d’appui. Juste assez pour l’emprisonner et profiter de ce contact qui lui procurait une satisfaction qu’il n’avait pas vu venir.

- Maman c’est quand qu’on mange le dessert ? Cette petite voix fluette réussit à le faire bondir intérieurement. Mais c’est surtout cette séparation physique soudaine qui le tira de sa rêverie. Cade, dos au petit garçon préféra rester sur place et baisser la tête pour éviter d’ouvrir le champ de vision et d’envenimer les choses. Il s’éclaircit la gorge pour faire diversion…ou essayer. "Eh bien on y va justement. Cade m'aidait justement à préparer tout ça" Cade qui força un grand sourire faussement innocent en se retournant vers Mathis. Il hocha même de la tête pour approuver, tel un enfant prit la main dans le sac. – Oui et… t’inquiètes pas, on n’a pas commencé sans toi ! Fit-il en retenant un rire nerveux. Il attrapa le plat et rencontra le regard amusé de Savannah. Il lui répondit en levant les yeux au ciel, mimant à la fois un « ouf ! » et un « zut ! ». Si le petit garçon n’était pas apparu dans la cuisine, il en aurait bien profité encore un peu…

"Merci" L’agent fédéral lui envoya un clin d’œil complice. Nul doute qu’ils reviendraient, un de ces jours, sur cette conversation. "Tu sais ce qui va être encore plus chouette? On va ajouter une bonne petite boule de glace...Qu'est ce que t'en pense?" Grimes, souriant, retourna au salon et posa la tarte au centre de la table, puis il s’assit à sa place. Les quelques secondes où il se retrouva seul face à ce qui pouvait être son péché mignon furent difficile. Et il ne retint pas sa main au moment où celle-ci s’évada pour aller pêcher ce morceau de pomme, perdu au milieu de ses confrères. Les pas de Mathis se firent entendre. Savannah le suivait. Cade cessa instantanément de mâcher pour avaler dés que possible. "Dis donc, qui est ce qui a déjà mangé un bout?" Mathis le trahit sans scrupules. Les yeux de Cade se posèrent sur la blondinette, et il se pinça les lèvres pour effacer toute trace du larcin. Il reprit un air faussement sérieux et tendit son assiette pour se reconcentrer sur l’essentiel. – Trêve de plaisanteries, j’ai mangé tous mes légumes, je mérite une grosse part !

Les étoiles apparurent dans ses yeux quand cette part de tarte atterrit dans son assiette et ce « hmm » qui sortit de sa bouche quand il mordit dedans, yeux fermés, montraient très bien ce plaisir qui l’animait quand les légumineuses faisaient place à du sucre. Mathis se faisait servir sa glace quand il se tourna vers Cade avec une mine curieuse. – Et comment vous vous êtes rencontrés toi et maman ? Ne pas avaler de travers ! Ce serait se trahir trop vite. Il leva les yeux sur Savannah comme pour chercher de l’aide. Certes, balancer « on s’est rencontrés dans un bar, ta maman m’a bien plu, on a bien rigolé et puis on a couché ensemble » à un garçonnet de 4 ans… ce n’était pas pensable. L’agent fédéral réfléchit aussi à une façon d’amener les choses... – Hm, eh bien… il mâchait encore pour libérer sa bouche du moindre bout de pomme qui pourrait l’empêcher d’être crédible. Pourtant, il hésitait encore sur les propos qu’il choisissait. – Ta maman et moi, on était tout seuls parmi beaucoup de monde et on a discuté. Je l’ai trouvé très gentille alors on a parlé très longtemps…

Je tâche d'éviter cette confrontation, n'ayant clairement pas envie de me battre avec lui ce soir, surtout pour une affaire qui ne le concerne pas. Si je suis plutôt ce genre de personne à vouloir communiquer, connaissant l'importance qu'un bon dialogue peut avoir entre deux personnes, à prôner la sincérité et la franchise avant tout, j'ai pourtant tendance à me braquer si j'estime les sujets bien trop épineux à mon goût. Non pas parce que je suis assez égoïste pour ne penser qu'à moi là dedans, pour n'y voir que mon intérêt, mais justement parce que je ne veux pas cela impacte sur mon entourage. L'accident que j'ai provoqué a été un véritable ras de marré pour moi, pourtant, j'ai fais le choix de garder les véritables circonstances secrètes, préférant susciter de loin l'incompréhension et une sorte de mépris chez les autres à mon égard, que de révéler une pitié qui ne s'effacera jamais, se demandant si un jour je ne serais pas encore capable de vriller. Peut être que j'ai tout simplement peur que l'on me regarde plus de la même façon. Ce sentiment a toujours surpassé tout le reste, me poussant à passer à côté d'une vie diantrement idyllique. Je revois James débarquer dans la demeure de mes parents, prêt à oublier la douleur que mon départ précipité de l'époque a provoquer en lui, m'offrant la chance de me justifier afin de pouvoir mener cette vie de famille qui nous était offerte. Et moi, passer à nouveau cette porte pour le fuir à nouveau, incapable d'assumer réellement les faits, bien que lui connaisse une bonne partie de l'histoire.

Mon silence de ce soir n'est en aucun cas un besoin de le provoquer, je souhaite simplement qu'il ignore certains détails, n'ayant pas envie de réveiller ce côté impulsif qui semble l'animer, et qui pourrait lui poser des problèmes. Il faudra pourtant que je me montre soudainement moins accessible pour qu'il vienne à adopter une démarche plus douce, et moins professionnelle. J'entends ses paroles, bien qu'elles ne me feront pas changer d'avis pour autant. Je devine ses bonnes intentions, et me plait à croire un instant qu'il n'est question que d'un certain attachement à mon égard. La proximité aidant probablement à me laisser imaginer ça. Mon regard se perd dans le sien avec force, je me laisse envahir par cette envie que de vouloir réduire cette distance qui nous sépare encore, pourtant bien trop sage pour oser sauter le pas. La bouche de Cade va mettre un terme à cette raison, déclenchant ce sentiment de bien-être bien assez vite. Ma main remonte le long de son avant-bras, s'arrêtant à hauteur de son poignet pour tâcher de le retenir. Comment parvenir à prétendre qu'il ne s'agisse que d'une  simple attraction physique? Ca semble impossible...

L'arrivée de Mathis va cependant nous pousser à reprendre une distance de circonstance. Je fais bonne figure, ne sachant pas exactement ce que le petit bonhomme pu observer. Je parviens malgré tout à noyer le poisson, reprenant mon rôle de maman avant que je ne l'abandonne sur cette table. "– Oui et… t’inquiètes pas, on n’a pas commencé sans toi !  " Je me mordille la lèvre pour dissimuler un certain amusement. Le dessert, si appétissant soit t-il ne fait clairement pas le poids face à un Cade rempli de bonne volonté ce soir. Ce regard entendu que nous partageons me confortera dans cette idée, je glisse une mèche de cheveux derrière mon oreille, me contentant d'effleurer son bras à son passage pour obtenir un bref échange à nouveau qui passera inaperçu aux yeux du jeune garçon.  Le temps de prendre la vaisselle et le pot de glace, et nous voilà de retour dans le la pièce de vie. Je remarque bien assez vite l'impatience dont a fait preuve l'un d'eux, et constate que Mathis n'a aucun scrupule lorsqu'il s'agit de dénoncer l'autre.
"– Trêve de plaisanteries, j’ai mangé tous mes légumes, je mérite une grosse part ! "Je hausse les sourcils, laissant apparaître un sourire amusé en servant on assiette. "C'est bien...T'auras même le droit d'en reprendre". Je me charge de servir Mathis, qui guette avec attention la proportion exacte comparé à celle de son voisin de table. "– Et comment vous vous êtes rencontrés toi et maman ?" Ma bouche s'entrouvre, tâchant de penser à la réponse la plus adaptée. L'histoire véritable du bar? Ou la soirée dans laquelle je me pavanais avec des grandes oreilles et un pompon sur les fesses? Le choix était difficile. "– Ta maman et moi, on était tout seuls parmi beaucoup de monde et on a discuté. Je l’ai trouvé très gentille alors on a parlé très longtemps…" Je ne peux retenir malgré moi un rictus, qui sera malheureusement bien vite examiné par la petite tête brune. On ne peut pas dire que discuter fût l'activité de la soirée justement, et ma réaction semble avoir fait douter Mathis sur la véracité de ses propos. " C'est ce que font les amis mon coeur" justifiais-je, sachant pertinemment qu'il avait saisit cette phrase. Je m'installe sur ma chaise lorsqu'il décide de rétorquer. "Et ils se font aussi des bisous sur la bouche?" Mon regard croise immédiatement celui de Cade. Ca allait être difficile de contredire ça. Il avait donc bien observé ce rapprochement. Son regard se plante dans le mien, se jouant probablement du manque de réponse que je ne parviens pas à lui apporter. "Papa aussi il fait ça avec Elie." lance t-il avec l’innocence que je lui connais. "Tu ferais mieux de manger ta glace, elle est entrain de fondre." Ce leger sourire de circonstance ne diminue pas, bien que je m'efforce à croiser le regard de Cade pour m'assurer que le malaise n'est pas plus présent chez lui.

Comment il s’expliquait que ses lèvres l’appelaient à chaque fois que son attention s’y posait ? Il ne s’était pas encore posé la question, pourtant les faits étaient bel et bien réels. Cade ressentait un véritable plaisir quand sa bouche pouvait se poser sur celle de Savannah et que les mains de la jeune femme le parcouraient avec cette douceur qu’il apprivoisait depuis peu. Il était certain maintenant qu’entre eux, ce n’était plus seulement une question désir physique. Il n’y avait qu’à voir… ce repas que l’agent fédéral avait oser partager avec la maman et son petit garçon. Autant dire que, si tout n’était qu’une question de sexe, il ne se serait pas attardé très longtemps dans cet appartement en apercevant le petit minois de Mathis. Alors, si pour l’instant il ne voulait pas s’encombrer l’esprit avec des problématiques de sentiments, Cade profitait largement de tout ce qu’elle pouvait lui offrir. Ce baiser échangé dans la cuisine lui donna très rapidement l’envie d’en avoir plus, mais c’était sans compter sur une nouvelle apparition du petit garçon. Soucieux de voir le dessert arriver, ou bien curieux de savoir ce que sa maman et son très bon ami faisaient, il débarqua en mettant un terme succins à leur échange. Se sentant un peu mal à l’aise, Cade préféra ne pas affronter le regard innocent de Mathis et s’éclaircir la gorge comme si cela pouvait effacer ce qu’il avait pu voir juste avant. Et puis, il se tourna, avec un grand sourire forcé et s’adressa à lui comme si rien n’était.

"C'est bien...T'auras même le droit d'en reprendre" lui répondit-elle comme s’il était un enfant. Et il fallait dire que, devant une tarte Cade avait effectivement le comportement d’un gosse qui avait bien souvent les yeux plus gros que le ventre. Alors qu’il savourait son dessert, Mathis fit de nouveau des siennes. Cette question était encore une fois plutôt malaisante. Et elle résultait probablement de ce qu’il avait pu entrevoir dans la cuisine… Cade tâcha de répondre en prenant des gants, car dans sa tête subsistaient les images du premier soir où sa route avait croisé celle de Savannah. Cette jolie blonde au yeux ravageurs et au sourire malicieux l’avait fait craquer immédiatement, et tous deux dans la même optique s’étaient laissés aller à une nuit très intense. Des scènes qui n’avaient rien à faire sur la table aujourd’hui, et surtout, qui ne devaient pas arriver aux oreilles de Mathis. Grimes se contenta de dire que Savannah et lui avait longuement…parlé. " C'est ce que font les amis mon coeur" Dans son coin, Cade haussa les sourcils en réprimant un sourire. "Et ils se font aussi des bisous sur la bouche ?" Eh bien… Mathis avait autant de répondant que sa maman… Sauf que chez lui, c’était involontaire. Cade leva les yeux sur la blondinette, la laissant rattraper le coup pour eux deux. Il se sentait sur un terrain bien trop glissant et risquait de ne pas être très crédible. "Papa aussi il fait ça avec Elie." Cade ignorait qui était Elie. Il ne connaissait même pas le père de Mathis et il n’était pas très au courant des liens qui unissaient tout ce petit monde. Tout à coup, il se sentit mal à l’aise. Un peu comme si sa place était tangente et menacée. "Tu ferais mieux de manger ta glace, elle est entrain de fondre." Savannah devait ressentir aussi ce froid glacial qui s’était doucement installé autour d’eux. Elle ne chercha pas à répondre alors que le petit garçon tenait fermement sa cuillère et la planta dans sa glace à la vanille.

Plus rien. Plus de questions, ni d’exclamations. Cade termina le dernier morceau de sa tarte et s’essuya la bouche avec sa serviette avant de la poser sur la table. – Il vaut mieux que j’y aille. J’ai… quelques trucs à faire. En vérité non. Rien qui pressait en tout les cas. Mais craignant un nouvel assaut de Mathis, il préférait s’éclipser. Ses efforts avaient déjà du être remarqué par Savannah et loin d’être une torture, il avait quand même passé un bon moment en rencontrant son fils. – Tu veux pas regarder le deuxième épisode ? Le dessin animé… Cade sourit à Mathis après s’être levé. – Désolé bonhomme, j’ai des choses importantes à terminer. Il passa sa main sur les cheveux du petit garçon en l’ébouriffant un peu. – On se reverra bientôt. En attendant… surveilles bien ta maman ! Après ça, Cade se dirigea vers la porte d’entrée en enfilant sa veste et se tourna vers Savannah. – J’imagine que son père va l’apprendre vite… il en sourit mais il ignorait si tout ça n’allait pas causer du tort à la jeune femme.

Jamais je n'aurai imaginé une seule seconde pouvoir partager un moment pareil avec mon fils et ce bel agent. Au delà des complications qu'impliquaient notre relation, nous parvenions à créer un lien qui semblait bien plus solide que nous pouvions l'imaginer.Tout ça prenait doucement, sans précipitation, mais de façon certaine, et j'aimais ça, probablement plus que de raison. Peut être était-ce la culpabilité, résultant de cette soirée catastrophique qui l'avait poussé à vouloir rester, peut être avait-il déceler une once d'espoir de réconciliation, une faille qui lui permettait de se rapprocher doucement, ne me laissant d'autre choix que d'abdiquer face à la présence de Mathis, quoiqu'il en soit, les faits sont là. Il est là, dans cet appartement qui est le mien, parvenant à trouver sa place avec une facilité déconcertante, à tâcher de se rattraper, comme si mon absence était parvenue à troubler une infime partie de lui...C'est suffisant pour me faire baisser la garde et lui vouer une fois de plus une confiance aveugle, parce qu'il fait naître en moi ce sentiment fort qui me dépasse et que je ne parviens pas a expliquer. Les échanges  que nous avons avec Mathis restent amusant, bien qu'il parvient sans le vouloir à jeter parfois un semblant de malaise, avec toute l’innocence que je lui connais, animé par cette curiosité qui ne me surprend plus aujourd'hui. Ce qui parvient à créer la surprise reste sans aucun doute son apparition soudaine au sein de la cuisine que nous avons rejoint quelques minutes plus tôt, brisant ce moment d'intimité que nous étions parvenus à nous accorder après des échanges plutôt houleux au sujet de mon abandon de poste.  Nous prenons sur nous pour paraître le plus naturel possible, ce qui, avouons-le, nous rend probablement plus mauvais acteur que nous le sommes généralement. Heureusement pour nous, l'excuse du dessert nous permet de relancer la suite des festivités.

De retour à table, Mathis profite à nouveau du moment pour en savoir d'avantage. Si Cade est parvenu à donner une jolie justification à notre rencontre, qui est bien plus idyllique et féérique que la réalité, je tiens a apporter ma pierre à l’édifice, tâchant une fois de plus de lui faire ancrer le terme amical pour le binôme que nous formions, et ainsi effacer la vision de nos deux corps, bien trop proches quelques instant plus tôt dans l'autre pièce. Une aubaine pour le petit bonhomme, qui s'empresse de montrer du doigt les incohérences.Ok...Plus aucun doute possible, il a bien été spectateur  de ce moment depuis l'encadrement de la porte. Mon regard croise celui de Cade dans un moment de faiblesse. Comment parvenir à tenir un discours cohérent après ça? Sa deuxième remarque va me permettre de rebondir, et ainsi créer une jolie diversion. "Qui est Ellie?" demandais-je en croisant son regard bleuté. Cette remarque pourrait résulter d'un sentiment de jalousie , mais il n'en est rien! James a bien évidemment eu l'occasion de poursuivre sa vie amoureuse depuis mon départ, heureusement pour lui, et je n'ai clairement pas envie d'en connaître les détails, bien au contraire, il est indispensable que chacun puisse garder son linge sale pour lui. Le petit garçon enfonce sa cuillère dans la tarte, haussant les épaules comme s'il n'était pas disposé à m'accorder cette réponse. Je change de sujet, remarquant le froid que cela semble installer à table et particulièrement auprès de ce cher Grimes qui se montre soudainement silencieux. "- Il vaut mieux que j'y aille...J'ai...quelques trucs à faire" Phrase visiblement magique pour s'extirper de toute situation perturbante? Cela fonctionne probablement avec les demoiselles, mais Mathis se montre plus persévérant que ces demoiselles accostées au comptoir d'un bar du coin. Je me lève à mon tour, observant l'échange en me pinçant les lèvres.  "On se reverra bientôt. En attendant...Surveilles bien ta maman." Un sourire se glisse sur mes lèvres alors que mes bras se croisent contre ma poitrine.  Je suis les pas de l'agent, passant une main dans mes cheveux alors que nous trouvons tous les deux dans le hall d'entrée. "J'imagine que son père va l'apprendre vite..." Je souris doucement, haussant les épaules. "Ne t'en fais pas pour ça, on est passé au dessus de ses histoires depuis le temps " avouais-je. Le fait que je côtoie un autre homme n'allait quand même pas le pousser à revoir les droits de visite. Enfin, je crois...Je plonge mon regard dans le sien, glissant ma bouche en coin. " Désolée pour toutes ses questions tout au long de la soirée...Il a visiblement hérité de certain gêne de sa mère"  fis-je remarquer au travers d'une grimace, jetant finalement un coup d'oeil brièvement derrière moi pour m'assurer qu'il ne débarque pas. Mon regard se perd dans le sien. Alors quoi? Nous allions devoir nous serrer la main ou se faire une simple accolade pour clôturer ce moment passé ensemble? "C'était une bonne soirée...Je suis contente que tu sois venu. Et il semblerait que tu aies fais grande sensation"  avouais-je avec un sourire des plus sincères. Je ne parlais pas uniquement auprès de mon fils. Lui qui semblait détester ce genre de moment avait semblé particulièrement à l'aise la plupart du temps. J'observe sa main, ayant cette envie naissante de vouloir l'effleurer, comme si la possibilité de pouvoir créer un contact avec lui me semblait indispensable, dépendait presque d'un instinct de survie. Ce sentiment naissant me dépasse, je passe la porte juste après lui, veillant à refermer la porte derrière moi alors que ma main agrippe sa veste afin de l'attirer vers moi, plaquant mes lèvres contre les siennes sans pus attendre, laissant finalement ce goût si délicieux s'emparer de moi. "A bientôt j'espère" murmurais-je en me détachant de ses lèvres. Un sourire de plus malicieux se dessine sur mon visage avant de l'observer une dernière fois et de disparaitre derrière la porte d'entrée.