Plusieurs jours ont beau s'être écoulés depuis la parution d'un certain magazine, Eddie doute de parvenir à s'habituer aux regards que lui lancent depuis ses collègues, pour ne pas mentionner aussi les questions qu'on lui adresse sur sa présumée relation avec une célèbre modèle. Non, il ne fréquente pas la moindre blonde contrairement à ce que la presse cherche à faire vendre et non, il n'est pas non plus le cœur à prendre que Ruby semble elle-même avoir perçu en lui quand bien même il ne sait plus vraiment ce qu'il peut rester de son couple, à présent. Peut-il encore se considérer fiancé, ou bien la bague qu'Halston lui a balancé à la figure signifie que leurs projets de mariage sont à conjuguer au passé ? Comme toute notion de bonheur que leur petite famille pouvait jusqu'ici connaître, sans doute, car Eddie en est à ne plus se sentir le bienvenu dans une maison qui reste pourtant la sienne, et où sa seule présence semble maintenant indisposer la femme qu'il pensait épouser il y a encore quelques semaines. Jamais il n'aurait pu croire que dix malheureux jours à Paris viendraient à ce point bouleverser sa vie, et jamais il n'aurait pu penser aussi qu'une photo volée et un article mensonger le feraient passer pour ce qu'il n'a jamais été, qu'importe la réputation que Diana et les autres se plaisent désormais à lui coller. Un coureur de jupons qui a en l’occurrence saisi la première occasion pour s'éprendre d'une autre, profitant de la distance et de son statut d'égérie pour se rapprocher de celle-ci et ce, comme s'il se sentait finalement irrésistible. S'il n'a pas manqué de souligner que ce baiser ne venait pas de lui, Eddie se voit malgré tout reprocher son manque de réaction ce jour-là, une passivité que lui-même ne se pardonne pas. Il aurait dû repousser Ruby avant que ces photos ne soient prises, rester figé de surprise n'était évidemment pas se rendre service car il ne peut pas nier que ce contact a existé, ni même affirmer qu'il a tout fait pour l'empêcher. Son tort a aussi été d'en faire un secret et il le sait, tout aurait été plus simple s'il avait avoué l'existence de ce baiser avant même que la presse ne puisse s'en mêler car ce n'est pas ce qui peut plaider sa cause, un homme qui a des choses à cacher ne pouvant qu'être un infidèle tout désigné. Si sa sœur tend au moins à le croire, Eddie a conscience d'avoir perdu plus d'un soutien dans cette histoire, comme si craindre de voir de moins en moins son fils n'était pas suffisant aujourd’hui. Et c'est parce qu'il refuse catégoriquement de s'effacer dans son rôle de père qu'il restera dans cette maison, qu'importe si Halston devait attendre ou même exiger de lui qu'il vienne à la quitter. Quelques jours, c'est le temps qu'il ira dormir ailleurs si cela peut au moins apaiser les tensions régnant ici mais il ne fait certainement pas sa valise pour partir, pas si cela veut dire laisser son fils derrière lui. Pour Sasha, il mènera bataille au même titre que pour son couple, auquel renoncer lui est également impossible.

Se tourner vers son amie avocate par les temps qui courent aurait alors presque de quoi le rassurer, même si le danseur n'est pas naïf au point de penser que Gabrielle lui offrira un toit sans tenter de tirer d'abord cette histoire au clair, des réponses à ses nombreuses questions qu'Eddie a de toute façon déjà pu lui promettre. Elle accepte de l'héberger, oui, mais elle n'est pas pour autant rangée de son côté avant de véritablement cerner ce qui lui vaut de se retrouver à la une de ce torchon, quelques semaines seulement après lui avoir fièrement annoncé qu'il allait se marier. Le pire timing qui soit, Eddie est le premier à déplorer que cette affaire de baiser et de couple monté de toutes pièces tombent aussi mal, quand bien même il n'y aurait sûrement pas eu de moment idéal pour ça. Trainant sa valise jusqu'à la nouvelle adresse de l'avocate, Eddie pousse un long soupir avant de se présenter face à sa porte, l'allure tout sauf fière. Il baisse même quelque peu la tête lorsque Gabrielle vient enfin lui ouvrir, leurs regards se rencontrant tout juste assez longtemps pour qu'elle puisse y lire le désarroi qui est le sien. Fatigué par cette attention médiatique pas assez retombée à son goût et par ces accusations que personne ne lui épargne, il veut croire que Gabrielle acceptera de l'écouter sans le pointer elle aussi du doigt car s'il s'attend à récolter le mauvais rôle, il apprécierait que sa version soit au moins considérée pour une fois. « Hey, Gaby. » il souffle en se faisant violence pour esquisser un semblant de sourire, même si le cœur lui n'y est pas. Il voudrait aussi la remercier pour cette main tendue qui lui vaut désormais de se retrouver chez elle mais son regard est à cet instant presque plus parlant que ses mots, teinté d'une reconnaissance que l'on devine être grande. « J'ai pris des affaires pour quelques jours, l'avantage d'habiter dans le même quartier c'est que je peux toujours aller chercher ce qui manque. » Si Halston n'en profite pas pour faire changer les serrures pense-t-il toutefois, et cette idée lui retourne le ventre alors qu'il réalise ne pas savoir si elle en serait seulement capable. « Merci encore de m'accueillir malgré tout ça. » préfère-t-il ajouter pour chasser ses dernières pensées, bien content de ne pas devoir gratter à la porte de ses parents car leur discours, Eddie pourrait facilement le prédire. Gabrielle est là pour lui sans que ce ne soit étonnant, et l'idée est en retour de ne pas se montrer trop encombrant. Il fait alors rouler sa valise jusqu'au premier mur qui se présente, laisse lourdement retomber ses bras contre son corps puis pivote pleinement vers son amie, plus gêné qu'il ne pensait l'être. « Bon. Je vais t'épargner les banalités qu'on aurait pu échanger dans d'autres circonstances parce que je sais déjà quel genre de discussion m'attend. » Et il est prêt, assez prêt en tout cas pour ne pas remettre cela à plus tard car autant parler d'emblée de choses qui fâchent. Gabrielle doit encore se demander comment il en est arrivé là et c'est bien normal, car Eddie lui-même peine à assimiler le dernier gros tournant que sa vie vient de prendre. Soupirant un grand coup, c'est avec fatalisme qu'il vient hausser les épaules. « Tu peux me poser toutes les questions que tu veux, j'ai dit que je t'expliquerais tout. » Tout, de son départ pour Paris jusqu'à la publication de cet article dont le contexte lui échappe, supposant qu'il devra également parler de celle par qui tout ceci est arrivé car hélas, le nom de Ruby demeure bel et bien au centre de cette histoire.

Ce n’est pas seulement sa valise qu’Eddie traine derrière lui jusqu’au nouvel appartement de son amie, c’est aussi un immense sac de honte à l’idée d’avoir été presque chassé de chez lui par la mère de son fils. Si Halston ne peut techniquement pas le mettre dehors, il ne fait aucune doute que le fait de respirer le même air que le danseur est aujourd’hui la dernière chose qu’elle tolère et Eddie est le premier à se dire que cette coupure peut être nécessaire, tant qu’elle ne doit être que temporaire. Il n'est pourtant sûr de rien à l'heure où il rejoint Gabrielle, incertain quant à l'avenir de son couple battant plus que jamais de l'aile car lui rendre sa bague l'autre jour signifiait bien quelque chose, quand bien même Eddie se refuse encore à l'admettre. C'est surtout qu'il peine à croire que sa situation soit désormais celle-là après trois ans d'idylle et une petite famille récemment fondée, lui l'infidèle pointé du doigt et forcé de se réfugier chez son avocate préférée car un magazine n'a rien trouvé de mieux qu'exposer son couple présumé avec une mannequin réputée. C'est tellement risible qu'il y aurait presque de quoi en rire mais comme on le devine, son état d'esprit est loin d'être celui-ci face à Gabrielle dont l'hospitalité lui rappelle au moins sur qui il peut vraiment compter. « Tu n’as pas à me remercier, Eddie. C’est normal. » Non, ça ne l'est pas en vérité. Ce n'est pas normal d'infliger aux autres les conséquences de ses propres erreurs car en dehors d'un baiser dont il n'a jamais voulu, ne pas avoir su repousser Ruby lorsque celle-ci a pris certaines libertés reste son plus grand regret aujourd'hui. Il n'a jamais douté de la générosité de Gabrielle mais il s'est aussi promis de ne pas en abuser, conscient qu'il ne tombe pas forcément bien et que les problèmes de son couple devront être réglés, peu importe le nombre de jours ou de semaines qu'il devra dans un premier temps passer ici. La honte grandit d'autant plus en réalisant qu'il devra expliquer à l'avocate comment les choses en sont arrivées là, elle qui ne détient pour l'heure qu'une partie de l'histoire et qui ne semble d'ailleurs pas pressée d'en obtenir tous les détails.

Il veut aller trop vite Eddie, comme s'il désirait arracher un bon coup le pansement et cracher une bonne fois pour toute le morceau, quand Gabrielle semble avoir pourtant tout son temps. « Viens t’installer d’abord. » Hochant doucement la tête, c'est d'un pas lent que le jeune père entreprend de la suivre à travers l'appartement avant de comprendre qu'elle le mène tout droit à sa chambre. Ses yeux en profitent alors pour admirer en chemin tout ce qui l'entoure, et cela pour mieux saisir que l'avocate a retrouvé un logement digne de ce nom où lui-même devrait se sentir particulièrement bien. « Voilà ta chambre. Tu peux rester autant de temps que cela sera nécessaire et tu es ici comme chez toi. » La pièce a quelque chose de réconfortant, il ne dira pas le contraire et cela même si la première pensée qui le traverse revient à se dire que cette chambre est presque trop bien pour lui. Mérite-t-il un tel confort ? Eddie ne miserait pas trop dessus ces temps-ci. « Je veux pas m’imposer longtemps Gaby, vraiment, même si je dois dire que je suis pas mécontent de découvrir où tu vis à présent. » C'est en quelque sorte le bon côté de sa venue, aussi gêné soit-il de s'en faire une idée dans de telles circonstances. Il ne sera jamais de trop par ici et pourtant, Eddie a du mal à concevoir qu'il ne s'y impose pas. « C’est un sacré appartement que tu as là. » remarque-t-il en se fiant à ce qu'il en a vu un peu plus tôt, le salon avec une vue imprenable sur le fleuve en tête de liste s’il en juge les nombreux atouts que ce logement semble posséder. « J'espère avoir droit à une visite complète ensuite. » il glisse cette fois dans un léger sourire, rattrapé toutefois bien vite par ces pensées qui ne lui laissent aucun répit. Sur son lit, le danseur découvre avec surprise les petits chocolats que son amie a pris le temps de disposer et c'est avec tendresse que son regard s'anime, touché par les attentions d'une amie décidément très dévouée. « Ce sont mes préférés contre les coups de mou. » – « C’est adorable, merci de prendre aussi bien soin de moi. » Et merci d'être tout simplement présente pour lui, au milieu de cette tempête qui semble vouée à emporter beaucoup de choses avec elle, parmi une liste sur laquelle le danseur n'ose pas encore s'avancer. « Qu’est-ce que tu veux boire ? » Revenant sur ses pas pour retourner avec elle au salon, Eddie ne se fait pas prier pour se laisser mollement tomber sur le canapé avant de brièvement souffler : « Quelque chose de fort, si tu as. » S'il n'est pas connu pour être un très grand consommateur d'alcool, il doit avouer qu'un remontant de ce type ne serait pas de refus pour tenter de digérer la tourmente des derniers jours. Non, il n'en fera pas un refuge autrement que ce soir et non, il n'ira pas non plus au-delà d'un verre car c'est peut-être bien la seule chose qu'il contrôle encore, désormais.

Ses yeux se perdent un instant devant lui, sans tellement savoir sur quoi se focaliser et déjà, la question tant redoutée vient à lui être posée. Il n'aime déjà pas beaucoup y répondre en temps normal lorsque tout a le mérite d'aller plutôt bien, alors comment imaginer que le plaisir soit plus grand à présent que sa vie semble prendre l'eau de tous les côtés. « Comment tu vas ? » Oh, certainement aussi bien que son visage doit à lui seul le refléter : rien ne va, et lui le premier. C'est alors un profond soupir que le danseur vient pousser, incapable d'embellir une réalité dont Gabrielle a sûrement déjà conscience car elle a des yeux pour s'en rendre compte, et elle le connait aussi assez bien pour déceler chez lui les signes d'un moral en chute libre. « Ah Gaby.. j’ai connu mieux, je vais pas te mentir. » Il était encore le plus heureux du monde il n'y a pas si longtemps Eddie, leurs derniers échanges dévoilaient même sa joie immense après sa demande faite à Halston mais tout a très vite changé, comme si le pire prenait déjà le pas sur le meilleur avant même la moindre cérémonie. Sa main vient alors plonger dans le fond de sa poche pour en sortir un anneau qu'il dépose sur la table basse, dans un énième soupir. « Regarde. » souffle-t-il. « C’est sa bague de fiançailles, Halston me l’a balancée à la figure avant de m’annoncer que j’étais libre. » Ces mots sont aussi durs à prononcer qu'ils étaient durs à entendre, et Eddie ne veut pourtant pas intégrer que lui rendre sa liberté revenait à tirer un trait sur leur histoire, car il ne l'accepte pas. Il n'est pas libre, encore moins célibataire mais il ne peut pas nier qu'Halston s'est montrée très claire, ainsi que particulièrement injuste dans tout ce qu'elle lui a dit la fois dernière. « J’arrive pas à me dire que c’est réel, ça a juste aucun sens. On devait se marier et maintenant.. » Plus rien, ou presque. Elle ne veut plus le voir, elle ne veut plus l'épouser et elle a aussi perdu toute confiance en lui, en admettant même qu'elle n'en manquait pas déjà car sur ce point, Eddie n'est plus sûr de rien. « Elle me déteste. » tranche-t-il, aussi insupportable soit cette idée et tout ce qu'elle pourrait impliquer. Halston n'y a pas réfléchi à deux fois avant de le condamner et c'est la preuve qu'elle ne croira jamais plus rien venant de lui, en plus de considérer que son ex-mari valait finalement mieux. « Je suis le pire homme qu’elle a connu, c’est plus ou moins ce qu’elle m’a dit et si je la laisse faire, j’ai même peur qu’elle cherche à m’éloigner de notre fils. » C'est évidemment sa plus grande peur à côté de la perspective de perdre la femme qu'il aime et s'il fallait se battre pour garder Sasha auprès de lui, il ne fait aucun doute que le jeune père remuerait ciel et terre. Relevant les yeux vers l'avocate, c'est d'une voix déconcertée qu'il reprend tandis que ses doigts s'agitent autour de son verre fraichement servi. « Pour un fichu baiser Gaby. C’est simple, elle me considère comme le pire des infidèles depuis. » Et l'a-t-il seulement été par principe, infidèle ? Une part de lui n'a tout de même pas vraiment hâte de raconter sa version de l'histoire à Gabrielle car quoi qu'il dise, Eddie a conscience que les circonstances jouent contre lui et qu'il sera difficile de faire entendre que ce rapprochement n'était pas voulu quand les photos, elles, ne laissaient rien entrevoir de tel.

Sa situation ne l'empêche pas de s'imprégner du nouveau lieu de vie de son amie, estimant que Gabrielle a été relogée pour le meilleur s'il en juge les nombreuses qualités que semble déjà réunir son nouvel appartement. Eddie se réjouit même du confort et de la stabilité que l'avocate a pu rapidement retrouver, conscient que perdre aussi brusquement son logement n'a pas dû être simple et que prendre ses quartiers ailleurs relevait presque de l'urgence. La vue depuis le salon témoigne à elle seule de ce que les mots du danseur viennent souligner, et c'est un sourire pour le moins modeste qu'il extirpe à Gabrielle. « Je le reconnais. » S'il osait, Eddie dirait même que cet appartement est à la hauteur de ce qu'elle mérite et qu'il fallait bien ça pour rendre la perte de sa villa de Bayside un peu plus acceptable, aussi sûr soit-il qu'elle ne le sera jamais. « Je suis pas mécontente d’avoir trouvé cette petite pépite, je pense que je ne pouvais pas rêver mieux pour repartir de zéro. » C'est un joli nouveau départ qu'elle prend à Spring Hill, Eddie ne risque pas de prétendre le contraire alors que cette proximité inédite entre cet appartement et son propre domicile devrait faciliter la complicité de leurs moments à l'avenir. S'il est pour l'heure un ami traversant certaines difficultés que Gabrielle n'hésite pas à héberger, ses prochaines visites devraient revendiquer un tout autre titre en espérant que d'ici là, sa vie personnelle retrouve un semblant de calme et d'équilibre. « Et moi je pouvais pas rêver mieux en terme de voisine. » glisse-t-il dans un sourire qui tend à être faible, mais qui n'en est pas moins sincère. Il y voit un avantage non négligeable pour lui-même et n'entend pas s'en cacher, gagnant un point d'ancrage supplémentaire dans le centre de la ville qu'Eddie avait surtout rejoint pour sa compagne, à l'origine. L'occasion d'obtenir une visite des lieux digne de ce nom par la suite, lorsque le sac de ses tourments sera peut-être un peu moins lourd car sa morosité, le jeune père ne souhaite pas la trainer avec lui dans chaque pièce. « Bien sûr, Eddie. » Le rendez-vous est donc pris pour un peu plus tard, une idée qu'il accueille avec le même sourire avant d'accepter de boire quelque chose pourvu que le verre en question contienne de quoi l'aider à appréhender la suite. C'est de toute évidence nécessaire au vu de la discussion qui se profile, vis-à-vis de laquelle Eddie tient à se donner un peu de courage, même si s'être laissé tenter par un peu d'alcool à Paris ne lui a pas franchement réussi. Cette fois, au moins, un tel choix ne devrait techniquement pas se retourner contre lui.

Beaucoup de choses lui traversent l'esprit au moment de répondre à l'avocate sur comment il peut aller, mais le soupir qui lui échappe est certainement plus parlant que tout le reste. Au-delà du fait de ne pas aller très bien comme les circonstances le mettent aisément en lumière, Eddie doit bien reconnaître que le plus difficile est de ne pas savoir comment il convient encore d'appeler la femme qui vit aujourd'hui à ses côtés. Elle n'est plus sa fiancée compte tenu de la bague qu'elle lui a brutalement rendu et pourtant, le danseur continue pour sa part de la considérer comme telle car accepter que ce mariage n'aura pas lieu est aussi compliqué que d'admettre que leur relation appartient désormais au passé. Lui balancer la bague à la figure n'était manifestement pas assez, Halston lui a également signifié qu'il pouvait retrouver sa liberté et c'est une chose dont Eddie refuse toujours d'entendre parler, qu'importe si la vie sous le même toit que l'américaine ne ressemble plus à celle d'un couple prêt à s'unir pour la vie. C'est tout juste s'ils échangent quelques mots quand il n'est pas question de leur fils et c'est la réalité qu'il n'imagine pas dissimuler à Gabrielle alors que celle-ci lui ouvre gracieusement sa porte pour lui permettre de traverser un peu mieux cette nouvelle crise – car prétendre que son couple n'en a jamais connu serait aussi sentir, quand bien même Halston n'avait encore jamais formulé des paroles aussi fortes, au point de tirer un trait sur lui et tout ce qui les unit. « Je suis désolée, Eddie. » Elle n'a pas à l'être même s'il apprécie ces mots qui lui parviennent, manipulant de son côté l'anneau qui aurait dû figurer au doigt de sa fiancée et dont il ne sait à la place pas vraiment quoi faire. L'émeraude qui y brille lui rappelle tout le mal qu'il s'était donné pour choisir ce bijou et cette pensée lui serre un peu plus le cœur, avant de confier à Gabrielle sa principale crainte en tant que père. Que se passera-t-il si Halston décide de partir avec leur fils, et quels seront exactement ses droits ? Il espère par-dessus tout que les choses n'en arriveront pas là mais il n'a aucune garantie, si ce n'est celle que le plus dur n'est pas forcément derrière lui. « J’ignore à quel point tu as tes torts dans l’histoire, Eddie, et je sais que c’est difficile pour toi mais tu ne peux pas totalement en vouloir à Halston pour sa réaction. Elle a été blessée en voyant ces images et sur le coup de l’émotion, elle a réagi comme elle la fait et très certainement aussi l’a-t-elle fait pour se protéger. » Il ne doute pas du mal qu'il a pu faire à l'américaine comme de la colère qui teintant la plupart de ses mots ce soir-là, mais il aurait tendance à dire que la situation est difficile pour tout le monde si l'on considère que sa propre position est injuste. Lui aussi a été blessé par la parution de ce magazine et par cette relation que l'on a créée de toutes pièces sur son dos, mais il est aussi celui dont la posture est la plus délicate, en tant qu'homme rattrapé par des photos laissant assez peu de place au doute. « Je ne cherche pas à lui donner entièrement raison, entendons-nous bien et je ne néglige pas le fait que cette décision de rompre vos fiançailles est d’une violence sans pareille pour toi. Mais elle a sûrement besoin de temps avant d’accepter de t’écouter réellement et revenir possiblement sur ce qu’elle peut penser actuellement de toi et de vous par extension… » S'il soupire à nouveau, ce n'est pas contre Gabrielle mais bien contre lui-même. Son amie ne perd pas son objectivité en ce qui le concerne, elle se met avant tout à la place d'Halston et c'est sans doute la façon la plus juste d'aborder cette histoire, en ne laissant pas son affection pour lui influencer le reste. Eddie l'entend et l'accepte, loin de reprocher à Gabrielle de ne pas se ranger automatiquement de son côté car ce n'est pas ce qu'il demande, pour une fois que quelqu'un semble disposé à l'écouter au lieu de sauter sur la première occasion de le blâmer. « Je lui en veux pas de se sentir blessée tu sais, j'ose pas imaginer comment elle a pu se sentir et elle méritait pas ça, je suis le premier à le dire. » Pas après un divorce ô combien difficile, cet affront aussi peu volontaire soit-il s'avérant de trop pour celle qui a déjà eu son lot. « C'est surtout ses mots que j'ai du mal à accepter parce qu'elle a directement douté, comme si la presse n'avait pas tendance à exagérer les choses et à présenter des relations qui n'en sont pas. Elle bosse dans un milieu où c'est connu pourtant, mais elle a préféré les croire eux plutôt que moi. » Après une brève discussion avec Diana par message, il a d'ailleurs su qu'Halston doutait déjà de lui avant cet épisode et ce n'est pas une chose que l'on aime apprendre, comme on le devine. S'il met cela sur le compte d'une différence d'âge qui alimente certaines insécurités chez l'américaine, Eddie n'estime pas lui avoir déjà donné des raisons de ne pas avoir confiance en lui. « Et je prétends pas être blanc comme neige en te disant ça, je sais que j'ai pas eu la bonne réaction ce jour-là mais on me fait passer pour ce que je suis pas Gaby, et je déteste ça. » Il n'est pas l'infidèle que l'on pointe du doigt et en refusera toujours le titre, aussi déterminées soient certaines personnes à lui coller cette étiquette qui n'est pas digne de lui.

Les faits, eux, tendent peut-être à le prouver sous certains aspects mais il aurait des choses à dire, Eddie, sur la notion de consentement que l'on ne mettrait certainement pas de côté si les rôles avaient été inversés. « Maintenant, dis-moi ce qu’il s’est passé à Paris… avec cette fille. » Il trempe ses lèvres dans son verre par réflexe, comme pour y trouver la force de rentrer dans le vif du sujet car en y réfléchissant bien, c'est la première fois depuis sa confrontation avec Halston qu'il doit mettre des mots sur tout ça, en exposant les choses telles qu'elles se sont passées. Il n'embellira rien, pas plus qu'il ne passera sous silence certains détails, considérant que Gabrielle doit tout entendre pour pouvoir jauger l'histoire dans son ensemble. « Je m'y suis rendu pour la Fashion Week, toute première fois d'ailleurs que je mettais les pieds à Paris. C'était mon premier événement du genre alors j'ai sympathisé avec cette fille qui était mannequin pour Weatherton elle aussi et qui connaissait bien ce milieu, l'idée c'était juste de me laisser aiguiller pour pas perdre le fil entre deux défilés. » Et puisque James semblait lui-même beaucoup estimer Ruby, il n'avait aucune raison de s'en méfier ni même d'imaginer qu'elle se ferait par la suite certaines idées. « J'avais rien d'autre en tête, vraiment. Elle était cool, on s'entendait bien et comme on avait à peu près le même âge, elle paraissait accessible tu vois ? À aucun moment j'aurais pu imaginer qu'elle tenterait quelque chose, j'ai même pas compris que je lui plaisais parce qu'on parlait surtout boulot entre nous – bon, j'ai peut-être proposé de lui donner un cours de danse, mais c'est aussi mon travail après tout. » Avec le recul, Eddie a peut-être bien commis une erreur en suggérant qu'elle devienne son élève mais il n'avait là encore aucune autre intention que celle de la faire progresser, bien plus professionnel que le contraire n'a finalement été vrai. Une collègue, c'est tout ce que Ruby a été pour lui, aussi agréable était-elle à regarder car ce fait, il ne l'a jamais tellement démenti. « C'était un séjour sans histoire jusqu'à ce déjeuner qu'on a tous fait ensemble, quelques jours avant de rentrer. Tout le monde avait bu mais c'était pas extrême, à ce moment-là Ruby s'est peut-être un peu rapprochée mais j'ai pas tout de suite réalisé, c'est après coup qu'on se refait le film de la journée. » Et que l'on comprend que la proximité instaurée par Ruby n'était peut-être pas très normale, au même titre que ce regard qu'elle pouvait poser sur lui. Eddie aurait aimé que l'histoire s'arrête là mais il ne peut pas considérer que la suite n'a pas existé, des détails qu'il se serait évidemment bien passé de donner mais qui ont leur importance, quoi qu'il en dise. « Elle a attendu qu'on soit dehors et que le reste de l'équipe se disperse pour ajuster mon écharpe, et c'est là qu'elle m'a embrassé. Non seulement je l'ai pas vue venir, mais j'ai pas non plus été foutu de réagir Gaby, c'est ça mon plus grand tort je crois. » La majeure partie de sa culpabilité vient de cette absence de réaction qui ne lui ressemble pas, et qu'il n'est d'ailleurs toujours pas capable d'expliquer aujourd'hui. « Je saurais pas te dire combien de temps ça a duré ni même si ça m'a déplu en vérité, je me souviens juste que j'étais plus trop capable de réfléchir entre l'alcool, le froid et la fatigue du décalage horaire, et je me doutais encore moins qu'on nous avait pris en photo. J'ai pas l'air de désapprouver ce baiser dans l'article puisque j'ai pas bougé, et ça me frustre tellement si tu savais. » Il baisse aussitôt la tête pour joindre ses deux mains sur ses genoux, son verre entre temps reposé pour ne pas être tenté de le vider trop vite. S'il voudrait s'assurer que Gabrielle n'est pas trop déçue de lui, il se garde bien de croiser son regard tandis qu'il ajoute, dans un énième soupir : « Je m'en veux d'être resté immobile au lieu de juste la repousser, c'est pas ce qu'un mec fraichement fiancé est censé faire quand on l'embrasse contre son gré, pas vrai ? » Ignorer Ruby au lieu d'en discuter avec elle n'était peut-être pas non plus la meilleure chose à faire ensuite, mais Eddie préfère encore ne pas recroiser celle dont l'initiative a semé une zizanie monstrueuse dans sa vie. Qu'elle reste loin de lui, tant qu'il pourra l'éviter du moins.