BRISBANE STATE HIGH SCHOOL, 1982.

Ce soir avait lieu le bal de promo. Toutes les traditions avaient été noblement respectées : les invitations en grandes pompes à la personne que nous souhaitions emmener au bal, les tenues accordées entre les couples, les photographies prises à l'entrée du gymnase décoré de manière aussi excentrique que possible pour l'occasion. Les élections pour nominer le roi et la reine du bal - nos loups alphas - auraient lieu d'ici deux heures et le dj s'y mettait à coeur joie pour attirer les lycéens sur la piste de danse. Certains d'entre eux, bien évidemment les loups solitaires, corsaient le punch à pas de loup dès qu'un professeur désigné chaperon était occupé ailleurs - certainement pas des vieux loups de mer qui ont eu l'habitude de surfer sur les vagues festives, ceux-là. Des événements peu catholiques survenaient dans les toilettes ou vestiaires, sans compter les after-party prévus qui annonçaient un essor dans l'utilisation des préservatifs dans la population juvénile de ce quartier de Brisbane, quitte à se jeter dans la gueule du loup d'une éventuelle parentalité. Vraiment, tout de plus banal. Un gang de louveteaux ne demandant qu'à arpenter la forêt à leur manière.

J'arborais un costume sobre pour l'occasion, un véritable loup commun. Tout de noir vêtu, je me croyais presque comme Johnny Cash - seule ma chemise de la même couleur que la robe de ma petite amie ajoutait une touche de couleur. Celle-ci avait à son poignée une fleur que je lui avais achetée et après avoir ému nos parents, nous nous étions installés à une table avec nos amis, notre meute de loups depuis le secondaire. Johnny avait fait le plein de chips, de quoi couper toute faim de loup. "Tu es resplendissante, ce soir, Greta," j'annonçais à la blonde que je retrouvais au niveau du buffet. "Ahou !" J'imitais le loup pour valoriser sa beauté. "Tu vises la couronne ?" J'insinuais avec un sourire complice. "Quels sont tes projets pour après le lycée ? Tu as postulé dans des universités ? J'espère intégrer l'équipe des Loups de Sidney, moi." Je la questionnais, quand bien même ce sujet devrait être tabou en temps de fête. Néanmoins, j'ignorais trop quoi dire de plus à Greta, maintenant que nos points communs étaient plutôt moindres avec le terme de notre scolarité. Si ce n'était : "J'ai entendu dire qu'il y aura une surprise bientôt. Dès que la pleine lune sera au plus haut dans le ciel."  

@Greta Moore

"Tu es resplendissante, ce soir, Greta," En guise de réponse et parce qu’elle ne faisait jamais dans la demie mesure, Greta avait fait un tour sur elle même pour qu’il puisse profiter de tous les détails de sa robe. Elle avait mis un temps fou à la choisir, lui avait indiqué la couleur pour qu’il puisse s’assortir à elle et elle devait avouer que Kai avait mis les petits plats dans les grands. "Ahou !" Et voir Kai imiter le loup l’avait fait rire à gorge déployée. "Tu vises la couronne ?" Sa fausse modestie allait être trop criante, tout le monde savait que Greta plus que quiconque rêvait de la couronne, c’était le rêve de beaucoup de filles et elle ne dérogeait pas à la règle. « Seulement si tu es mon roi, mon loup. » Elle adorait voir son front se plisser lorsqu’elle lui donnait des surnoms ridicules, elle adorait le taquiner, elle adorait chaque moment à ses côtés. Mais très vite, la légèreté avait été remplacée par des discussions bien moins réjouissantes pour elle qui craignait de devenir une louve solitaire après le lycée. "Quels sont tes projets pour après le lycée ? Tu as postulé dans des universités ? J'espère intégrer l'équipe des Loups de Sidney, moi." Elle avait passé une main dans ses cheveux, embarrassée par la question parce qu’elle n’avait pas encore reçu de réponse d’aucune des facultés qu’elle visait. Elle était stressée et cela était clairement visible mais elle avait tenté de le cacher. « Les loups de Sidney, rien que ça ! Je pourrais t’accompagner, être une de vos louves, une cheerleader » Elle avait d’autres préoccupations que son avenir, elle souhaitait profiter de chaque instant avec lui car ils étaient si précieux à ce moment là. "J'ai entendu dire qu'il y aura une surprise bientôt. Dès que la pleine lune sera au plus haut dans le ciel." Greta avait arqué un sourcil avant de passer ses bras autour de son cou. « Ah oui ? Quelle genre de surprise tu me réserves, Kai ? » avait-elle répondu, d’humeur taquine. « Et si j'avais envie de la voir de suite, cette pleine lune ? » avait-elle continué en avalant son verre de punch que leur meilleur ami avait agrémenté d’une bonne dose de lone wolf. Elle attendait, plantée la, déjà désireuse de s’éclipser avec Kai, inconsciente de ce que la surprise signifiait.

Appuyer contre les casiers, en attendant que Seth trouve ce qu’il était soi-disant venu chercher, Arthur observait la scène qui se déroulait sous ses yeux. C’était pathétique. Une drague d’enfant de trois ans, mais cela l’amusait hautement. Il n’avait jamais apprécié Kai, rivalité sportive et probablement aussi sur le terrain des filles. Il aimait, donc, pas spécialement que ce dernier se la joue lover boy avec Greta. Il avait le teint aussi pâle qu’un vampire, franchement, il ne lui manquait que les canines pour compléter le look. Il devait bien avoir quelques chauves-souris dans le placard qui lui servait de cerveau pour hurler à la mort à la vue d’une jolie fille. Arthur lui ferait bien sa fête sous la lune. Il se rêvait d’avancer jusqu’à eux pour planter un pieu dans le torse Kai. Un peu trop extrême. Le pendre avec un chapelet, il y’en avait tout un tas dans leur lycée ultra catholique. Non trop religieux. L’étouffer avec une gousse d’ail, cela pourrait s’avérer plutôt fun. S’il poussait ses pulsions nerveuses jusqu’au bout, Arthur se voyait bien le mordre jusqu’au sang. Mais ça, ce n’était que les nombreux films d’horreur vu ses derniers jours, qui parlaient pour lui. En attendant, il fulminait dans son coin. « Si toi t’as l’air du comte Dracula du pauvre avec ta vieille veste pourrie. » Il poussa Seth pour lui montrer la scène. « Lui, on dirait Edward Cullen. Manquerait plus qu’il brille au soleil le con. » Et puis Greta qui papillonnait des yeux devant lui. C’est donc ça qui attirait les nanas maintenant, un gars aux allures vampiriques ? Tout cela avait le don de lui taper sur les nerfs. Il ne savait même pas où était passer la nana qui l’accompagnait, parti auprès de ses copines à probablement chercher un moyen de capter son reflet dans le miroir. Fermant le casier de son pote d’un coup de coude, il se redressa et passa devant le petit couple pour rejoindre le gymnase. « Tu feras gaffe G, il est connu pour laisser des traces de morsures celui-là. » Et il effleura la nuque de la blonde du doigt, laissant sous-entendre que Kai allait la sucer jusqu’au sang et y apposer un joli suçon. Il eut un rire avant de filer vers sa bande de copains.

faites pas attention à moi, j'fais que passer

Greta était splendide ; si nous devions la comparer au firmament, elle ne serait pas une simple étoile comme les autres filles, non, elle serait la pleine lune, impériale, sublime, irradiante. Je reconnaissais avoir énormément de chance de l'avoir autour de mon bras, qu'elle me dédie tous ces surnoms affectueux allant du loup au poussin. L'adolescente avait tous les droits avec moi, comme je lui laissais choisir nos tenues à chaque occasion : pour Halloween, elle avait été le petit chaperon rouge et moi le grand méchant loup, pour la soirée ayant pour thème le cinéma j'avais été le loup de Wall Street et elle Naomie Belfort, pour mardi gras j'avais été le lyncanthrope Oz et elle la rouquine Willow. Nous étions toujours parfaitement ajustés, nous allions parfaitement ensemble, ce qui pouvait bien entendu attiser la jalousie de quelques louveteaux aux hormones en pleine effervescence et à la maturité amputée.

Je priais que notre idylle se poursuive après le lycée, que notre amour connaisse des centaines et des centaines de pleines lunes. « Les loups de Sidney, rien que ça ! Je pourrais t’accompagner, être une de vos louves, une cheerleader » Je souris largement et déposais un délicat baiser sur la joue de porcelaine de mon amoureuse. « Tu seras ma louve blanche. » J'annonçais. « Que nous soyons dans la même meute universitaire ou pas, » je promettais. Notre amour était plus fort que la distance, à mes yeux - je n'étais pas un vieux loup de mer qui surfait sur la vague des relations, mais mon instinct me le susurrait. J'expliquais à Greta cette surprise qui surviendra quand la pleine lune sera au plus haut dans le ciel et avant même que je ne puisse répondre à l'interrogation de ma louve, un lycéen vient nous interrompre. « Et mes griffes acérées ne manqueront pas de caresser ton dos, ma chérie, » je complétais avec un sourire fier. Conetry était parti aussi vite qu'il était apparu : à pas de loup. J'entremêlais mes doigts, pour l'instant dénués de griffes acérées, autour de ceux de Greta et l'attirait à l'extérieur du gymnase.

« Allons voir cette pleine lune, » je déclarais. Je la conduisais jusqu'au gradins ; sous ceux-ci, nous serons à l'abri du vent nous menaçant d'un froid de loup. « La pleine lune n'est pas tout à fait au plus haut, mais on va faire comme si... » Je soumettais, amusé. Je glissais une main de la poche de mon pantalon et en sortais un écrin gris comme le loup commun. A l'intérieur se trouvait un collier duquel pendait une pierre de pleine lune. Je laissais Greta l'ouvrir avant d'expliquer : « C'est une pierre de pleine lune, pour les loups que nous sommes. » Je souris tendrement. « La pierre de pleine lune est connue pour être un porte bonheur, une pierre d'amour. »

Greta se rêvait femelle alpha du lycée, avec une couronne posée sur ses cheveux blancs. C’était un rêve qu’elle faisait souvent mais il était encore plus clair lors des soirs de pleine lune. Dès qu’elle pensait à cette réussite, elle pouvait sentir les poils de ses bras se hérisser mais elle savait également que gagner la couronne signifiait se jeter dans la gueule du loup : les jalousies iraient bon train, à l’image de celle qui brillait dans les yeux de Coventry qu’elle pouvait déjà voir l’observer tel une bête à poils dans un coin du gymnase accueillant le bal. « Tu seras ma louve blanche. » Mais Kai, un loup solitaire qu’elle avait réussi à apprivoiser, savait comment chasser l’ensemble de ses doutes. « Que nous soyons dans la même meute universitaire ou pas, » « Et dire que tu te rêvais loup solitaire… Je suis ravie que tu aies changé d’avis, j’avais peur de t’annoncer que je souhaitais te suivre dans cette école. Le loup pour emblème, ça me plait, tu sais ? » Le loup était après tout l’un de ses animaux préférés, pour son anniversaire, elle avait d'ailleurs visité une réserve qui accueillait divers spécimens de loups tous plus beaux les uns que les autres. « Et mes griffes acérées ne manqueront pas de caresser ton dos, ma chérie, » Au même moment, ce n’était pas les griffes acérés de son petit-ami qu’elle avait senti dans son dos mais bien les doigts d’Arthur dans sa nuque et elle lui avait lancé un regard noir. Pourquoi était-il mesquin au point de venir déranger deux loups en plein rituel nuptial ? « Allons voir cette pleine lune, » Sans hésitation, elle avait suivi Kai sous les jolis rayons grisés de la pleine lune. Agile et futé, Greta s’était engouffré sous les gradins avec facilité. « La pleine lune n'est pas tout à fait au plus haut, mais on va faire comme si... » Et elle l’avait regardé mettre sa main poilue comme celle d’une bête dans le fond de sa poche et elle se demandait ce qu’il allait en sortir. Une bouteille de lone wolf ? La poche était trop petite. Une canine de loup ? Une photo de l’équipe des loups de Sidney ? Et au moment où elle s’y attendait le moins, il avait sorti un écran et son coeur avait raté un battement. « C'est une pierre de pleine lune, pour les loups que nous sommes. » Son regard avait croisé le sien et elle le regardait presque comme elle regardait le businessman Toto Wolff qui avait fait fortune dans le sport automobile et qui ne la laissait pas de marbre. « La pierre de pleine lune est connue pour être un porte bonheur, une pierre d'amour. » Et en un instant, elle était sûre qu’elle ne souhaitait partager ses soirs de pleine lune avec personne d’autre que lui. « Kai… Ce collier est magnifique, tu sais que la pleine lune est ce qui nous a toujours lié… » Passionnés d’astrologie, ces deux-là s’extasiait toujours ensemble lorsque la lune était pleine. Avançant à pas de loup vers son amoureux, elle lui avait accordé un baiser avant de voir une ombre passer rapidement au-dessus des gradins. Le pas était lourd, différent des pas de loup de Greta et Kai pour venir ici en toute discrétion. « Kai… Il avait un masque de loup-garou et un couteau… » Et en un instant, la peur avait pris le dessus sur les sentiments amoureux.

Si j'étais connu de tous, un véritable loup blanc au sein du lycée, je m'étais longtemps plu à me cataloguer de loup solitaire. A mes yeux, je n'avais besoin de personne, et si c'était encore le cas, je réalisais désormais à quel point cela était plaisant de faire partie d'une meute de pairs, d'une meute de loups, en particulier lorsque j'avais ma louve à mes côtés. Effectivement, auprès de Greta, je nourrissais de grandes ambitions : une fois le secondaire validé, nous pourrions nous rendre à Sidney où je jouerais pour l'équipe des loups. Je l'imaginais déjà, dans son habit de cheerleaders, un large loup d'or brodé sur son buste. Puis, une fois tous deux diplômés de l'université et entrés dans la vie active, nous pourrions envisager d'avoir nos propres louveteaux. J'avais toujours souhaité être père et Greta ferait une excellente maman loup, à n'en point douter.

Je déposais un baiser délicat sur la joue de porcelaine de ma petite amie que je surnommais louve blanche. Si nous adorions tous les deux les loups, nous n'étions pas pour autant bestiaux. Si nous étions des lycanthropes, notre condition humaine primait sur la condition lupine. « Il me tarde de commencer ce nouveau chapitre de vie avec toi, ma louve chérie. » Et rien ne pouvait entacher ce tableau amoureux, pas même ce lycéen qui venait vous indisposer à pas de loup. La jalousie et les provocations de la part d'autrui m'étaient connues, j'étais un vieux loup de mer sur ces mers toxiques, tant que maintenant, je n'en faisais que fi, immunisé. Au contraire, je rebondissais en posant ma main dans le dos de Greta, comme un loup apposerait sa patte velue et ferme sur sa proie adorée.

Je guidais Greta sous la pleine lune. Agiles, nous nous faufilions sous les gradins, les divers obstacles comme l'obscurité ne nous causaient aucun problème : nos sens surdéveloppés comme ceux des lycanthropes. Je reniflais, tel le loup se délecte de l'odeur de l'agneau qu'il va croquer, le parfum délicat de Greta et sortais un écrin de la poche de mon pantalon d'une couleur rappelant le gris du loup commun. Je souhaitais offrir à ma dulcinée un cadeau qui représentait notre histoire, en bon romantique. Ainsi, une pierre de pleine lune était accrochée au collier reposant dans cet écrin, symbole de porte-bonheur, d'amour, mais aussi de notre passion commune pour l'astrologie et les loups. Je ne comptais plus les nuits que nous avions passées à la belle étoile, éclairés par la peine lune et les constellations. A chaque fête foraine où je me rendais, je m'évertuais à gagner un loup en peluche pour l'offrir à ma petite amie. A chaque voyage, je lui ramenais une petite figurine de louveteau. J'envisageais également de me faire tatouer une patte de loup, avec son initiale sur le bras, mais ma minorité me l'interdisait pour le moment.

« Kai… Ce collier est magnifique, tu sais que la pleine lune est ce qui nous a toujours lié… » J'acquiesçais, fier de satisfaire la Moore. Greta avançait à pas de loup et déposait un baiser sur mes lèvres fines, que je me plaisais à prolonger. Ma main se pressa sur sa hanche ; mes griffes acérées pourraient presque se faire sentir à travers l'étoffe de sa robe de bal. Puis, une nouvelle interruption vient stopper nos embrassades. « Kai… Il avait un masque de loup-garou et un couteau… » Je fronçais les sourcils, excédé. « C'est qui encore ce guignole qui se prend pour un loup-garou. » Je pestais, la pleine lune en témoin. « Ne t'en fais pas ma louve, je te protégerai. Ce n'est pas un loup-garou de pacotille et sans aucune imagination qui ruinera notre nuit ! » Je promettais. Puis, comme pour faire peur à ce charlatan, je hurlais à la lune. « Ahouuuu ! Ici le gros méchant loup ! Montre-toi, petit loup ! Si tu oses... » Je ricanais avant de saisir la main de Greta et l'entraîner vers les vestiaires extérieurs. J'attrapais un extincteur en guise d'arme. « Toi qui voit aussi bien que le loup-garou dans le noir, le repères-tu ? » Je lui soufflais, prêt à mousser ce loup de pacotille.  

« Il me tarde de commencer ce nouveau chapitre de vie avec toi, ma louve chérie. » Elle adorait la façon qu’il avait de la surnommer sa louve. Cela pouvait paraître cliché, voir même un tantinet ridicule pour les personnes extérieures mais cela prenait tout son sens pour ces amoureux de ces animaux incompris qu’étaient les loups. Sous la pleine lune, l’air lupin de Kai était encore plus visible et elle retombait un peu plus amoureuse, imaginant son avenir avec lui. Pourtant, ils avaient été dérangés dans ce moment intimiste qu’ils s’étaient accordés loin du bal et de ce groupe qui avait été engagé et dont la voix du chanteur était pareille à des cris de louveteau égaré. « Ne t'en fais pas ma louve, je te protégerai. Ce n'est pas un loup-garou de pacotille et sans aucune imagination qui ruinera notre nuit ! » Fier et fort, elle ne doutait pas d’être en sécurité avec lui, pourtant, le couteau que brandissait ce personnage la terrorisait. Elle en était convaincue, il y avait un loup quelque part. « Ahouuuu ! Ici le gros méchant loup ! Montre-toi, petit loup ! Si tu oses... » Kai avait ce côté rieur mais à se comporter ainsi, il risquait justement d’attirer l’attention de celui qui portait le masque de loup-garou alors que la blonde se réjouissait qu’il ne les ait pas vus. « Toi qui voit aussi bien que le loup-garou dans le noir, le repères-tu ? » Comme si elle aurait apposé un loup devant son visage, un masque pour se dissimuler, Greta était venue remonter son châle assorti à sa robe sur ses cheveux blonds. Elle avançait à pas de loup et ses poils se hérissaient sur ses bras alors que la terreur aurait eu vite fait de la faire hurler à la pleine lune. Une pleine lune qui les avait fait tant s’aimer et qui aujourd’hui, leur amenait toutes les peines du monde. Suivant les empreintes de l’animal, Greta était arrivée sous des seconds gradins et telle la louve qu’elle était, avait hurlé. Clark et Stacy gisaient là, comme lacérés par les griffes d’une bête à poil.  « Mais quelle horreur, c’est celui avec son masque de loup-garou… » avait-elle commencé entre deux sanglots. « Il les a tués comme l’aurait fait un loup dans une bergerie ! » criait-elle, au risque d’attirer le tueur vers elle. La blonde n’avait jamais été du genre à crier au loup alors Kai pouvait rester assuré que ses cris de détresse était légitime. Un tueur au masque sordide de loup sévissait et cela devait être une pique dirigée vers elle et Kai, ils seraient les prochains. Et sans plus attendre, elle avait pris ses jambes à son cou.

Adolescent de dix-sept ans, jeune loup qui se croit invulnérable et au-dessus de tous, je ne me privais pas de provoquer l'homme au masque de loup. Je hurlais à la pleine lune, beuglais comme le loup bêta qui somme impunément son alpha au combat. Cependant, l'ennemi déguisé en loup-garou ne pointait pas le bout de son museau sombre et bientôt, je sollicitais le pouvoir visuel surnaturel appartenant aux lycanthrope de la vue pour repérer les traces de ce malotru.

A pas de loups, Greta et moi bravions le froid de loup qui sévissait sur le stadium. Les empreintes du loup nous guidèrent jusque sous les gradins et bientôt, j'entendais Greta hurler de désarroi à l'astre lunaire. Ses cris me donnaient froid dans le dos et je sortais toutes mes défenses : griffes acérées, regards perçants, crocs dignes du loup solitaire nommé Croc-Blanc. Ma petite amie n'était pas du genre à crier au loup alors je savais qu'il y avait un réel danger. De plus, il était inconcevable que la femme à qui je venais d'offrir un collier avec une pierre de pleine lune me soit arrachée. Le coeur brisé, mon sort ne serait que de devenir loup solitaire, quand nous avions pourtant décidé de fonder une famille, une meute de louveteaux à tous les deux. « Mais quelle horreur, c’est celui avec son masque de loup-garou… » L'homme au masque de loup-garou avait en effet frappé. « Il les a tués comme l’aurait fait un loup dans une bergerie ! » Et peut-être que nous nous jetions présentement dans la gueule du loup en suivant ainsi ses traces. « Fuis, ma louve. Sors de ce guêt-apens, nous nous sommes précipités dans la gueule du loup ! » Greta prenait ses jambes à son cou, comme la louve qui fuit le danger la queue entre ses pattes. Je me penchais vers les dépouilles de Clark et Stacey, leur sang encore fumant, à la recherche d'un pouls. Cependant, lorsque j'entendais un cri ressemblant à l'animal qui beugle sa faim de loup, je décidais d'abandonner les deux camarades de classe, camarades de meute lupine, pour rejoindre Greta bien loin de ce lycée. Nous avions une destinée parmi les Loups de Sidney, il était inacceptable que nous terminions en objets de vengeance pour ce marginal loup-garou déguisé.